
Jfaac remonta fur le trône, où il ne fît que pa-
roitre. Alexis lui fuccéda, 8c ne fut pas plutôt empereur
, qu'il fut ingrat envers ceux qui lui avoient
donné l’empire. y
Les Grecs , mécontens des François qui avoient ,
lavage leur ville , & par conféquent d’Alexis qui
le s a voit amenés, fe révoltèrent contré lui. Un
homme de néant, nommé Alexis Ducas , furnom.-
mé Murtzulphe, créature du jeune empereur &
ingrat comme lui* fe mit à la tête des rebelles ,
ht. mourir Alexis , fe fit déclarer fon fuceeffeur „
& , pour complaire aux Grecs, déclara la guerre
aux François, qui étoient alors enGrece. Les Croi-
fés affiégcrent line fécondé fois Conftantinople,
qui fut prifed’aflaHt. On prit aufli Murtzulphe qui
tâchoit de s’enfuir, & on lui fit fubir le dernier
fùpplice..
Les Croifés déclarèrent empereur Baudouin ,
comte de Flandre* L’empire qu’ils venoient de
conquérir fut nommé empire des. Latins , & ne dura
que cinquante-huit ans. Ils oublièrent tout-à-fait
îa Terre-Sainte , pour ne s’occuper que du partage
des provinces de ce nouvel empire. Les Vénitiens
prirent pour eux les iftes de l’Archipel &
tout le Péloponèfe ,. l’ifle de Candie & quelques
villes des cotes de Phrygie. Le marquis de Mont-
ferrat s’attribua le royaume de Theffalie ; le comte
de Blois prit la Bith-ynie; l’ifie de Négrepont fut
le partage du lire d’Avefne ; la Roche, genril-
Èomme Bourguignon, fonda en Grèce le duché-
d’Athènes & la feigneurie de Thèbes; Guillaume
de Champelite , feigneur Champenois , conquit la
principauté d’Achaïe , qu’il xaifta en mourant à
Geoffrpi de Ville-Hardouin. Le refie compofa le
domaine de l’Empire.,
Cette expédition fut fui vie vers 1238 « d’une
Croifade particulière de quelques feigneurs françois,
à la tête defquels étoient Thibaut, comte de Champagne
, & Amauri dé Montfort ,. connétable de
France. L’armée de ces Croifés étoit affez considérable
, mais elle manquoit de difeipline ; les chefs
avoient du courage, mais ils étoient fans art. Les
infidèles* affoiblis. par leurs propres diflenfions,
étoient encore menacés par une multitude de Tar-
tares qui ravageoient l’Afie. La conjoncture étoit
favorable, mais on ne fi.it pas en profiter. L’armée
des Croifés fin battue près de Gaza „Robert de Cour-
tenai, & Jean de Dreux., comte de Mâcon , Henry-,
comte de Bar, & Anfeau de Trainei, y périrent.
Ce qui refia fut incapable de rien entreprendre..
Jean de Brienne fit dans ce temps plufieurs efforts,
pour affermir fur la tête de Baudouin la couronne
chancelante de l’Empire d’Orient.Les fuccès
du jeune prince , aidé des François, ne fervirent
qu’à reculer; l’inftantde la chute de cet Empire*.
Cinquième. Croifade. fous Saint - Louis, 124$%
Le. feint monarque, avoit fait. voeu. d’aller en Paîefiïne.
Les remontrances de fa mère & de qnefques.
feigneurs, les divifions du clergé & delanoblefle*
le mari vais état de fes finances, rien ne put le détourner
de fon deffein. On fe croifa encore à l’envi®.
Les trois princes , Robert, Alfonfe & Charles ,,
frères du roi, Pierre , comte de Bretagne, & Jean.-
fon fils, Hugues, duc de Bourgogne, Guillaume
de Dampierre, comte de Flandres., le comte de:
Saint-Paul,. Gaucher de Châtillon, Hugues de Lu-
fignan , comte delà Marche , 8c Hugues le Brun ,
fon fils aîné, les comtes de Bar, de Dreux, de
Soifions , de Rhétel ,• de Montfort & de Vendôme,,
le lire de Beaujeu , connétable , Jean de Beaumont*
grand chambeîîan.Philippe de Courtenay, Archam-
baud de Bourbon, Raoul de C ou cy , Gaubert d’A -
premont & fes frères , Jean ,. fire de Joinville *
Gaultier d eC u re i, Gilles de Mail-lÿ, Robert de
Béthune, Jean des Barres, Hugues de Noailles*
étoient du .nombre des Croifés..Le roi fit de riches
dons aux monaftères , les feigneurs imitèrent fora
exemple , & ils allèrent tous s’embarquer à Aigues-
Mortes ,. après avoir communie.
On débarqua en Chypre , où Fbn féjourna long*i
temps , & où il fut réfbhi qu’on iroit en Egypte*
& que l’on commenceroit par le fiège de Damiette *
conquife autrefois par Jean de Brienne. On s’embarqua,
la flotte devint le jouet des vents, 8c de deux:
mille huit cents chevaliers, il n’en refia plus quer
fept cents® Guillaume de Ville - Hardouin, prince
d’A chaïe, & le duc de Bourgogne, vinrent pour-
réparer cette perte. On reprend courage, on f e
remet en mer , & la flotte arrive heureufement à la*
vue de Damiette. Le foudan d’Egypte accourt par-
mer & par terre pour défendre une place qui faife
tout fon efpoir* mais il s’oppofe en vain à la d e s cente
des chrétiens. Il eft vaincu, fon armée de.-
mer a le même fort, la prife de Damiette eft 1er
fruit de deux victoires remportées en un jour. Dans.
Tâtonnement où ces fuccès avoient jetté les infidèles
, les Croifés euffent pu conquérir toute l’Egypte
prefque fans combattre. Ils relièrent dans;
Finaétion ; l’ennemi eut le temps de rallier fes forces*
8c de fe préparer à de nouveaux combats..
Cependant les chrétiens font irréfolus fur c e
qu’ils doivent faire. Le comte d’Artois fit décider-
! qu’on marcheroit au Caire,. capitale, de l’Egypte *,
parce que qui voulait occire le fe r v en til lui devoit:
; premier écrafer la tête..Oa remonta le long du Nil*
la flotte chargée de provifions , côtoyant Parmée..
On penfa échouer au paffage duThanis.ou. Tha—
néis *que lès Egyptiens défendirent avec courage*.
On remportoit plufieurs victoires-,, mais.ces vie*
toiresaffoibliffoientl’armée, &.on alloit retourner*
lorsqu’un bédouin enfeigna un gué où l’armée paffa*
ayant 'à fa tête le comte d’A r to is d o n t l’ardeur.
; ne put être modérée par- les remontrances des c&-
: pitaines les plus feges. L’intrépidité françoife conf-
: terne les, Sarrazins rangés fiir l’autre bord * tout
fuit à l’approche du prince indocile qui s’emporté:
à la pourfuite des infidèles, force leur camp &
les fuit jufques dans la Maffoure, dont il trouve les
portes ouvertes. L’ennemi s’appercevant enfin qu’il
fuit devant une poignée de monde, fe rallie fous
la conduite d’un foidat de fortune, nommé Bon-
doedar, & charge à fon tour ces téméraires guerriers.
En vain ils veulent fe défendre, la valeur eft
forcée de céder au nombre. Le comte d’Artois paie
de fa vie fon imprudence 8c fes exploits ; le comte
de Salisbéry, Raoul de Coucy , Robert de V e r ,
tombent percés de coups. Deux cents quatre-vingt
templiers meurent en combattant comme eux.
Bientôt 1 armée entière vient à leur fecours, on
combat par - tout avec un courage dont le roi
don ne l’exemple. Par-tout on montre une réfiftance
qui force enfin les infidèles à fe retirer.
On aime à entendre le fire de Joinville raconter
cette journée: « Quand nous eftions , d it - il,
» retournés de courir après ces vilains, le bon
» comté de Solfions fe railloit avec moi, 8c me
» difoit : Sénefchal, laijfons crier & braire cette que-
» -naille. Et par la crejfle dieu , ainfi qu’il juroit,, en-
» care parlerons-nous % vous & moi , de cette journée
*1 en chambre devant les dames ».
Avec quelle fimplieité touchante ce même fire
de Joinville peint la fituation fâcheufe où il fe trou-
voit avec fes chevaliers gardant des machines que
le roî leur avoit confiées?
« Ung foir advînt que les Turcs amenèrent ung
9* engin qu’ilzappelloient laperriere , ung terrible
» engin à mal faire : & le mifdrent vis-à-visdes
» chaz- chateilz., que meffire Gaultier de Curel &
» moi guettions de nuyt. Par lequel engin ils nous
* gettoient le feu grégois à planté, qui eft oit la
» plus orrible chofe que oneques jamès je veifte.
» Quant le bon chevalier meffire Gaultier , mon
*> compagnon, vit ce feu , il s’eferie & nous dift :
» Seigneurs , nous femmes perdu^ à jamais, fans nul
» remède ;, car s’ ils brujlent noschachateil^ , nous
» fommes ars& brujleç, & f i nous laijfons nos gardes
» nous fommes ahonietç, Pourquoy je conclus que nul
» ne f l qui de ce péril nous peu f l défendre , f i cenefl
» Dieu noflre benoifl créateur.. Si vous confélle à tous
» que foutes & quantes foi\ qu’il\ nous gêneront- le
» feu grégois, que ch-afcun de nous fe getts fur les
» coudes & à genouh[ : & crions tnercy d. noflre fei-
» gneur , en qui efl toute puijfance. Et tantouft que
» les Turcs getterent le premier coup de feu, nous
» nous mifines accoudez Si àgenoulz ,.ainfy que le
» preudoms nous avoit enfeigné..«
v Or avoit commandé le roi que, après que le
» conte d’Anjou , fon Frè re , y ayoit fait le guet le
» jour, nous autres, de ma compagnie, le feifions
» la: nuyt. Dont à- très-grant peine eftions , & à
” très-grant foulcy.,Car les Turcs avaient jabrifé
» & froifie nos tandeis & gardes. Advint que ces
w traiftres Turcs amenèrent devant nos gardes
». leurpemere.de jour, & alors faiioit la guette
» ledit conte d’Anjou. Et avoient tous -accouplez
» leurs engins , dont ils gettoient le feu grégois
» fur la chauffée du fleuve , vis-à-vis de nos tan-
» deis & gardes. Dont il advint que nul ne fe ou-
» zoit trouver , ne monftrer. Et furent nos deux
» chaz-chateilz en un moment confumez & brufe
» lez. Pour laquelle chofe ledit conte d’Anjou , qui
» les avoit à garder celui jour , en devint prefque
» hors du fens, & fe vouloit getter dedans le feu
» pour Teftaindre, &c. (1}
Les Sarrazins, croyant que les chrétiens avoient
perdu leur roi dans la perfonne du comte d’Artois,
réfolurent de les attaquer dans leur camp. Ils
furent iepouffés avec une perte ccnfidérable.
La famine & la pelle vinrent moiflonner les
Croijés, & le fer des Sarrazins acheva leur défaite. Le
roi fut fait prifonnier avec toute fon armée. Les
infidèles demandèrent pour fa rançon huit cents
mille befans (2 ) , & la reftitution de Damiette où
la reine étoit reftée. On convint d’une trêve de
dix ans , & ce ne fut qu’après mille dangers que
les chrétiens obtinrent enfin leur liberté oc retournèrent
en Paleftine. Le roi fit d'abord fortifier Jafa ,
autrefois Joppé. Le foudan de Damas en guerre avec
celui d’E gypte, négocia avec eux. Ils négocioient
de même avec les Egyptiens, & ils demeurèrent*
dît Joinville, mocqués de part & d’autre. Les Syriens
remportèrent plufieurs avantages, ils firent
rafer les fortifications naiffantes de Sidon , & égorgèrent
plus de deux mille chrétiens fans défenfev
Enfin les Croifés fignalèrent leur courage à Cézarée*
où ils terminèrent leurs exploits & leurs «malheurs*
Saint-Louis s’embarqua à Saint-Jean d’A crepour
repafier dans, fbn royaume, & après une navigation
dangereufe , il aborda auxifles d’Hières*
Sixième Croifade fous Saint-Louis , 1-26gt.
Après tant de revers ©n ne s'attend©!t pas que
Saint-Louis dut fe croifer encore. Son zèle Télé—
voit au-dèffus des difficultés- j il en fut la viâime
& Ton peut croire qu’il s’attendoit à l’ê tre, pou-rr
augmenter le nombre des glorieux martyrs, delai
foi de Jefes-Clirift.
' Le fage 8c brave Sargines foutenoît encore Tes
débris chancelans- des états fondés par les premiers.
Croifés.. Mais il falloit peut-être une armée auflï.
puiffanfe , 8c fur-tout mieux difciplinée que là pre*-
mière , pour reprendre fes conquêtes & s’oppofer
au redoutable ennemi qui. faifoit trembler cette:
( 1,) Hiftoire de Saint - Louis par le lire da Joinville..
(.a) Le befan valoir 50 fous , & le feu d’alors valoib
fous & 7 ._11 deniers de notre monnoie 845. aâuellè;. AintS
SoOjDOO-befans faifoient une fomine de • plus da 33 millions^.
Au relie les Üjftoiiens ne s’accordent point, fus esttoe
fournie*-