
écouter les proportions que le pape leur fit pour
fa délivrance ; & fe couvrant du voile d’une modération
hypocrite, ils le retirèrent de l ’état ecclé-
fiaftique.
Le roi, attendri fur le fort de fes deux fils qui
languifloient en Efpagne, dans les ennuis de la
captivité, offrit deux millions d’or pour leur rançon,
& pour l’inexécution du traité de Madrid. Cette
ofire fut rejetée, & la guerre fut continuée avec
■ une nouvelle vivacité. Lautrec mit le liège devant
Naples : les fatigues qu’il eut à effuyet lui causèrent
une maladie qui le conduifit au tombeau.
Sa mort fut fuivie de la défe&ion de Doria, le
plus grand homme de mer de fon temps , qui, après 1
avoir fervi la France, dont il eut à fe plaindre,
en devint la terreur. Le fléau des maladies détruifit
l ’armée françoife, qui fut réduite à la honte de
lever le liège , 8c à l’impuiflance de rien entre- 1
prendre : oncombattit foiblement dans le' Milanois :
Savone 8c Gênes, qui s’étoient foumifes à la domination
françoife, furent contraintes* de rentrer
dans l’obéiflance de l’empereur. Les deux partis,
également épuifés par une vieillitude de vi&oires
& de défaites , terminèrent leurs différens par le
traité de Cambrai. Le roi, pour s’acquitter des
engagemens pris dans fa captivité , renonça à tous
lés droits lur les comtés de Flandre & d’Artois; !
ce fut a ces conditions que fes enfans lui furent
xendus. Le pape, dont l’empereur avoit befoin, fut ■
traité favorablement ; Sforce fut maintenu dans le :
duché de Milan ; la fouveraineté de Florence fut j
aflùrée à Alexandre de Médicis, qui avoit époufé
la fille naturelle de Charles-Quint, Le roi d’Angleterre
eut une grande influence dans cette négociation
; fon zèle pour les intérêts du roi lui fut
infpiré par la politique : il méditoit alors fon
divorce avec Catherine d’Aragon ; il favojt que
François I pouvoir J e fayorifer dans l’exécution
de ce projet,
François Sforce, rétabli dans la fouveraineté de
Milan , oublia bientôt qu’il en étoit redevable à la
France ; il ofa enfreindre le droit le plus facré, en
faifant décapiter Merveille , miniftrç de François / ,
dans fa cour. Cet attentat fut un fignal de guerre;
le roi, dont la gloire étoit intéreffée à tirer vengeance
de cette infulte, demanda tin paflage au duc,de
Savoie pour pénétrer dans l’Italie ; & fur le refus
qu’il efîuya, il mit à la tête de fon armée l’amiral
de Brion , qui s’empara de la Savoie & des principales
places du Piémont. La mort de François
Sforce mit fin à cette guerre, & fit revivre les
droits du roi fur le duché de Milan ; Charles-
Quint lui en refufa Tinveftiture, & la guerre
continua. L’empereur entra dans la Provence, où
il afliégea Marfeiile, qui fut TécueiT de fa gloire ;
fon armée, prefque détruite devant cette ville,
releva le courage des François , 8ç leur rendit la
i upériorité en Piémont. Les ennemis s’en vengèrent
fur la Picardie, où ils exercèrent beaucoup dç
ravages ; mais ils échouèrent devant Péroné, Ceg
profpérités ne furent pas fans amertume ; le fils aîné
du roi mourut empoifonné, 8c on voulut faire
tomber le foupçon de ce crime fur l’empereur.
Charles-Quint pouvoit efluyer des pertes fans
épuifer fes forces ; il continua la guerre fur toutes
les frontières, 8c il n’adopta un fyftême pacifique
que par la crainte qu’il eut de l’armée de Soliman ,
conduite par Barberoufle, avec qui le roi avoit
été dans la néceflité de contracter une alliance
qui le décria dans l’Europe. Le pape s’érigeant en
pacificateur, engagea les deux monarques à fe
rendre à Nice pour y traiter de la paix ; ils y
conclurent une trêve pour dix ans ; & s’étant
enfuite tranfportés à Aigues-Mortes, il fe jurèrent
une amitié qui bientôt les rendit tous deux parjures.
Les Gantois fe plaignant du poids des impôts &
de l’extinéUon de leurs privilèges, fecouèrent le
joug de Tobéifîance; Charles-Quint, pour étouffer
ce mal dans fa naiflance, demanda paflage à
François 1 par fes états, pour fe rendre en Flandre.
Ce prince politique oublia dans ce moment qu’un
ennemi réconcilié eft un ennemi fecret; mais il
connoifloit trop la franchife & la générofité de
François I pour ne pas s’y livrer ; il le féduifit
par la promefle de donner Tinveftiture du Milanois
à un de fes enfans, à fon choix. Ceux qui
connoifloient les artifices de Charles-Quint, voulaient
que le ro i, qui l’avoit en fa puiflance, en
tirât un écrit garant de cette promefle ; mais on
jugea plus noble de s’en tenir à la parole du prince
que d’en tirer un écrit qir’il pourroit defavouer
dans la fuite, comme ayant été arraché par con-
S trainte. Ce parti fut fuivi, parce qu’il étoit le plus
! conforme à la générofité du roi ; mais, il entraîna ,
félon quelques écrivains, la difgrace de Mont-
morenci qui l’avoit donné, 8c qui fe retira à
Chantilli lorfqu’on eût appris que Charles-Quint,
arrivé en Flandre, avoit hautement déclaré qu’il
n’avoit rien promis.
L ’amiral de Brion , protégé par la duchefle
dEtampes, fa parente 8c fon amie »“ jouiflbit
de la plus haute faveur ; il devint fufpeét ou
odieux au roi , qui nomma des commiflaires
pour lui faire rendre compte de fon adminiftra-
tion. Quiconque eft aceufé par fon roi , : eft
toujours jugé coupable. Brion fut dégradé , & fes
biens furent confifqués ; mais cet arrêt inique fut
Cafle par le parlement,/plus éclairé 8c plus incorruptible
que des juges vendus, à la faveur. Le
chancelier Poyet, qui,avoit été à la tête des commiflaires
, fut bientôt la vidime'^é fa vénalité i
on lui fit fon procès ; 8c convaincu de malver*
ferions, il fut ignominieufement dégradé & réduit
à vieillir dans l’infamie. Sa chute fit l’allégreflç
publique ; & dès qu’il fut dans l’impuiffance de
i *aire p ,mal » on reconnut qu’il étoit plutôt fait
j: pour vivre dans 1 agitation des intrigues, que
dans l’exercice paifible de la légiflation, '
Deux ambafladeurs de France furent indigne*
■ wem aflâflinés fur le P ô , allant l’un à Venifç, &
l’autre à Conftantinople, & il fut avéré que cet
attentat avoit été commis par les émiflaires de
l'empereur. Leur feng fut la femence d’une nouvelle
guerre; le roi rechercha l’alliance des rois
du Nord, & ce fut la première qu’on contracta
avec eux. Henri V I I I , tantôt ennemi, tantôt
allié de. la France, fe lia avec Charles-Quint,
dont il avoit beaucoup à fe plaindre. On coniba.ttit
en même temps dans le Rouflillon, le Luxembourg,
le Brabant, le Piémont 8c la Picardie avec
des fucces variés; La viétoire de Cerifoles, gagnée
par le jeune duc d’Anguien, fut fuivie de la conquête
du Mont-Ferrat; mais il ne put profiter de
fes avantages : on affoiblit fon armée pour s’oppofer
aux progrès de Charles-Quint & de Henri VIII,
qui a voient fait une irruption dans la Champagne
& la Picardie. Après bien des combats inutiles,
la paix conclue à Crépi ne fut que la confirmation
du traité de Nice. La mort de Henri VIII frappa
vivement le roi : quoiqu’il fût mort féparé de
1 eglife romaine, on lui fit un fer vice folemnel
a Notre-Dame. François I le fuivit deux mois après
au tombeau : il mourut en 1547. Ce prince, qui
n’avoit que des inclinations bienfeifentes, aima
trop la guerre pour faire le bonheur de fes fujets :
du milieu du tumulte des armes $ il protégea les
feiènees 8c ceux qui les cultivoient : ce fut àJui
& à Leon X qu’on attribua la renaiflance des lettres
dans l’Europe. Les Grecs échappés de Bizance,
trouvèrent un afyle à l’ombre de fon trône, où
ils^ firent revivre la langue des Sophocles & des
Démoflhenes. Plufieurs établiflemens formés par
fà magnificence favorisèrent les progrès du génie
& perpétuèrent l’empire des fciences & des arts :
la reconnoiflance des favans a perpétué fa gloire,
& il n eft point de prince dont on ait autant multiplie
les éloges; il ne lui manqua que d’être heureux
, mais 1 adverfité ne fit que développer la
noblefle & la fierté de fon ame, 8c jamais il ne
parut plus grand que dans les revers. Après la
bataille de Pavie, il écrivit à fa mère : tout e jl
perdu , honnis l'honneur.
Nos armees,^depuis que la troifième race étoit
montée fur le trône, n’avoient été compofées que de
cavalerie; on tiroit l’infanterie de chez l’étranger :
on fentit l’inconvénient de confier la deftinée de
l etat à des troupes mercenaires, qui ne faifoient
la guerre que pour piller. François 1 forma un
corps d’infanterie qui le difpenfa de foudoyer des
etrangers, il le diftribua par bandes ou régimens,
& leur donna le nom de légions. On fait combien
cet établiffement s’eft perfectionné ; l’on attache
aujourd hui autant d’honneur à fervir dans l’infanterie
que dans la cavalerie. On reproche à François
I d’avoir introduit la vénalité des charges de
a magiftrature ;-fi l’on s’en rapporte à l’expérience,
oc non à la fpeculation, on fera forcé peut-être
«e convenir qu’il n’en réfulta aucun abtis : les
places de la magiftrature ne furent plus occupées
que par des citoyens opulens qui achetèrent, par
le facrifice d’une portion de leur fortune, le pénible
honneur de confacrer leurs veilles à la sûreté
publique ; jamais le barreau n’a fourni de plus
grands hommes 8c des juges plus intègres que
depuis Tinftitution de la vénalité Ce fut fous ce
règne que s’introduifit l’ufage de porter les cheveux
courts , 8c de fe faire un ornement d'une
longue barbe ; cetre mode a fubfifté iufqu’â
Louis XIII. Tous l'.s aCtes publics a voient été
jufqu’alors écrits en latin , 8c c’eft ce qui avoit
étendu le pouvoir des jiirifcliCtions eccléfiaftiques,
parce que cette langue n’étoit point entendue dans
les autres tribünaux. L’édit de Villers-Coterets,
donné en 1539, réforma cet abus; il fut ordonné
que dans la fuite tous les aétes publics fei oient
écrits en françois. Luther 8c Calvin , fupérieurs
à leur fiècle, TiflfeCtèrent du poifon de Terreur ;
François trop occupé de la guerre, fut dans
Timpuiflançe d’bppoier une digue à ce débordement.
( T----N.)
F r a n ç o is II (üfi/2. de France ) joignoit ait titre
de roi de France, ceux de roi d’Angleterre, d'Ecoflé
8c dIrlande, 8c ne fut en effet roi ni en France,
ni dans la Grande-Bretagne ; les Guifes régnèrent
fous fon nom. Ce ne fut qu’un fantôme de fou ver 2 in ÿ
dont l’apparition fut très-courte; Marie Stuart,
fon époufe, lui avoit apporté le royaume d’Ecoffe,
8c des prétentions fur l’Angleterre. Son début dans
le gouvernement fit des mécontens ; il renvoya
le connétable de AJontmorenci 8c la duchefle de
Valentinois, maître fie de HenriII, fon père, more
en 1559. François, duc de Guife, 8c le cardinal
de Lorraine, fon frère, s’emparèrent de la confiance
du roi 8c de fon autorité : ils étoient fes
confeillers, mais ils lui donnoient moins des confeilâ
que des ordres, 8c François obéifloir. Leur grandeur
fit des envieux, le roi de Na varie 8c le prince
de Condé fe liguèrent contré ces princes ; le connétable
obferva plus qu’il n’agit : les deux partis
fe féparèrent bientôt; la religion fut le prétexte
de ces divifions ; les Guifes fe donnoient pour
défenfeurs de l’égüfe catholique, dont ils fe fou-
! cioientpeu; 8c les autres princes, pour proteéleurs
des erreurs de Calvin, qu’ils méprifoient. La fureur
des catholiques 8c l’opiniâtreté des proteftans
donnèrent dès-lors le fignal de toutes les horreurs
qui fe perpétuèrent jufqu’à l’édit de Nantes. Jamais
les Anglois ne montrèrent autant d’acharnement
contre les François que les François en montrèrent
contre eux-memes dans des temps déplorables*
La mort d’Anne du Bourg fut le premier coup
d éclat qu un zèle mal réglé fit commettre fous
ce règne; un autre événement célèbre fut la
conjuration d’Amboife : Condé parut en être le
chef; la Renaudie en fut Tinftrument ; il avoir
une foule de complices. Ce projet, qui dévoie
anéantir la maifon de Lorraine , fut éventé par
une de ces caufes legeres qui font prefoue tou-
jours échouer les confpirations. Lés coupables