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Les offices des jurifdiéfions inférieures avoient
commencé à être vénaux avant Saint Louis, & continuèrent
de l’être pendant fon règne; c’eft fur
cela que fe fondoit Bqrjiface V I I I , pour rt fufer à
Bhi]ippe-le-Bel la canonifation de Saint Louis, fon
aïeul ; on voit auffi quelques traces .de vénalité ,
fous Louis-le-Hutin , & encore depuis. Charles VII
réforma cet abus bu cet ufage, qui fe renouvella
fous Louis XI. Charles VIII & Louis XII défendirent
la vénalité de tous offices indiftinélement ;
Louis XII ne vendit que les offices de finances,
encore ne fut - ce qu’à regret & dans des befoins
preffans -de l’état; il révoqua même, depuis,
cette vénalité. François! la rétablit & l’étendit aux
offices .de judicature, & ce que perfonne n’avoit
fait encore , aux charges mêmes .duparlement.
Suivant les anciens, réglçmens, obfervés plus ou
moins exactement du temps des élevions, les officiers
du parlement .ne .pouvoient être reçus qu’à
«rente ans, qu’après .un examen rigoureux qu’ils
fubiffoient -devant le parlement aflemblé , & il
falloit qu’ils euflent en leur faveur les quatre ci-n-
jquièmes des fuffrages.
La vénalité prévalut, mais on en rougiffoit, on
l ’autorifoit & on la défavouoit ; on faifoit mentir
le récipiendaire à la face de la juftice , on leur faifoit
jurer qu’ils n’avoient rien payé pour lé.urs
offices, ce qui a fait dire à Pafquier : de cette belle ancienneté
ne nous refie que le parjure dont nous faluons
la compagnie avant que d'entrer en l ’exercice de nos
états, & ce qui lui a fait faire ces deux vers :
j i f p i c e q u id fp e r e s a ju d i c e 3 l im in e in ip fo
Q u em n o n u l l a D e i v o x m e tu en d a f e r i t ,
L’ufage de ce faux ferment dura près d’un fiêclej
/enfin lé procureur général de la Quelle fentit qu’il
jfalloit refpeâer davantage la juftice & la vérité, &
qu’il valoit mieux avouer un abus que de mentir
folemnellement ; il fit fupprimer ce ferment. Sé-
fcaftien Chauvelin eft lé premier qui en ait été dif-
penfé à fa réception dans une charge'de confedler
#u parlement, le 7 février 1597.
François I , dans une réponfeà des remontrantes
du parlement, contre la vénalité, avoue que depuis
qu’il eft monté fur le trône, rien ne lui a fait
tant de peine que d’avoir été obligé de vendre des
offices de judicature, & aflùrp qu’auffi-tôt que la
paix pourra le lui permettre, fon premier foin fera
<de les rembourfer. Les ordonnances d’Orléans en
1560, de Moulins en 1506, de Blois en 1579,
s’élevèrent contre la vénalité ; Louis XIII déclara
aux états de 1614 & 1615 , que fon intention étoit
de la fupprimer ? .& elle eft reftée , 8c on dit aujourd'hui
que ce n’eft pas un mal; on voit par la
vénalité des charges, la magiftrature devenue plus
indépendante de la fayeur des grands qui, autrefois,
tâchpient de remplir les tribunaux, de leurs
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créatures, & qui en exigoient fouvent une recorM
noiffance contraire au bien de la juftice.
Il en eft à peu près de même du concordat, qui
fut auffi l’ouvrage ,.de Duprat ; on v oi t .au jour d’h ui le
•«clergé fournis pour jamais, parce décret, à l’autorité
royale, & on trouve que c’eft un bien; dans le
temps, le-clergé , le parlement , l’univerfité, la
nation entière n’y virent qu’une vénalité des bénéfices,
ferhblable à celle des charges, qu’un trafic-
honteux entre un pontife avide & un jeune roi imprudent
, de droits qui n’appartenoient ni à l’un
ni à l’autre , un lâche facrifice des loix du royaume
fait à la fortune par un chancelier intérefîé, un
renverfement fcandaleux des libertés de l’églife
gallicane ; le concordat ne fut enregiftré que du
très-exprès commandement duroi, plusieurs fois répété ,
& qu’en préjence d’un commiffaiu par lui fpécialement
député à cet effet. Le parlement continua de juger
conformément à la pragmatique, le roi fut obligé
de lui ôter la connoiffance de tous les procès concernant
les bénéfices de nomination royale, & de
l’attribuer au grand çonfeil.
Le parlement & le clergé répétèrent fouvent aux
fuccelfeurs de François 1 , que ce prince s’étoit
amèrement repenti d’avoir trop cru le chancelier
Duprat dans cette affaire & que le eonfeil de rétablir
la pragmatique, étoit un de ceux qu’il avoit donnés
en mourant à fon fils. On fit long-temps de?
prières publiques pour l’abolition du concordat. Le
célèbre Am y o t, a-mbaffadeur de Henri I I , au concile
de Trente, y demanda le rétabliffement des
éleâions, le cardinal de Lorraine y fit la même demande.
L’ordonnance d’Orléans , en ijd o , fèmbla
un moment ranimer la pragmatique fur les inftances
des trois états; ce s inftances furent reuouvellées
aux états de Blois, en 1576 ; le concile de Rouen ,
tenu en 1581 ; le concile de Reims en 1583; l’af-
femblée des notables à Rouen, l’an 1796; les af-
femblées du clergé en 1580, 1595, 160?, 1606; le
parlement dans fes remontrances fur l’édit de Ror
morantin en 1560, & dans des remontrances pré-,
fentées à Louis XIII le 21 mai 1615 , tous, enfin,
expriment le même voeu, c’èft le cri éternel de la
nation. Le parlement, difoit le préfident de Mai-
fons , tire toujours le plus qu’il peut vers la pragmatique.
En 1.62c l’avocat général Talon regrertoit la
fainte difciphne des élevions, & dans ce fiècle
même, le chancelier d’Aguefleau difoit encpre:
V la pragmatique, fanâion plus rejpettée & plus refr
» peHable en effet que le concordat », Il étoit impoli
fible que le chancelier Duprat infpirât la moindre
confiance dans cette affaire, il y avoit un intérêt
trop fenfible. Il étoit veuf & chargé d’une nom-
breufe famille ; la faveur de la ducheffe d’Angou-
lême, en l’élevant de la profeffion d'avocat, aux
plus hautes dignités de la magiftrature, ne l’avoit
point enrichi ; on ne s’enrichiffoit que dans l’état
eccléfiafiique ; mais tant que les éledions auroient
lieu , le chancelier ne poyYoit rien efpérer ;
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choix des chapitres & des monaftères ne tomhoit
ordinairement que fur leurs membres, Duprat
n’avoit pour lui que la faveur du roi & de la ducheffe
, il falloit donc que la nomination des préla-
tures appartînt au roi. De là le concordat qui,
en effet, procura au chancelier, l’accumulation des
bénéfices dont nous avons parlé au commencement
de cet article.-
L’oppofitioiï (fu parlement au concordat éclafa
fur-tout lorfqu’il fut queftion des intérêts du chancelier.
Ce magiftrat, foit que par une forte de pudeur
il n’eût pas voulu montrer trop à découvert
les motifs qui l’avoient animé dans l’affaire du concordat,
foit qu’il n’eût pas autant de crédit auprès
du roi qu’auprès de fa mère, n’avoit pas encore
tiré du concordat un grand parti pour fa fortune ;
mais l'archevêché dé Sens étant venu à vaquer le
jour même de la bataille de Pavie & de la prife du
r o i . & l’abbaye de Sainr-Benoît-fur-Loire, vers le
même-temps, la chicheffe d’Angoulême qui gouver-
floit l’état, & que Duprat gouvernoit, fui donna
ces deux prélatures.. ïi' y eut dans cette affaire,
plusieurs de ces coups d’autorité , fi familiers à
Duprat ; il fit évoquer au eonfeil les conteftations
relatives à ces deùx objets, il fit faifir le temporel
du chapitre de Sens, parce que ce chapitre avoit
fait une éleâion ; il ôta la liberté d’en faire une aux
religieux de Saint-Benoît,- 8c mit garnifon dans
Peur abbaye. Un huiffier que le parlement y avoir
envoyé , mourut des coups qu’il y reçut; un con-
feiller , commis pour informer de et-rte violence,
ne fut guères plus ménagé. Le parlement s’irrita,
rl lança un décret de prife de corps contre ceux
qui avoient le plus infoleinment bravé fon autorité;
il convoqua les princes.& les pairs, il obligea
les gens du roi de donner des conclufions
contre le chancelier, il le décréta lui - même d’ajournement
perfonnel ;. ces débats occupèrent tout
le temps de la prifon du roi. Pendant; cet intervalle,
l’autorité de la régente fut toujours contenue,
celle du chancelier toujours contrariée , celle
du concordat toujours chancelante. Le roi revint,
& prévenu par fa mère fur tout ce qui s’étoit paffé
en fon abfence , il blâma la conduite du parlement,
caffa fes arrêts, fit rayer de fes regiftres tout ce
qui avoit été fait contre Duprat, & déclara que le I
parlement 11’avoit aucune jurifdiéfion fur le chan- !
celier. Ce fut alors que par un édit pi éfenté le 24
juillet 1527, confirmé par une déclaration du 6
feptem'bre fuivant, & dans la fuite encore par un
édit de Henri II du moi« de feptembre 1552 , l’exécution
du concordat fut confiée au grand-confeil.
Un arrêt du eonfeil du 20 décembre 1527, qui
prononce définitivement fur cette matière, parle
d’un édit de Louis X I I , qui avoit auffi ôté au parlement
la connoiflance des affaires concernant-les
évêchés & les abbayes,.
^Duprat devoit tout à la duefieffe d’Ângoulême:
s ü eusr été reconnoiffam, il eût combattu fes fuv
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feurs ; mais il n’étoit que courtifan , il les féconda ;
il s’unit à elle pour perfécuter Lautrec, pour opprimer
Sembla nçai, fur-tout pour déftfpérer le
connétable de Bourbon. Il haïffoit le connétable
dont la fierté imprudente prodiguoit les mépris aux
favoris &. aux miniftres, & qui avoit réfufé de
: vendre quelques terres que Duprat avoit voulu
acquérir en Auvergne, Duprat épuifa la féconde
fubtilité de fon efprtt pour prêter des couleurs à
l’injuftice ; il connoiffoit & ne rejettoit" pas les bon-
tenfes reflburces de la chicane ; en interprétant
certaines claufes, en abufant des mots, en détour*^
nant le fens, il en fit réfulter un prétendu droit
de réverfion de certaines terres au domaine ; i’1
parvint à mettre en avant les droits de la couronne
, il fit intervenir le roi , il intérefla le zèle
des magiftrats à dépouiller Bourbon ; il arma contre
lui l’autorité des loix , l’éloquence des avocats, les
foiblefîes 8c les erreurs des juges.
Duprat, qui par l’établiflëment du concordat',
avoit également bien fervi le pape & le ro i, ne
fut pas moins bien traité par le pape que par le
roi ; il fut cardinal 8c légat du faint fiége; il voir-
lut s’illuftrer en qualité de prélat, auffi bien qu’en
qualité de miniftre , & comme il ne manquoit
point d’affaires, fe chargeant 8c étant chargé de
tout fous un régne fécond en grands événemensy.
ois dit que c’èft lui qui a donné lieu au proverbe*:
il a autant d'affaires que le légats
Le premier & le plus célèbfe des conciles pro*-
vinciaux affemblés en France contre les proteftans^,
fut celui que le chancelier-cardinal Duprat fit célébrer
avec beaucoup de folemnité à Paris , du 2
février au 9 oâhobre 1528 ^.il eft connu fous le nom
de concile de Sens , parce qu’il étoit coflnpofé des*
prélats de c< tte province,, & que Dupràf étoit-
archevêque de Sens, où cependant il n’alla jamais.,
11 crut réparer!, ce défaut de rtfidence en s’y fai--
fant enterrer , comme il crut fïgnaler fon zèle pour
fa foi, par l’éclat de ee concile. Les protefians fe
moquèrent beaucoup de la ferveur apoftolique dé
ce prélat très-peu apoftolique, mais^ce concile de
Sens n’én fît pas moins des décrets très - refpeéla-
bles & fur la doârine & for la difeipline, il condamna
lès hérétiques , mais- il réforma le clergé,-
Nous voudrions bien ne pas trouver parmi fes-
décrets q u e ... .«les relaps feront livrés fans autre
» forme de procès au bras fé eu lier ; qu’ils doivent
» être punis de peines temporelles, nonobftanr
» leur pénitence, mais que Peglife leur ouvre fon-
» fein ».
Nous voudrions que le concile ne conjurât point-
lê roi tres-chretien par les entrailles de la mijéricorde
divine , de manquer d’entrailles pour fes enfant
égarés»
Nous voudrions qu’il ne condamnât point cettè
propofition. a Dieu ne veut pas qu’onjdétruife les»
n hérétiques, mais qu’en les labié fo convertit