
le defirer, dans la feule plantation où on ait commencé
à le cultiver.
Aquin , a quinze lieues fur le rivage de la mer,
& trois , quatre, quelquefois fix lieues dans l'intérieur
des terres. C et établiffement compte quarante
plantations en indigo, vingt en café ,
neuf en coton. Ses montagnes, moins élevées que
celles ijui les joignent, ne jouiffent , par cette
raifon, que de peu de fources, que de peu de
pluies 3 & ne promettent qu'une grande abondance
de coton, qu'on leur demandera quelque jour fans
doute. Pour ce qui concerne fes plaines , elles
furent autrefois affez floriffantes : mais les féche-
reffes, qui ont graduellement augmenté à mefure
que le pays s'eft découvert s ont de plus en plus
diminué la quantité & la qualité de l'indigo qui
faifoit toute leur richeffe. Cette plante, qui lame
la terre prefque habituellement expofée aux ardeurs,
d'un foleil brûlant, doit être remplacée par le fucre
qui la tiendra couverte dix-huit mois de fuite 3 &
confervera long-temps les moindres fraicheurs.
éjà , quelques habitans des plus aifés ont fait
ce changement dans leurs plantations. La nature
du fol permet à vingt-cinq colons de fuivre cet
exemple} & ils s'y détermineront fans doute, lorsqu'ils
en auront acquis les moyens 3 lorfque les eaux
de la rivière ferpente auront été fagement diftri-
buées. Dans l’état aétuel des chofes, toutes les
produirions du quartier fe réunifient dans un feul
b ourg, très-enfoncé dans les terres. L'impoflibi-
lité de les tranfoorter fur la cô te , dans la faifon
des pluies , les frais indifpenfables pour les y voi-
tu'rer, dans les temps meme les plus favorables 3
avoient fait imaginer de former cet entrepôt fur
les bords d’une baie profonde, où l’on embarque
les denrées. Mais cette pofition n’offre pas un arpent
de terre qu’on puiffe cultiver 5 mais on n’y
trouve point d’eau potable } mais les eaux fta-
gnantes de la mer y corrompent l’air. Ces raflons
orit fait perdre de vue un projet, dont les incon-
véniens furpaffoient les avantages.
Saint-Louis eft une efpèce de bourgade q u i,
quoique bâtie au commencement du fiècle , n’a
qu’une cinquantaine de maifons. Un très bon port,
même pour les vaifleaux de ligne, décida cet établiffement.
Sur un iflet, lîtué à l’entrée de la rade,
on éleva des fortifications confidérables q u i, en
17 4 8 , furent détruites par les ânglois , & qui depuis
, n’ont pas été rétablies. Le territoire de ce
quartier s’ étend cinq à fix lieues fur la côte j fes
montagnes , encore couvertes de bois d’Acajou,
font la plupart fufceptibles de culture j fa plaine
inégale offre quelquefois un f o l fertile , & fes
nombreux marais peuvent être deffechés. On n’y
compte que vingt caféïères, quinze indigoteries,
fix cotonneries & deux fucreries. Cette dernière
produirion réufliroit dans dix ou douze planta-1
tions, fur-tout fi elles étoient arrofées par les eaux
de la rivière Saint-Louis, comme on le. croit très-
pratiquable. Cavaillon n’occupe que trois lieues
fur les bords de l’océan. C ’eft une grande gorge
qui s’étend huit ou neuf lieues dans les terres. Elle
eft partagée par une affez grande rivière q u i,
malneureufement dans les grofies pluies, fe répand
au loin & caufe fouvent beaucoup de ravages. A
deux lieues de fon embouchure, eft un petit bourg,
où arrivent les navires, & où ils chargent les denrées
que fourniffent vingt plantations de café, dix
d’indigo, fix de coton, & dix-fept de fucre. Le
nombre des dernières pourroit être aifément doublé
dans une plaine qui a cinq ou fix mille quar-
reaux d’ étendue ; mais les plus floriffantes de celles
qui exiftent, ont à peine atteint la moitié de leur
culture > & les autres ne donnent qu’un foible
produit, & de mauvaife qualité. Les montagnes,
quoique couvertes d’ une terre excellente, ne rem-
pliffent pas le vuide. Les conceflions que le gouvernement
y a faites, relieront incultes, jufqu’ à
ce qu’on .ait pratiqué des chemins pour l’extraction
des denrées. Cette entreprife, qui eft au-deffus
des moyens des habitans , devroit être exécutée
par les troupes. L ’oifiveté, & des marais infeits,
ont engourdi jufqu’ici les foldats , les ont fait
périr fur les rivages de la mer : la fraîcheur des
lieux élevés, l’air pur qu’on y refpire, un travail
modéré, l’aifance dont il feroit jufte de les faire
jouir : toutes ces caufes réunies ne les maintien-
droient-elles pas dans leurs forces naturelles , n’af-
fureroient-elles pas leur confervation ?
La plaine du fond de l’ifle à Vache , contient
vingt-cinq mille quarreaux d’un fol excellent partout
, à l’exception de quelques parties que les
torrens ont couvertes de gravier , & d’ un petit
nombre de marais, dont le defféchement ne feroit
pas difficile. Il s’y eft fucceflivement formé quatre-
vingt-trois fucreries , & l’on peut y en établir
encore environ cinquante. Celles qui exiftent,
n’ont guère qu’un tiers de' leur domaine en valeur
j & cependant, elles donnent une immenfe
quantité de fucre brut. Qu’on juge de ce que le
territoire entier en fourniroit, s’il e'toit convenablement
exploité. On pourroit compter fur un
produit d’autant plus régulier, que les pluies manquent
moins fouvent dans ce quartier que dans
les autres, & que trois rivières qui y coulent,
s’offrent, pour ainfi dire, d’elles - mêmes , pour
l’arrofement de toutes les plantations.
Le fucre & l’indigo qui croiffent dans la plaine
le café & le coton qui defeendent des montagnes :
tout eft porté à la ville des Cayes , - formée par
près de quatre cens maifons , toutes enfoncées
dans un terrein marécageux , & la plupart environnées
d’une eau croupiffante. L ’ air qu’on refpire
dans ce féjour, manque également de refforf
& de falubrité.
C et entrepôt a été comme jetté fans réflexion
dans l’enfoncement d’une rade qui n’a que trois
paffes , dont la profondeur, infuffïfante en elle-
même , diminue, encore tous les jours. Le mouillage
y eft fort refferré , & fi dangereux durant
L-équinoxe , que les bâtimens qui s’y trouvent \
alors, périffent très-fouvent. La grande quantité
de vafe qu’y dépofent les eaux de la ravine du
fud, s’accroît au point, que dans vingt ans, on
n’y pourra plus entrer. Le canal, formé par le
voifinage de l’iile à Va che, 11’y fert qu’ à gêner
la fortie des navigateurs. Ses anfes font le repaire
des corfaires de la Jamaïque. C ’eft-là, que croi-
fant fans,voiles, & voyant fans être vus , ils ont
toujours l’avantage du vent, fur des bâtimens auxquels
la force & le lit confiant des vents, ne permettent
pas de paffer au-deffus de l’ifle. S’il etoit
poflible que des vaifleaux de guerre^ relâchaffent
dans ce mauvais p o r t, l’impoflibilité de vaincre
cet obftacle & celui des courans pour gagner le
vent de l’ifle, les forceroit de fuivre la route des
navires marchands. Ainfi , doublant la pointe de
l’Abacou, l’un après l’autre , à caufe des bas-
fonds, ces vaifleaux, qui fe trouveroient entre la
terre & le feu de l’ennemi, avec le défavantage
du vent, feroient infailliblement détruits par une
efeadre inférieure.
La mauvaife température de la ville, le vice de
fa rade, ont fait delirer à la cour de Verfailles,
que les affaires qui s’y traitent , fe portaffent à
Saint-Louis. Ses efforts ont été inutiles, & ils
dévoient l’être j parce qu’il eft tout fimple que les
échanges s’établiffent dans l’endroit qui produit
& coafomme davantage. S’obftiner à contrarier
encore cet ordre de chofes preferit par la nature,
ce feroit retarder en pure perte les progrès d’un
bon établiffement. Les caprices même de l’ induf-
trie _ méritent l’indulgence du gouvernement. La
moindre inquiétude du négociant le conduit à la
défiance. Les raifonnemens politiques & militaires
ne peuvent rien contre ceux de l’ intérêt. Le commerce
ne profpère que dans tin ■ terrein qu’ il a
choifi lui-même. Tout genre de contrainte l’effraie.
C e que le miniftère de France peut fe propofer,
c’ eft de retirer les tribunaux de Saint-Louis, qui
n’eft, & ne fera jamais rien, pour les donner aux
Cayes, où la population & les produirions, déjà
confidérables', doivent beaucoup augmenter $ c’ eft
de former un lit d une ravine, dont les déborde-
mens furieux caufent fouvent des ravages inexprimables
> c’eft de purifier & de fortifier un peu la
ville. On feroit l’un & l’autre, en creufant tout
autour un foffé', dont les déblais ferviroient à
combler les lagons intérieurs. Le fol, exhauffé par
ce travail, fe deffécheroit lui-même. L ’ eau de la
rivière, qu’on feroit couler par une pente naturelle
dans ce foffé profond, mettroit la ville, avec
le fecours de quelques fortifications, à l’ abri des
entreprifes des corfaires , affureroit même une dé-
fenfe momentanée , qui donneroit les moyens de
capituler devant une foible efeadre.
On peut, on doit aller plus loin. Pourquoi ne
pas donner un port fairice à un entrepôt important
, qui bientôt fe trouvera bouché ? Les navires
marchands, qui vont chercher un afyle à la baie
des Flamands , fituée à deux lieues au vent des
Cayes, femblent y avoir défigné d'avance le havre
dont cette ville a befoin. C e port peut contenir
un grand nombre de vaifleaux, même dè guerre,'
à l'abri de tous les vents ; il leur offre plufîeurs
carénages j il leur permet de doubler au vent de
l'ifle à Vache, & de conferver avec la ville un
cabotage qui, protégé par des batteries bien dif-
tribuées, feroit rèfpeéte de tous les corfaires. Un
feul inconvénient diminue l'avantage de cette pofition.
C'efi que la qualité du fonds & le calme
de la mer y rendent la piquure des vers plus commune
qu’ailleurs , Se plus dangereufe pour, les
vaifleaux.
l'Abacou eft une péniiffule que l’abondance Se
la qualité de fon indigo rendirent autrefois florif-
fante. Depuis que cette plante vorace a détruit,
tout principe de végétation fur les petites collines
très - multipliées de ce quartier , on ne cultive,
avec quelque fuccès , que les bords de.la mer,
enrichis de la dépouille des terres fupérieures.
Cette dégradation a déterminé un affez grand
nombre de colons à porter ailleurs leur aûivité.
Ceux qui par habitude, ou par raifon , ont per-
févéré dans leurs plantations , fe font aggrandis
de tout ce qui étoit à leur bienféance. Ils fe fou-
tiennent encore, en laiflant repofer une partie de
leur héritage , pendant que l'autre eft mife en valeur
: mais cette reflource n'eft pas ce qu'elle.feroit
en Europe. C'eft l'opinion des habitans eux-mêmes
, qui dirigent leur induftrie vers le fucre ,■
autant que leur fortune & leur crédit le leur permettent.
C'eft fur les hauteurs défrichées, épuifées de
ce quartier , qu’ il conviendroit de multiplier les
troupeaux. Le gouvernement s'eft mépris, iorfqu'il
a concédé des montagnes, fous la condition qu'on,
les couvriroit de bêtes à cornes. Outre qu'iî n’étoit
pas raifonnable d'employer en pâturages des terres
vierges , qu’ on pouvoit rendre plus productives
pour l'état ; il étoit impoflïble d'efpérer que des
hommes entreprenâns fe feroient pafteurs , lorf-
qu'ils pouvoient tirer un meilleur parti de leur
attelier, à quelque culture qu’ils l’employàflfent.
On peut même aflurer que les beftiaux feront toujours
infiniment rares à Saint - Domingue, même
dans les lieux qui ne peuvent avoir une autre
deftination , tout le temps que le monopole des
boucheries fubfiftera dans la.colonie.
Les coteaux occupent environ dix lieues de rivage
, fur une profondeur de deux jufqu’ à cinq
lieues. Par - tout on trouve de petites anfes , où.
le débarquement eft facile , fans qu’aucune offre
un abri contre les mauvais temps. Le quartier
contient vingt-quatre caféïères, trois cotonneries,
foixante-fix indigoteries. Cette dernière produéfion
y a^moins diminué en quantité, y a moins dégénéré
en qualité qu'ailleurs , avantages qu’ il faut
attribuer à la nature & à la difpofition du terrein.
Cependant, le temps ne paroit pas éloigné , où