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d’affaffins, ne connoiffoit pourtant ni la crainte
ni les foupçons, fe rendit aux alarmes de fes minières
& aux voeux de fes peuples; il confentit à
donner une attention plus particulière au choix
des fujets chargés de veiller à fa confervation, &
le comte de Praflin fut le premier capitaine des
gardes-du-corps.
En 1602 j il fut chargé, avec V i t r y , d’arrêter
dans le Louvre le maréchal de Biron & le comte
d ’Auvergne.
On peut voir à l’article B e l l e g a r d e le fer-
vice important que le comte de Praflin rendit à
ce duc, à la marquife de Verneuil, 8c fur-tout
à Henri IV , en le trompant & en lui défobéiffant,
pour le rappeller à la raifon & à la vertu , pour
le guérir de la jaloufie qui le troubloit & l’éga-
ro i t , & qui lui avoit arraché des ordres trop indignes
de fortir de la bouche de ce roi clément,
plus indignes d’être exécutés par.,, le généreux
Praflin.
Le comte de Praflin ne fervit pas moins bien
Louis XIII, & dans les combats & dans les affaires ;
pendant les troubles de cette minorité , il commanda
fous le duc de Guife en Champagne ; il
reçut un coup de moufquet à la cuiffe, au fiège
de Réihel. La mort du maréchal d’Ancre ayant
changé le gouvernement, Luynes, devenu dé-
pofitaire de l’autorité royale, fentit le befoin qu’il
avoit de s’attacher un homme tel que le comte
de Praflin : il détermina le roi à le faire maréchal
de France.
Les troubles continuèrent, le maréchal de Praflin
fournit la Normandie par des moyens doux 8c
pre fque fans effuflon de fang.
Il fervit aufli contre les Huguenots aux flèges
de Saint-Jean-d’A n g e ly , de Montauban, de Royan,
de Negrèpeliffe, de Montpellier.
Lorfque la paix vint arrêter le cours de fes exploits
, il alla faire du bien dans fon gouvernement
deTroyes.
Il mourut le 1 février 1623, à foixante - treize
ans.C
éfar de C h o is e u l , fon neveu, le plus célèbre
des trois maréchaux de cette maifon , avoit
fervi fous lui en qualité de volontaire , dans les
troubles civils & dans la guerre contre les Huguenots;
il étoit né à Paris le 12 février 1598. Le
duc de Vendôme, fon parrain, lui donna ce nom
de Céfar , parce que c’étoit le fien , & non, comme
le dit un auteur moderne, pour le faire fouvenir
qitil étoit né (tune race généreufe 6» guerrière , raifon
oratoire ou poétique, dont le nom de Chôifeul
ji’avoit pas befoin. Il fût élevé en qualité d’enfant
d’honneur auprès du Dauphin, qui fut depuis le
roi Louis XIII. Florence Rivaut, mathématicien
célèbre dans ce temps où les mathématiques étoient
encore au berceau, lui donna des principes , dont
Praflin étendit beaucoup l’ufage & l’application dans
trente-cinq flèges où il affifta, & qu’il dirigea
prefque tous»
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A quatorze ans il eut un régiment : la première
loi qu’il fe prefcrivit fut de marcher toujours à
pied à la tête de cette troupe dans tous les mou*
vemens qu’elle fit, foit en paix, foit en guerre,
foit dans le royaume, foit au dehors. Il regardoit les
permiflions accordées aux colonels , de vivre éloignés
de leurs régimens , comme des difpenfes
injurieufes de faire leur devoir.
Il paya le tribut aux préjugés de fon temps par
divers combats flnguliers , où il effaya fon courage
&* fon adreffe ; il fe battit dans le bois de
Boulogne contre l’abbé de Gondi, qui fut depuis
ce fameux cardinal de Retz.
Le comte de Praflin avoit été élevé avec le
connétable de Luynes, qui fut flatté de devenir
le bienfaiteur de celui qui avoit partagé les amu-
femens de fon enfance.
En 1627 , on l’envoya porter, du fecours
Thoiras, invefti par les Anglois dans l’ifle de Rhé,
La fièvre le retenoit au lit lorfqu’il reçut l’ordre
de partir ; il partit. Les vents contraires farrêtèrent
deux jours à l’ifle d’E ft, & fa maladie continuoit. Le
cardinal de Richelieu lui manda qu’il pouvoit revenir
à terre ; Praflin paffa , par une efpèce de
miracle , à travers la flotte angloife-, jufques dans
l’ifle de R h é , & il écrivit au cardinal : « Vous
» m’exhortiez de revenir à terre pour rétablir ma
» fan té j j ’ai choifi pour cela le fort de la Près,
« dans l’ifle de Rhé , comme le lieu le plus agréa-
» ble & le plus commode ; j’y attends les ordres
» de votre éminence ». Le cardinal, qui fentoit
dans autrui tout le mérite .de l ’héroïfme qu’il avoit
dans fon ame , lui fit .une réponfe pleine d’éloges ,
& Praflin fe crut récompense. Il défit les Anglois
devant le fort de la Prée. Quoique toujours malade
, il combattit à la tête de fon régiment.
Il contribua beaucoup à la réduction de la Rochelle
; l’année fuivante il alla joindre le roi au
fiège de Privas , & le prince de Condé au fiège
de Montauban. Cette campagne fut celle où il
courut les plus grands dangers;
En la même année 1629,1e comte de Praflin fuivit
le roi à la guerre de Mantoue. Le duc de Savoie
ayant refufe le paffage, il fallut le forcer ; on attaqua
Pignerol : Praflin fut chargé d’élever un fort
fur le mont de Sàinte-Brigide, pour empêcher tout
fecours d’entrer dans la place ; ce fort fut confi
truit félon toutes les règles d’un art encore inconnu
alors, mais qui alloit naître, & dont Praflin eut
l’honneur d’avancer les fuccès. Pignerol fut pris.
En 1630, un avis que le comte de Praflin donna
au duc de Montmorenci eût pu, s’il eût été fuivi,
faire éviter le combat de Veillane, & ménager
le fang françois. Montmorenci, vainqueur à force
de talens, & malgré les obflacles qu’il n’avoit pas
voulu prévenir, eut la fincérifé généreufe de l’avouer.
Le régiment de Praflin , commandé par fou
colonel , eut la principale part à quelques autres
avantages
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avantages remportés jfur les Piémontoîs 8c les Ef*
pagnols , aux portes de Carignan.
Mazarin ménagea une trêve devant Cafal : le
comte de Praflin rut employé dans cette négociation
, 8c il fe forma dès-lors, entre ces deux
hommes diverfement fameux, une iiaifon d’amitié
à laquelle Praflin fut plus fidèle que Mazarin.
Dans la guerre de 1635, il fervit d’abord en
qualité de maréchal-de-camp : la vi&oire duTefin ,
en 1636 , fut due principalement à fes confeils 8c
à fa conduite, ainfi que le fuccès du combat de
la Route, en 1639, où feirvoit fous -le comte
d’Harcourt. Les Efpagnqls battus dèvant Cafal,
encore en 1639, Turin pris en 1640,1a vi&oire
de Foflan en 16 41, &fes fruits, la prife de Ceva ,
de Montdovi & de Coni, méritèrent au comte de
Praflin. le gouvernement de Turin, & le grade
nouvellement créé de lieutenant-général.
En 1642 , il s’acquitte avec prudence du trifte
& difficile emploi d’arrêter le duc de Bouillon au
milieu de l’armée que ce duc commandoit : il
prend dans cette même campagne Nice &
Tortone, • • ,
En 1643 » ayant perdu le cardinal qui l’eftimoit,
& le roi qui l’aimoit, il voit fes efpérances abandonnées
aux promeffes perfides du cardinal Mazarin
; il voit le bâton de maréchal de France s’éloigner
d’autant plus qu’il eft plus mérité. Praflin
contribue, avec Turenne , à la prife de T rin, il
prend enfuite Pont-de-Sture.
En 1644, il forme le fiège de Santia-, où le
çomte d’H ôtel, fon fils , fait fon apprentiffage,
& où le comte de Chôifeul, fon frère, eft tué d’un
coup de pierre : il paffoit pour le meilleur officier
de cavalerie de fon .temps. La prife de Santia
fût un foible dédommagement d’une fi grande
perte., <•
En 1645 » Praflin prit la ville de Rôles en Rouf-
fillon ,& parce fuccès , il força Mazarin à lui donner
le bâton de maréchal de France, que le roi
Eouis XIV voulut lui remettre lui-même.
En 1646 , le maréchal du Pleflis-Praflin,jo in t
au maréchal de la Meilleraye, prend Piombino &
Porto-Longone , & réduit le pape à fubir les loix
Ce Mazarin.
En 164.8, il bat le marquis de Caracène près
de.Crémone. Il perd dans ce combat le fécond de
les fils. Dans cette campagne d’Italie , il confume
une grande partie de fa fortune à nourrir l’apnée »
qui manquoit de tout. ■
Au'iriilieii des troubles de la Fronde, il refte
fidèle au roi,, & ami d’un minière dont il avoit
à fe plaindre.
En 1649, il fut fait gouverneur de Monfieur,
frère unique du roi. Il aide à pacifier la Guienne ,
de concert avec l’évêque de Cpminges fon frère ,
depuis évêque de Tournay, dont il fera parlé
plus bas.
v .^ e s princes font arrêtés en 1650 ; Turenne ,
que l’amour rendit indifcret & rebelle , .Tu-
Hifoire % Tom, IL P réméré Pârtt
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renne s’avance pour les délivrer. Le maréchal
du Pleftis - Praflin parut feui digne de lui être op-
pofé ; il eut l’honneur de le vaincre à la bataillé
de Rethel, & ce grand fuccès lui coûta encore un
de fes fils ; c’étoit l’aîné, Charles de Chôifeul,
comte du Pleflis, maréchal-de-camp. Certaines
proportions difparoiffent aux yeux de la poftérité r
le grand nom de Turenne a tellement effacé les
plus grands noms, què les gens médiocrement
inftruits des détails de notre hiftoire , regardent
cette viâoire de du Pleflis - Praflin fur Turenne,
comme une efpèce de phénomène, fruit d’un ha-
fard heureux, & n’en fuppofent pas moins le
vaincu très-fupérieur au vainqueur; mais alors on
trouvoit ces rivaux dignes l’un de l’autre, & la
vi&oire de Rethel parut un événement ordi-,
naire.
On promit au vainqueur un brevet de duc,
qu’on ne lui donna point ; mais on l’admit dans
le confeil, parce qu’on avoit befoin de fes lumières :
on'le força, en 1651 , d’entreprendre le'fiège de
Sainte-Menehould , qui ne deVoit pas réuffir , &
qui réuflit pourtant, parce que c’étoit Praflin qui
le faifoit. Louis X IV , qui favoit déjà dire de Ces
mots noblement obligeans , qui ont fuffi plus d’une
fois pour récompenfer ceux qui Tavoient le mieux
fervi, dit à Praflin : « Vous n’avez été chargé de
» cette entreprife, que parce que vous étiez le
» feül capable de l’exécuter ; ce qui eft impoffible
» aux autres eft à peine difficile pour vous ».
Après des fervices continués encore pendant
treize ans, & dans les armées ; & dans, les confeils
, enfin la dignité de pair lui fut conférée eu
1664. ,
La guerre s’étant rallumée en 1672 , Praflin,
que fon grand âge éloignoit du commandement,
ie préfenta devant le .roi, 8c lui dit avec douleur:.
« Je porte envie à mes fils, ils vont ïervir votre
» majefté ; pour moi, je ne dois plus defirer que
» la mort , puifque je ne fuis plus bon à rien ».
« M. le maréchal, lui répondit le roi en l’em-
braffant tendrement, » on ne travaille que pour
» approcher de la réputation que vous vous êtes
» acquife; il; eft, agréable de fe repofer après tant.
» .de-viâoires ».
Il avoit déjà pérdu deux fils, morts les armes à
la main, en combattant à fes côtés ; le troifième
fut tué devant Arnheim.
Madame de Mottevilie demandant un jour au
maréchal comment il avoit pu foutenir le fpe&acle
de la mort de fes deux premiers fils : « Le charme
» de la viôoire eft tel, lui dit-il, qu’il élève l’ame
» au-deffus de tout autre fentiment ».
Le maréchal du Pleflis - Praflin mourut le 23
décembre 1675 , âgé de près , de foixante-dix-huit
ans. ;
Claude de C h o is eu l , troifième maréchal de
France , fediftingüa en 1649, au com^at de Vitry-
fur-Seiûe ;’ au combat de Saint-Gothard en Hongrie,
én *664» à la campagne de Flandre, en