
attachés à fa perfonne, que de partifans attachés à fa
fortune. Avec cette troupe d’élite, il fit dans la
Fionie une irruption fubite, tailla en pièces les
troupes du comte entre Middelfart & Odenfée: cette
vi&oire ne lui coûta que la peine de paroître, & les
habitansd’Odenfée lui rendirent hommage. Ces fuc-
cès rangèrent à fon parti la noblefle de Norwège:
tranquilles fpeâateurs des troubles duDanemarck,
les habitans de cette contrée attendoient que le fort
des armes leur eût choifi un maître pour le choifir
eux-mêmes. Tandis qu’ils proclamoienc Chrifiiem
I I I , ce prince affiégeoit Copenhague : il quitta
le fiège pour fe rendre à Stockholm prefque fans
fuite, non comme un roi qui va négocier avec fon
é g a l, mais comme un ami qui va embrafler fon
ami. Les hiftoriens danois prétendent que Guftave,
abufant de fa confiance, voulut attenter à fa liberté,
& que Chrifiiem lui échappa; les Suédois fou-
tiennent que Guftave le combla de préfens, le
reçut avec honneur, & le renvoya de même.
Si l'on confulte le caraâère de Guftave, pour
prononcer entre ces deux relations, celle des
Suédois mérite la préférence. Quoi qu’il en foit,
Chrifiiem preffa le fiège de Copenhague, engagea
Ménard de Ham à fe jeter fur les terres de l’empereur,
qui méditoit la conquête des trois royaumes,
vengea 1 affront fait à fes députés par l’archevêque
de Drontheim, qui s’étoit fait proclamer roi dè
Norwège au nom deTéleâeur Palatin, négocia
avec la république de Lubec, fit fa paix avec
elle fans la participation de Guftave, offrit une
amniftie aux habitans de Copenhague, & fut employer
fi à propos la politique, la clémence, les
armes, les carefles, les menaces, que les habitans
de la capitale afliégée réfblurent enfin de lui
ouvrir leurs portes en 1536; il y entra en triomphe
; mais la joie que lui caufbit cette révolution
fut troublée par le fpeâacle que lui offreit cette
ville malheureufe: la maladie 61 la famine avoient
moi (Tonné la fleur des citoyens; les rues étoient
jonchées de cadavres étendus fans fépulture,
parce qu’on manquoit de bras pour les enterrer;
les carrefours portoient encore les marques fan-
giantes des combats que les bourgeois oc la gar-
nifon s’étoient livrés; des quartiers entiers n’étoient
que des monceaux de ruines dévorées par les
flammes: Chrifiiem ne voyoit fur fon paffage que
des fquelettes affamés, qui foulevoient à peine
leurs bras pour lui demander du pain. Le roi fit
diftribuer des vivres au peuple, & des fecours
aux malades, pardonna au duc Albert de Meklen-
jbaurg, au comte Chriftophe d’Oldenboiirg, au
connu de Munfter, & à tous fes ennemis qui s’é-
toient renfermés dans la capitale & l’avoient fi
long-temps défendue malgré les habitans même.
Sa clémence lui gagna tous les coeurs; le clergé
feul, qui voyoit fa décadence affurée, par Féléva- .
tionde ce prince, lui oppofa encore une réfiftance ’
qui prouvoit moins fa force que fon défefpoir.
Chrifiiemi du contentement des états, fit dépoter,
arrêter les évêques, réunit leur bien au fifc, au-
torifa la prédication de la religion évangélique,
envoya une flotte dans le Nord, conquit la Norwège
fans effufion de fang, & chafla du Danemarck
tous les moines catholiques.
Délivre des inquiétudes que le clergé lui avoit
données, il fe fit médiateur entre la Suède & la
ville de Lubec, affoupit par une trêve les longs
démêlés de ces deux puiffances, fit à Brùnfwick,
avec quelques princes Allemands, une alliance
dont le but étoit la deftruâion de la religion
catholique dans le Nord, rétablit l’académie de
Copenhague, & prit des voies fi fures & fi douces
pour mettre la derniere main à la révolution,
qui étoit fon ouvrage, qu’en 1539 tout étoit pai-
üble dans le Danemarck.
Le calme ne fit que s’affermir de plus en plus
fous fon règne. Le peuple s’accoutumoit fans effort
à préférer dès erreurs douces aux vérités, dont
la défenfe lui avoit coûté tant de fang; on ceffa
de s’égorger pour des dogmes; les feaes ne devinrent
plus des armées, oc les querelles 'rhéologiques,
reléguées dans les écoles, ne troublèrent
plus le gouvernement. Chrifiiem fut cependant
alarmé des préparatifs de guerre que formoit l’é-
leéteur Palatin, ce prince s’avança en effet vers
le Holftein, mais il ne fit que paroître, & s’enfuit
devant des payfans qui ofèrent lui préfenter le
combat. L’empereur paroiffoit vouloir venger
l’affront d’un prince fon allié & fon vaffal; Charles-
Quint repaiffoit encore fon ambition du projet
chimérique de la monarchie univerfelle. L’intérêt
de la religion éteinte dans le Nord, les prétentions
de l’êleâeur qu’il devoit foutenir, lui ôffroient
plus de prétextes qu’il n’en demandoit pour conquérir
trois couronnes. Mais une flotte qui croifa
dans les mers d’Allemagne, l'alliance reriouvelléei
entre la Suède & le Danemarck, les différends de'
Chrifiiem & des ducs de Poméranie terminés par
les voies politiques, une ligue bien cimentée avec
les Hollandois, à qui on accorda la liberté de la
navigation dans la mer Baltique, la vue d’une
armée nombreufe toujours cantonnée fur les frontières
du Danemarck , tant d’obftacles à vaincre
effrayèrent l’empereur, il renoua les négociations
entamées, & la paix fut fignée à Spire. La principale
condition fut que Chrifiiem I I I n’accorderoit
aucun fecours aux ennemis de fa majefté impériale.
On n’oublia pas le malheureux Chriftiern I I , qui
gémiffoit au fond d’une prifon, & n’étoit plaint
que de lui même. Chrifiiem III eut une entrevue
avec lui, & fit embellir le féjour deCallembourg,
où ce prince détrôné paffa le refte de fa vie dans
l’obfcurité.
Chrifiiem aureit goûté fur le trône un bonhe.ur
fans mélange, fi le chagrin de voir la couronne
de Suède devenue héréditaire dans la famille de
Guftave, n’avoit pas empoifonné fes plaifirs. Parla
l’union de Calmar étoit détruite, & Chrifiiem
perdoit toute efpérance de monter fur le trône
de Suède. Mais en perdant fes droits, ce prince
n’abandonna pas fes prétentions; & pour apprendre
à toute l’Europe qu’il défavouoit la conduite des
états généraux de Suède, il arbora trois couronnes
dans fon écu. Guftave s’en plaignit & ne fut
point écouté.
Les troubles d’Iflande, dernier effort de la religion
romaine expirante dans cette ifle, fe calmèrent
à la vue d’une flotte que Chrifiiem y envoya. La
ville de Hambourg montra plus a’audaee. Les
droits qu’elle exigeoit gênoient la navigation fur
l’Elbe; Çhrifiiern demanda pour les vaiffeaux Danois
une exemption de péage; mais lorfqu’il vit qu’on
ne pouvoit l’obtenir que les armes à la main, il
ne crut pas que ce privilège dût s’acheter aux prix
du fang des hommes. Loin d’envahir, à l’exemple
de fes ancêtres, les états de fes voifins,il rejeta
l’hommage de la ville de Revel; les habitans
afliégés par les Mofcovites, députèrent vers lui
pour le prier de leur donner des loix & des fecours,
& de recevoir leur ferment de fidélité.
Chrifiiem répondit qu’accablé d’infirmités, le fardeau
du gouvernement que le ciel lui avoit confié
commençoit même à excéder fes forces; que fa
foiblefle l’avoit contraint de remettre fur la tête I
de fon fils Frédéric la couronne de Norwège,
& qu’il rie pouvoit accepter le don de leur foi.
Les députés ( chofe fingulière ) s’en retournèrent
fans pouvoir trouver de maître. Chrifiiem au milieu
des. occupations pacifiques qui partageoient fes
momens, defcendit tranquillement au tombeau, au
milieu de fa famille éplorée & de fon peuple
Confterné. Ce fut le premier janvier 1559 que le
Danemarck perdit un de fes meilleurs princes. Il fit
la paix par goût, & là guerre par néceflité. Il
négocioit avec fageffe 8c prefque fans rufe; fon
caraftère étoit fimpie, bon & vrai ; brave , mais
attachant peu de prix à la bravoure, fa gloire
étoit de maintenir les loix & de rendre fes peuples
heureux. Il eft vrai qu’il détruifit dans le
Nord Tégliferomaine ; mais on ne peut en accufer
que l’ambition de fes miniftres, qui depuis tant de
fiècles avoient envahi la plus belle partie du Danemark,
qui tant de fois foulevèrent le peuple
contre fes fouverains, foufflèrent dans toutes les
provinces l’efprit de difcorde & d’indépendance ,
balancèrent & fouvent renverfèrent l’autorité fu-
prême , & qui auroient fini par exterminer les rois
du Nord, fi ces rois ne les avoient pas exterminés
eux-mêmes. (A/, d e S a c y ).
C h r ist ie r n IV ( f f l f i ' de Danemarck') , roi de
Danemarck. Il n’avoit que onze ans lorfqu’il fuc-
céda à Frédéric I I , fon père. Quatre régens prirent
en main les rênes du gouvernement, tandis
que des maîtres habiles veilloient à l’éducation du
jeune roi. Il étudia les langues des nations , leurs
intérêts , leurs moeurs : on fit marcher d’un pas
égal la culture du corps & celle de l’efprit. Il devint
léger, adroit, robufte, & dans les exercices
effaça tous tes courtifans. Il fut couronné l’an 15 96;
commença k gouverner par lui-même ; s’allia avec
l’éleéteur de Brandebourg, en époufant Anne-
Catherine, fa fille; refufa d’entrer dans la guerre
de la Hollande contre l’Efpagne, & conferva fes
états dans une paix profonde , tandis qu’une partie
de l’Europe étoit en feu. Il éluda adroitement
les pièges que lui tendoit le roi de Suède, pour
réveiller les anciennes querelles qui avoient coûté
tant de fang aux deux nations. Tout étoit fi calme
dans le Danemarck, que Chrifiiem crut pouvoir
fuivre le penchant de fon coeur, qui l'entraînoit
vers l’Angleterre. Il aimoit tendrement fa foeur,
que Jacques I avoit époufée : fon abfence ne fut
point funefte à fes fujets, ni à lui-mêine ; il retrouva
les affaires dans le même ordre où il les
avoit laiffées.
Ce prince fuivoit toujours fon plan pacifique ,
lorfque la jaloufie des Suédois, par des procédés
trop durs, réveilla celle des Danois affotipie par
l’humeur tranquille de leur prince. Chrifiiem effaya
d’étouffer ces germes de difcorde : on convint d’une
conférence à Wifmar ; mais les plaifirs de Calmar
arrêtèrent les ambafladeurs Danois, & leur incontinence
fut la caufe d’une guerre. Les Suédois choqués
, manquèrent aux égards qu’ils dévoient à
Chrifiiem. Ce prince ne garda plus de ménagement
envers le roi de Suède; les efprits s’aigrirent,
s’échauffèrent par degrés , la guerre fut déclarée ,
Chrifiiem entra dans Calmar l’épée à la main; mais
le château fit une vigoureufe réfiftance. Soit horreur
de la guerre, foit goût pour l’adminiftration
intérieure, Chrifiiem rentra en Danemarck, & laiffa
le commandement de fon armée à Lucas Krabbe,
qui fut tué peu de temps après dans un combat.
Chriftiandftat fut pris par ftratagême ; la flotte
fuédoife fut battue, & la fortune te décida pour
les Danois ; ils firent plufieurs conquêtes importantes,
for tirent vainqueurs de quelques rencontres
meurtrières. Charles IX irrité, envoya un cartel
à Chrifiiem. Ce prince y répondit par des injures.
Il difoit , entre autres chofes, quil s appercevoit
bien que les jours caniculaires ri étoient pas encore pajfés
pour Charles I X , 6* qu ils opéroient dans fa tête avec
toute leur force. Il difoit enfuite : Il vaudroit mieux
que tu fujfes renfermé dans un poêle chaud, que de te
battre avec nous. Cependant le fort des armes ne
tarda pas à changer : la maladie commença la défi
truélion des Danois; la faim rendit encore leur
fituation plus affreufe, & toute l ’armée fc diflipa.
Sur ces entrefaites, Guftave-Adolphe monta fur
le trône de Suède , & peu de temps après la paix
fut conclue avec le Danemarck. Chrifiiem fut contraint
de rendre Calmar , Tille d’Oëland 8c le fort
de Risby. Bientôt la levée des impôts fur le détroit
du Sund excita un nouvel orage ; mais la
prudence de Chrifiiem fut le conjurer. La république
de Lubec d’une part, de l’autre, celle des
Provinces-Unies, te plaignoient des entraves que
ces impôts mettoient à leur commerce. Chrifiiem
refufa d’abord de les fupprimer ; mais l ’empereur