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Tout cela s’accorde allez bien avec la relation
abrégée de l’équipement de cette flotte, que Strype
a tirée des notes du grand thréforier d’Angleterre,
mylord Burleigh, & qu’il a inférée d’ans l'appendice
des mémoires originaux , n*. 51.
L’extrait de Strype fe réduit, à ce c i, qne la
flotte invincible comprenoit 130 vaiffeaux de 57868
tonneaux, 15)195 lbldats, 8450 matelots, 2088
cfclaves, & 2630 grandes pièces d’artillerie de
bronze de toute efpèce, fans compter 20 caraveiks
pour le fer vice de l’armée navale , & 10 vaiffeaux
d’avis à 6 rames. Cette Jlotte, avant que de
fortir du port de Lisbonne, coûtoit déjà au roi
d’Efpagne plus de 36 millions de France, évaluation
de ce temps-là ; je ne dis pas évaluation de
nos jours.-
Le duc de Médina-Celi fit voile de l’embouchure
du Tage avec cette belle flotte en 1588, &
prit fa route vers le Nord. Elle effuya une première
tempête qui écarta les vaiffeaux les uns des autres ,
enforte qu’ils ne purent fe rejoindre enfemble qu’à
la Corogne. Elle en partit le 12 juillet, & entra'
dans le canal à la vue des Anglois qui la laissèrent
paffer.
On fait affez quel en fut le fuccès^ fans le
détailler de nouveau. Les Efpagnols perdirent
dans le combat naval, outre fix à fept mille
hommes, quinze de leurs plus gros vaiffeaux ; &
üs en eurent un fi grand nombre qui fe brisèrent
le long des côtes d’Ecoffe & d’Irlande , qu’en
1728 le capitaine Rôw, en découvrit un du premier
rarfg fur la côte occidentale d’Ecoffe, & qu’en
1740 on en apperçut deux autres de cet ordre
dans le fond' de la mer près d’Edimbourg, dont
on retira quelques canons de bronze, fur la culaffe
defquels étoit une rofe entre une F & une R.
Les Provinces-Unies frappèrent au fujet de cet
événement une médaille admirable, avec cette
exergue , ta gloire n'appartient qu'à Dieu ;. & au
revers ètoit repréfentée la flotte d’Efpagne , avec
ces mots : elle efl venue , elle n'efl plus.
Soit que Philippe II reçût la nouvelle de la
ffeflruéffon de la flotte avec une fermeté héroïque,
comme le dit Cambden , foit au contraire qu’il en
ait été furieux, comme Strype le prétend fur des
mémoires de ce temps-là qui font tombés entre
fes matas, il efl au moins sur que le roi d’Efpagne
ne s’efl jamais trouvé depuis en état de faire un
nouvel effort contre la Grande-Bretagne r au
contraire, l’année fuivante Elifabeth elle-même
envoya une flotte contre les Efpagnols, & remporta
des avantages confidérables.
On a fagement remarqué que ces prodigieufes
armées navales n’ont prefque jamais réuffi dans
leurs expéditions : l’hiftoire en fournit plufieurs
exemples. L’empereur Léon I , dit le-Grand par fes
fiai îeurs , qui avoit envoyé contre les*Vandalës
une flotte compofée de tous les vaiffeaux d’Orienr,
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fur laquelle il avoit embarqué dix mille hommes,
ne conquit pas l’A frique, &. fut fur le point de
perdre l’Empire.
Les grandes flottes & 'les grandes armées de
terre épuifent un état; fi l’expédition efl longue ,
& fi quelque malheur leur arrive , elles ne peuvent
être fecourues ni réparées : quand une partie fe
perd , le refie n’efl rien , parce que les vaiffeaux
de guerre, ceux detranfport , la cavalerie, l’infanterie
, les munitions , les vivres , en un mot,
chaque partie dépend du tout enfemble. La lenteur
des entreprifes fair qu’on trouve toujours
des ennemjs préparés; outre qu’il efl rare que.
l ’expédition air lieu dans une failon commode,
qu’elle ne tombe dans le temps des tempêtes,
qu’elle n’en effuie d'imprévues, qu’elle ne manque
des provisions néceffaircs ; & qu’enfin les maladies,
fe mettant dans l’équipage , ne faffént échouer
tous les projets. Article de M. le chevalier de:
Ja u c o u r t
FOEDOR ou FEDOR , ( Hifl. de Ru fie ) fils,
aîné du Czar Alex is , & frère des Czars Jean &
Pierre , fembla préluder par quelques changemens,
aux grands changemens que Pierre fit dans la
fuite , lorfqu’aprés la mort de Jean, il fut feul
maître de l’Empire. Feedor avoit régné feuj?
depuis 16 76, jufqu’en 1682.
FOGLIETA ou FOLI ET A , ( uberto ) ( Hifl,
mod. ) favant génois, du feizième fiècle, auteur
d’un bon traité de ratione fcribendce hiflorioe, d.’une
hifloire de Gênes en latin , non moins eflimée,
des éloges des génois illuflres, auffi en latin j
d’un traité de linguot latinct ufu & pmflamiâ, & de
plufieurs autres bons ouvrages d’hifloire , de politique
& de littérature. Mort à Rome en 1581.
FO H I , ( Hifl. chinoife.. } premier empereur ,
premier légiflateur de la Chine , dont l’hifloire
efl ignorée à raifon de l’antiquité.
FO IGN I, ( G a b r i e l ) ( Hifl. litt., mod. ) cor»
delier apoffat, qui'alla fe marier à Genève, Sc
qui ne put vivre ni à Genève, ni dans les états,
eccléfiaftiques. Il mourut en Savoie dans un.
couvent , en 1692. Nous n’en parlons ici que
pour dire qu’il efl l’auteur d un livre intitulé
l (Auflralie‘ ou les Aventures de Jacques Sadeur y
affez recherché autrefois.
FO IR IAO , ou FO Q U E U X , ( Hifl. mod. )
nom d’une feéle de la religion des Japonois, ainfi
appellée d’un livre de leur doélrine qui porre ce
nom. L’auteur de la feéle fut un faint homme
appellé Xaca, qui perfuada à ces peuples que le *
cinq mots inintelligibles , nama, rnio , foren , qui ,
quio, contenoient un myflère profond, avoient des
vertus fingulières, & qu’il fuffifoit de les prononcer
& d’y croire , pour être fauvé. C ’efl en
vain que nos millionnaires leur prêchèrent que
ce dogme renverfoit toute la morale, encoura-
geoit les hommes au crime , & qu’il n’y avoii
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rien qu’on ne fût tenté de faire, quand on croyoît !
pouvoir .tout expier à fi peu de frais ; d’ailleurs,
que ces mots étoient vides de feus ; que ne
rappellant aucune idée, ou ne rappellant que des
idées qu’il leur étoit défendu d’avoir fous peine
d’héréfie, on faifoit dépendre leur falut éternel
du caprice des dieux ; & qu’il vaudroit autant
qu’ils euffent attaché leur fort à venir à la croyance
d’une propofition conçue dans une langue tout-
à-fait étrangère. Ils répondirent qu’ils n’avoient
garde de s’ériger en formateurs de la volonté des
dieux; que Xaca étoit un faint homme; & que j
leur ayant promis un bonheur infiniment au-deffus
de ce que l’homme pouvoit jamais mériter par
lui-même , il étoit jufte qu’il en exigeât toutes {
les fortes de facrifices dont il étoit capable :
qu’après avoir immolé les pallions de leur coeur, !
il ne leur refloit plus que de faire un hqlocaufle j
des lumières de leur efprit ; que Xaca en avoit
donné l’exemple au monde ; qu’ils aboient em-
braffé fa lo i , avec une pleine confiance dans j
la vérité de fes promeffes ; & qu’ils mourroient j
mille fois plutôt que de renoncer au nama, mio, '
foren, qui, quio. Xaca efl repréfenté avec trois
têtes : il s’appelle aufîi fotage ou le feigneur. V o y .
les cérémonies fuperflitieufes & le dtttionnai're. de 1
Moréry ( Art. R. )
FOIX. ( Hifl. de Fr. ) La maifon des comtes !
de Foix defoendoit de celle de Carcaffone, & elle !
figure fous le nom de Foix dès le onzième fiécle. j
D e cette maifon étoit Gallon, dit Phoebus, comte 1
d e,Foix & vicomte de Béarn, le plus impétueux !
des hommes., & le plus magnifique des feigneurs
françois, au quatorzième fiécle. Ami des lettres & j
proteâeur des arts pour le temps, il tenoit à Ortaiz :
une des cours les plus brillantes & les plus poliès
de l’Europe. Il avoit toujours prétendu que fon
-comté de Foix étoit indépendant comme les couronnes,
En conféquence , il avoit confiant ment
refufé au prince Noir l’hommage que ce prince ,
depuis le traité de Brétigny, exigeoit de tous les
feigneurs gafconc. Quand la guerre fe ralluma
entre Charles V & le roi Edouard III, le comte
de Foix fit avec le due d’Ajou , occupé alors à
foumettre le Languedoc, un traité par lequel il
devoit engager Arnauld de Berne, fon parent &
fon vaffaj., à remettre aux françois la fortereffe
de Lourde , dans le comté de Bigorre, dont cet
Arnauld étoit gouverneur pour les Anglois. Sur
fon refus, cet impétueux Gaffon, qui ne pouvoit
fouffrir de réfiftance , & à qui fa violence fit plus
d’une fois commettre des fautes bien funeffes, le
perce de cinq coups de poignard & le renverfe
•mort à fes pieds. Charles., pour récompenfer le
zèle de ce furieux , lui offrit la jouiffance pendant
fa vie , du comté de Bigorre , à la charge de
rhômmage ; mais ce titre de vaffal révoltoir le
comte de Foix ; il ne voulut recevoir que le château
de Mauvoifia 4 parceque 9 dit Fjoiffard, cette
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place ne relevait de perfonne, fors que de Dieu. Le
comte de Foix avoit époufé Agnès de .Navarre,
foeur de Charles-le-Mauvais ; les comtes de Foix
& d’Armagnac, à raifon de voifinage, étoient
fouvent en guerre l’un contre l’autre ; le comte
de Foix ayant fait prifonnier le comte d Armagnac,
celui-ci demanda fa liberté fous le cautionnement
du roi de Navarre ; le comte Se Foix
refufoit d’abord de recevoir fon beau-frère pour
caution , le connût fiant, di foit-il, trop cauteleux &
malicieux. Il le reçut enfin par égard pour Agnès de
Navarre, fa femme , & rendit la liberté au comte
d’Armagnac. Celui-ci paya les cinquante mille
francs_de fa rançon au roi de Navarre, pour
qu’il les remît au comte de Foix , & qu’il fe fît
donner une décharge du-cautionnement. Le roi de
Navarre garda l’argent ; fa foeur, qui vint négocier
avec lui à Pampelune fur cet article, ne put jam&is
l’obliger à le rendre, & prit le parti de refier à
Pampelune auprès de fon perfide frète, n’ofant
plus reparoître devant fon violent mari. Gallon *
fils du comte de Foix,vintà Pampelune voir fa mère;
Charles - le - Mauvais lui remit une poudre qui
devoit, difoit-il, ranimer toute latendreffe du comte
pour fa femme ; mats le charme n’agiffoit que
quand le remède étoit ignoré ; il failoit donc
[ répandre adroitement cette poudre fur les
mets dont le comte faifoit ufage, & prendre
S garde de n’être pas apperçu. Le jeune Gaffon
eut toute la crédulité de la jeuneffe , il en eut
| auffi l’indifcrétion. De -retour, à Ortaiz, il lui
échappa plufieurs fois de dire qu’on verroit bien-
i tôt les différens de foii père & de^ fa mère
| terminés par un moyen auquel on ne s’attendoit
I pas. Le comte de Foix avoit, entr’autres enfans ,
j un fils naturel, nommé Yvain, qui étoit élevé avec
j Gaffon : un jour qu’ils jouoient enfemble, Yvain ap-
! perçut le paquet que Gaffon portoit caché dans fa
> poitrine: il voulut favoir ce que c’éîoif ; Gaffon en dit
j trop & trop peu; & ces enfans s’étant brouillés,
1 Y vain alla dire à fon père ce qu’il avoit vu & ce qu’il
| avoit deviné. Le comte, au moment où Gaffon
f vient s’affeoir à table à côté de lui, faifit le paquet,
l’arrache, en fait faire l’effai fur un chien, qui
meurt à l’infiant. A ce fpeélacle le fils muet &
immobile d’horreur, ne peut rien alléguer pour fa
défenfe ; le père furieux voit tout d’un coup un
complot tramé contre fes jours par fa femme , fon
beau-frère , & fon fils ; il s’élance fur Gallon pour
le tuer ; toute la cour fe jette entre le père & le
fils. Gaffon efl entraîné hors de la préfence de
fon père , & enfermé dans une tour : 51 fe punie
lui* même de fon erreur ; il paffedix jours entiers
dans les larmes, & fans vouloir prendre aucune
nourriture; on en avertit fon père: il entre un
couteau à la main , il voit fon fils étendu fur un
lit, fa-ns mouvement, prefque fans vie, fuccom-
bant à la douleur, à la faim, à la frayeur. Il lui
porte , fon couteau à la gorge en luïcriant: faitre,
pourquoi pe manges-tu p a s : Le fils expire-, foit