
on ne les obfeve plus, fi des a&es poftérieurs
en arrêtent l'exécution } fi les lumières répandues
dans la nation ne laiflent pas craindre qu’on ofe
jamais les invoquer , le code qui les renferme
n’en eft pas moins monftrueux, & il doit infpi-
rer de l’horreur à des républiques qui établif-
fent aujourd’hui leur gouvernement. Enfin , fi
les . républiques américaines J e courbent avec
refpeét devant la légillation de la Grande-Bretagne
, cette noble grandeur qui les a mis au-
deflus de la nation angloife* ne perdra-t-elle
pas de fon éclat ?
La compofition & le régime des tribunaux
n’exigent pas une moindre attention. M . l’abbé
de Mably a confeiilé fagement aux Etats-Unis ,
de ne point établir de cours d’équité 3 c’ eft-à-
dire de ces cours où les juges prononcent malgré
les lo ix , félon les règles de la juftice naturelle
& de la raifon. Une pareille inftitution
eft bonne en Angleterre 3 tant qu’on ne réformera
pas les loix civiles. Elle feroit bonne
dans tous les pays où l’ou eft gouverné par de
vieilles loix fouvent mauvaifes > mais elle qe
convient pas à un peuple libre 3 qui rédige
fon code à la fin du i8 .e fîècle, & après des
conftitutions qui annoncent des. vues fi profondes
3 fi nobles & fi juftés. Lor-fque toutes les
provinces auront rédigé leur code c iv il, il faudra
voir feulement s’ il eft convenable de l’adopter 3
gç fi le vice des loix a befoin de ce foible remède.
*
Les conftitutions des Etats-Unis ont adopté
l ’inftruétion criminelle de l’Angleterre.} elles en
ont fait un des articles de la liberté des citoyens,
& à cet égard elles méritent des éloges.
Les nouvelles républiques 3 en s’appropriant
cette partie des loix criminelles de la Grande-
Bretagne 3 fongent à proportionner,, avec plus de
fageffe , les peines aux délits , & l’Europe chérira
leur humanité. Les peines de mort font trop
communes dans les loix d’Angleterre, & les
grâces fréquentes accordées par le R oi, multiplient
les coupables à un point effrayant. Si ces
grâces femblent adoucir la févérité de la lo i ,
c ’cft une raifon de plus pour que les américains
afirgnent des peines moins graves à de légers
délits : ils deviendroient barbares s’ils envoyoient
au fuppbce tous ceux qu’y enverroit une loi
trop cruelle; où le.gouverneur & des magif-
trats particuliers s’empareroient du droit de faire
grâce , ce qui feroit dangereux pour leur liberté.
La loi des commifiaires de la Virginie , qui
proportionne les peines aux délits, eft fage &
douce en 'bien des points ; car fi un roi philo-
fophe peut contenir les fcélérats fans peines de
mort , les républiques ne le peuvent pas ; & il
eft une claffe de criminels à qui on n’ofera jamais
laiffer la vie , fi on confulte la-faine raifon ;
mais cette partie de leur travail ne laifle-t-elle
jieu à defirer? Il faut i’expofer en détail.
I. Délits qui entraîneront une peine de mort.
l.° La haute trahifon.
Peine de mort, & le coupable
pendu. Ses terres
& fes biens confifqués
au profit de la république.
2.° C e que les loix a n } La potence, diffe&ion ,
gloifes appellentp^rfy f confifcation de la moitié
treafon 3 ou meurtre V des terres & des biens
avec infraction de la i au profit des reprefen-
foi domeftique. y tans ùe 1 homme tue.
3.° Aflaflinat par
poifon.
} Le coupable fera empoi-
fÆ fonné, confifcation de
> la moitié de fes biens
i comme dans l’article pre-
J cèdent.
"VLa potence, maisl’ aggref-
J feur fera pendug d’une
| manière plus humiliante.
En duel.........................> Confifcation de la moitié
I dès biens, & de tous-
% les biens fi c’eft l’aggref-
J feur.
La potence , & confifca-
De toute autre ma- ( don de h moitié desmere
J biens. :
4.0 C e que lç$ loix an-
gloifes appellent man
Jlaugther ( c’eft un
meurtre fans méchanceté
expreffe, ou implicite
).
A la fécondé fois , on fete
réputé affaffin.
II. Crimes qui feront punis par l'amputation de
quelques membres , ou par une peine qui défiguré le
coupable.
1-0 sodomie.' : : : : } Caftration-
2.° Mutilation , l’action
de défigurer quelqu’un.
La peine du talion y & la
confifcation dé la moitié
des biens au profit de la.
partie, léfée.
Ê T A
III. Crimes qui feront punis par le travail.
i.® Le délit de man \
flaugthtr pour la première
fois.
(Sept années de travail
pour le public, confif-
* cation de la moitié des
biens comme dans le cas
F d’aflaffinat.
S Sept ans de travail , confifcation
au profit de la
république des proprié-
tés territoriales & des
autres biens.
3.0 Les incendiaires. ^ , I Kim y a r-, ■4. Ceux qui enlèvent , v ( N Cinq ans- de t• ra•vail, une
reffitution triple.
des navires.
f .° Vol appelle (
'bery\ " V Quatre ans de travail, une
6.° Et vol noâurne /
avec effraétion. J '
B Effraâion de mai- | Troi & ^ M g ï,'
fon. ■ > •
8.° Vol de chevaux. J u °
Deux ans de travail. Réf9.0
Grand larcin. . utation, pilori.
. © • / > ( Un an de travail. Reftitu-
10. Petit larcin ( * ) • ƒ tiont pilori.
1 1 . ° Prétentions à laT Plongé dans l’eau. Coups
forcellerie , & c ; J de fouet.
1 1 .° Homicide e x cu - }
I W 8 Ü y 1 fa“* « o?r pitié,des cou-
I4>° Apoftafie. H é - ( pables & ne pas les punir,
réfie. j
Sans doute ; lorfqu’ ’! s’agit de proportionner
les peines aux délits, il faut examiner i . l’ a-
trocité plus ou moins grande du délit; 8c z .°
la pofition particulière d’ une contrée qui excite
davantage à le commettre, ou qui rend fa découverte
plus difficile , & alors on doit rendre
la peine plus forte, afin de contrebalancer ce
défavantagef Si on ne calculoit que l'atrocité,
plus ou moins grande , du délit en lui-même,
tontes les nations pourraient établir la peine au
même degré ; mais comme il eft néceflaire de
régler le châtiment d'après la pofition du pays,
& qu'il n'jt à pas deux pays qui fe trouvent dans
les mêmes circonllançes, il n'y a pas deux pays
où l'on doive obferver dans les peines une gradation.
abfolument pareille. Pour en donner un
exemple, & montrer avec combien de réferve
on doit calculer ces fortes de chofes ; les c itoyens
des E tats-U nis, abandonnent leurs chevaux
, même durant l'hiv er, fur des terreins qui
ne font pas enclos, 8c qui fe trouvent trop étendus
pour que les chevaux ne s'écartent pas au loin.
Il eft donc aifié de les vole r, 8c difficile de
découvrir les voleurs': le Iégiflateur eft donc
obligé d’oppofer une peine plus grave à ces tentations
: auffi le vol d'un cheval en Amérique ,
eft-il puni plus févérement que tout autre vol
de la même, valeur. Quelques pays de l'Europe
infligent une peine capitale à ceux qui volent
des fruits fur les arbres. La peine eft trop fé-
vère fans doute; mais le Iégiflateur l'a imaginée,
parce qu'il eft impoffible d'enfermer ces fruits ,
comme on enferme de l'argent; 8c la nature des
chofes ne permettant pas^ d'oppofer des barrières
phyfiques à cette efpêce de v o l , il a bien
fallu'lui.oppofer des barrières morales.
Un citoyen des Etats - Unis, qui examinera
cette; peine légèrement, jugera que c'eft le plus
énorme de tous les abus du pouvoir ; parce qu’ il
eli habitué, de voir fur les arbres une quantité
confidérabie de fruits , qui pourriraient s'ils
n'étoient pas recueillis par les paffans. D ’après
cette habitude, il n'en fait point de cas, 8c il
ne croit point qu’ils puiflent étire la matière
d’un délit.
Ges préjugés que les hommes, les plusinf-
truits , ont peine à fecoue r, feront naître fur.
les loix des Etats- Unis , des critiques: bien .malfondées
: on oubliera trop qu'en France , en Aile-,
magne , en Italie, en Turquie 8c à la Chine ,
il feroit convenable d'établir d’autres loix fur
les mêmes points. Voulant prévenir les mépri-
fes des le&eurs, nous tâcherons de les éviter
nous-mêmes, 8c nous propoferohs nos idées
avec une extrême circonfpeétion.
L ’ état de Virginie ne doit-il pas changer tout
ce qui regarde le fécond article , ou celui des crimes
qu’on fe propofe de punir pair l'amputation de
quelques membres, ou par un châtiment qui défigure
( i) Lés loix d'Angleterre donnent le nom de grand larcin ( gmnd\tarcmy ) à tous les vols qui portent vit une chofe de la valeur de iz pences , ou 14 fols tournois ou au-deftus ; & celui de petit larcin , au vol
dune choie qui vaut moins de rz pences.