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nomie foetale , Il économie dôme f i que , enfin Y économie
publique & particulière. Toute la juftice &
tout Tordre fe réduifent à cela.
Le mot économie politique défîgne auifi la fcience
qui comprend, tous, les objets relatifs à la politique^
à Tadrainiftration, au gouvernement intérieur
& extérieur d'un état > & c’eft dans cette acception
étendue que- cet ouvrage eft appelle Diéiion-
nuire d'économie politique.
( Cet article efi de M. G s i r u . )
É CO N OM IS T E , f. m. qui s'occupe de l'économie.
Dénomination qu'on a donnée depuis environ
vingt ans, aux philofophes hommes de lettres
qui ont tourné leurs recherches & leurs études
vers cette partie fi. intéreffante de la politique intérieure
des. fociétés policées» & qui fé font- efforcés'
d'étendre la connoiflance des"loix.naturelles»,
de leur çonftitution , de leur profpérité , ainfi
que la fcience dès droits & des devoirs des hommes
qui les compofent.
Les économises 3c leurs écrits ont été critiqués
à toute outrance, par des gens qui parodient ne
les avoir pas entendus , oii qui ne fo fouciorent
pas de les entendre, tandis qu'ils ont été peut-être
exaltés & prônés avec trop peu de modération, par
leurs partifans. Les reproches multipliés qu'on leur
a faits , ont été rapportés ' dans une lettre d'un
célèbre magiftrat du parlement de Paris > lettre
imprimée, mais peu connue, où l'auteur répond
de fon mieux à tous ces reproches. Il nous femble
qu'on ne pourra que nous favoir gré de la confi-
gner i c i , parce qu’ elle peut fervir à éclaircir, tout
ce qu’on a dit pour ou contre^ les économifies,
Nous expoferons enfuite les principes de leur doctrine
d'une manière plus précife.
L e t t r e .-s o r l e s é c o n o m i s t e s
Avec- cette Epigramme :
Dat veniam corvis, vexât cenfurn colambas. Juv^fl.
f L ’auteur de cette lettre s'eft propofé de don- ;
ner une idée du fyftême politique de ceux que le
public appelle économifies. Il a voulu montrer en
même-temps que ce fyftême, qu'on regarde bon*-
nement comme particulier à un petit,nombre d'hommes
, loin d'être une nouveauté, porte fur des
vérités qui pourraient paflèr pour triviales-, fur
des principes avoués de tout le monde, qu’ainfi, j
pour être économifie, il- s'agit dè n'êtré pas. in - .
conféqnent ]. v !
En vérité , mon cher marquis, quoique peu
contrariant de ma nature, je ne peux vous pafifer
votre fortie contre les. économifies. Quoi ! vous , i
monfieur, bon citoyen. & bon ferviteur du roi. !
Vous, l'ami de l’humanité , le partifan Je plus zélé *
de la juftiçe Sc de la bienfaifance, vous, dédar i
ayez contre d’honnêtes gens qui prêchent l’une 3ç 1
t c o
l'autre : tu quoque, mi Brute. Vous ferez donc bien,
forpris , fi je vous prouve que vous êtes économifie :
oui, tout le mpndey je n'en excepte pas même ceux
qui crient le plus haut contre ce qu'ils appellent, par
derifion, \2ffdenct économique. Dans un fens, ils ont
railon d'en plaifanter ; car , quoiqu'elle ait une
grande étendue, quoiqu'elle embraflè toutes les
j conditions,, tous les droits & tous les. devoirs de
i l'état focial, elle a peu de profondeur. Eh l com-
I ment eftimer une fcience qui ne contient rien de
myftérieux, rien qui exige des efforts de génie,
rien enfin qui puiiïe prêter à l'imagination 1 Mais
ils ont beau dire y je vous réponds,. m o i, qu'ils
font ce qu'ils prétendent ne pas être : fans qu'ils
s'en doutent, leur coeur chérit le fyftême que leur
bouche condamne 5. ils foroient dans le plus grand
trouble , dans la plus grande confternation, s’ils
croyoient ce fyfteme au moment d’être abandonné.
Il eft vrai que la conduite d’un grand nombre
de, ces critiques n’eft pas d’accord avec fes principes
: ils, veulent jouir du bénéfice, fans en avoir
les chargés ; ils veulent qu'on foit jufte. envers
eux fans .qu'ils foient., i leur to u r , tenus d'être
juftes envers . les autres. Cependant , mâlgré
Tinçonféquence de lcifi's procédés bizarres., je vous
protefte encore une fois qu'ils n'en adoptent pas
moins la théorie du véritable économifie. Si vous
en doutez, allez enfoncer leur porte.,.enlever leur
bourfe, maltraiter leur p.erfonne ; allez vendanger
leur vigne , moiflbnner leur champ, cueillir les
fruits de leur jardin vous verrez comme ils fe
hâteront de vous, traduire devant les magiftrats ,
d'appéller les loix à leur fecours, avec quelle
chaleur ils, pourfoivront publiquement la réparation
de l'injure faite, par vous à leurs droits de
propriété.
Mais, direz-vous, eft-ce que le fyftême économique
fe trouve entièrement renfermé dans la
loi de propriété ?
Hé !• fans doute, monfieur, ce fyftême n'eft
autre chofe que le droit de propriété même, reconnu
pour la première de toutes, nos loix fondamentales
, & prefenté dans toutes les conféquen-
ces, qui en réfultent néceffairement.
Cela n'empêche pas que beaucoup de gens ne
cherchent à le faire palfer pour dangereux. A
force de le dire, iis ont fi bien fait que fes partifans
font devenus les loups-garoux des grands
enfans i & vous^ favez que , parmi nous , le
nombre des, grands enfàns n'eft pas petit. Audi ,
quand je vous vois condamner les économifies for
parole , & fans daigner approfondir leur doctrine*
jou ez-h vous, à mes yeux le rôle du payfan athénien
, qui donnoit fa. voix pour le banniffement
d'Arifiiae.
Le fais que, pour, couvrir de ridicule ces vrais
amis de l'humanité, on. les "traite encore d'hommes
à-fyftêvites., de novateurs., d’enthoufiaftes. De
bonne fo i, monfieur , toutes ces qualifications vaè
c a
gués font-elles autre chofe que dés mots ? ik des
mots font-ils faits pour vous en impofer ? Obfer-
Vez même que, dans fa véritable lignification,
Tefprit du fyftême, diamétralement oppofé à celui
de paradoxe, eft Tefprit d'ordre, eft l'art de
bien combiner, de bien lier fes idéesl Qui dit un
nomme à fyftême, dit un homme conféquent,
un homme à principes : eft-ce que pour fe bien
conduire, il n'en faut point avoir ? Et fi vous
étiez tenté de croire que, pour foi perfonnélle-
ment, il fût bon de n'en admettre aucun, je vous
demanderai fi cela le feroit également pour les
autres ? Si vous dormiriez paifiblement à côté de
celui qui ne reconnoîtroit ni droits, ni devoirs ;
enentiels y qui ne croiroit ni aux crimes, ni aux •
vertus ? Déjà je devine votre réponfe ; & , dans les ■
précautions qui vous feroient foggérées par votre
intérêt perfonnel contre un tel ennemi, je lis très-
diftinéiement que ce qui ne vaut rien pour les autres,
ne vaut rien pour foi. Mais, en convenant
qu'il faut des principes pour fe bien conduire ,
peut - être imagine-t-on qu'il n'en faut pas pour
bien gouverner.
Le titre de novateur, quoique pris parmi nous !
en mauvaife part, ne me paroit point cependant
odieux par lui-même j il ne doit l'être du moins
que chez une nation dont la morale, la politique
& le gouvernement font portés à leur plus haut
point de perfection. Apparemment que nous forcîmes
dans ce cas j que, dans notre morale & notre
politique, il n'exifte aucun préjugé qu'il nous foit
avantageux de détruire 5 que, for le fait du gouvernement
, il n'exifte aucun abus qu'il nous foit
utile de réformer : pourquoi donc varions-nous fur
tous ces objets ?
Par-tout où régneront des défordres, fe .trouveront
deux fortes de perfonnes ; les unes qui en
fouffriront, les autres qui en profiteront : les premiers
cherchent toujours à les faire connoître y à
les corriger y les fécondés à les juftifier, à les
perpétuer. Aux yeux de celles-ci, les novateurs
feront donc des hommes .à pendre j je dis i pendre
, parce que , à l'exemple de certain légiilateur
j*rec, de telles gens, s'il étoit en leur pouvoir,
établiraient volontiers que tout homme qui voudrait
propofer une loi nouvelle , feroit tenu de fe
préfenter la corde au col. En général, plus les
corps politiques ont befoîn d'être réformés , &
moins ils veulent l'être i aufli le métier dey réformateur
e f t - i l , à mon avis, le plus mauvais de
tous les métiers. Licurgue, ce fage, dont on a
tant vanté & les loix & les vertus, fut trop heureux
d'en être quitte pour un oeil : vous fçavez
qu'il y penfa perdre la vie comme beaucoup d'au-1
très.
Si jamais on.n'eût rien innové parmi nous, je
vous prie , monfieur, de me dire où nous en ferions
encore aujourd'hui ; à brûler les enchanteurs
& les forciersj à prendre la force pour arbitre de
la juftice y à faire dépendre de quelques pratiques
E C O t %
faperftitïeirfes, ta fortune, Thontteür, la vie des
citoyens i à mille autres fortes d'abfurdités marquées
au coin de l'ignorance & de la barbarie.
Dans le temps dont'jé parle , nous devions,être
cependant bien plus éclairés qu'aujourd'hui ; nous
Kfions l'avenir dans les aftres i nous avions tine cor-
refpondance fuivie avec les efprits aeriens & les
démons, perfonnages q u i, comme vous n'en doutez
point, en favoient bien plus long que nous.
Je conviens avec vous que notre état politique
pourroit empirer, convenez aufli qu'il pourroit
s'améliorer } qu'à cet égard, un changement propofé
peut être utile, comme il peut etre nuifible.
Comment donc un homme raifonnable fe permet-
il de les condamner comme changement ? Avant
que de prendre un parti pour ou contre, il me
femble qu'il conviendroit d'en examiner & les
principes & les effets. Eft-il donc dît qu’une nouveauté
ne fera jamais fortune parmi nous , qu’au-
tant qu’elle fortira de la boutique d'un^. marchande'
de modes.? O ! mon cher marquis, pour être un
peu moins légère, notre nation n'en feroit pas moins
aimable.
J'entends dire de tous côtés que le mieux eft
ennemi du bien : & depuis quand, s’il voas plaît ?
On le difoit aufli dans le temps où les hommes
croyoient fe propicier le ciel par des crimes, par
des facrifices horribles de viétimes humaines > on
le difoit chez nos ancêtres, lorfque leurs druides
remplifloient d’une jeunefle d'élite des colofles d’o-
fier, pour les brûler en l’honneur des dieux y on
le difoit chez ces grecs fi célèbres qui, malgré
leurs arts, leurs fciences & leurs philofophes, ont
été les plus cruels ennemis les uns des autres ; chez
ces fameux conquérans, dont la puiflfance n'étoit
qu'un coloflfe d'airain aux pieds d'argile j ces romains
, dont la conftitution politique entretenoit
une guerre perpétuelle entre les patriciens & les
plébéiens i guerre qui les a fait pafler fous le joug
du defpotifme, autre maladie mortelle dont ce
corps politique a péri.
Mais ne remontons pas fi loin : fous le brigandage
du règne féodal, & depuis , lorfque la fureur
des duels étoit de mode, entre amis mêmes ,
& pour des querelles étrangères j o u , lorfque le
facerdoce, oubliant Tefprit, l'objet & la bafe dç
fon inftitutiôn primitive, vouloit difpofer des empires
, délioit les fojets du ferment de fidélité s
armoit les peuples contre leur fouverain légitime,
donnoit les trônes au 'premier occupant, fouloit
aux pieds la perfonne même des empereurs ; que ,
vidlimes de l'ambition & du fanatifme, les membres,
d'un- même corps politique couroient s'entregorger
, au nom d’une religion de paix , d'amour
& de charité', ne difoit-on pas comme aujourd’hui
, que le mieux eft ennemi du bien ? Et ,
s’il ne Tétoit pas alors, comment l’eft-il devenu î
Les fociétés politiques font-elles donc arrivées au
point qu’ elles ne pourrpient que perdre, en continuant
encore de travailler à fe perfectionner.