
V?88 G A V
Marck. Vous n'aurez point ma tête, répondit Duprat,
car j’ai ici iesouiginaux des lettres dont vous parlez,
& elles ne lignifient point du tout ce que vous
dites. Quand, ou m adjugerait votre tete, répliqua
Gattinara, je n'en voudrois point s fa i me roi s mieux
en la place une tête de porc , elle ferçit meilleure
à manger. Ce font les propres termes d’un _ procès
verbal des conférences de Calais rédigé fur
les inftru&ions fournies par le chancelier Gattinara
qui paroi t s’être applaudi de cette réponfe, & c eft
ainfi que les deux plus grands miniftres, des deux
plus grands monarques de l’üurope traitoient les-
plus grands intérêts.
GAUBIL , ( Antoine ) ( Hifl, litt. mod. )
jéfuite, millionnaire à la Chine, y palfa trente-
fix ans & joignit à des connoiffances aftronomiques
qui le rendirent utile aux Chinois, une grande
connoiffance de la littérature chinoife , qui le
rendit utile aux fa vans françois, tels que le P,
Souciet & M. Fréret. Qn trouve fon éloge dans
le trente-unième volume des lettres curieufes oc
édifiantes. On a de lui la traduftion du Chouking
& unebonne hifloire de Gcnghïskan. Il ètoit cor-
refpondant de l’académie des fciences de Paris
& membre de celle de Pétersbourg. Né en 1708.
Mort en 1759. gttù
GAUCHER DE CHATILLON, ( Voyei Ch a -
T1LLON. )
GAVESTON. ( Pierre de ) ( Hifl. d’Anglet. )
Edouard II, roi d’Angleterre, étoit gouverne par
-e jeune Gaveflon gentilhomme de Guyenne,
jue la voix publique accufoit de nourrir les vices
Saiffans & d’en être l’objet. Edouard I voyant les
profufions & les débauches de'fon fils, s en etoit
pris à Goveflon , il l’avoir chaffé du royaume &
avoir recommandé en mourant à fon fils de ne
le jamais rappeller. La première démarche dEdou.
ard I I , à peine monté fur ce trône , fut de
rappeller Goveflon, de le combler de biens &
d’honneurs. Son goût pour fon favori avoir en
oublie tous les caraflères d’une paffion defordon-
née La reinelfabelle de France. & le favori etoient
jaloux l’un de l’autre, & Gaveflon| avo.it a 1 égard
Ile- fa rivale toute l’infolence' de l’objet préféré.
La nation ne put fouffrir ce fcandale, qu aug-
mentoient encore les grâces & la beauté de Ga-
v,!}on ; les barons fe foulevèrent, & demandèrent
l’exécution des volontés du dernier r o i , c en a-
dire l’expulfion du favori. Edouard fut oblige de
céder; 11 combla fon favori de nouveaux biens,
de nouveaux honneurs, le nomma viceroi «Irlande,
& le conduifit lui-même en pleurant jufqu a Bri.tqi.
Gaveflon parut.s’immoler à la s lire te du roi , oC
iura de ne plus reparoîtfe en Angleterre ; mais
Edouard ne pouvoir fe palfer de lui. Le pape, a
f i prière , releva Gaveflon de fon ferment, il revint
plus magnifique, plus infolent, plus mjufte que
G A U
jamais. Le roi donna pour fon retour <Ies fêteS
& des tournois dans lefquels il eut le plaifir de
le voir toujours triompher ; mais craignant pour
fon favori les accidens des Tournois, il fit cefîer
ces dangereux exercices, Les grands, fe foulevèrent
de nouveau & crurent devoir mettre un tel prince
en tutèle. Edouard fub.it toutes les contraintes qui
ne regard oient que lui , Gaveflon le confoloit de
tout j mais cette infâme confolation lui fut enle-»
vée. Le parlement bannit Gaveflon.
Gaveflon eft rappelle pour la troifième fois.
Les barons prennent les armes , Sc Gaveflon étant
tombé entre leurs mains, ils lui firent trancher
la tête ( e n 1312) , la douleur du roi fut exceG
fiv e , fa légèreté le fut aufli; il jura aux meurtriers
de fon favori une guerre éternelle, & s ac-e
commoda le lendemain avec eux , moyennant
quelques vaines exeufes qu’ils lui firent.
GAUFRIDI, ( J ean ) (H i f l. litt. mod. ) Con-
feiller au parlement de Provence, fils d’ûn pre-
fîdent à mortier du même parlement, auteur
d’une hifloire de Provence, publiée en 1694 par
l’abbé Gaufridi fon fils. Mort aveugle en *68 9 ,
. âgé de 60 ans.
GAURIC, ( L u c ) ( Hifl, mod.) Grand aftro-*
logue, grand prophète qui exerçoit ce métier
en Italie fous le pontificat de Juies II, de Leon X %
d’Adrien V I , de Clément V I I , de Paul III. Tous
ces Papes ne manquoient point de refpeâ pour
lui. Catherine de Médicis avoit beaucoup de foi
à fes prédirions. On affuroit hautement qu’elles,
fe vérifioient toutes, Il prédit à Henri II qu’il
parviendroit à la plus extrême & la plus heu-,
reufe vieillçfle j Henri fut tue a quarante ans ,
ce qui n’empêcha pas de répéter que toutes les
prédiâions de Luc Gauric le vérifioient pleinement,
Il en fit une à Jean Bentivoglio qui ne
lui plut pas, il lui annonça le bannifîement, &
la perte de fa fouveraineté de Bologne ; Bentivoglio
, pour lui apprendre à prédire, lui fit don-,
ner une efpèce d’eftrapade, qui avança fa mort
qu’il n’avoit pas prédite. 11 mourut à Ferrare en.
1^.9-
G A W RIE ou GOWRTE. ( Jiifl. d'Angleterre.)
: Dans le temps où Elifabeth, reine d’Angleterre,
| tenoit Marie Stuart en fa puiflance, & rempliflbifi
j l’Ecoftê de troubles pendant la minorité de Jac-
: qUes V I , on vit éclater par fes foins-, le 22 août
1582, la conjuration de Ruthven, ainfi nommée
d’une terre du comte de Gowrie, où les lords,
de la farion angloife retinrent prifonnier je jeune
prince ; Jacques pleuroit de fe voir entre leurs
1 mains , un des conjurés eut l’info.lence de lui dire : il vaut mieux que ce foient les en fans qui
pleurent que les hommes faits. Cependant , le roï
ayant dans la fuite recouvré la liberté & l’autorité
, la conjuration de Ruthven fut punie, pas
' le.
G A U
ï*a fuppîice du comté de Gowrie, ( décapité en
ï ^83,) quoiqu’il fût, dit-on, un des moins coupables
de tous les conjurés. Les fils du comte
voulurent dans la fuite venger fa mort par une
conjuration nouvelle -, ils attirèrent le roi, fous
quelque prétexte , dans leur maifon de Perth, &
l’ayant féparé de Ta fuite, ils fe jettèrent fur
lui l’épée à la main, à la tête de leurs domef-
tiques ; le roi ne s’échappa de leurs mains que
par un efpèce de miracle, il s’établit un combat
entre le parti de Gowrie & la fuite du roi ap-
peliée à fon fecours par fes cris, & ce combat
fut aftez violent pour que le comte de Gowrie
& Alexandre de ftuthven fon frère, fuflent tués
avec plufieurs autres.
GAUSSE M & non GAUSSIN , ( Jeanne
C atherine) dit le nouveau dictionnaire hifto-
rique, appelions-la toujours du nom qu’elle a
rendu ft intérefiant & fi célèbre. Cette charmante
aCtrice débuta le 28 avril 17 3 1 , par le rôle de
Junie dans Britannicus ; l’année fuivante elle joua
Zaïre , & M. de Voltaire l’a immortalifée par
là fameufe épître.
Jeune G a u J J in , reçois mon tendre hommage , &c.
On fe fouviendra long-temps de ces yeux fi
pleins dè charmes & de cette voix touchante dont
parle M. de Voltaire , & de l’effet que faifoient
ces vers d’Orofmane ;
Qu’ entends-je ! eft-ce-là*cette voix ,
Dont les fons enchanteurs m’ont féduit tant de fois?
appliqués à la voix vraiment enchanterefle de
mademoifelle GauJJin. Elle quitta le théâtre en
1764 , & mourut en 1767.
GAUTHIER ou GAUTIER. ( François )
( Hifl. mod. j La France, accablée depuis {longtemps
par les alliés dans la guerre de la fuccef-
fion, fembloit menacée d’une ruine prochaine ;
elle étoit entamée au nord & au midi ; Louis XIV
venoit d’apprendre à fon tour à fouffrir le mépris
& l’infulte aux conférences de la Haye & de
Gertruydenberg. Louis XIV fe voyoit réduit
par la guerre à l’impoflibilité de continuer la
guerre oc de faire la paix ; on lui diâoit des
conditions impoflibles, puifqu’elles étoient hon-
teufes, & impoflibles encore quand il auroit pu
confentir à dévorer cette honte ; on vouloit
qu’il fe chargeât feul de faire la guerre à fon
petit-fils & de,le détrôner, ou plutôt on vou- |
îoit & on efpéroit le perdre : on vouloit que j
cette formidable puiflance q ui, à.Nimègue avoit i
fait la loi à toute l’Europe, fût entièrement détruite.
Dans ce moment un eccléflaftique fils-d’un ;
marchand de Saint-Germain en L a y e , nommé j
l’abbé Gautier, fimple aumônier, qui avoit fuivi ‘
Hifloire. Tome II, Seconde part*
G A U
le maréchal de Tallard en Angleterre, & qui
difoit la mefle dans les chapelles des ambàfla-
deurs catholiques à Londres, arrivé à Paris, va
trouver le marquis de T o r c i, miniftre des affaires
étrangères. « Voulez-vous la paix ? lui dit-il,
» c*étoit, dit Torci, demander à un malade s il
» defiroit la famé ! — Eh bien! ceffez d’implorer
» la Hollande qui vous amufe & vous inlulte ;
?> adreflez - vous à l’Angleterre, c eft de la que
» viendra votre falut. >» Il avoit raifon j tout et-oit
changé dans ce pays de révolutions. La reine
Anne s’étoit dégoûtée de la perfonne & laffée
de l’empire de Sara Jennings , duchefle de
Marlborough ; la ducheffe étoit entièrement dif-
graciée ; le miniftère étoit changé j de Wigh
il étoit devenu T o r y ; op attaquoit par degrés la
puiflance du duc de Marlborough lui-même; on
avoit commencé par borner fon autorité , on re-
cherchoit fon adminiftration ; on ofoit lui faire
fon procès dans le même lieu, dit le marquis de
Torci, où, depuis dix ans, il recevoit, au nom
de la nation, des remerciemens & des éloges au
retour de chaque campagne. L’Angleterre commença
même à rechercher fous main la France;
l’abbé Gautier n’étoit pas venu fans inftruélions,
ni fans million ; il en avoir aftez pour pouvoir
agir , aftez peu ppur pouvoir être désavoué : ce
fut aufli fur ce pied que la France l’employa ;
& par fes foins, aidés de ceux de Ménager & de
Prior, nommés de part & d’autre plénipotentiaires,
les préliminaires furent fignés à Londres
au mois d’oàobre 1711 ; ce qui entraîna , comme
fuites néceffaires, les paix d’U trecht, de Raftadt
& de Bade. Il feroit ingrat & injufte de garder,
le filence fur l’homme, auquel l’Europe a dû ce
bienfait néceflaire. Il fut récompenfé, il ne pou-
voit l’être trop ; la France lui donna les abbayes
d’O livet & de Savigny ; le roi d’Efpagne une
penfion de douze mille livres fur l’archevêché
de Tolède ; la reine Anne une penfion de fix
mille livres & un préfent confidèrable en vaif-
felle d’argent. Il mourut en 1720.
Un autre abbè Gauthier ( Je a n - B a p t is t e )
étoit le théologien & l’écrivain de l’évêque de
Boulogne (de Langle) , puis de l’évêque de Montpellier
( Colbert ) ; il ne fe contentoit pas de défendre
les janféniftes, fes frères, il portoit la
guerre en pays ennemi, & attaquoit les jéfuites
avec beaucoup d’audace; de peur même de manquer
d’ennemis , il joignoit aux jéfuites ceux
qu’il appelioit incrédules, & on lui paroifloit aifé-
ment incrédule. Sa grande manie étoit de convaincre
d’impiété , il en convainquoit les jéfuites
Hardouin & Berruyer qui étoient non-feulement
croyans, mais pieux; il en convainquoit jufqu’à
un ballet moral danfé au collège des jéfuites de
Rouen ; il en convainquoit des hommes d’un
autre ordre que les jéfuites, les papes, par exemple,
& les Montefquieux ; il triomphoit quand il avoit
découvert & dénoncé un incrédule. Ce n’étoit
S s s s