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occupe fur les cartesvenviron Ja cinquième partie.
- C e t article contiendra le précis de l'hiftoire
politique du gouvernement des grifons 3 la description
de ce gouvernement , des détails fur les
revenus & les Vivifions, fur le commerce & les
productions de ce pays.
Avant le cinquième fiècle , les oftrogoths
avoient fournis cette partie de l'ancienne Rhétie.
O n trouve , dans un aCte de 890, l’indication
d un comté de Coire , Com. Curia rketo/um. D'autres
comtes & grands barons, établis dans l'intérieur
ou fur les confins de ce pays , y étendirent
la domination féodale, & le grand nombre
de masures, qu'on apperçoit encore fur les pointes
les plus baffes des rochers qui bordent les
vallons , fait croire que la Rhétie eut une
multitude de petits tyrans, ainfî que les pays
voifins. L'excès de l'oppreflion & du brigandage
détermina les payfans à chercher , dans leur union
& dans leurs propres forces, la juftice & la
tranquillité que l'autorité précaire des empereurs
ne pouvoit lepr garantir. Cette révolution , indépendante
de celle des cantons fuiffes, rapprocha
les deux nations & les conduifit à une union
plus étroite.
Les grifons formèrent fucceflivement entr'eux
trois ligues différentes. Celle des communautés
qui relevoient plus directement du fiège de Coire
, eft la plus ancienne 5 elle date de l'année 1400
& 1419, L'abus de la domination féculière des
évêques y donna lieu , & elle prit le nom de
ligue~Caddée ou de la Maifon-Dieu 3 Cafa Dei ,
Gotts-haus-Bund. La ligue-haute ou ligue-grife 3
cbere-oder grau-bund, s'eft formée en 1424 , &
celle des Dix-Droitures, Zehn-Grichten-Bund t n
1456. Les deux premières lignèrent une alliance
dès l'an 1425. Celle des Dix-Droitures s'allia avec
la ligue-grife en 1471. Cette confédération générale
a été renouvellée en 1^44 & en 1712.
Par ce traité d'union , qui eft la bafe du droit
public des trois ligues, ces peuples s'engagent réciproquement
à ne faire aucune nouvelle alliance,
aucune guerre ni traité de paix, que d'un mutuel
accord : ils conviennent de fe fecourir à leurs
propres frais les uns les autres, & de pofféder
en commun les conquêtes qu'ils feront fur l'ennemi
; ils règlent la manière de terminer tout
différend entre des communes particulières , ou
entre les diverfes ligues ; lorfqu'il en naîtra entre
deux ligues, la troisième en fera le juge. On garantit
les privilèges de chaque partie, & oh confirme
les colieCbes & taxes ufitées. Il feroit fu-
perflu d'entrer dans le détail de toutes les précautions
prifes pour maintenir la paix publique.
A ce traité , fuccéda en 1 y 26 la convention
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des articles généraux fk dont le but pripcîpah
eft de fixer les limites du pouvoir du clergé- Les
évêques de Coire avoient acquis une autorité Item-,
porelle fort étendue. Des circonftances favorables^
ayant affranchi.ces peuples du joug féodal, plu-
. tôt pat-une fuite de petits fuccès que par une révolution
marquée, ils fe trouvèrent difpofés à s'affranchir
aufli de l'autorité épifcopale. Auffi la
doctrine des réformateurs fut-elle adoptée par la
majeure partie des grifons. A cette epoque, ils
privèrent l'évêque du droit de nommer des juges.
Les communautés fe réfervèrent le privilège de
choifir, à la pluralité.des fuffrages, les magiftrats
& leurs jufticiers, & les officiers ou fermiers de
l'évêque furent exclus pour toujours des affem-
blées ou diètes nationales. En réfervant aux religieux
des monaftères réformés une penfion à vie f
on leur défendit de recevoir des novices » & les
biens monaftiques furent mis en régie. Chaque
commune conferva le droit de choifir fon pafteur.
Chacune s'attribua en fon diftriâ: le droit du cours
d'eau, de la chaffe & de la pêche. On établit
l'uniformité du poids & des'mefures. I l fut dé~
fendu d’appeller des juftices inférieures, aucon-i
feil de l'évêque; on abolit l'impôt des intradesi
& il fut ordonné que l'éleélion d'un évêque pat
le chapitre auroit befoin à l'avenir du confenter
ment de la ligue-haute & de la ligue-Caddée.
Ainfî les ligues-grifes forment une démocratie
confédérée, fubdivifée en un grand nombre de
petites démocraties, abfolument indépendantes
pour ce qui a rapport à leur adminiftration & à
leur police particulière : le droit de faire.la guerre
& la paix ou des traités d'alliances , de même
que des loix relatives à l'union générale & à la
conftitution nationale, font réfervés à la décifîont
de la pluralité entre les communautés des ligues»
Jettons un coup-d'oeil fur cette forme de gouvernement
populaire, différente de celle des can-,
tons démocratiques de la Suiffe.
Chaque ligue eft divifée en grandes jurifdiélions*
appellées hautes-jujlices 3 hockgerichte ou grandes
communautés, communitates magna : çes jurifdic-
tions font partagées en fimples juftices ou com-
munes, gerichte, com. parva. On donne auffi à
ces dernières la dénomination de commues, voit
finages, diflrifts ou quartiers ; Nach-barfchaften }
Sçhni^e ( 1 ) , Fleve, DireBuren 3 Squadre , Con-
trade , Çyc. Chaque petite communauté ou juftice
fe donne un chef ou ammann . & une douzaine
de juges qui prononcent dans les caufes civiles &
fur les délits les moins graves, Le chef de la grande
juftice ou communauté s'appelle landammann ; il
eft chargé de veiller aux intérêts particuliers de fo
communauté; il préfide dans les jugemens des
(1) Ce terme, dans la langue du pays, répond exa&ement à celui qui défigne un quartier d'une pomme
partagée. On voit,, par la variété fingulière de ces termes, combien les dialectes varient chez les grifons a
HJiv^nt le voifinage des confins de i’AUcniàgnç ou de. l’Jtalie,
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fcaufes civiles majeures, des caufes criminelles &
fifcales ; quelques communautés cependant confient
cette dernière commiffion à un podejlat oujuge
•criminel, blutrichter. Tous les emplois font fujets
à un grabeau ou confirmation annuelle dans l'af-
femblée de la commune. Qn délibère encore dans
ces affemblées fur toutes les propofitions qui in-
téreffent la ligué générale, ou la confédération des
trois ligues.
Lorfqu'il s'élève une difficulté entre deux communautés
ou juftices, la juftice ou communauté
neutre la plus voifine doit en être le juge ou 1 arbitre
; fi la difficulté ne peut être terminée de
cette manière, il eft permis de porter le cas à la
diète générale de la ligue. Nous allons expofer
brièvement les conftitutions particulières de chacune
des trois ligues.
La ligue-grife, grau-bund, eft divifée en huit
grandes jurifdiétions. On y compte vingt & une
communautés , qui ont droit de futfrage aux
diètes nationales des trois ligues. Six de ces communautés
ayant deux fuffrages , fi on y ajoute
celui qui eft attribué au chef de la ligue , la ligue
grife aura en tout vingt-huit fuffrages. Le chef
de cette ligue s'appelle grand juge du pays, land-
richter'y on lui donne le .titre d'excellence. Il eft
choifî chaque année , dans la diète particulière,
des députés de cette ligue, qui s'affemblent au
village de Trouns ; l'éleélion fe fait fur trois fujets
propofés alternativement , une année par
l'abbé de Difentis , une fécondé année par le eau
de Sax ou Sacco , chef des communautés^ de
l'ancien comté de Sax ou Maflox , & la troifième
année par la feigneurie deRazzuns, appartenante
à la maifon d'Autriche.
La ligue Caddée ou de la Maifon-Dieu, Gotts-
Haus-Bund, divifée en onze grandes jurifdi&ions,
a vingt-trois fuffrages aux diètes générales, un
pour le préfident de la ligue, & les vingt-deux
autres font répartis fur dix-fept communautés.
L e bourgue-meftre de Coire étoit autrefois préfident
de la ligue , bunts-praftdent. D'après un
compromis fait au commencement de ce lîècle ,
les députés'de la ligue choififfent chaque année
deux fujets parmi les quinze fénateurs de la ville ,
& le fort décide entr'eux, Par un motif d'économie
ou de convenance, la diète particulière
de cette ligue fe tient vers le même temps &
dans le même lieu que la diète générale.
La ligue des Dix-Droitures ou jurifdi&ions,
Zehn-Gerichte-Brund 3 ne forme que fept grandes
jurifdiétions, 3c n'a que quinze fuffrages ; ils
font attribués au landamman & à onze commu-
-nautés. Le c h e f, bunds-landammann 3 eft choifî
tour-à-tour dans les fept jurifdi&ions, par les députés
de la diète particulière > la commune de
Davos a le privilège de deux tours, le premier
& le cinquième.
Ces trois ligues ou confédérations forment en-
femble la république confédérée des grifons ou
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des ligues grîfes, en latin refpublica rhatomm
Nous avons indiqué les objets réfervés à la deci-
fion des diètes .générales des trois ligués. Ces
Naffemblées font de trois efpèces.
La diète ordinaire, appellée bunds-tag\ fe tie it
une fois l’an ; le plus fouvent vers la S. Ba'rthe-
lemi, vieux fty le , fi des affaires preffées n'eh
avancent pas la convocation. Les chefs des trois
ligues fixent l'époque dans un congrès, dont il
.fera parlé plus bas. Ces diètes annuelles s'affem4
blent alternativement, une année à Ilanz dans la
ligue-grife, la fuivante à Coire dans la ligue-»
Cad d é e, & la troifième à Davos dans celle des
Dix-Droitures. Le chef de la ligue, chez laquelle
fe tient l'affemblée , en eft le préfident. Chaque
communauté ayant un ou deux fuffrages , députe
deux repréfentans. L'affemblée complette forme
foixanteffix fuffrages : nous avons indiqué le nombre
attribué à chaque ligue. Les députés font
munis des inftruétions de leurs commettans, &
le réfultat de ces inftru&ions fe décide à la plura«
lité. A la fin des feffions, qui durent ordinairement
deux ou trois femaines, un comité, com-
pofé de trois chefs & de deux députés de chaque
ligue , rédige les aéles ; il expédie les recès ou
les conclufions , tant fur les objets terminés, que
fur ceux qui doivent faire la matière d'une nouvelle
délibération : le chancelier de chaque ligue
en expédie enfuite les doubles à chaque communauté
, qui a droit de députation ou de fuffrage.
Les a&es s'expédient, ou fous les trois fceaux
des trois ligues, ou fous le fceau particulier de
la ligue, chez laquelle la diète eft affemblée.
Les diètes extraordinaires , beytage, fe tiennent
toujours dans la ville de Coire , où l'on garde les
archives de la confédération générale.. Le chef
de la ligue - Caddée en eft le préfident, & le%
a êtes paffent fous le feul fceau de cette ligue.
Lorfque le temps preffe , & que les affaires demandent
du fecret, les trois chefs feuls compo«*
fent fouvent l'affemblée : d'autres fois, fur-tout
quand un miniftre étranger le requiert on convoque
les députés des communautés., mais feulement
la moitié du nombre admis aux diètes
ordinaires.
•Si des états & fouverains étrangers adreffent
une lettre aux trois ligues en commun, Je préfident
d e là ligue-Caddée, qui réfide toujours à
C o ire , en fait l’ouverture, & la communique aux
deux autres chefs ; celles qui s'adreffent à l'une
ou à l’autre ligue, font ouvertes par le chef de
chaque ligue ,. pour être communiquées aux chefs
particuliers des communautés.
Tels font les principes généraux de la conftitution
& du droit public de la république confédérée
des ligues des grifons. Si cette conftitution
fuffit au maintien de la paix & de l'union entre
toutes les petites démocraties qui compofent la
ligue ; fi elle garantit le peuple des abus de l'autorité
3c du pouvoir légiüatif j fi elle affûte au