
Sans frein dans fes penchairs, elle s’abandonne aux
hommes les plus vils ils lui paroiffent affez nobles
dès qu’ils font affez robuftes; Plufieurs achetèrent,
aux prix de leur vie , le plaifir d’une nuit ; & cette
reine lafcive , par un refte de honte, fe débar-
ra ffo irp a r un affafîinat, des complices de fon incontinence.
Antoine triomphant , vient chercher
le prix de fes conquêtes dafis l’Egypte. Le roi
d’A rménie, chargé de chaînes, fut traîné dans
les rues dAléxandrie , & Cléopâtre eut la gloire
de voir à fes pie.ds un monarque, dont le vainqueur
étoit fon captif. Enivrée de fa profpérité ,
elle afpire à l’empire du monde: fon amant lui
en fait la promefiè, & il ordonne la cérémonie
de fon couronnement. Au jour indiqué, il monte
fur un trônej le front .ceint d’un diadème, &
portant dans fa main un fceptre d’or. Cléopâtre af-
fife à fa droite, eft proclamée reine d’Egypte, de
Chypre, d eL ybie, ßc de la Gélé-Syrie, conjointement
avec fon fils Çéfarien. Les trônes du refie
du monde furent partagés entre les fils qu’elle
avoit eus d’Antoine , & ils prirent le titre de rois
des rois. Ge fpeôacle fcandaleux fouleva tous les
Romains: Octave fait des préparatifs pour venger
l ’affront fait au nom romain. Antoine lui oppofe
des forces nombreufes. Ii fe rend à Ephèfe, où
. il fut fuivi de Cléopâtre-, les vieux foldats furent
indignés de voir leur chef dominé par une femme
qui étaloit dans le camp le luxe d’une cour vplup-
tueufe. Ce fut à Samos que Cléopâtre jouit de la
plénitude de fa gloire : tous les rois qui s’y trouvèrent
ne parurent que fes fujets. Dès que" la fai-
fon permit de commencer les hofiilités, on en
vint aux mains près du rivage d’A âium, A peine
l ’aéfion étoit commencée., que Cléopâtre, effrayée'
du bruit des armes, prit la-fuite. Antoine, infidèle
à la gloire, n e . Gonfulte que les intérêts de fon
amour :'il fiait l’exemple de fon amante , & abandonne
la viéloire à fon rival. Cléopâtre raffembla
dans Aléxandrie les débris de fa grandeur : deve:
nue inquiète & foupçonneufe, elle immolé, à
une politique timide , tous ceux qui pou voient allumer
des- (éditions. Antoine trahi par fon armée
de terre , vint rejoindre fon amante , qu’il trouve
entourée de viâimes ; il lui devint indifférent dès
qu’il fut malheureux ; & cette reine, dont l'ambition
tenoit toutes fes autres paffions affervies ,
forma le deffein de lui fubflituer fon vainqueur : elle
envoie fecrétement à Qétave une couronne &
un fceptre d’or , pour lui faire connoître que tous ;
les droits de la fouveraineté réfidoient en lui. Il
lui promit l’impunité, pourvu qu’elle fît mourir
Antoine : tandis que Cléopâtre négocie fa paix avec
O â a v e . elle redouble fes careffes à fon crédule
amant, .dont l’anniverfaire fut célébré avec une
magnificence que l’état préfent auroit dû pro (crire.
Au'milieu de toutes ces fêtes , elle continuoit
fes négociations avec Céfar , & bientôt fon amiral
avec fa flotte pafia du coté de-Céfar. Après cet
éclat, elle ayoit tout à craindre du reffemioeent
de fon époux outragé & trahi : ce fut pour en prévenir
le jufte reffentiment qu’elle fe retira dans lp
tombeau-des rois , fes ancêtres, où elle fit tranf-
porter fes tréfors. Le bruit de fa mort fe répandit
dans Aléxandrie, & Antoine nepouvarit fe réfoudre
à lui furvivre, fe fit donner le coupdela mort par
un de fes affranchis: tandis qu’il r.efpire encore ,
il apprend que fon époufe eft vivante : il ordonne-
à les efclaves de le tranfporter dans le tombeau
où elle eft réfugiée. Cléopâtre, qui craignoit unetrà-
hifon , détendit d’ouvrir les portes, & fe fervit de
cordes pour le guinder en-haut : leur réunion fut
touchante : Antoine ,-tout fanglant & refpirant à
peine, tourne fes yeux môurans vers elle , & pa-
roît mourir fans regret , puifqu’il meurt dans fis-
bras : tandis , qu’ils confondent leurs l'armes,, &
qu’elle nettoie fa plaie, il expire dans fes bras, i
- L’ambition de Céfar étoit de fe faifir de Cléo.-
patre vivante. Proculeïus, à la faveur d’une échelle,
eut l’adreiTe de s’introduire dans le tombeau : c!ès
qu’elle l’apperçut, elle tira fon poignard pour s’en
percer le fein: il le lui arrache, en lui difant;-
Princeffe, c’efi outrager Céfar , que de lui ravir
la gloire d’étendre fur vous fa générofûé, La première
grâce qu’elle demanda fut d’enfevelir le corps
d’Antoine, & elle s’en acquitta avec magnificence
qui rappellafon ancienne fplerideur: la fièvre
dont elle fut attaquée lui fournit un prétexte
de s’abftenir de manger, & de prendre des potions
qui pouvoient la délivrer du fardeau de la
vie. On pénétra fon deffein, & Céfar lai fit dire
quelle devoit vivre pour fes enfans.,IL alla lui rendre
une vifite, où elle le reçut, couchée fur un lit-, -
avec une (implicite étudiée & plus (eduifante que-
les ajuftemenr lés plus retherché.5,.- Le détordre
de fes cheveux, fes regards triftes & languiffans
fembloiént promettre un nouveau triomphe à l’a-;
mour : fa voix ex-primoit toutes les paffions s &
en dêfcélant les mouvemens de fon ame , les tranf-
mettoit dans le coeur de celui qui pouyoit l’entendre
: fes yeux aidés de la magie de fa voix touchante
, cOmmuniquoient un. feu dont ellé pàroif-
fo if elle-même- embrafée : dès qu’elle apperçut
fon vainqueur: Recevez, lui dit-elle, mon h"ôm>-
mage : je fus autrefois fouveraine; c’efi à vous-
que la viéloire & les dieux ont déféré ce titre :
tandis qu’elle parloit, fes regards mendiaient ceux
de Céfar, qui n’ofoit les fixer fur elle : fon infen-
fibilité la rendit-furieufe ; elle fe jetta une fécondé
fois à fes genoux, en lui difant: je détefte la vie ,
& ma gloire me défend de la conferver. Céfar
en la quittant, lui fit les plus fiatteufes promeffes ÿ
& , quelque temps après, il chargea-le jeune Do-
labella de lui annoncer de fe tenir prête à partir
avec (es enfansdans trois jours. A cette nouvelle,-
ell'efe repréfenta toute l’horreur de fa defiinée ; &c
fe tranfportant dans le tombeau d’Antoine, elle
l’apoftropha comme s?il eût, été vivant. Après
qu’elle eut arrofé le tombeau de fes. larmes, elle
fe fit feryir un magnifique repas, ce,fuite elle éçrivit
à Céfar , pour lui demander la faveur d’être
enfevelie avec fon cher Antoine : elle fe revêtit
,<Je fes'plus riches h ab its com m e fi elle eut du
afiifter à une fête ; & fe jettant fur ion l i t , elle
demanda une corbeille de fruits qu’un pàyfin venoit
de lui apporter. Il y avoit un aftpic caché fous les .
feuilles: elle fe fit une incifion au bras, & pre-
fenta fa plaie à lécher à l’animal, dont la mor-
fure fit circuler le poifon dans fes veines., & lui
procura une mort prompte & fans douleur : telles
furent la vie & la mort de cette reine célébré, i
•qui éprouva l’iyreffe de l’amour & les tourmens,
de l’ambition , qui allia le goût des,arts a celui des
voluptés, & la délicateffeà la. débauche. Le temps
defirudeur delà beauté fembla refpeder fes traits,,
êc l’expérience lui prêta des armes pour fubju-
guer les coeurs les plus rebelles. Quoique tendre
Sc fenfibie , elle étoit fans frein dans fes vengean-
-cçs, & prodigue envers fes amans: elle ver mit :
fans remords le^ fang des rivaux de fon ambition.^
T-n ).
g CLÉOPHAS C Hiß. cccUf ) , frère de faim Jri-
feph, & fils, comme lui, de Jacob, epoufa.Marie,
fe u r de la fainteVierge, & fe trouva ainü oncle
de Jéfus-Chrift : il ne comprit bien le tnyilere de
la croix que lorfqtie Jéfus reffufcitê lui appantt &tr
le chemin d’Ëmmiias, où il alloit avec fon fils Si-
tnéôn; alors fes yeux s’ouvrirent, & il crut. Il
avoit encore trois autres fils, Jofëph, Jacques le
Mineur, & ’Judas., 'autrement Thadée. ( A . R. )
\ CLÉDSTRATE, ( Hiß. me.') Afironqme grec ,
•qui connut & difiingtia.le premier les fignes du.zo—
diaque, & forma le calendrier des Çrecs. Il vivoit
tcin q fiècles & plus .avant Jefus-Chrifi.
CLERC (Jean le ) ( Biß. de Fr.) , dit 'Bujfy le
Clerc , d’abord maître en fait d’arnies , puis procureur
au parlement, le plus infolent & le plus fanatique
de la fadion des feize dans le temps de la ligue
& du fiê'ge de Paris, fous Henri IIï & fous Henri TV.
Je n 'ai qu’un enfant, difoit - i l , je le mangerois^ plutôt
à'belles dents que de me rendre jamâis. T a i, difoit-il
encore, une épée tranchante , avec laquelle je mettrai
.en quartier celui qui parlera de paix.
Le duc de-Guife l’a.voit fait gouverneur de la Baf-
tille , & il y mit le parlement, fur le refus que fit
Æe corps, d’âutorifer les fureurs de la ligue & da-
néantir la loi S a liq u e il fit jeûner ces magifiraïsàn
pain & il l’eau: on l’appella le grand, pénitencier:du,
parlement. On connoît le difeours qu’il tient au parlement
dans la Henriadê , & auquel
Le fénat répondit par un noble filence . . . .
Soudain. Harlay-fe lève , Harlay, ce noble guide ,
Ce chef d’un parlement jufte autant qu’intrépide j .
Il fe préfente aux feiz.e , il demande des fers ,
Du front dont il auroit condamné ces permets.
ces fédîtieux s’étoient rendus redoutables, délivrât
Paris de leur tyrannie en 1591. Il en fit pendre plufieurs
D fallut que le, duc de Mayenne lui-même, auquel J
; le Clerc fe garantit du fupplice en rendant
la Bafiîlle à la première fommation : il fe relira à
Bruxelles, où il vécut miférablement du métier de
prévôt de falle. Il vivoit encore , dit-on, en 1634,
ayant toujours un gros chapelet à fon col, parlant
peu, maïs magnifiquement, des grands projets qu’il
avoit manqués.
Le Clerc eft aufli le nom de quelques gens de
lettres.
i ° . Michel, l’un des quarante de l’académie fran-
çoife, a traduit en vers les cinq premiers chants de
la Jèrufalem délivrée ; mais il n’eft connu que par
l’épigramme de Racine, qui nous apprend que le
Clerc avoit fait une Iphigénie :
Entre le Clerc 8c fon ami Çôras ,
Deux grands auteurs rimans de compagnie,
• N’a pas long-temps, s’ourdirent g-rands débats
Sur le propos de leur -Iphigénie.
...Coras lui dit : la pièce eft de mon crû.
Le Clerc répond : elle eft mienne & non vôtre. -
Mais aufli-tôt que la pièce eut paru ,
Plus n’ont voulu l’avoir, fait l’un ni l’autre.
Mort en 1691.
20. Sébafiien le Clerc, graveur célèbre. Nous
n’examinerons en lui que F auteur, laiffant la partie
des arts à ceux qui en font chargés. On a de lui un
traité de géométrie., théorique & pratique , un traité
d’architeëurè , un difeours• fur le point de vue. Le
Cler-c étoit né parmi lq. peuple; il fut d’abord aidé
de cuifine à l’abbaye de Saint-Arnoul ; dans fes
momens de loifir ,■ il s’amufoit à defiiner fans avoir
aucuns principes de cet art, -& feulement par un
goût naturel : le prieur de la maifon ayant vu de
fes effais, préfagea fes grands talens & fes grands
fucçès le fit inftruire. Après les grands hommes
, ceux qui les procurent ont les plus grands
droits à nbtre reconnoiflance.
Quis magno.potiùs,f iccedat Acbilli
Quàm pex quem magnus Douais fuccejjït Aclùlles ?
L e ‘Clerc avoit plus d’un talent & plus d’une con-
noi(Tance ; il fut ingénieur-géographe du maréchal
de la Ferté , graveur ordinaire de Louis X IV , &
lepâpe Clément XI le fit chevaliôr .romain. Né à
Metz en 1637, mort à Paris èri 1714.
- 3°. Il à laiffé un fils , Laurent- Joffe le Clerc, prêtre
de Saint-Sulpice, & homme de lettres. On a de
lui des remarques fur le diélionnaire de Bayle, imprimées
dans l’édition de ce diâionnaire de 1734,
faite à. Trévoux. On a aufîi de lui; un traité ma-
nuferit du Plagiat littéraire , confervé à la bibliothèque,
.du (e min aire de tSaint - Irénée de Lyon.
Mort,en ’1736. ‘ '
4®. Daniel le Clerc, médecin à Genève,, eft au-
: : Z a •