
des prinees , fans remédier aux dèfordres dont
Charles avoit efpéré la fin ; & cela devoit être,
puifque l’on en laifibit fubfifter le germe. On n’en-
îendoit parler que de révoltes , d’incurfions & de
brigandages. Ce fut dans ce temps-là même que
Charles-le- Chauve remit entre les mains d’Erefpoge
le fceptre des Bretons. Les Normands continuoient
de faire de. la France le théâtre d’une fureur que
rien ne pouvoit a/Touvir. Nous allons raffembler
ici le tableau des dèfordres qu’ils commirent fous
le règne de Charles-le- Chauve ; & fi ces trifies
objets ainfi réunis nous font gémir fur la foiblefie
du gouvernement de ce prince., ils ferviront
au moins à nous faire admirer la vigueur de
celui de Charlemagne qui fut les contenir dans
leurs limites , dans, un temps ou il fondoit un
nouvel état, & où il avoit fur les bras la moitié
de l’Europe. Ils avoient déjà pris & pillé Nantes
Touloufe, ravagé laSaintonge , & brûlé Bordeaux
•& Périgueux. Devenus plus fiers par la fuite de
leurs profpérités, ils forcèrent Charles, après l’af-
iemblée de Merfen, à les admettre, difent les anna-
liftes, au partage de fon royaume. On ne fait à quoi
<fe réduifoit ce partage : on croit que la ville de
Rouen leur fut dès-lors abandonnée. Quoi qu’il en
doit, la portion qu’on leur accorda ne fuffifant pas
â leur cupidité, ils prirent ou faccagèrent, en différentes
époques, Angers , Blois, faint-Valery,
Amiens, Noyon , Beauvais , Orléans , Poitiers,
pillèrent le Mans, détruifirent la citadelle de Piftes,
& défirent une armée que commandoient les comtes
Eudes & Robert qui pafioient pour les deux héros
de leur fiècle ; ils forcèrent enfin le foible monarque
à conclure avec eux un traité dont on chercheroit
en vain le pareil dans les archives des autres nation?.
Après avoir exigé quatre mille livres pelant
d’argent, ils lui préfentèrent deux rôles, l’un des
prifonniers qu’ils avoient faits, l’autre des foldats
qu’ils avoient perdus depuis le commencement de
la guerre. Ils demandèrent une nouvelle fomme
pour les récompenfer de la liberté qu’ils accordèrent
aux uns, & pour les dédommager de la perte des
autres. Jamais vainqueurs n’avoient impofé. une
femblable loi: -la conféquerfce en étoit fingulière;
faire payer à des peuples la vie de ceux qui ve-
noient les attaquer dans leurs foyers , c’étoit les
déclarer efclaves ^ & les priver du plus précieux
droit que la nature prefcrit à l’homme, celui de
fa propre confervation. Il fallut obéir : on leva des
impôts qui firent murmurer le peuple; il fe plaignoit
de ce que le roi le dépouilloit au lieu de le défendre.
Tandis quelle feu de ces différentes guerres con-
fumoit le coeur de la France , le clergé donnoit
des décrets & difputoit fur la grâce; il fit füftiger
Godefcalque , moine écoffois. Ce religieuxplus
célèbre par les perfécütions qu’on lui fit efiùyer
que par la fupériorité de fon génie , agitoit des
quefiions impénétrables fur la liberté. Ces quefiions.
fe font renouvellées de nos jours, & ont caufé de
femblables dèfordres. Cétoient les mêmes fur lesquelles
les anciens philofophes difputoient avec
tant de modération, & qui leur firent inventer le
dogme du deftin. Charles, au lieu de pourfuivre
les ennemis de l’état , s’occupa de ces difputes;
& la flétrifiure du moine , qui fut regardée comme
fon ouvrage, augmenta le nombre des mécontens.
Trop foible pour faire agir les lo ix , Charles avoit
fait périr un lèigneur appeljé Jausbert, avant de
l’avoir convaincu du crime dont on fe plaignoit.
L’empire-, qu’il s’arrogea fur les confciences , le
fit accufer d’exercer une double tyrannje. Les
Aquitains mécontens de Pépin, lui avoient livré
ce prince &*s’étoient volontairement fournis. Ces
peuples faftieux prétendirent rompre ces nouveaux
liens, & députèrent vers le roi de Germanie qui
confentit, après bien des follicitations, à recevoir
leur couronne. Ce prince fit partir auffi-tôt Louis
fon fils ; mais cette démarche ne fit qu’augmenter
le dèfordre , &. n’opéra aucune révolution. Charles
fit reffouvenir le Germanique de leur ancienne alliance,&
le détermina à rappeller fon fils. Les Aquitains
fe voyant abandonnés, députèrent vers Charlesy
lui demandant pour les gouverner un de fes fils
qui portoit fon nom ; mais ayant été dégoûtés de
ce jeune prince, ils le chaffèrent du trône où ils
: venoient de le placer , & rappellèrent Pépin , leur
ancien maître, auquel ils firent bien-tôt efiùyer le
même affront. Il n’étoit pas au pouvoir du fouve-
rain de faire cefler ces fcènes aviliffantes. Plufieurs
feigneurs de Neuftrie avoient part à ces mouve-
i mens ; ils firent quelques démarches pour rentrer
dans le devoir. Charlespendant cette négociation,,,
parut encore en fubalterne , & leur fit- des offres
l au lieu de leur impofer des loix ; il leur envoya
des députés de la première confidération les féliciter
fur. leur retour; il les ex-hortoit à lui écrire
fur ce qu’ils trouvoient de défeâueux dans fa conduite
, promettant de fe corriger. Ses . députés
avoient ordre d’ajouter que , s’il manquoit à fa-
parole, les grands dont ils faifoient partie, fau-
roient bien l’y contraindre ; qu’au reffe,; comme
il ne vouloit leur faire aucune violence, ils fe-
roient toujours libres de fe choifir un autre maître*
Ce n’étoit pas ainfi que Charlemagne, fon aïeul,
en ufoit envers les rebelles ; c’étoit le fer à la
main qu’il fignoit leur grâce, & quelque cher que
lui fût un coupable, ion fang lui répondoit toujours
d’une, fécondé faute. Les rebelles fe rendirent
à l’aflemblée générale, qui fut indiquée a
Verberie , non pour y entendre prononcer leur
arrêt, comme ils y auroient été contraints fi les
loix euflent été dans leur .première vigueur jces
hommes flétris par leur défobéiflance, delibererent
avec les nobles & les prélats qui s’étoient diftingués
par la fidélité. Les Aquitains rappellèrent le prince
Charles qu’ils avoient chaffè, & auquel ils dévoient
donner de nouvelles preuves de leur inconftance*
Les rebelles de Neuffrie fortirent du confeil fans
donner aucune marque de leur foumiflion. Le
monarque, au lieu de s’aflùrer de leur perfonne]*
envoya'utle Seconde députation leur faire les re-
préfentations les plus modérées & les .p !“ s,
iraires au bonheur de l’état : il les pnoit de lui
dire le fujetde leur mécontentement , ajoutant
que fi l’abfence de quelques feigneurs qui avoient
trempé dans leur révolte les empêchott de terminer,
il fe contenteroit d’un ferment condittonel.
il leur fit une peinture vive & touchante des
maux auxquels l’état étoit en proie; leur retraça
les ravages des Normands : ce fut inutilement.
L’efprit d’indépendance flattoit ces. âmes fuperbes ,
& étouffoit en eux tout fentiment patriotique ; ils
négocièrent avec Louis de Germanie, moins pour
fe foumettre à fon empire, que,pour tenir le 1cm-
verain dans d’éternelles frayeurs. De Verbene,
Charles fe rendit à Chartres & à Quierfi , ou Ion
fit plufieurs réglemens. Mais que péuvent les loix
les plus fa^es, lorfqué le prince met le glaive tous
les pieds du coupable ? Cftkrl.ei eut encore recours
à des mains étrangères pour éviter le naufrage ;
il rechercha l’alliance de Lothaire I I , fils de 1 empereur,
fon frère, qui étoit mort depuis quelques
années. Mais cette alliance ne put arrêter le dèfordre
: Louis de Germanie , féduit par 1 attrait
d’une fécondé couronne , paffa le 'Rhin à la tete
d’une armée formidable, & fe rendit dans lL)r-
léanois. Charles, n’ayant que de foibles armes a
lui oppofer , fe réconcilia avec le clergé, fit lancer
contre lui les foudres fpirituelles. Les évêques murmurèrent
contre lu i, difant que s’il avoit quelques
fujets de *plainte contre fon frère, il pouvoit les
propofer à l’àflemblèe des états, fans verfer le fang
des peuples ; & qu enfin , fi Charles méntoit de
perdre fa couronne, ce n’ètoit pas à lu i, mais
eux à l’en priver , parce qu’il n’appartenoît: qu a
des mains facrées de toucher à C oint du feigneur. Louis
voulut refifter d’abord ; il fit même lever 1 exconr-
municatiôn par un évêque de fés^ amis ; mais la
fermeté l’abandonna tout-à-coup, il confirma l’autorité
des évêques, 6c confentit à un arrangement.
Ce prince trembloit devant ces foudres que fon
aïeul avoit fçu diriger : elles étôient à la venté
d’un très-grand poids dans cès tems- dignorance.-
Lé peuple qui juge de l’excellence des "ufages par
leur antiquité, avoit d’autant plus de' foi à celui-
ci , qu’il remontoit parmi les Gaulois aux temps
voifins de leur origine ; il avoit meme les plus
terribles effets. Quiconque étoit frappé d’anatnême,
ne trouvoit de fureté nulle part; iLn’y avoit au-
cùn afylé pour cet infortuné ;. c’étoit .meme un
crime pumffable de'lui donner de l’eau , ou de fe
trouver’én fâ compâgnîé. GeS druides’, ces pretre's
defpo'tes & cruels;;, confervèrent précihüfement. ce'
droit-, 8c le regardèrent toujours comme le plus'
fôr moyen de tenir les peuples dans leur dépendance.
, ^ ,
Châties, après avoir défarmê le roi de Germanie,
fe rendit,dans la Bretagne, qu’il pretendoit
remettre fous fon obéiffance. Erefpoge étoit mort
depuis trois afis ; Salomori , fon meurtrier -, lui
avoit fuccédé. Salomon avoit tous
pouvoient le conferver fur un trône ufurpé , s fi
•eût eu pour fujets des peuples moins faâieux^La
crainte de devenir la viaime de fa tyrannie 1 avoit f
engagé à faire hommage au monarque neuflneni,
m a i r e s que le tems eût emporte les regrets dont
ôn honoroit la mémoire d’Erefpoge, .1 romp.t les
nouveaux liens & prit le diadème. L »PF0* ef^e ^
mée françoife ne fut- pas capable de changer la relo
lutiôn & le fuccès d’un combat qui dura plufieurs
jours , couronna fon audace. Charles {e voyant
fur le point de tomber eh captivité , n évita ce
malheur qu’en prenant la fuite ; fi laiffa au pouvoir
de l’ennemi fon camp, fes tentes & fes bagage .
Ce fut au retour de cette expédition que Char-
les-le-Chauve forma le projet uenvahir lai Provence
fur Charles, fon neveu., troifieme fils de
Lmhaire. Quelle conduite pour un prince qu, ve-
noit d’Tprouver une défaite ! Avon-il befo.n de
nouveaux ennemis! Elle ne fervit quà faire conr
„ j p aénie 8c , noitre fon peu de geme tx. a le couvrir de ndi-
cule. Forcé de rentrer fur fes terres , il conlelia
que jamais il n’auroit dû entreprendre cette démarche
Des chagrins domeftiques fe joignirent
m ix h üm ih a tio n s ÿ .
Baudouin, comte & grand foreftier de Flandre,
avoir enlevé Judith fa M P I M i
d’Aquitaine ( c e prince étoit a peine
ans } fe maria fans le confulter. Lomv, fon autre
fik % ’étoit conduit avec la même irreverence. Il
voulut en vain venger le mépris de la puiffance,
paternelle : fes fils obtinrent leur grâce le^ fer a
main ; & le comte Baudouin, raviffeur de fa fille,
le força de l’avouer pour fon gendre.
La fortune jufqu’alors ennemie , fembla fe réconcilier
avec le monarque françois; elle.lui hvm
Salomon qui confentit-à lui rendre hommage
à lui payer tribut fuivant l’andienne coutume. C e ft
ainfi que s’expriment les ailleurs contemporains ;
ce qui prouve que lès Brëtoni; fous la première
& fous la fécondé racé , conferverent leur gouvernement,
& qu’ils étoient môins fujets qde
butairés. Charles ’eût pu profiter de ces circonf-
tahces heureufts pour refferrer les M U M
Eoient Tés'fujets1 au trotte; fi aima iflièux les
abandonner à leurs diVifions , àinfl
géS dès Normands; & cetoit.au milieu de ces de
Iftres qu’il formoit de nouveaux projets de con-
| iS L \ ô t l ïa n - é I I ,, fon neveu , étant mort f us
poftèrlté, il fe ligua avec Louis le Germanique,
lé partaieâ avec lui la Lorraine au préjudice de
LOùl lF r empereur & Vol d’Italie que cette fuc-
cêïïibn régârdoït comme frerè du défunt.' Adrien II,
qui oïcüppit le fiègê pontificàl; fit d inutiles efforts
pour engager Charles a reftituer ce qu fi ve-
nJk d’ufurper. Piqué d’un refus , ,1 s en vengea
en rendant lé monarque francpis ; o.dieux^& rné
prifable; il le traitoit dans fes lettre! « W ' >
lavare de rameur , de par;f
dénaturée, S homme plus cruel. qiteles hetes fé