ble de ce qu'il valoit vivant j tant les divers rameaux
de l’induftrie populaire favent tirer parti de
tous les débris qu'on livre aux corbeaux par-tout
ailleurs. Il n'eft rien dans tout ce que renferme 1 Hiftoire naturelle, depuis le Commet des montagnes
jufqu'au centre de la terre > fable , roche ,
argile , minéraux ,. végétaux , animaux, rien enfin
dont l'intelligence 8c l'induftrie humaine ne fâchent
tirer parti pour la nécefïité 3 la commodité 3 l'élégance
ou les fuperfluités de la vie fociale j rien
par conféquent qui ne puilfe avoir valeur d'échange
avec les produits de la terre 3 inépuilable en fub-
fiftances & en revenus 3 8c devenir par conféquent
outil de labourage, principe de vie pour une portion
de citoyens, 8c d'augmentation de revenus
Pour tous. Mais il faut pour cela que la liberté de
1 enchère foit générale & commune à tous & pour
tous. Tout ce qui gêne l'induftrie , tout ce qui
éloigné' les enchérijfeurs, quels qu'ils foient, loim
d'etre appuyé & quelquefois promu par le gour
vernement 3 eft précifément ce qu’il doit découvrir,
empêcher & combattre.
Le monopole eft le voeu des particuliers, l'objet
des ligues, des profeffions, des nations même j
mais le* gouvernement, loin de donner dans les
pièges que lui tend la cupidité privée, loin de
fe livrer aux illufions que le faux intérêt fait pré-
fenter à fes efclaves, ne doit avoir qu'un objet en
vue y c'eft de faire obferver la loi donnée par l'ordre
naturel.
( Cet article eft de M . G r i v e l . )
E N C L O S , f. m. C'eft un efpace renfermé de ,
tous côtés , & contenu dans une enceinte de
fofles, de haies , de paliffades ou de murailles ,
& c .
_ C e qui concerne cet article paroîtroit appartenir
plutôt à Y économie rurale qu'à Yéconomie politique
j mais la vraie & faine politique portera
fur le phyfique d'abord , attendu que, quand le
phyfique va bien , il eft aifé que le moral s'enfuive,
au lieu que le moral Amplement fpéculatif n'ar-
rangeroit, dans mille ans, le phyfique de perfon-
ne. Ici d'ailleurs l'objet n'eft pas tellement phyfique
, qu'il ne puilfe fe rapporter aux plus grands 1
objets de la politique ; à ceux du moins qui de-
vroient lui paroître les plus importans.
La propriété eft naturellement un enclos., c ’eft-
à-dire, une cirConfcription quelconque, au-dedans
de laquelle nul n'a rien à prétendre, fi ce n'eft
le poffeffeur $ ce principe eft la bafe de toute
morale , s'il s'applique à la propriété perfonnelle,
premier genre de propriété j il eft la bafe de toute
fureté , s'il s'applique à la propriété mobilière ,
qui eft le fécond genre de propriété j il I’eft enfin
de toute durée & de perpétuité, s'il regarde la
propriété foncière. Suivons maintenant cette dernière
, a laquelle feulement le mot enclos eft applicable.
Nul n’ attachera fa perfonne 8c fes avances à îa
terre, quJil ne foit affuré que le fonds auquel il
voue fes travaux, une fois approprié à la culture
par fes dépenfes plus ou moins fortes, lui demeurera
en propre, exclufivement à tout autre. Le
premier padte focial de toute peuplade fédentaire
elt celui-là j c'eft à fon maintien que veille la fo-
ciete entière j c'eft pour fon execution que la
force publique eft inftituée.
La borne qui limite le champ & protège Y enclos3 eft
le premier fubftitut du fouverain, & celui, à tout
prendre, qui eft le plus généralement refpe&é.
En effet, dès qu’il eft prouvé dé tant dé manières
que la. vie 8c l'ame de la fociété humaine ,
c'eft la récolte annuelle des produirions à notre
ufage î que ces produirions font une reftitution de
la nature avec excédent > que la terre ne rend qu'en
proportion double de ce qu’on lui confie 5 qu'on
ne lui confiera qu'au prorata de l'opinion & du
fentiment d'affurance de la propriété, tout ce qui
garantit, accroît & cautionne la propriété , devient
l'intérêt majeur de la fociéte humaine. On
le ferit, on en eft convaincu, 8c un refpeél religieux
& populaire affure, protège 8c refpeiTe les
bornes des champs.
Les bornes ne font, s'il eft permis de le dire,
que les vedettes de la propriété. Uenclos quelconque
en eft le premier corps- Il préfente un
objet plus diftinét ; il fuppofe de plus grandes
avances.
Il eft d’ordinaire pourtant moins refpe&é par le
peuple, non parce qu'il préfuppofe moins de confiance
, mais parce que l'habitude où l'on eft de
laiifer pâturer les champs après les moiffons, 8c
le mélange qui fe fait ainfi du mode paftoral avec
l'agriculture, accoutume le peuple des campagnes
à une forte de droit public de parcours.
Abftraélion faite de la forté de refpeél qu'on
doit 8c qu’on porte à la vie patriarcale, tableau
de fimplicité & d'innocence dans les premiers âges
du monde j la vie paftorale nomade 8c fi voifine
de l'état de guerre néceffitée par la multiplication
des peuplades, participe à ce fléau. La culture a
befoin d'engrais 5 les animaux en fourniffent le
premier de tous. Cependant, par l'ordre phyfî-
que, le règne animal donne moins à la terre qu'il
n'en retire j ce q u i, en certains pays, rendroit enfin
cette forte d'engrais plus à charge qu'à profit,
fi l’on n'avoit fubfidiairement beaucoup de friches -
étrangères au domaine, pour fervir au parcours
du bétail.
Cette méthode comporte néanmoins un double,
triple 8c fouvent décuple emploi de terre en pure
perte, de manière qu'à la réferve de certaines
contrées voifines de montagnes couvertes de dé-
paîtres fpontanés, ou de marais falans, 8c autres
endroits qu'on ne peut habiter qu'une partie de
l'année, les beftiaux ailleurs font plus nuîfible&que
profitables. Si ce n'eft à un petit nombre , c'eft à
la pluralité fociale.
En Efpagne, pays qui produit de fi belles laines
, un code particulier 8c privilégié ordonnera
la défolation de plufieurs belles provinces, pour le
paffage des troupeaux qui vont de la mer aux"
montagnes. En Angleterre, où l ’agriculture eft fi
florïffante, on preferira de laiffer des landes &
des friches, pour nè pas perdre ces laines-pré-
cieufes & foignées, qu on retient enfuite par fôïce
dans le royaume pour les trafiquans du pays, double
& groffière erreur en économie politique. Ailleurs
le droit commun aura établi le dépaître d’un
clocher à l'autre, 8c l'on verra des arrêts défendre
de deffoler les terres, c’eft-à-dire, de cultiver
autrement que votre voifin 8c votre canton,
sfin de laiffer libre aux troupeaux tout le quartier
qui doit être en jachères. C e fon t-là de vrais
attentats à la propriété.
Le droit de parcours eft même établi dans certaines
coutumes , de manière qu'un homme n'eft
propriétaire de fon fonds qu'une partie de l'année j
car le relie du tems il eft à tous, c'eft-à-dire qu'il n'eft
à perfonne ; & des goüvernemens, des adminiftra-
tions, interpellés pour décider des conteftations
à cet égard, y font fort embarraffés , comme fi
le tiers de la propriété valoit la propriété toute
entière.
Et quand on parle de léfion de la propriété ,
on diroit, à l'air confentant 8c froid dont on vous
écouté, que vous parlez pour l'édification publique
feulement, & l'on pourroit dire d'eux : ils ont
des oreilles & ils entendent j mais ils ont des
yeux & ils ne voient pas. Nous mettons en fait
qu'il n'eft pas fi petite léfion quelconque de la
propriété, qui ne porte auffi-tôt en effets calculables
& vifibles fur la confiance, & , par effet indifpen-
fable, fur les avances, fur le travail, fur le produit,
furie revenu.
On vous d it , en faveur du parcours 8c du dé-
paitre, qu’ils font néceffaires pour les pauvres 5
car on met l'intérêt des. pauvres a tout & toujours
pour en faire : intérêt du bas prix des denrées
pour les pauvres } intérêt des communes en friche
pour les pauvres j intérêt des labours cantonnés
pour les pauvres ; intérêt du parcours qui expulfe
les propriétaires pour les pauvres. Cependant
le véritable intérêt des pauvres eft qu'il y ait des
‘riches de leurs propres fonds, qui aient befoin de
leur travail, & qui les payent régulièrement, jeunes
& vieux , forts 8c caducs 3 l'intérêt du pauvre
eft la richeffe de fon voifin , 8c non pas d'être libre
d'aller à. la picorée, tandis que la richeffe 8c
le tÆvail déferteront.
Mais l'intérêt de l'état, l'intérêt général & particulier
, eft que chaque terre foit cultivée j qu'elle
Foit enclofe 5 qu'elle foit gardée, foignée , prifée j
qu'on n'en laiffe écouler ni les terres', ni les engrais
, & qu'elle rapporte , s'il eft poffible, deux
ou trois récoltes par an.
Les enclos, en général, n'ont été faits que dans
cette vue & en manifeftent l'intention. Nous difons
en général j car il eft eft aufli des pays & enclos 9
qu'on appelle pays de bocage, ou tout eft enclos,
pour laifler en maigre dépaître les meilleures terres,
pour y lâcher les beftiaux fans gardiens 5 8c 3 dans ces pays qui font" pauvres, les chemins
ferrés, creux 8c couverts en deviennent impraticables.
L'homme met en tout de l’excès, 8c fe jette
également dans les* contraires. Se clôt-il ? tout eft
enclos, 8c l'on ne voit plus le foleil nulle part 5
rompt - il les enclos ? il arrache tou t,, laboure ,
écorche tout, & ne laiffe plus, ni abri contre les
mauvais vents, ni arbres, ni feuilles qui attirent
les influences du ciel fi favorables. Les fources ta-
riffent } le vent 8c les pluies emportent les terres 5
il n'y a plus dé foffé qui les retienne , plus de
chaufage pour le four , plus un brin d’herbe-pour
le bétail à la corde. Eh pauvre peuple! laiffez venir
les gros laboureurs, & l'induftrie 8c les débouchés,
8c bientôt vous reverrez lé labour par
la bonne voie. Les cluftaux, que nous appelions
enclos fe multiplieront, ainfi que le jardinage, le
chanvre 8c tout ce qu'il faut pour le ménage ,
afin que le falaire demeure 8c laiffe un peu d’ai-
fance pour acheter le fel 8c payer l'impôt.
Quoi qu'il en foit , les enclos font un grand
avantage pour le territoire, 8c conféquemment
pour l'é ta t, par les raifons que nous avons ci-
deffus défignées. Un homme qui enclôt fon domaine,
n'a pas envie de s'enfuir par la brèche ;
il fait cas de fon fonds j il eft regnicole opiniâtre
, 8c c'eft ce que ne fauroient être les miféra-
bles ni les gens à gages, 8c ce que ne font point
les gens à talens, ni les riches à porte-feuille.
Nous ne parlons pas ici de ces vaftes parcs ,
affiches de vanité imitative. Nous ne voulons pas
même y comprendre ces pâtis forcés que la clémence
des grands permet de faire contre l'invafîon
des bêtes fauves, entretenues en trop grand nombre
dans les forêts 3 c'eft feulement une preuve
que le labour, même chargé d'entraves , fuit la dé-
penfe. On a v u , en certains temps 8c lieux, vendre
la permiffion de fe clorre , comme amortiffe-
ment du droit de gibier. Eh ! quand notre maifon
brûlera, dites donc aux faifans 8c aux lapins de
venir éteindre l'incendie ÿ armez-les contre l'ennemi
, & fur-tout contre le premier de tous , la
faim. Le pire ennemi de l’homme, c'eft l’homme
fans le vouloir, & feulement parce qu’il tient,à
des ufages établi? dans d'autres circonftances, com-
penfés alors par des fervices gratuits qu'on paye
aujourd'hui ÿ mais -c'eft un droit, dont le titre
fera méconnu tant qu'il ne paroîtra que celui du
plus fort. Fatal effet de l'ignorance I c'eft des limites
de fes courtes vues qu'il faut néceffairemenc
fortir ; ce font fes barrières qu'il faut rompre.
Tout autre enclos doit être libre, vu favorablement
& protégé d'une manière-efficace.
( Cet article eft de M. G r i v e l „ )