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Le prince Chai le s , qui, l’année précédente, éfoit
borné à défendre la Bohême, fe préparoit à porter
la guerre en Alface & en Lorraine. La reine,
après avoir recouvré Egra, la feule ville de
Bohême que fes ennemis occupoierit, fe fit prêter
ferment de fidélité par les états de Bavière, dont
elle avoir dépoffédè l’ék-ftetir. Cependant Louis X V
avoir appuyé les propofrrions de paix, & fut
très-fenfible au refus qr’en avoit fait la reine, il
prit la réfolution de commander lui-même fes
armées: il n’avoit fait la guerre que comme allié
du duc éleéleiir de Bavière: il la fit comme ennemi
direâ de Marie-Thérèfe & du roi d’Angleterre,
allié de cette rèine. Après l’avoir déclarée
dans les formés les plus folemnelles , fes premiers
coups tombèrent fur Menin, Ypres, Fûmes &
la Kenoque, qui cédèrent à la force de fes armes.
Les fuccès étoient variés en Italie entre les
Espagnols & le roi de Sardaigne. Charles de Lorraine
ne perdoit point de Vue le projet de pénétrer
en Alface, ou il rendit fon nom redoutable.
Louis X V , infiruit des ravages qu’il exefçoit,
chargea le célèbre maréchal de Saxe du foin de
conferver fes conquêtes en Flandre , & prit la
route-de l’Al face pour aller combattre le prince
Charles. Le duc d’Harcourt le prècédoit, & le
maréchal deNoailles l’accompagnoit dans fa marche.
Une maladie mortelle qui le retint à Metz , ne lui
permit pas d’achever fa courfe. La gloire de chaffer
les Autrichiens de l’Alface éroit réfervée auxmaré-
chaux de Noailles & de Coigny. Le roi de Prufle,
étonné du progrès des armes de Marie-Thérèfe,
craignit que cette reine, à qur des revers multipliés
avoient fait figner le traité touchant la Silé-
fie , ne le rompît dans un temps où elle fembloit
maîtrifer la viéfoire. Il crut devoir la prévenir,
& profiter du moment où le reffentiment de
Louis X V tomboit fur fa rivale. Ce prince habile
trouva fans peine un prétexte à fes hoflili-
tés. La reine refufoit de reconnoître Charles VII
pour empereur, quoique fon éledion fût régulière.
Le roi de Prufle , comme éle&eur , feignit
de fe croii€ obligé de défendre le chef de l’Empire
: il fond tout-à-coup avec vingt mille hommes
fur la Moravie, & en envoie quarante mille devant
Prague, où H fe rend bientôt lui-même.
La ville fut prife d’aflaut ; & la garnilon qui
moatoit à feize mille hommes , fut faite pri-
fonniére. Frédéric, dans l’impuiflance de conferver
fa conquête, démantela la place , pour aller
couvrir des magafins confidérables à K ' nigs-Gratz,
que le prince Charles menaçort. On s’apperçut
bientôt que les intérêts de Charles VII n’étoient
qu’un voilé dont le roi de Prufle couvroit fes
defleins: en effet, la mort de cet empereur n’arrêta
point fes hoflilités : fon plan , conforme à
celui du roi de France , étoit d’empêcher l’agran-
diflement de la maifen de Lorraine, qui, entée
fur celle d’Autriche , devoit donner des inquiétudes
à l’Europe. L e feu de la guerre en devint
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plus violent. Le roi de France , dont la fante
étoit rétablie , fe rendit au mois de mai en Flandre,
& remporta à Fontenoy une viâoire à jamais
mémorable, qui mit bientôt fous fon obéiflance,
Tonïnai, Gand , Oudenarde , Bruge , Dendre-
morde, Oftendc & Nieuport. Cette vifipire &
la bataille de Fridberg, gagnée par les Prufliens,,
n’empêchèrent point que le grand-duc ne parvînt
au trôftè de l’Empire. An milieu de ces affreux
orages, Marie-Thérèfe avoft confervé tout le
calme de-fon éfprit, qui eut tant d’afcendant fur
celui des princes de l'Empire , que le fceptre
qu’avoieflt porté fes aïeux, pafla dans la mai-
fon qü’elle avoit adoptée. Le grand-duc fut couronné
roi des Romains , & proclamé empereur
fous le nom de François /. ( 1 3 - 23 feptejnbré
1745.) Le roi de Prufle & l’éleâenr palatin fûrerlt
les feuls du college éleâoral qui. lai refusèrent
leur fnffrage. Le couronnement de François I fe
fit fous de malhenreuX aufpices f i l fut marqué
par la bataille de Landnitz, que le roi de Ptüfle
gagna für les Autrichiens, potir lefquels elle fut
très - rtieurtrière. Ils perdirent neuf étendarts &
tout leur canon; deux mille déferteurs s’enrôlèrent
dans l?armée de Frédéric ; la Saxe conquife, la
Bohême' entamée , furent le fruit de cette victoire.
La gherre fe communiquoit à toutes les
parties de l Europe : Frédéric la déclara au roi de
Pologne, comme à l’allié de Marie-Thérèfe.« Tous'
» ceux qu i fe liguent, difoit-il, avec les puiffances
» que je combats,' font mes ennemis:1e roi de
» Pologne a un traité défenfif avec Marie-Thérèfe ;
n il eft mon ennemi, je-lur déclare que je marche
» contre lui. v Ce manifefle n’étoit pas des plur
réguliers, mais il> n’en prit pas moins Leipfick &
Drefde. Ce prince., qui favoit allier le plaifir au
tumulte des guerres, donna dess fêtes brillantes^
dans la capitale qu’il venait de conquérir.'
Le roi d’Angleterre voyoit avec inquiétude
les fuccès des Prufliens : il multiplia fes efforts:
pour engager Frédéric à terminer fes différens
avec la reine. Ses négociations ne furent point
infruélueufes ; la paix fut*"rétablie entre ces deux
puiffances ; le roi de Pologne fut compris dans, le
traité qui coflfirmoit au monarque pruflien la
pofleflion de la Siléfie & du comté de Glatz ;
ce prince, à cette condition , confentit à reconnoître
François pour empereur. Louis X V afpiroit
à fe venger du roi d’Angleterre , qui le privoit
d’ün allié fi puiflant; il fit un effort pour remettre
le prétendant fur le trône de la Grande-Bretagne:
ainfi cette guerre, allumée contre Marie-Thérèfe ,
commençoit à lui devenir étrangère. L’avénement
de Ferdinand VI au trône d’Efpagne, fit croire à
l’Europe, épuifée partant de combats qu’elle
touchoit à la fin de fes maux. Ce prince pacifique
envoya des ordres à fes généraux de fortir
de l’Italie , où ils avoient combattu avec des fuccès
mêlés de revers , & de .cefler toute efpèce
ifhoftilités, Gênçs ; alliée des Efpagnols & des
François, demeura expofée au reffentiment des
Impériaux, qui furent chaffés par cette république,
pour avoir voulu lui impofer un joug
trop pefanr. Louis X V , quôiqu’abandonné de fes
alliés , ne pourfuivit pas moins l’exécution de fes
projets. Ce monarque fentoit le befoin de la paix,
mais il vouloir la faire en vainqueur : la prife de
Berg-op-zoom & de Maflricht ne luLlaifla rien
à defirer, & pacifia l’Europe. Le maréchal de
Saxe* q u i, dans .cette guerre , avoit donné à
nos armées un état qu’elles n’avoient point eu
depuis les Condé & les Turenne, avoit fouvent 1
dit que la paix étoit dans Maflricht. La prédiction
de ce grand général fut jufiifiée par l’événe-
mept : les préliminaires entre la France, l’Angleterre
& la Hollande, furent flgnés après quinze
jours de tranchée ouverte devant cette ville : ils
portoient une fufpenfion d’armes & la remife de
Maflricht, par provifion , entre les mains des
François, la reine le figna peu de temps après:
ainfi le calme ferma enfin les plaies de l’Europe,
après huit ans d’une guerre opiniâtre & fanglante;
le traité fut ligné à Aix-la-Chapelle.( 18 o&o:
bre 1748) en forme de paix perpétuelle. Toutes
les conquêtes furent réflituées de part & d’autre :
la reine céda à l’infant don Philippe, Parme,
Plajfe nce .& Guaflalla, avec çlaufe de réverfibi-
îité au défaut de poflérité mafeuline : le duc ,de
Modène fut rétabli dans les états , à l’exception
de quelques places : toutes les pofleflion s du duc
de Savoie lui furent confirmées : la pragmat.cj.ge-
fanélion de Charle VI ,r qui afliïïe aux femmes la
fiicceflion d’Autriche au défaut de poflérité maf-
culipe, fut garantie par toutes les puiffances flr-
jpulantes, qui maintinrent le roi de Pruffe dans
toutes les poflèffions qu’il avoit avant la guerre.
Louis X V s’étOit acquis beaucoup de gloire pendant
la guçrre ; il en acquit encore plus par cette
paix. .Ce monarque, publiant le droit de la vic-
ne. Tortit point de cette modération qu’il
s étoit preferite ;. il fit le généreux facrifice de
fes conquêtes . & ne parut ienfibie qu’au bonheur
de fermer des .plaies que l'inquiétude de l’Angleterre
devoit bientôt rouvrir. L’efpoir de nous ravir
nos poflèffions d’Amérique, d’anéantir notre
mari.ne & notre commerce, fut le véritable motif
de cette guerre qui exerça fes rayages dans l’ancien
& dans le nouveau mortde , & déchira fur-tout
-le feiri de l’Allemagne. Le roi d’Angleterre, qui
prévoyoit bien que Louis X V ne manquerpit pas
de fondre fur fon éle&orat d’Hanovre, jeta les
yeux fur le prince d’Allemagne qu’il favoit le
plus en état de le défendre : il conclut avec Frédéric
un traité de ligue défenfive, dont le but
étoit d’empêcher les troupes étrangères de pénétrer
fur les terres de l’Empire. Le roi de France.;
de fon côté,.chercha un allié qui pût en impofer
à Frédéric ; il fe lia .étroitement avec Marier
.Thérèfe : un traité conclu entre les cours de
tVerfeilles & de Vienne, portoit une neutralité
abfolue quant à ce qui concernoit l ’Amérique;
mais en * cas que l’une des deux puilTances vînt
à être inquictee dans les états du continent.
1 antre sobiigeoir à iui donn.r un fecours de
vingt quatre mille hommes. Cette alliance déconcerta
tous les politiques, & ce fut le premier
noeud qui réunit les maifons d’Autriche & de
Bourbon , û long-temps rivales. Cependant Frédéric
Ce lalTa bientôt du rôle d’allié : jaloux de
paroître le premier fur ce nouveau théâtre , il
fait une irruption dans la Saxe, alliée de la reine,
avec foîxante mille hommes; & il ne fe fait
précéder par aucune déclaration de guerre, par
aucun manifefte, Ces formalités indifpenfables ne
furent remplies que quand il eut mis le pied fur
les terres ennemies ; alors , fon miniftre à la
cour de Vienne, déclara à Marie-Thérèfe que
fon maître, inftruit de l’alliance offenfive conclue
entr’elle , la czarine & le roi de Pologne, cou-
tre lui, exigeoit que la.reine, pour détruire les
alarmes qu’il en concevoit , déclarât que fon
intention étoit de ne l’attaquer ni cette année ,
ni la fuivante, ni de faire aucune entreprife fur
la Siléfie.
Ce traité, dont Frédéric feignoit de Ce plaindre,
étoit ancien, il regardoit la Porte, & non
pas la cour de Berlin. Ce n’étoit pas ce traité
qui excitoit fes inquiétudes, mais celui que la
reine.avoit conclu avec la France, dont il ne
parloit pas. Marie-Thérèfe lui fit une réponfe
pleine d’élévation 8i.de fagefiè.; elle lui dit que
Je traité conclu contre lui entre la ézarine, le
roi de Pologne & elle, étoit imaginaire-; que fes
préparatifs en Bohême étoient poflérieurs à ceux
quîl avoit faits en Silefte; que quant à la promefîe
de ne point attaquer fa majefié Pruffienne, elle
ne^ Ce croyoit point obligée de fe lier les mains,
qu’elle fuivroit le cours des événemens;& qu’au
furplus la cour de Berlin devoir fe repofer fur
le traité ci’Aix-la-Chapelle.
. Le roi de Pruffe, qui ne< cherchoit qu’un prétexte
, prit cette réponfe pour une déclaration
de guerre’, & répandit un manifefle à la cour
de Drefde. Augufte eût bien voulu prévenir Forage,
il fit au roi de Pruffe des propofitions qui
furent rejetées, non fans une efpèce de dureté,
Tout ce que vous me propofez, lui répondit
Frédéric , ne me convient pas, & jé n'ai aucune
condition à vous propofer. Augufte, qui ne s’étoit
point mis en état de défenfe, abandonna Drefde,
capitale de fon -éleSorat, & fe retira à fon camp
de Pidna , d’où il ■ fe rendit enfuite à Varfq-
v ie t.il laiffa fon époufe à Drefde : cette prm-
ceffe y mourut du chagrin que lui occafton-
nèrent les excès des Prufliens dans l’éleQorat.
Le roi de Pruffe, s’étant fait ouvrir les archiv
e s , ne trouva aucune trace du prétendu traité
qui lui a v ou-, nus les armes à la main; mais
il n’en eowWaçir pas n^nus fes projets de conquête,
On vit perdant de cette guerre, ce
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