
maréchal de Richelieu. Une falle de théâtre Une
fois élevée le fuppofe. La fête du moment n’étoit
qu’un prétexte refpe&able pour procurer à jamais
aux beaux-arts un afyle digne d’e ü x , dans une
cour qui les connoît 8c qui les aime.
Une impulfton de goût & de génie détermina
d'abord l’illuftre ordonnateur de ceçte fête à raf-
fembier, par un enchaînement théâtral, tous les
genres dramatiques.
Il efl beau d’avoir imaginé us enfemble com-
pofé de différentes parties , q u i, réparées les unes
des autres , forment pour l’ordinaire toutes les
efpèces connues. L ’idée va lie d’un pareil fpeélacle
ne pouvoit naître que dans l’efprit d’un homme
capable des plus grandes chofes; & f i, à quelques
égards , l’exécution ne fut pas aufii admirable
qn’on pouvoit l’attendre, fi les efforts redoublés
des deux plus beaux génies de notre fiècle, qui
furent employés à cet ouvrage, ont épuifé leurs
reffources fans pouvoir porter ce grand projet
jufqu’à la dernière perfe&ion , cet événement a
du moins cet avantage pour les arts , qu’il leur
annonce Timpofiibilité d’une pareille entreprife
pour l’avenir.
La nouvelle falle de fpeâacle , conftruite avec
la rapidité la plus furprenante, par un effor inattendu
de méchanique , fe métamorphofoit à la
volonté en une falle étendue-8c magnifique de
bal. Peu de moniens après y avoir vu la représentation
pompeüfe .& touchante d’Armide , on
y trouvbit un bal le plus nombreux & le mieux
ordonnné. Les amufemens variés & choifis fe
fuccédoient ainfi tous les jours ; Sc la lumière
éclatante des illuminations , imaginées avec goût,
embellies par mille nouveaux deffms relatifs à
la circonfiance, & dont la riche & prompte exécution
paroiffoit. être un enchantement, prêtoit
aux nuits les plus l'ombres tous les charmes des
plus beaux jours, &c.
Le ton. de magnificence étoit pris , 8c les fuc-
ceffeurs de M. le maréchal de Richelieu avoient"
dans leur coeur le même defir de plaire , dans
leur efprit un fonds de connoiffances capables de
le bien foutenir, 8c cette portion rare ,dè goût ,
qui dans ces occafions devient. toujours comme
une efpèce de mine abondante de moyens 8c
de reflources.
M. le duc d’Aumont , premier gentilhomme
de la chambre, qui fuccéda à M. le maréchal
de Richelieu , tenta une grande partie de ce que
celui-ci avoit courageufement imaginé; mais il eut
l’adreffe de recourir au feul moyen qui pouvoit
lui procurer le fuccès, 8c il fut éviter l’obftacle
quidevoit le faire échouer. Dans un grand théâtre ,
avec d’excellens artiftes , des aâeura pleins de zèle
& de talens, que ne peut-on pas efpérer du fe-
cours du merveilleux , pourvu qu’on fâche s’abf-
tenir de le gâter par le mélange burlefque du
comique ? Sur ce principe, M. le duc d’Aumont
Ht travailler à un ouvrage dont il n’y avoit
point de modèle. Un combat continuel de l’art
8c de la nature en ét&it le fonds , l’amour en étoit
l’ame , 8c le triomphe de la nature en fut le
dénouement.
On n’a point vu à la fois .fur les théâtres de
l’Europe un pareil affemblagè de mouvemens 5c
de machines, fi capables de répandre une aimable
illufion, ni des décorations d’un deffin plus brillant,
plus agréable 8c plus fufeeptible d’expreffion.
Les meilleurs chanteurs de l’opéra , les aéleurs
de notre théâtre les pius sûrs de plaire, tous ceux
qui brilloient dans la danfe françoife , la feule
que le génie ait inventée , 8c que le goût puiffe
adopter, furent entre-mêlés avec choix dans le
cours de ce fuperbe fpeétacle. AufH vit-on Zulifca
. amufer le roi , plaire à la cour, mériter les fuf-
frages de tous les amateurs des arts, 8c captiver
ceux de nos meilleurs artiftes.
Le zèle de VM. le duc de Gêvres fut éclairé,
ardent & fourenu, comme l’avôit été celui de fes
prédéceffeurs ; il fembloit que le roi ne fe fervît
que de la même main pour faire éclater aux
yeux de l’Europe fon. amour pour les arts 8c ia
magnificence.
Le deuxième mariage de M. le dauphin, en
1747 5 ouvrit une carrière nouvelle à M. le duc
de Gêvres , 8c il la remplit de la manière la plus
glorieufe. Les bals parés 8c mafqués, donnés avec
l’ordre le plus defiràble, de brillantes illuminations
, les feux d’artifice embellis par des deffeins
nouveaux; tout cela préparé fans embarras, fans
confufion , confervant dans l’exécution* cet air
enchanteur d’aifance , qui fait toujours le charme
de ces pompeux amufemens , ne furent pas lès
feuls plaifirs qui animèrent le cours de ces fêtes.
Le théâtre du manège fournit encore à M. le
duc de Gêvres des reffources dignes de fon goût
8c de celui d’une cour éclairée» ~
Outre les chefs-d’oeuvre du théâtre françois ,
qu’on vit fe fuccéder fur un autre théâtre moins
vafle , d’une manière «capable de rendre . leurs
beautés encore plus fédnifantes , les opér^ de la
plus grande réputation firent revivreffur le théâtre
du manège l’ancienne gloire de Quinault, créateur
de ce beau genre , 8c de Lu lli, qui lui prêta
tous ces embelliffemens nobles ■ & fimples qui
‘ annoncent le génie, 8c la fupériorité qu’il avoit
acquife fur tous les müficiens de fon temps.
M. le duc de Gêvres fit plus* il voulut mon-?
trer combien il defiroit d’encourager les beaux-
arts modernes., 8c il fit repréfenter deux grands
ballets nouveaux, relatifs à la fête augufte qu’on
célébroit, avec toute la dépenfe , l’habileté. 8c
le goût dont ces deux ouvrages étoientfufceptibles.
Vannée galante fit l’ouverture des fêtes 8c du
théâtre ; les fêtes de l’Hymen 8c de l’Amour furent
choifies. pour en faire la clôture.
Ainfi ce théâtre, fuperbe édifice du goût de
M. le maréchal de Richelieu , étoit devenu
l’objet des efforts 8c du zèle de nos divers talens;
o»
êfl y Jouit tour-à-tour des charmes variés én
beau chant françois, de la pompe de fon opéra,
.de toutes les grâces de la danfe, du feu , de
l’harmonieux accord de fes fymphonies, des prodiges
de machines, de l’imitation habile de la
Rature dans toutes les décorations.
On ne s’en tint point aux ouvrages choifis ; pour
ennoncer par de nobles allégories les fêtes qu’on
vouloit célébrer, on prit tous ceux qu’on crut
capables de varier les plaifirs. M. le maréchal de
Richelieu avoit fait fuccéder à la Princeffe de Navarre
, le Temple dd la Gloire , & Jupiter vainqueur
des Titans, fpedacle magnifique , digne en tout
de l’auteur ingénieux 8c modefte, ( M, de Bonne-
val , pour lors intendant des menus - plaifirs du
roi ) qui avoit eu la plus grande part à l’exécution
des belles idées de M. le maréchal de Richelieu.
-Il eft honorable pour les gens du monde ,
qu’il fe trouve quelquefois parmi eux des hommes
aufii éclairés fur les arts.
On vit avec la fatisfa&ion la plus vive Zelindor,
petit opéra, dont les paroles 8c la mufique ont été
infpirées par les Grâces , 8c dont toutes les parties
forment une foule de jolis tableaux de la plus
douce volupté.
C ’eft là que parut, pour la première fois , Platée,
■ ce compofé extraordinaire de la plus .noble 8c de
la plus puiffante mufique, affemblage nouveau
-en France de grandes- images 8c de tableaux ridicules,
ouvrage produit par.la gaieté, enfant de
la faillie, 8c notre ch e f-d ’oeuvre de génie mu-
fical, qui n’eut pas alors tout le fuccès qu’il j
inéritoit.
Le ballet de la Félicité , allégorie ingénieufe
de celle dont jouiffoit la France, parut enfuite,
fous l’adminiftration de M. le duc d’Aumont; 8c
Zulifca, dont nous avons parlé , couronna la
beauté des fpeâacles de l’hiver de 1746. On a
détaillé l’année 1747.
Les machines nouvelles qui, pendant le long
cours de ces fêtes magnifiques, parurent les plus
dignes de louange, furent, i Q. cellè qui d’un
coup-d’oeil changéoit une belle falle de fpe&acle
en une magnifique falle de bal ; 2,0. celle qui fervit
aux travaux 8c à la chute des T itans, dans l’opéra
de M. de Bonneval, mis en mufique par M. de
Blamont, furintendant de celle du roi , auteur
célèbre des fêtes grecques 8c romaines ; 30. les
cataraâes du Nil & le débordement de ce fleuve.
X-e vol rapide 8c furprenant du dieu qui partoit
du haut des cataraéfes, 8c fe précipitoit au milieu
des flots irrités en maître fuprême de tous ces
îorrens réunis pour fervir fa colère , excita la
furprife, 8c mérita le fuffrage de l’affemblée la
plus nombreufe 8c la plus augufte de l’univers.
Cette machine formoit le noeud du fécond a&e
des fêtes de l’Hymen 8c de l’Amour, opéra de
MM. deCahufac 8c Rameau , qui fit la clôture des
fêtes de cette année. *
Ni foire. Tome I I . Seconde part,
Elles furent fufpendues dans l’attente d’un bon*
heur qui intéreffoit tous les François. La groffeffe
enfin de madame la dauphine ranima leur joie ;
8c M. le duc d’A umont, pour lors premier gentilhomme
de la chambre de fervice, eut ordre de
faire les préparatifs des plaifirs ëclatans ou la
cour efpéroit de pouvoir fe livrer.
Je vais tracer ici une forte d’efquiffe de tous
ces préparatifs, parce qu’ils peuvent donner une
idée jufte des reffources du génie françois , 8c du
caradère d’efprit de nos grands feigneurs dans
les occafions éclatantes.
On a vu une partie de ce qu’exécuta le goût
ingénieux de M. le duc d’Aumont dans fon année
précédente. Voyons en peu de mots ce qu’il avoit
déterminé d’offrir au ro i, dans l’efpérance où l’on
étoit de la naiffance d’un duc de Bourgogne.
L’hiftoire, les relations, les mémoires nous apprennent
ce que les hommes célèbres ont fait.
La philofophie va plus loin ; elle les examine ,
les peint, 8c .les juge fur ce qu’ils ont voulu
faire.
M. le duc d’Aumont avoit choifi, pour fervir
de théâtre aux différens fpedacles qu’il avoit projetés,
le terrein le plus vafte du parc de Ver-
failles , 8c le plus propre à la fois à fournir les
agréables points de vue qu'il vouloit y ménager
pour la cour 8c pour la curiofité des François,
que l’amour national 8c la curiofité naturelle font
courir à ces beaux fpedacles.
La pièce immenfe- des fuiffés étoit le premier
local où les yeux dévoient être amufés , pendant
plufieurs heures, par mille objets différens.
Sur les bords de la pièce des fuiffes , en face dé
l’orangerie , on avoit placé une- ville édifiée avec
ar t, 8c fortifiée fuivant les règles ^antiques.
Plufieurs fermes joignant les bords du baf-
fin, élevées de diftance en diftance fur les deux:
côtés , formoient des amphithéâtres furmontés par -
des terraffes ; elles portoient 8c foutenoient les
décorations qu’on avoir imaginées en beaux pay—
fages, coupés de palais, de maifons, de cabanes
même. Les parties ifolées de ces décorations
! étoient des percées immenfes que la difpofition
des clairs , des obfcurs, 8c les pofitions ingénieufes
des lumières dévoient faire patoître à perte d©
vue.
Tous ces beaux préparatifs avoient pour objet
l’amufement du ro i, de la famille royale 8c de
la cour, qui dévoient être placés dans l’orangerie,
8c de la multitude, qui auroit occupé les terraffes
fupérieures , tous les bas côtés de la pièce des
fuiffes, 8cc.
Voici l’ingénieux , l’élégant 8c magnifique ar-,
rangement qui avoit été fait dans l’orangerie :
En perfpe&ive de la pièce des fuiffes 8c de
toute l’étendue de l’orangerie , on avoit élevé
une grande galerie terminée par deux beaux falions
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