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battit & fit le roi prifonnier. Cette a&ion brillante
eût couvert le comte de gloire, s’il n’eût déshonoré
Tes lauriers par la dureté des traitemens qu’il
fit éprouver à Etienne il le chargea de chaînes
comme un vil efclave ; & , à la folücitation de
fon ingrate foeur, il l’expofa au»*injures les plus
humiliantes.
L’infortune d'Etienne ruina fon autorité ; fa chute
fouleva contre lui la plus grande partie des féigneurs,
qui jufqu’alors lui avoient témoigné l’attachement
le plus inviolable; tout changea de face en
Angleterre ; & la ville de Londres, qüi^voit tant
de fois donné l’exemple de la fidélité, ouvrit fes
portes à Mathilde, qui, dés ce jour même , y fut
proclamée & couronnée; mais fa fierté, fa rigueur,
les imprudences, & les mépris dont elle paya les
fervices de fes plus zélés partifans, lui aliénèrent
bientôt le coeur de ces mêmes Anglois qui s’étoient
parjurés pour e lle , & lui avoient facrifié jufqu’à
leur honneur. Ses exaétions foulevèrent le peuple,
& la févérité des profcriptions qu’elle ordonna
contre les partifans d'Etienne, acheva d’irriter fes l
fujets, qui, fatigués du joug qu’elle appefantiffoit fur
eux , levèrent de toutes parts l’étendard de la révolte.
Environnée d’une foible troupe de gardes,
Mathilde fe crut trop heureufe d’abandonner le fcep-
tre & de fauvèr fa tête ; mais fon frère, moins heureux
, tomba au pouvoir des révoltés. Le befoin que
Mathilde avoit de fes confeils & de fon bras, la détermina
à l’échanger avec Etienne, qui, dans le
même jour, recouvra la couronne & la liberté. Le
premier ufago qu’il en fit, fut de pourfuivre fon ennemie
, qu’il alla affiéger dans Oxfort, où elle s’étoit
retirée. Oxfort ne pôuvoit pas tenir ; & le comte de
Glocefter n’avoit point de foldats. L’armée royale
preffoit vivement lë fiége, & Mathilde touchoit
au moment d’être encore réduite en captivité :
cette fituation ne déconcerta point cette princeffe ;
âu défaut de la force, elle eut recours au ftrata-
gême : une nuit qu’il neigeoit prodigieufement,
Mathilde couverte d’habits blancs fortit feule d’Ox-
fbrt, pafla fans être apperçue au milieu des ennemis
, s’égara , revint fur fes pas , fe hafarda dans
des routes qu’elle ne connoiffoit pas , & après les
plus grandes fatigues & des dangers plus grands
encore, arriva à un port où elle s’embarqua fur
un vaiffeau qui la tranfporta en Normandie, à la
cour du prince Henri fon fils. Là, vaincue & ne
défefpérant point de ramener la fortune, elle attendit
l’occafion de rentrer en Angleterre; mais fon
attente fut inutile ; fa fuite & fes défaftres avoient
entièrement diffipé fon parti.
Les troubles de cette malheureufe guerre avoient
jeté l’Angleterre dans le plus grand défordre.
Etienne eut à peine repris les rênes du gouver-.
nement, qu’il arrêta les maux qui défoloient l’état.
Par fes foins & fa vigilance, les loix reprirent
leur ancienne vigueur ; la juftice fut rendue avec
intégrité ; les brigands furent punis ; l’agriculture i
■ hit protégée. Refpeélé des puiflances étrangères,
/ chéri de fes fujets , Etienne crut qu’il étoit temps
de prévenir les maux que fa mort & la vacance
du trône pourroient occafioner. Dans cette' vue
il défigna Euftache fon fils pour fon fucceffeur,
& voulut que fes fujets lui prêtaient ferment de
fidélité ; cérémonie plus faftueufe qu’utile, ainfi
qu’il le fayoit par fa propre expérience ; auffi
voulut-il ajouter à ce ferment^ dont il connoif-
foit la foibleffe, la folemnité plus frappante du
couronnement de fon fils. Mais l’archevêque de
Cantorbéry refufa de le couronner, fur le prétexte
que le pape lui avoit défendu de procéder au
couronnement du fils d’un prince qui avoit violé
fes fermens pour ufurper une couronne ; prétexte
outrageant pour Etienne, & d’autant plus ridicule
dans la bouche de l’archevêque de Cantorbéry,
que dans ces temps orageux, les prélats d’Angleterre
paroiffoient les moins fcrupuleux fur cet
article, & fembloient ne faire des fermens que
pour les violer. A l’exemple de l’archevêque,
tous les autres prélats refusèrent de couronner
Euftache ; & leur refus infultant irrita fi (on Etienne,
qu’il les fit mettre tous en prifon. Il n’en falloit
pas tant pour fouleyer le clergé , qui , à fon
tour par fes calomnies, fes intrigues, fes trames,
fouleva une partie du peuple ; les partifans de
Mathilde fe réunirent tous à Walingfort , où
Etienne alla les affiéger: mais il y éprouva plus
de difficultés qu’il n’en avoit prévu ; fon embarras
s’accrut par l’arrivée inopinée de Henri, fils dé
Mathilde, qui parut tout-à-coup fuivi d’une petite
armée devant les lignes de l’armée royale. Lès
forces étoient inégales; & le fils de Mathilde,
qui n’avoit qu’un petit nombre de foldats à oppo-
fer à fon ennemi, jugea à propos de ne point livrer
bataille, préférant d’affamer l’armée d'Etienne ,en le
tenant renfermé entre fon armée & la ville. Dès
la nuit même de fon arrivée, la circonvallation
fut faite, de manière qxfEtienne r\e pouvant ni
combattre , ni fe retirer, fans s’expofer à une
défaite certaine, fe vit dans la fituation la plus
critique. Euftache, inftruit du danger quimenaçoit
fon père, raffembla précipitamment une nouvelle
armée, & vint à fon tour renfermer Henri entre
fon armée & celle du roi Etienne, enforte que
Henri fe voyoit dans la cruelle alternative de
périr de faim , ou s’il fortoit j de faire mettre fon
armée en pièces. Les Anglois & les Normands
attendoient en frémiffant l’iffue du combat qui
alloit décider du fort d'Etienne & de Henri, &
peut-être achever d’écrafer le royaume. Mais au
moment où l’orage paroiffoit devoir éclater, les
principaux çhefs des deux armées réfléchirent fur
les funeftes fuites qu’aüroit une bataille , 8c
entrèrent en négociation. Après beaucoup de con-n
férences, il fut enfin convenu qu'Etienne garde-
roit la couronne. d’Angleterre pendant le reftede
fa v ie , qu’après fa mort le fceptre pafleroit dans
les mains de Henri, qu'Etieune adopter oit pour
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fonfils, & qu’il déclareroit fort héritier. Euftache,
q ui, à tous égards, méritoit d’être traité plus
favorablement, ne fut point confulté dans cet
accommodement, qui le dépouilloit de fes droits :
il en conçut tant de chagrin , qu’il mourut quelques
mois après ,.à la fleur de fon âge, & amèrement
regretté des Anglois; mais beaucoup plus
encore d'Etienne fon père, qui ne lui furvécut que ~
d’une année, dévoré de douleur, & emportant
dans le tombeau l’eftime de fes ennemis & l’amour
de fes peuples. ( L. C. )
E T IQ U E T T E ,! , f. (Hift.mod.') cérémonial écrit
ou traditionnel, qui règle les devoirs extérieurs à
l’égard des rangs, des places & des dignités.
Si la nobleffe & les places n’étoient que la récom-
penfe du mérite, & fi elles en fuivoient toujours
les degrés, on n’auroit jamais imaginé d'étiquette;
le refpeél pour la place fe feroit naturellement confondu
avec le refpeét pour la perfonne. Mais
comme la nobleffe & plufieurs autres diftinélions
font devenues héréditaires ; qu’il eft arrivé que des
enfans n’ont pas eu le mérite de leurs pères ; qu’il
y a eu néceffairement dans la diftribution des places,
-des abus qu’il n’eft pas toujours poffible de prévenir
ou de réparer, il a été néceffaire de ne pas
laiffer les particuliers juges des égards qu’ils vou-
droient avoir, & des devoirs qu’ils auroient à rendre:
le bon ordre, la pr.ilofophie même, & par confé-
quent la juftice, ont obligé d’établir des règles de
fubordinatjon. En effet, ilferoit-très-dangereux dans
un état de laifièr avilir les places & les rangs,
par un mépris, même fondé, pour ceux qui les
occupent: fans quoi le caprice, l’envie, l’orgueil
& Tinjuftice attaqueroient également les hommes
les plus dignes de leurs rangs. Ainfi Vétiquette étant
un abri contre le mépris perfonnel, eft auffi une
fauve-garde pour le vrai mérite; & , ce qui
eft encore plus important, elle eft le maintien du
bort ordre. Les particuliers font maîtres de leurs fentimens,
mais non pas de leurs devoirs.
( On n’eft pas même maître de des fentimens ;
nos fentimens entrent dans notre ame malgré nous |
ou du moins fans notre av eu, maislefens total t
de l’auteur n’en eft pas moins jufte ni moins beau.) J
Il-faut convenir que, généralement parlant, la
févérité & les minuties de l'étiquette ne forment
pas un préjugé favorable pour un peuple qui en J
eft trop occupé. L’étiquette s’étend à mefure que !
le mérite diminue. Le defpotifine fait de l’étiquette I
une forte de culte. D ’un autre côté, il y a des f
peuples affez libres (les Anglois qui fervent à j
genoux leur roi ) qui confervent une étiquette fort 1
cérémonieufe pour leur prince : il femble qu’ils !
Veuillent l’avertir par-là qu’il n’eft que la repréfen- 1
tation de l’autorité. C ’eft à-peu-près dans le même j
fens qu’on appelle étiquettes certains petits écritaux j
qui fe mettent fur des facs, d< s boîtes ou des vafes, ]
pour diftinguer des chofes qui y font renfermées, 8c i
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qui fans cela pourroient être confondues avec
d’autres.
Il y avoit une étiquette chez les empereurs du
bas empire, c’eft-à-dire ,lorfqu’il n’y avoit plus de
Romains, quoiqu’il y eût un gouvernement qui en
portoit le nom.
De tous temps il y a eu des diftinélions de
rangs & de fondions dans un état; mais l'étiquette*
proprement dite, n’eft pas fort ancienne dans le
fyftême aéluel de l’Europe : je ne crois pas qu’on
en trouvât un détail en forme avant la fécondé
maifon de Bourgogne. Philippe-le-Bon, auffi puif-
fant qu’un r o i , fouffroit impatiemment de n’en pas
porter le titre : ce fut peut* être ce qui lui fit former
un état de maifon qui pût effacer celles des rois,
par la magnificence , le nombre des officiers, & lp
détail de leurs fon étions. Cette étiquette paffa dans
la maifon d’Autriche, par le mariage de Marie avec
Maximilien. Les Mores avoient porté la galanterie
& les fêtes en Efpagne; Y étiquette y porta la morgue
& l’ennui.
L'étiquette n’eft ni févère ni régulière en France.
Il y a peu d’occafions d’éclat où l’on ne foit obligé
de rechercher ce qui s’eft pratiqué à la cour en
pareilles circonftances ; on l’a oublié, & l ’on tâche
de fe le rappeller, pour l’oublier encore. Le François
eft affez porté à eftimer ce qu’il doit refpeéter , &
à aimer ce qu’il eftime : il n’eft pas en lui de
remplir froidement ni férieufement certains
devoirs; il y manque avec légéreté, ou s’en acquitte
avec chaleur. Ce qui pourroit être ailleurs
une marque defervitude, n’eft fou vent en France
qu’un effet de l’inclination & du caraétère. Cet
article eft de M . D u c l o s , hifloriographe de France,
6* l’un des quarante de l’Académie françoife.
ETOILE. Voyeç Eon de l’Etoile;
ETRENNES, f. f. ( Hift. anc. 6* mod. ) préfens
que Ton fait le premier jour de l’année. Nonius
Marcellus en rapporte fous les Romains l’origine
àT a tiu s , roi des Sabins, qui régna dans Rome
conjointement avec Romulus, & qui ayant regardé
comme un bon augure le préfent qu’on lui
fit le premier jour de l’an de quelques branches
coupées dans un bois confacré à Strenua, déeffe de
la force, autorifa cette coutume dans la fuite,
& donna à ces préfens le nom de ftrenoe. Quoi
qu’il en fo it, les Romains célébroient ce jour-là
unefête de Janus , & honoroient en même temps
Junon ; mais ils ne le paffoient pas fans travailler,
afin'de n’être pas pareffeux le refte de l’année.
Ils fe faifoient réciproquement des préfens de figues,
de dattes de palmier, de miel, pour témoigner
à leurs amis qu’ils leur fouhaitoïent une vie douce
& agréable. Les cliens, c’eft-à-dire ceux qui étoient
fous la proteélion des grands, portoient ces fortes
d'étrennes à leur patrons & y joignoient une petite
pièce d’argent, Scms l’empire d’A ugufte, le fénat