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longues hoftilités entre la république 8c la Savoie.
L ’évêque , brouillé à Ton tour avec le duc 3 fut
réduit à demander le droit de bourgeoifie dans
Gcneve, pour jouir de la protection de la nouvelle
alliance. '
Tous ces événemens' changèrent l’adminiftratiorf
intérieure de Geneve. Pierre de la Beaume remit
s aux fyndics & au confeil le droit de juger les tau-
fes civiles , en exceptant les eccléfîaftiques. Le
confeil général abolit le tribunal du vidomnat, &
■ le remplaça par celui d’un lieutenant 8c de quatre
, afiîftans, nommés auditeurs, qui fubfifte encore
* aujourd’hui. Le confeil des deux-cents fut auffi
inftitué à cette époque. On augmeftta de dix nouveaux
membres le confeil des cinquante 3 créé en
\ 14 f7 : il paroît qu’on vouloit imiter les formes
reçues dans les deux villes alliées, Berne 8c Fri-
’ bourg.
Sur de nouvelles hoftilités des mammelas exilés
& de leurs partifans, les deux cantons réprimèrent
les valîaux du duc , conjurés contre Geneve,
Les variations continuelles de l’évêque le ren-
doient de jour en jour plus méprifable aux yeux
du peuple & du duc. Ses de'marches prefque tou-
■ jours foibles ou mal calculées , hâtèrent la révolution
qui anéantit cette autorité eccléfîaftique 3
dont il avoit tenté de fe fervir pour recouvrer la
jurifdiÇtion civile. Après quelque temps de <îif-
putes fur la nouvelle doCtrine des réformateurs ,
• le confeil des deux-cents l’adopta en 1 y 35 , &
PalTembléc générale approuva leur décifion. Le
canton de Fribourg mécontent renonça à l’alliance.
Calvin, exilé d’abord de Geneve, parvint en
1^41 à établir une difcipline eccléfiaftique, & à
fixer la conftitution civile de cette république, par
des Joix qu’on a étendues 8c modifiées à plufieurs
reprifes.
Nous ne nous étendrons pas fur les guerres, Jes
troubles 8c les prétentions de Geneve , a l’éppque
où les bernois, les fribourgeois & les valaifans
„enlevèrent au duc de Savoie les provinces qui éi>
tourent une partie du L a c ; nous dirons feulement
qu’après plufieurs difputes j le traité de combour-
geoifie fut renouvelle entre Geneve & Berne en
1558. Le canton de Soleure y accéda en 1579.
Les deux cantons prirent alors avec la Frante l’engagement
de protéger Geneve. En 1584 Zuric ,
Berne 8c Geneve formèrent une alliance perpétuelle
; c ’eft par ce dernier traité feul que Geneve
eft aujourd’hui liée avec les furffes. Les tentatives
faites en 1 J70 , pour l’alfocier à la confédération
générale de cette nation, avoient été traversées
par l’Efpagne 3 la Savoie & le parti catholique.
Grneve fit la guerre au duc de Savoie fur la fin
du feizième fiècle ; Henri IV la comprit dans-le
traité de paix qu'il fit à Lyon en 1600. Malgré
Jeç efpérances qu’on lui avoit données, fon territoire
ne fut point augmenté 3 feulement, par le
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traité d’échange du marquifat de Saluces contre
la Brelfe 3 le Bugey & le pays de G e x , la France
devint fon voifin au nord, 8c la Savoie au midi >
& , comme ces deux puiffances jaloufes dévoient
s’accorder plus difficilement pour l’opprimer, elle
eut une nouvelle raifon de croire fon indépendance
affurée.
Nous ne parlerons pas de l’efcalade que tenta
contre Geneve le duc de Savoie, le 21 décembre
1602, ni de la guerre qui en fut la fuite : ces
faits font affez connus.
L ’hiftoire des troubles de Geneve commence à
cette époque , où elle n’eut plus rien à craindre
au dehors. On examina l’adminiftration intérieure,
& on remarqua que les confeils avoient pris di-
verfes réfolutions, dont l’objet paffoit leur corn-
pétqpce 3 fans les propofer à l’ affemblée générale.
Les confeils fuppofoient que le filence du peuple
faifoit un titre & une prefcription en leur faveur.
Tels furent les premiers chocs entre les confeils
& la bourgeofie. Bientôt il s’éleva des murmures
; les confeils voulurent juger avec rigueur ceux
qui les excitoient. Leur févérité rendit les mé-
contens plus nombreux & plus unis ; l’induftrie 8c les progrès de I’aifance donnèrent vraifembla-
blement, à un plus grand nombre de bourgeois ,
la hardieffe & les vues néceffaires pour lier un
parti. Ils demandèrent, en 1707, qu’on limitât
îa prépondérance de quelques familles dans les
confeils, une collection complette des édits, 8c
l’ufage de la balotte à l’affemblée générale. Ils
firent adopter les deux premiers points} ce
qui leur importait le plus ,; ils rétablirent l’ancien
ufage d’affembler tous les cinq ans là bourgeoifiq ,
pour voir fi la conftitution avoit reçu des atteintes.
Les affemblées furent affez orageufes. Le parti
mécontent s’abandonnoit aux murmures. Quelques
troupes étoient répandues dans les provinces
voifîoes de Geneve s & les confeils demandèrent
un fecours de trois cens hommes au canton de
Berne, & de cent hommes au canton de Zuric.
Ils T ’obtinrent, & les Ghefs qui. avoient conduit
la bourgeoifie, furent accufés fur des paroles in-
difcrètesou féditieufes, & quelques-uns condamnés
à des peines capitales. Le peuple intimidé vit
ces exécutions fanglantes* & en 1712 il révoqua
l’édit qui ordonnoit les affemblées périodiques.
Vers l’année 1730, un particulier critiqua les
fortifications de la ville -, commencées en 1600,
Son mémoire excita des murmures fur la dépende
exceflîve de ce plan 3 8c fur les impôts qu’il r.en-
doit indifpenfables, & que les confeils avoient
continués 4e leur autorité , d’ après un édit du
confeil général de 1570 , qui leur en,avoit d'onné
le pouvoir fans en fixer le terme. Des brochures fçr-
virent à échauffer le peuple. Plus le gouvernement
féviffoit contre ces écrits, plus il irritait
les mécontens. Les confeils propofèrent en 1734
la queftion des impôts à l’affemblée générale, qui
lés confirma pour dix ans.
Cependant
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Cependant les préventions & l’efpnt de parti
5*a_ccroiffoient chaque jour. On s’accufoit réciproquement,
de hauteur 8c d’ambition, deTédition
& d’infolence. Des difcours imprudens, interprétés
comme des menaces , des rapports trop légèrement
adoptés augmentoient la défiance & la
haine. Les moyens.de fûreté qu’adoptoit un parti 3
étoient envifagés par l’autre commd des moyens
d’oppreffion. Des citoyens découvrent que les canons
d’un baftion, voifin des quartiers habites
par le peuple, font encloués, & qu’ il s’eft fait
fecrètemrnt des tranfports d’armes. Cette précaution
contre les violences , ufîtée^ dans les emeu
tes , leur parut un indice fur d’ une confpiration
contre la -liberté. Ils s’en plaignent au^ gouvernement
; ils demandent que le fait foit éclairer : ils
fe font remettre la garde des portes ; bientôt ils
s’impatientent de la lenteur, des recherches , &
ils exigent la dépofitionde fix magiftrats fufpe&s ;
ils entourent en foule l’Hôtel-de-ville, 8c ils ar^
tachent au confeil des deux cents, cette dépofi-
tion, qui eft confirmée peu après par l’affemblée
générale. |
La; tranquillité paroiffoit rétablie ; mais le fou-
venir ’de cette violence, faite au -grand confeil, &
des exécutions, de 1707 , entretenoit, de part &
d’autre, un reffentiment mal affoupi. On diftin-
guoit alors trois : partis dans la ville ; celui des
magiftrats, qui vouloit qu’ on fe bornât aux concédions
faites en *734; celui des citoyens 3 qui ne
Üemandoient rien .de plus en convenant que l’ autorité
'des confeils alloit trop loin ; enfin un tiers
parti très-ardent., qui avoit échauffé le fécond en
ï 73.4 j & quij avoit dés vues plus démocratiques.
C e dernier fut contenu,, en 1736 , par la réunion
des deux premiers ; mais le 21 août 1737, il parvint
à femér de nouvelles défiances , à l’ occfafion
d’un jugement qui devoit fe rendre contre quelques
citoyens détenus en prifon, & H forma des
attroupemens,qui aboutirent à. une nouvelle prife
d’armes. Des citoyens du parti attaché, au magif-:
trat, fetrouvant auprès de l’Hôtel-de-ville, demandèrent
8c obtinrent que l’ arfenal leur fût ou-'
vert, afin de fe mettre en état de s’oppofer à la
violence qui fembloit menacer lemagiftrat, &aufli-
tôt les deux partis, fe trouvèrent armés 8c en préK
fence l’un de l’autre : les fyndics & d’autres per-
Ibnnes arrêtèrent les hoftilités ; & le. confeil ayant
ordonné de mettre bas les. armes, il fut convenu
que les deux partis les quitteroient à la même heure
: ceux du parti oppofé- au, magiftrat fe retirèrent;
mais quelques-uns du parti contraire étant demeurés
dans leurs poftes, op eut de la défiance ;
on reprit les armes avec plus de chaleur qu’aupa-
ravant ; il y eut des coups de fufil de, tirés : un
fyndic fut bleffé, 8c quelques hommes furent tués.
Les plus échauffés des démocrates , entraînant le
grand nombre , is’ affurèrent du premier fyndic qui
les exhortoit à fe calmer, 8c qui confentit àj fe
mettre en otage entre leurs mains; 8c ils le gar-
OEcon. polit, & diplomatique. Tome II,
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dèrent'toute la nuit en le traitant avec refpeft.
Le lendemain il fallut leur- abandonner les poftes
intérieurs & la garde des poftes ^ plufieurs des
confeillers & d’autres citoyens quittèrent alors avec
leurs -familles une patrie où ils ne fe croyoient plus
en fdreté. . . . . . . . .
Geneve étoit plongée dans la confternation : elle
eut recours à fes alliés. Des députés de Zuric &
de Berne -y arrivèrent ; ils infpirèrent peu de confiance
à un peuple ombrageux & prévenu, qui
leur fuppofoit trop d’attachement pour l’ariftocra-
tie. ’ Cependant les deux partis, inquiets fur leur
fituation , paroifîbientfe rapprocher; la bourgeoifie
preftoit l’arrangement pour le ratifier en confeil
général, avant qu’on fît intervenir une médiation
étrangère , follicitée par le parti le plus
faible. Elle fut offerte par la France de concert
avec les deux cantons, te s plénipotentiaires du
roi & ceux de Zuric & de Berne, dreffèrent uri
réglement qui devoit fixer tes pouvoirs des confeils
, & les droits réfervés à l’ affemblée générale
y en prenant les anciennes conftitutions pour
bafe. L e rappel des magiftrats dépofés en 1,734
rencontra la plus forte oppofition ; mais le réglement
fut approuvé par les.deux confeils, & accepté
dans le confeil général du 8 mai 1738. On
ftatua, dans le dernier article, qu’ il auroit force
de lo i, & qu’ il ne feroit fufceptible d’aucun changement
, fans l’aveu du confeil général légitimement
convoqué par les autres confeils. ,
Les compaghies bourgeoiles s'étoient affemblees
fouvent;, ;& s'étoient fait repréfenter par trente-
quatre députés durânt lés1 derniers troubles : cet
u fa g e au to r ifé par la nécefiîté des négociations , -
avoit donné plus d’union au parti populaire, 8e
une plus grande.autorité à fes chefs : il etoit dan-
i i fgereux ; il auroit entretenu, dans le fein de la république
î une démocratie toujours aétiye , & il
fut aboli par le nouveau réglement. Bientôt on
établit les cercles, où les. citoyens aboient fe dé-
laffer dé leur travail. Les difeuffions politiques devinrent
plus habituelles , & la correfpondance
: facile entre ces cercles, fit adopter des principes
: d’intérêt commun.. . , .
L a crainte de fe faire reprocher la première in-
i fraélion de la , paix publique maintint d'abord la
tranquillité.. Le voifinage des troupes efpagnoles
qui occupoient .la Savoie , détourna enfuite l’attention
inquiète du peuple fur un ftfj.et de. crainte
plus preffant. Geneve eut. suffi la fatisfaélion , en
(7 J 4 , de voir, terminer toutes les anciennes Con»
teftâtions avec la Savoie., par une démarcation
& un traité avèc la cour de Turin , qui renon-
çoit au vidomnat, & reconnoiffoit Geneve pour
une république fouveraine. On fit, l’année d’après,
une autre démarcation avec la France : l’état ache‘
yoit de payer fes dettes, & tout paroiflbit concourir
.à fa profpérité. Le réglement de 1738
fembloit fixer la conftitution de manière à ôter
te ut prétexte à de nouvelles difputes,; maisl’ae*
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