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& ils affurèrent que ce dénombrement avoit été
publié par le congrès.
Au mois d'avril 1783, le congrès voulant exhorter
les états à fournir un million & demi de
piaftres pendant 25 ans , il fut néceflaire de fixer
le contingent de chacune des provinces. Il fut décidé
que cinq efclaves ne feroient comptés que
pour trois hommes libres. C e travail fut renvoyé
a un comité, qui demanda aux députés des di-
verfes provinces quelle étoit la population de leur
état. Quelques-uns des états àvoient eflayé de découvrir
le nombre des habitans : d'autres ne s'en
étoient pas occupés, & leurs députés n'avoient
pas plus de moyens qu'en 17 7 5 , de faire l'évaluation
d'une manière exaCte. C eft avec des données
fi peu fûres, & d'après le principe de compter
feulement les trois cinquièmes des efclaves, que
le comité indiqua une répartition entre les provinces.
Il avoit fixé le contingent de la Caroline
méridionale, furie pied de 170,000 habitans j
mais lorfque le rapport fut fournis à la délibération
du congrès, les députés de cet état obtinrent
qu'on réduiroit leur contingent, fur le pied de
1 yo,ooo habitans , parce que l’ennemi venoit de
dévaluer cette province.
Nouvel-Hampshire
habitans
' 82,200
contingens.
52,708 piaftr.
Maflachufett.........
0000 224,427
Rhode - Ifland. . . . 50,400 52,318
Connecticut.......... 206,000 132,191
Nouvelle-York. . . 200,000. 128,243
Nouveau-Jerfey. . 130,000 . 83,358
Penfylvanie............ 3 20,000. 205,l89
Delaware. . . . . . . 3 5,000 21,443 Maryland. . . . . . . 220,700 I4[, 5'7 Virginie.......... ...... 400,000 236,487
Caroline feptentr.
Caroline meridion.
170,000 109,006
150,000 96,183
Géorgie................... 25,000 l6,030
2,339,300 1,500,000
Le congrès refufa encore d’infcrire fon dénombrement
dans fon journal, parce qu'il n’avoit pas
l'exaCtitude qu'on pouvoit exiger. S'il fervit de
règ le , c 'eft. parce qu’il n'y eut pas moyen d'en
trouver une meilleure. On fe contenta d'infcrire
la cottifation ; mais les députés des diverfes provinces
en prirent une copie, ainfi qu’en 1783 j
ils l'envoyèrent à leurs compatriotes : ce prétendu
dénombrement fe glifla dans les papiers publics,
& les anglqis l ’attribuèrent au congrès. Si l'on
veut avoir le nombre d?habitans que préfente ce
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calcul, il eft néceflaire d’ajouter 20,000 âmes à
la population de la Caroline méridionale ,* fe fou-
venir enfuite que 700,000 efclaves n'ont été comptés
que pour 420,000 perfonnes, & ajouter encore
280,000 fur cet article. On trouvera alors
2,639,300 habitans, c'eft-à-dire, 221,300 de plus
que n'en avoit indiqué le calcul de 17753 & n o a
pas une diminution de 798,509, comme les papiers
anglois ont eu la fottife ou l'effronterie de
le dire.
Selon l'évaluation faite en 1775 3 les deux C a-
rolines contenoient chacune 200,000 habitans j le
Maryland en contenoit 2 50 mille , & Rhode-If-
land en contenoit 58; & le dénombrement de 1783
n'en compte plus que 170 mille dans chacune des
Caroiines, 220,000 dans le Marvland, & 50,400
à Rhode-Ifland. L ’état de Mafluchufett & celui
de Virginie ne préfentent pas de diminution ÿ l'évaluation
de celui de Penfylvanie & de Connecticut
eft plus forte en 1783 qu'en 1 7 7 5 , & les
détails dans lefquels nous fommes entrés expliquent
ces différences.
Les émigrations qui fe font faites en Amérique
depuis la paix, celles qui auront lieu dans ces
premières années où tous les infortunés de l'Europe
croient avoir trouvé un afyle fur, lesillufions
& l'enthoufiafme qu'infpire un pays immenfe *
qui paroît avoir été conquis au bonheur & a la
liberté > les féduCtions & l ’attrait que préfentent
ceux-mêmes qui veulent ramener à la raifon les
hommes occupé« du foin de s'établir dans les
nouvelles républiques ( 1 ) , augmenteront d'une
manière bien rapide la population des Etats- Unis.
Elle paroît être aujourd'hui d'environ deux millions
fept cents mille habitans, en y comprenant
les nègres j mais il faut obferver que cette évaluation
doit être un peu trop foible > qu'ayant été
demandée pour fixer le contingent des impôts ou da
rachat d'un papier monnoie, il étoit de l'intérêt des
députés des provinces de diminuer plutôt que d’enfler
le nombre des habitans > & que fi le ConneCti-
cut & la Penfylvanie ont eu la nobleffe de ne pas
le diminuer, on ne doit pas croire que les autres
provinces aient été aufli généreufes.
" Si dix millions d’hommes, dit un écrivain
» juftement célèbre , trouvent jamais une fub-
» fiftance affurée dans ces provinces, ce fera
» beaucoup. Alors même les exportations fe ré-
» duiront à rien ou àj fort peu de chofe j mais
»» l'induftrie intérieure remplacera l’induftrie étram
» gère. A peu de chofe près , le pays pourra fè
» fuffireà lui-même, pourvu que fes habitans
n fâchent être heureux par l’économie & la me*
» diocrité. *».
(1) Voyez, un petit écrit anglois, dans lequel le doéleur Franklin donne des confeils aux malheureux qui
fongent à s’établir en Amérique. Il paroît avoir pour but de détruire les idées chimériques dont ils fe bercent
& de les décourager ; mais, par un ftratageme ingénieux & adroit , la leâure de ce pamphlet augmentera
de plus en plus le defir de ceux qui méditent le projet de fe retirer dans les Etats-Unis.
L’auteur
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L ’auteur dont nous parlons a écrit ces remarques
avant que le traité de paix eût donné une
fi vafte étendue’’aux Etats-Unis. Il calculoit leur
population d'après l'efpace de terrein qui fe
trouve défriché , ou du moins d’après celui qu’on
voit entre les côtes de la mer, ou peut-être jusqu'aux
Alléghanis ; mais aujourd'hui que le territoire
àts Etats-Unis n'a d'autres bornes que le
Cours du Miffiflipi depuis trente - un jufqu'à
quarante - trois degrés de latitude , un .efpace
aufli immenfe comportera une population beaucoup
plus confidérable.
' Le territoire des Etats-Unis contient à peu près
un million de milles anglois quarrés. La proportion
des terres fertiles y eft plus grande que dans
les trois royaumes d'Angleterre, d'Ecofle & d'Irlande.
Si le territoire des Etats-Unis’ zxnvoit au
degré de population dé ces trois royaumes, on
y trouveroit cent millions d'habitans. Veut-on
favoir quelle peut-être un jour la population du
nouveau-Monde ? La partie feptentrionale, c'eft-
à-dire , depuis l'ifthme de Panama jufqu’a 50 degrés
de latitude nord, renferme environ cinq
millions de milles quarrés, & on en trouve environ
fept millions dans ce qui eft aufudde l'ifthme
de Panama. Nous nous arrêtons au cinquantième
parallèle, parce qu’il faut tirer une dernière ligne
quelque p art, & qu’au-delà de 50 degrés,
le fol & le climat étant peu favorables, la population
qu'on y trouvera compenfera la petite
diminution qui pourra réfulter de quelques diftriCts
trop froids compris dans nos calculs. La partie
feptentrionale & la partie méridionale du nouveau-
Monde renferment donc 12 millions de milles
quarrés î & s'ils étoient aufli peuplés que les domaines
de la Grande-Bretagne en Europe , ils of-
friroient douze cents millions d'habitans j c’eft-
à-dire plus de monde qu'on n'en fuppofe aujourd'hui
fur tout le globe.
La population aCtuelle , dans les diftriCts habités
des Etats-Unis 3 eft d'environ 10 hommes par
mille qaarré, & l'expérience a montré que lorf-
qu’elle arriveà ce point, les habitans font trop
refferrés, & fe portent en foule dans un canton
défert. Dans quarante ans, le territoire entier des
républiques américaines fe trouvera à ce degré
de population > & on peut établir qu'à cette
époque , les habitans fe porteront au - delà
des limites actuelles : on peut établir aufli que la
population n’y excedera pas.ce terme, avant que
la partie feptentrionale & la partie méridionale
du nouveau - Monde contiennent dix perfonnes
par mille quarré; c'eft-à-dire, qu'on y compte
120 millions d'habitans. Le fol & le climat font
très-favorables à l’oueft du Mifliflipi j ce canton
eft limitrophe des Etais - Unis 5 & c'eft le pre-
E t a 4 1 ^
ftiier qui fera peuple' par les citoyens des nouvelles
républiques. Les propriétaires actuels auront
bien de la peine à réprimer & à contenir
les émigrations. Un feul homme eft allé recon-
noître, il y a peu d'années, le diftriCt de Ken-
tucke éloigné de quatre à cinq cents milles des
colons européens , il a décidé l'établiflement de ce
canton, il. s'y eft retiré avec fa famille & un petit
nombre de voiflns ; & quoique cette petite colonie
ait été fans cefîe harcelée par les fauvages,
il s'y eft formé en dix ans une population dé plus
3pooo âmes : fa population augmente tous, les
jours j & , ainfi que nous l'avons déjà dit , ce
diftriCt ne tardera pas à former une république
indépendante (1).
Les Etats-Unis femblent delîrer une population
rapide, & ils attirent chez eux le plus d'étrangers
qu'il leur eft poflible. Un homme qui
nous a fourni avec une bonté extrême des notes
de tous les genres pour la compofîtion de ce
morceau, M. Jefferfon a montre que cette dif-
pofition n'eft pas fage , & fes preuves annoncent
une extrême fagacité. Ils veulent augmenter le
nombre de leurs citoyens 5 mais fuppofons qu'une
importation d’étrangers double en une année la
population de la Virginie, par exemple j un pareil
accroiflfement n'aura jamais lieu , & c'eft pour
rendre nos réflexions plus fenfibles que nous admettons
une hypothèfe exagérée. La Virginie „
d'après des calculs que nous donnerons à l'article
I de cet état (voye% V ir g in ie ) ., atteindroit en
commençant avec un nombre d'habitans double
de ceux qu'elle renferme aujourd'hui, un degré
quelconque de population , feulement vingt-fept
ans & trois mois , plutôt quelle ne l'obtiendroit
fi elle attendoit cet accroiflement de la multiplication
de fes habitans actuels. En fixant à quatre
millions & demi la population convenable à la
Virginie, il ne lui faudroit que cinquante-quatre
ans & demi pour l'atteindre , fi elle peut tout-
à-coup doubler le nombre de fes habitans j 8c
quatre-vingt-un ans neuf mois, fi elle fe borne
à la multiplication naturelle de fes fujets. C e n’eft
pas trop la peine de fe prefTer ; d'ailleurs une importation
trop confidérable d'étrangers n'a t elle
pas beaucoup d’inconvéniens ? il doit y avoir une
grande harmonie de caractères, de goûts & d'idées
entre des hommes réunis fous la même admi-
niftration, lorfque l'adminiftration eft républicaine.
Chaque efpèce de gouvernement à fes
principes particuliers ; celui des états de l ’Amérique
en a fur-tout qu'on ne trouve nulle part.
Les maximes & les préjugés-des monarchies, font
trèsoppofées à l'efprit de leurs conftitutions. C e pendant
la plupart des émigrans viendront des
pays monarchiques 5 ils apporteront les principes
G g S
(1) Voye^ ce que nous avons dit dans la feCtion huitième.
(Zcm. politK diplomatique. Tome I I •