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lui écrit pour lui faire compliment fur la dignité
de maréchal de France, il ne lui parle dans fa
réponfe que des bontés du roi qu’il va tâcher de
mériter. Il voit à Turin le duc de Savoie préparer
les fecours qu’il doit envoyer à l’armée combinée
de France & d’Efpagne, il rend témoignage aux
bonnes difpofitions où il l’a trouvé, il voit enfuite
que ce prince trahit la France , il le lui dit & le
mande à Verfailles avec la même fincérité ; cette
fincérité déplaît, on le rappelle au lieu de le ré-
compenfér, il dédaigne une cour qui s’aveugle
& s’égare volontairement ; il fe tait, & après s ê-
tre encore une fois dévoué, non pour e lle , mais
pour l’état il va dans la retraite fe confoler de
l’injüftice par le plaifir de faire quelque bien à
des malheureux.
Dans ce même moment le fécretaire d’un de
fes ennemi^vpii venoit de mourir, demande d’eiï-
trer à fon fervice & promet de lui révéler les
manoeuvres fecrettes de cet ennemi : Si c ’étoit un
konnête-homme, dit Catinat, il ne me révélerait pas les
fecrets de fon maître, & il refufa de les favoir. Il
avoit reçu le bâton de maréchal de France avec
des tranfports de joie & de reconnoiflance, parce
que c’étoit le prix de fes fervices & un moyen
d’en rendre de nouveaux ; il refufe le cordon bleu
par.ce que ce n’eft qu’une décoration de courtifan,
l’un flattoit foii orgueil, & remplifloit le defir qu’il
avoit d’être utile, l’autre n’eut pu amufer que fa
vanité, & il n’en avoit pas : il n’eftimoit que la
grandeur perfonnelle qui s’acquiert par les talëns
& les vertus ; il fouloit aux pieds celle qui n’eft
due qu’aux, titres , il comptoit pour rien les fiens ,
& obligé de donner un prétexte à fon refus , il
allégua le défaut de titres ; les plaintes de fes pa-
rens ne lui parurent que le cri de la vanité mécontente,
il n’en fut pas touché : Si je vous fais
tort y leur dit-il, raye^-moi de votre généalogie, c’eft-
à-dire, fi ma gloire perfonnelle ne vous fuffit pas,
s’il voiis faut des cordons, des titres , des honneurs
de convention, nous ne fournies pas de même fang.
Je ne doute point d’ailleurs que le defir de braver
une cour injufte & ingrate n’entrât pour beaucoup
dans fon refus. C’eft encore dans le même efprit,
c’eft toujours avec une fierté ferme & modefte
qu’il envoyé aux arrêts un courtifan mauvais officier
, qui parloit de la cour, quand on lui parloit
du fervice. S’il maltraite M. d’A rgenfon, ce n’eft
point à M. d’Argenfon qu’il en v eu t, c’eft à la
cour par laquelle il le croit excité ou infpiré , c’eft
la cour qu’il veut braver en humiliant fon miniftre
& fon agent ; mais tout ce reflentiment ne pouvoir
tenir contre un regard du maître : l'e(lime des rois ,
difoit Catinat,. ejl au-deffus de leurs faveurs. Louis
X I V , dans le cours de fes difgraces, fe fouvient
de Catinat, il croit qu’il peut donner d’utiles inf-
tru&ions à Chamillart, il lui dit : Je defirerois bien
que vous fujfie^ avec M. Chamillart , comme avant
tout ce qui s’efi paffé. — Sire y je vais cheç lui à l’inf-
iant, voilà la réponfe de Cafinau ■
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Si nous îé confidérons comme général, il conduit
les armées, comme il règle la conduite, par
des principes réfléchis & médités ; émule, ou , fi
l’on v eu t, difciple de Turenne, mais le premier
après lui dans la même école , je îê vois toujours
préparer , difpofer, combiner , calculer tous les
temps, les lieux , les circonftançes, maîtrifer ,
finon les événemens , du moins les opérations ,
& comme dit Boflùet : Ne rien laiffer à la fortune
de ce qu'il pouvait lui ôter par confeil ou par prévoyance
; je le vois toujours faire, non une guerre
faftueufe , mais une guerre modefte, folide & fa-
vante comme lui, une guerre de fuccès plutôt que
de bruit & d’éclat ; aum défiroit-il d’être jugé d’après
fes mefures, non d’après les événemens, il'
né croyait pas que ce qui doit être reftâtfans mérite
devant ce qui eft , & dans un échec où le
hafard auroit trahi fa prudence , il auroit eu le
courage d’oppofer fa bonne confcience & fa propre
eftime à l’erreur du public qui croît toujours que
le vaincu a tort. C’eft le fens de ce mot fur le
général ( & ce général, c’étoit lu i, ) qui avoit joué-
aux quilles après une bataille gagnée : Je ne Ven
eftimerois pas moins f i c’ étoit après Vavoir perdue
C ’eft auffi le fens de cet autre mot : J ’ai apprécié
\ la louange & le blâme ,& je me fuis conflituémonpropre
juge.
A in f i, tout étoit raifôn & penfée chez M. de
Catinat ; fà fimplicité même étoit réflé ch ie, c’étoit
celle d’un philçfbphe quiTa voit adoptée par choix.
& qui en avoit évalué les avantages. C e n’étoît
pas cette fimplicité abandonnée , cette fimplicité:
toute de tempéramment & d’in ftin& , qui diflin-
guoit dans le même temps, un autre grand Capitaine
, M. de Vendôme.
La F rance perdit la même année ces deux grands
hommes fi difterens l’un de l’autre. M. de Vendôme
le i i juin , M. de Catinat le 22 février 1712».
Le dernier mot de celui-ci, fut : Mon Dieu j j ’ai-
confiance en vous. Son teftament eft plein de legs
pieux. Madame de Maintenon , fon ennemie , ou ,
du moins toujours prévenue de l’idée de fa prétendue
irréligion, dit de lui : « Il mourut tran-
» quille, ne craignant rien, n’efpérant rien , ne
* défirant rien , & peut - être ne croyant rien
» quoiqu’il fût foupçonhé d’irréligion, il ne fut
» accufé d’aucun vice ».
Meilleurs de Catinat & meilleurs Pucelle, neveux
& héritiers du maréchal, lui ont érigé un maufolée
dans l’églife de Saint * Gratien. Le P. Sanadon a
compofé fon épitaphe, qu’on lit fur ce monument,
& où, plus jufte que madame de Maintenon, il dit
que la vie de Catinat fut celle d’un fage & d’un
héros chrétien. Vixit, ut folent fapientijfimi & chrif-
ùaiii heroes debent.
C a t in a t eft encore le nom qu’avoit pris un des.
chefs des Caraifards dans la guerre des Cévennes
au commencement de ce fiècle ; après avoir éprouvé
dans le' cours de cette guerre des fortunes diverfes,,
•il étoit caché avec Ravanel & quelques autres
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chefs du même parti dans la vüje de Nifmes où
fe trou voient alors le maréchal de Berwick, général
des troupes Catholiques, & M. de Bâville,
intendant du Languedoc ; il forma le complot de
mettre le feu à la v ille , de tuer l’intendant, de
faire le général prifonnier & de le remettre comme
otage entre les mains des Anglois, & de faire fou-
lever tous les Huguenots du pays ; le complot fut
découvert, Catinat & Ravanel furent pris. Quand
ils parurent devant le maréchal de Berwick, Catinat
lui dit : Prenez garde à ce que vous allc{ faire,
c’efl la reine d’Angleterre qui nous envoyé, 6r le maréchal
de Tallard fera traité à Londres , comme nous
le ferons à Nifmes. Ils furent brûlés comme incendiaires
publics ; la fermeté de Catinat fe démentit
à la vue du bûcher ; & c’ell le feul de ces Ca-
mifards qui ait montré de la foibleffe à la mort.
Cette foibleffe indigna Ravanel ; on tient d’un
homme préfent à l’éxecution, que Ravanel & Catinat
étant liés fort près l’un de l’autre , chacun à
un poteau, Ravanel reprochoit à Catinat la lâcheté
qu’il montroit, & que dans la fureur qui l’animoit ,
on le vit plufieurs fois avancer la tête pour mordre
cet indigne frère qui déshonorait le parti & flé-
triffoit la gloire du martyre.
C A TO N , (üfi/?. R°m• ) Deux grands hommes
ont fur-tout illuilré ce nom ; l’un eft Caton, dit le
le Cenleur, l’autre, Caton d’Utique : e’éft du premier
que.Virgile a dit :
Secretofque pios j his dantem jura Catonem.
. C e ft encore du premier qu’il parle dans ce vers r
Quis te magne Cato , tacitum , aut te y Cojfe y relinquat ?
Mais c’eft de Caton d”Utique que Cicéron dit à
~ Céfar, dans Rome fauvée :
Méritez que Caton vous aime & vous admire.
Mot qui met à un prix bien haut le fuflrage du
fécond Caton. Le nom de Caton étoit devenu celui
de la vertu»
Tertius c coelo cecidit Cato» 1
dit Juvénal.
Du vivant de Caton d’Utique, & peut-être en
fà préfence, un avocat difoit en plaidant, qu’un
feul témoin, quand ce feroit Caton, ne fuffifbit pas
pour convaincre un accufé, & dans le fénat, un
homme vicieux & débauché ayant fait l’éloge de
la tempérance &L de la fimplicité , parce qu’il
eft commun & fa d e de bien dire & d’agir
mal; eft-ce à vous , lui dit-on de parler ainfi?.
vou s , riche comme Croefus, faftueux comme Lu-
cullus, vous ofez parler comme Caton.
Velleïus-Paterculus trouve Caton , & c’eft de
Caton d’Utique qu’il parle, exempt de toûs les défauts
de rhumanité » & plus ferablable en tout
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aux dieux qu’aux hommes : Homo virtuti fimïllimus,
& per omnia ingenio Dits qiuim kominibus propior ÿ
qui nunquam reBè fecit ut facere yideretur, fed quia
aliter facere non poterat, cuique id folum vifum eji
rationem habere quod haberel juflitiam ,- omnibus hu-
manis vitiis immunis ,femper fortunam infuapotefiaie
habuit.
Ce nom de Caton eft paffé en proverbe parminous
comme chez les Romains, pour exprimer une vertu
inflexible & courageule. Ce courage , cette inflexibilité
avoient chez l’un & l’autre les inconvéniens
& les défauts attâchés à ce caraâère, ou feulement
reprochés à ce même caraélère par ceux qui trouvent
plus aifé de le décrier que de l’imiter. C ’eft
du fécond Caton qu’Antoine dit dans la Mort de
Céfar.
Caton même , Caton, ce malheureux ftof que r
Ce héros forcené , la vi&ime d’Ucique,
Qui fuyant un pardon qui l’eut humilié r
Préféra La mort même à. ta.tendte amitié ;
Caton fut moins altier y moins dur & .moins à craindre ,
Que l’ingrat qu’à t’aimer ta bonté veut contraindre.
C ’eft lui que Catilina , dans Rome fauvée, appelle:
Inflexible Caton , vertueux infenfé,
Ennemi de ton fiècle, efprit dur & farouche.
C ’eft à lui que C éfar, l’entendant déclamer contre
les amis de Catilina, tient ce langage, où. l’on
reconnoît fi bien raimable & politique indulgence
de Céfar.
Caton j que faites-vous r & quel affreux langage *
Toujours votre vertu s’explique avec outrage ,
Vous révoltez les coeurs au lieu de les gagner.
C ’eft lui qui répond à Céfar r
Sur les coeurs corrompus vous cherchez à régner.
, C ’eft du premier Caton qu’Horace a dit r
Non ita Romuli
Prcefcriptum & intoitji Catoni»
Aufpiciis veterurrquft normâ.-
C e ft du fécond qu’il a dit :
Cuncta terrarum fubacta
P rater atrocem animum Catonfs.
C ’eft le fécond qu’il repréfente infultant au luxe
& aux modes, par la fimplicité, peut-être un pei*
trop recherchée, de fes habits , & fottement imité
dans ce défaut par ceux qui ne pouvoient atteindre
à la pureté de fes moeurs & à la perfeâion-de
fa yertu»
Qjud î fi qiii's ÿvlui torvé finis, ac pede midis