
il étoit venu en. Angleterre , qui étoit ce point
fi difficile à trouver , & qu’il fe déchargeroit déformais
du poids qui l’avoit accablé, fur Àlithie,
corn pagne ' infépârable du plus fage & du plus
éclairé des rois.
Après ce récit, le vieillard, accompagné de trois
mules, Uranie , Terpficore 8c C lio , s’approcha du
globe ? 8c .il s’ouvrit.
L’Europe, vêtue en reine, en fortit la première,
fuivie de fes filles ,• la France, l’Efpagne, l’Italie*
^Allemagne, la'Grèce : l’Océan 8c la Méditerranée
Pâccompagnoient, 8c ils avoient à leur
fuite la Loire, le Guadalquivir , le Rhin, le
Tibre 8ç l’Achéloiis.
Chacune des filles de l’Europe avoir trois pages
caraâérifés par les habits de leurs provinces. La
France tnenoit avec elle un Bafque , un Bas-Breton;
l’Efpagne, un Aragonois 8c un Catalan ; l’Allemagne
, un Hongrois , un Bohémien 8c un Danois
; l’Italie:, un Napolitain, un Vénitien 8cun
Bergamafque ; la Grèce, ua T u r c , un-Àlbanois
& un Bulgare,
Cette fuite nombreufe danfa un avant-ballet;
8c des princes de toutes les nations, qui fortirent
du globe avec, un cortège, brillant , vinrent dan-
fer fucceffiverpent des entrées, de plusieurs caractères
avec les perfonnages qui étoient déjà fur
la fcène.
Atlas fit enfuite fertir dans le même ordre les
autres parties de la terre , ce qui forma une di-
vifion fimpie 8c naturelle du ballet, dont chacun
des aétès fut terminé par les hommages que toutes
ces nations rendirent à la jeune princeffe d’A ngleterre
, 8c par des préfens magnifiques qu’elles
Tui firent.
L’objet philofophiqne de. tous- les articles de cet
ouvrage, eft de répandre , Autant qu’il eft pof-
Jïble , des lumières nouvelles fur les différentes
opérations des arts ; mais on eft bien loin de vouloir
s’arroger le. droit de leur prefcrire dés règles
dans les cas mêmes oii ils opèrent à l’aventure,,
& où nulle loi écrire,, nulle réflexion , nul écrit
ne leur a tracé les routes qu’ils doivent fûivre.
L ’honneur de la légiftàtion ne tente point des
liommes qui ne favent qu’aimerjëurs femblables;
ils écrivent moins dans le deflein de les inftiruire
que dans i’efpéranee de les rendre un jour plûi
heureux..
G’eft l’unrque but 8c h gloire véritable dés.arts..
Comme on doit à leur induftrie les commodités,
fes plaifirs, les charmes de la v ie, plus ils feront
éclairés , plus leurs opérations répandront d’agréa-
feles^délaffemens fur la terre ; plus les nations oii
ils feront favorifés auront de connoiftances, & '
plus e goût fera naître dans, leur ame. des'fenti»-
anens délicieux de plaifir.
C ’eft dans- cette- vue que nous nous femmes,
étendus fur cet article. On a déjà dû appercevoir,
fe.détail où. b vus-femmes. entrés que le p o in t 1
capital dans ces grands fpe&acles, eft d’y répandre
la joie, la magnificence, l’imagination, Sf/ur-tout
la décence : mais une qualité eifentielle/qu’il faut
leur procurer avec adreffe , eft la participation
fage , jufte 8c utile , qu’on doit y ménager au
peuple dans tous les cas de réjouiftances générales»
On a démêlé fans peine dans lès fêtes de Londres L
que les préparatifs des fpe&acles donnés à la cour
nirent prefque tous offerts à la curiofité des Anglois,
Outre les feux d’artifice donnés fur la Tamife , ont
eut l’habileté de faire partir des quartiers les plu»
éloignés de Londres , 8c d’une manière aufli élégante
qu’ingénieufe, les aétèurs qui dévoient amufej?
la cour. On donnoit ainfi à tous les citoyens la
part raifonnable qui leur étoit due des plaifirs
qu’allaient prendre leurs- maîtres.
Le peuple, qu’on croit fiauffemerit ne fervir que
de nombre, nos numerùs fumus , &c. n’eft pas moins-
cependant le vrai tréfor des rois : il eft , par foiy
induftrie 8c fa fidélité , cette mine féconde qur
fournit fans ce fie à leur magnificence ; la néceffité"
le ranime, l’habitude le foutient, & l’opiniâtreté'
de fes travaux devient la feurce intariffable de leurs
forces, de leur-pouvoir, de leur grandeur. Ils-
doivent donc lui donner une grande part au»
réjouiftances folemnelles , puifqu’il a été l’inftru-,
ment fecret des avantages glorieux qui les caufent*-
( * • >
F êtes de l a C our de France. Les tournois-
8clescarroufels, ces fêtes guerrières 8c magnifiques,
avoient produit à la cour de France , en l’année*
1559 9 un événement trop tragique pour qu’on'
pût fonger à les y faire fervir fou vent dans les-
réjouiftances folemnelles. Ainfi les bals, les mafca-
rades, 8c fur-tout les ballets , qui n’entraînoienè
après eux aucun danger, & que la reine Catherine
de Médicis a voit connus à Florence, furent pendant
plus de cinquante ans la reffource de la galanterie*
8c de la magnificence françoife.
L ’aîné des enfans de Henri II ne régna que dix*'-
fept mois ; il en coûta peu de foins à fa mèfe pouv
le diftraire du gouvernement, que fort imbécillité"
le mettoit hors d’état de. lui difputer;.mais le caractère
de Charles IX , prince fougueux , qui joignoit
à quelque efprit. un penchant naturel pour les-
beaux-arts, tint dans un mouvem'ent continuel
l’adrefte , les reflburces , la politique de la reine ;
elle imagina fêtes fur fêtes pour lui faire perdre de:
vue fans celle le féul objet dont elle auroit dû;
toujours l’occuper. Henri III devoit tout à fa mère;
il n’étoit point naturellement ingrat ; il aVoit la
pente la plus forte au libertinage , un goût exceffif
pour le plaifir, l’efprit léger, le coeur gâté, Lame
foible. Catherine profita de cette vertu 8c de ce»
vices pour arriver à fes fins : elle mit en jeu les-
feftins, les bals, les mafearades, les ballets , les
femmes les plus belles, lescourtifans les plus liber-»-
sfe§«. endojjxût afefi se frinçe. ÿculh^urei^s
fur un trône entouré de précipices : fa vie ne fut ;
qu’un long fommeil, embelli quelquefois par des j
images riantes , 8c troublé plus fouvent par des j
fonges funeftes.-
Pour remplir l’objet que je me propofe ic i, je
crois devoir choifir, parmi le grand nombre de fêtes
qui furent imaginées durant ce règne, celles qu’on
donna en 1581 pour le mariage du duc de Joyèufe.
8c de Marguerite de Lorraine , belle-foeur du roi» I
Je ne fais , au refte , que copier d’un hifforien
contemporain les détails que je vais décrire*.
« L e lundi , 18 feprembre 1581 , Je duc de
» Joyeufe 8c Marguerite de Lorraine , fille de
» Nicolas de Vaudemont, fceur de la reine, furent
» fiancés en la chambre de la reine , 8c le di-
» manche fuivant furent mariés à trois heures après
» midi en la paroifte de Saint-Germain de l’Auxer-
» rois.
» Le roi mena le marié au Moûtier, fuivi de
» la reine, princeffes 8c dames tant richement
s> vêtues, qu’il n’eft mémoire en France d’avoir vu
» chofe fi fomptueufe. Les habillemens du roi 8c
» du marié étoient -femblables, tant couverts de
» broderies -, de perles , pierreries , qu’il n’étoit •
» poffible de les eftimer; car tel accoutrement y
» avoit qui coutoit dix mille écus' de façon : &
» toutefois, auxdixrfept feftins, qui, de rang 8c de
» jour à autre, par ordonnance du roi, furent
» faits depuis les noces, par les princes, feigneurs,
» paréhs de la mariée, 8c autres des plus grands de
w la cour, tous les feigneurs 8c dames changèrent
» d’accoutremens , dont la plupart étoient de toile
» 8c drap d’or 8c d’argent, enrichis de broderies ]
» 8ç de pierreries, en grand nombre 8c de grand j
» prix.
» La dépenfe y fut fi grande,. y compris les j
s> tournois, mafearades, préfens, devifesmufique y j
» livrées, que le bruit étoit que le roi n’en feroit j
» pas quitte pour cent mille écus.
» Le mardi'18 oftobre , le cardinal de Bourbon
» fit fon feftin de noces en l’hôtel dé fon abbaye
» Saint-Germain-des-Prés , 8c fit faire à grands
» frais fur la rivière de Seine un grand 8c fuperbe
» appareil d’un grand bac , accommodé en forme
» de char triomphant, dans lequel le roi, princes,
»> princeftes 8c les mariés-devoient paffer du Lou-
» vre au Pré - aux -Clers, en pompe moult folem-
» nelle ; car ce beau char triomphant devoit être
» tiré pardeffus l’eau par d’autres bâteaux déguifés
» en chevaux marins, tritons, dauphins, baleines,.
» & autresmonftres marins, en nombre de vingt-
» quatre, en aucun defquels étoient portés àcoiivert
® au ventre defdits monftres, trompettes, clairons,
» cornets, violons, hautbois, 8c plufieurs muft-
n ciens d’excellence , même quelques tireurs de
» feux artificiels . qui, pendant le trajet,. dévoient j
» donner maints paffe-temps , tant au roi qu’à I
» 50000 perfonnes qui étoient fur le rivage ; mais !
» le myftère ne fut pas bien joué, 8c ne put-on I
* »ire marcher les animaux, ainfi qu’on l’avoir
v projeté ; de façon que le roi ayant attendu
» depuis quatre heures du foir jufqu’à fept, aux
» Tuileries, le mouvement 8c acheminement de
» ces animaux, fans en appercevoir aucun effet,
» dépité, eut qu’il voyoit bien que c’étoient .des
>? bêtes qui commandoient à d'autres bêtes ; &
» étant monté en coche, s’en alla, avec la reine
» 8c toute la fuite, au feftin qui fut le plus magni-
jj fique de torts , nommément en ce que ledit
33 cardinal fit repréfenter un jardin artificiel garni
33 de fleurs 8c de fruits, Comme fi c’eût été en mai
>3 ou en juillet & août.
• 33 Le dimanche 15 o&obre , feftin de la reine
» dans le Louvre ; 8c après-le feftin, le ballet de
33 Circé 8c de fes nymphes. »
L e triomphe de Jupiter 8c de Minerve étoit le
fujet de ce ballet , qui fut donné fous le titre de
ballet comique de la reine ; il fut repréfenté dans la
grande falle de Bourbon par la reine, les princeftes ,
les princes 8c les plus grands feigneurs de la CQjir*
Balthazâr .-de Boisjoyeux , qui étoit dans ce
temps un des meilleurs joueurs de violon de l’Europe
, fut l’inventeur du fujet,- 8c en difpofa For-,
donnance. L’ouvrage eft imprimé , 8c n eft
plein d’inventions d’efprit ; il en communiqua
le plan à la reine, qui l’approuva : enfin tous
ce qui peut démontrer la propriété d’une compo-
. fition fe trouve pour lui dans l’hiftoire. D’Aubigné
cependant, clans fa v ie , qui eft à la tête du baron
de Foenefte , fe prétend hardiment auteur de ce"
ballet-. Nous datons de loin pour les vols littéraires.
« Le lundi 16 , en la belle & grande lice dreffé©
3> 8c bâtie au jardin du louvre, fe'fit un combat de
33 quatorze blancs contre quatorze jaunes, à huit
33 heures du foir , aux flambeaux.
» Le mardi 1 7 , autre combat à la pique, àl’eftocy
33 au tronçon de la lance, à pied 8c à cheval; 8c 1er
3» jeudi' xp, fut fait le ballet des chevaux, auquel
33 les' chevaux d Efpagne., courfiers, 8c autres en'
33 combattant s’avançoient, fe retournolent, con-
J» tournoient au fon 8c à la cadencédes trom pet tes &-
33 clairons, y ayant été dreffés cinq mois auparavant,
n Tout cela fut beau 8c plaifant : mais la grand©
33 excellence qui fe vit les jours de mardi 8c jeudi ,
» fut la mufique de voix 8c d’inftrumens la plus-:
»3 harmonieufe 8c la plus^léliée qu’on ait jamais
3» ou'V- ( on la devoit ail goût 8c aux foins de
33 Baïf) ; furent aufli les feux artificiels qui bril-'
» lèrent avec effroyable épouvantement 8c ton-
» tentemeht de toutes perfonnes , fans au’aucura
>3 en fât offenfé. »
La partie éclatante de cette fête, qui a été ùifie
par l’hiftorien que j’ai copié , n’eft pas celle qui.
méritoit le plus déloge- : il y en eut une qui-
lui fut très-fupéricure, & qui ne l’a pas frappé.
La reine 8c les princeftes, qui reprclentoient clans-
le ballet les nayades Si lé^ néréides, terminèrent'
ce fpeéfacle par des préfens ingénieux qu’eltès
offrirent aux princes Ôc feigneurs, qui,, fous. &