
les grands capitaux & la concurrence des marchands
établis à Philadelphie d'un côté , 8c à
New-Yorck de l'autre , attirent toutes les productions
de cette province; le cours même de
leurs rivières femble indiquer les endroits marqués
par la nature , pour y difpofer de leurs dentées.
Des états d’une vérité inconteftable démolirent
qu'en 1769 le Nouveau - Jerfey n'expédia aucun
bâtiment pour l'Europe , 8c qu'elle n'envoya aux
Indes occidentales que vingt - quatre bateaux ,
dont la charge ne valoit que 56,965 1. 19 f* 9 d.
Tout le relie de Tes richeftes territoriales fut livré
aux colonies voilînes, qui en firent elles-mêmes
le commerce.
Cette .fituation eft rùineufe' & aviliflfante. Le
Nouveau-Jerfey doit conftruire lui-même des navires
, dont la nature lui a donné tous les'matériaux.
11 doit les lancer dans des mers diverfes,
puifque les hommes ne lui manquent plus.. Il
doit porter fes productions aux peuples qui ne,les
ont encore reçues que par des agens intermédiaires.
Il doit tirer de la première main l'induftrie
étrangère, que des circuits inutiles lui ont fait
payer jyfqu'içi trop cher. Alors il pourra former
des projets vaftes, fe livrer à'de grandes çntrerifes,
s'élever au rang où fes avantages feraient
l’appeller , 8c approcher des provinces qui
l'ont trop long-temps étouffé de leur ombre , ou
offufqué par leur éclat.
La race primitive des colons de cette provipce
â été finguliérement mêlée : la partie qui avoi-
fine N ew -Y o r c k , étoit 8c eft encore entièrement
hollandoife 5 l'occidentale étoit jadis occupée par
des fuédois 8c des finlandois , qui s'étoient établis
fur les rivières de Raco.on & de Cohenfey.
Leur poftérité s'ell répandue dans plufieurs endroits.
A ces deux premières tiges fe font unies depuis
, des émigrations d'anglois, de françois, d'ir-
îandois 8c d'écoflois.
M. le marquis de Chatellux fa it , fur les moeurs
de cette province, une remarque qu'il eft bon de
rappelleu ici.
ce L'état de New-Yorck & les Jeffeys, dit-il,
furent peuplés par des hollandois héceffiteux, à qui
la terre manquoit dans leur patrie, & qui s'occupèrent
bien plus de l'économie domeftique que
du gouvernement public, Ces peuples ont con-
fervé le même efprit : leurs intérêts, leurs efforts
fon t, pour ainfi dire , individuels ; leurs vues
font concentrées dans leurs familles , 8c cç n'eft
que par néceflité que ces familles forment un
état. Auflj a lorfque le général Burgoyne a marché
fur Albany, ce font les habj|ans de Ja Nouvelle
Angleterre qui ont le plus Contribué à ar^
rêter fes progrès; & fi ceux de l'état, de N ew -
Ÿorck 8c des Jerfeys ont fouvent pris les armes
montré du courage, c'eft que les premiers
étoient animés par une haine invétérée contre les
fpipyages, dont les apglois fe fajfoiçui çoujpurs
précéder, & que les autres avoient à fe venger
des excès dont les troupes ennemies s'étoient rendues
coupables,' lorfqu'elles avoient envahi leur
pays »1 « ;
Des querelles théologiques divifent cette province
depuis plufieurs années. Les uns prétendent
que les claffes eccléfiaftiques, établies en
Hollande par le concile de Dordrecht, ont feules
le pouvoir d'ordonner les prêtres 5 les autres plus
indépendans foutiennent, au contraire, que leurs
fynodes américains fuffifent pour conférer cette
ordination. Comme on ne s'occupe guère de ces
objets qu'au défaut des intérêts politiques 8c civils
, on verra les partis qu'ont produit ces querelles,
fe calmer peu à peu, 8c la tolérance honorée
par la tranquillité des citoyens 3 à qui on
l'accorde.
« Et qu'importe au public, dit le Cultivateur
américain , .où les prêtres hollandois foient éduqués
, pourvu qu'ils le foient ! L'éducation du
collège de Prince-Town n'eft-elle pas allez bonne
pour eux ? Qu'importe d'où ils reçoivent leurs
pouvoirs eccléfiaftiques , pourvu qu'ils fâchent
édifier leurs congrégations parleurs bonnes moeurs,
'& les inftruire par leurs connoiflances ! Qu'ils
aillent en Hollande, ou qu'ils foient confacrés
par un fynode batavo-américain, peu importe
au bien public, qui n'exige que la paix 8c la
plus parfaite liberté dans-toutes les opinions re-
ligieufçs»,
Cette province , dont l'intérieur eft fi fertile ,
eft heureufement défendue des fureurs de la mer
par un grand efpace fablonneux , que la nature
a planté de forets immenfes de cèdres blancs ;
. c'eft de ces forêts que les habitans tirent les bardeaux
dont les maifons font couvertes, des mâts,
des vergues 8c des planches. Dans nul endroit
du continent de- l'Amérique , on ne rencontre
j autant de prairies immenfes 5 elles n’attendent que
le defféchement f§ l'application de l'induftrie hm-
maine pour devenir des terreins confolidés &
fertiles. C ’eft fur ees nouveaux fols que les habitans
cultivent avec tant de fuccès le. chanvre •
& foutes les efpèces de foins & de maïs. Des
milliers d'acres encore fous les eaux 3 dans peu
d'années améliorés par le progrès du temps 8c
de la population, enrichiront les colons qui les
pofledent, 8c embelliront cette partie de l'Amérique.
On n'eft pas moins étonné de la quantité
immenfe de marais boifés ; les- bornes de
toutes les rivières offrent des deux côtés , des
terreins aujourd'hui fangeux, mais qui feront un
“jour convertis en prairies.
; Il eft imposable de voyager à travers cette province
refpâcede quelques lieues ', fans rencontrer
quelques petits fourneaux où l'on fond & où l'on
forge le fer. Un propriétaire a-t-il un grand marais
boifé qu’il voudroit nettoyer, il commence
par faire une digue à fon extrémité pour arrêter
l'eau du ruiflfêap qui k Wverfe. JLtirç enfuite
J E K
dé cette eau retenue deux partis très'Utiles ; il y
établit les roues néceflaires à la fabrique du fe r ,
qui font mifes en mouvement par ce- coiirantTac-
cice ; & le.féjour des eaux , élevées à cinq
ou fîx pieds , pourrit, totis les arbres du marais :
dans le cours de peu d'années. Ainfi l'indùftrie
américaine fait profiter de tout ce que la nature
lui offre avec une fi grande profüfion. Quand
tous les arbres du marais, forit détruits , on détruit,
aufll, la digue qui retenoit les eàux;\ on
démolit les légers, bâtimens ^u'éxigëoit la fabrique
du fe r ; 8c dans un petit nombre d'années ,
le voyageur qui n'avoit vu en paffant qu'un vafte
étang rempli d'arbres renverfes, & qui n'avoit
entendu que le bruit des marteaux. 8ç des enclumes
, voit avec furprifé des champs bien en c lo s ,.
8c des prairies vertes, deflechées 8c divifées en
petites portions par une multitude de foffés. Telle
eft la métarmophofe qu'on obfervé prefque par-,
tou t, dans le cours de peu d'années : les mon-*
tagnes voifînes fourniflent la mine,.dont on a '
befoin pour ces petites forges.
T l y a des moulins* à pktiner le fer , dont le
méchanifme eft admirable ; les mêmes roues qui
fqrvent à mouvoir les rouleaux'3 fervent auffi 3
quand on le veut , à faire mouvoir un moulin à ;
bled. Unefîmple machine les foulève ou les abaifle
pour les arrêter ou les faire agir.
Cette province fut jadis concédée à fëize fei-
gneurs écoffois ; de là des divifions 8c des fubdi-
vifions , qui ont occafïonné beaucoup de difficultés
& beaucoup de procès , & même ont retardé
long-temps les plantations de cette belle
province. ;
plie a été , durant bien des années, le théâtre
de la guerre , 5c elle répare peu à peu les dévaluations
qui en ont été la fuite.
On a peu de reproches, à faire au Nouveau-
Jm&t depuis la paix : frappé du défaut de numéraire
», comme s'il étoit'polfible' qu'il en eût
un çonfidérable, il a voulu y fuppléer par du
papier- monhoie,, comme fi ce .fupplémënt n'étoit
pas mille fois plus dangereux que l'efpèce de fta-
gnation qu'on a voulu prévenir. Il ne tardera pas
à Yentir les vices de ce. remède : rnajs., en attendant
que les lürîfièreç y foient plus répandues fur
un ;obje(t fi important, la plupart de Tés.citoyens
font livrés à. l 'aveuglément, 8c quelques - uns fe
font permis des chofes d'autant plus deràifonnâ-
bles qu’elles font ridicules.
Le célébré Payne a démontré, dans un pamphlet,
que l'expédient du papier-monnôie ri'a
pour but que la fraude 8c l'opprefiion. Il eft, allé,
trop loin fans doute; 8c au lieu $e cés vues criminelles.,
on. fera plus exaéj; d'attribuer des vues,
bornées aux partifans du papier-mpnnoie. Quoi
qu'il, en foit ,des Motifs qui ont contribué a fon
établiftemeny, ce P,on citoyen, â engagé, lès étàts.
à le prpfcrirë ; maiYfes rqtjiontrances n ofit produit
aucun effet ; elles 'ont feulement aigri les'ef-
(JJ-coti. polit. 6* diplomatique, Tome ÎL
J E V 741
prîts contre ce philofophe 8c contle ceux qui
avoient adopté fes principes. Une populace effrénée
à brûlé à New-Yorck 8c dans le Nouveau-
Jerfey } le portrait des magiftrats qui s’ étoient
oppofés à l'étabîiflement du papier.
D'après la règle fuivié jufqu'à préfent pour la
répartition ‘du contingent des diverfes provinces
de l'union américaine, règle qui n’a pas encore
été fixée d’une manière invariable, ainfi que nous 4
l'avons obfervé ailleurs , le Nouveau - Jerfey paye
cinquante-cinq piallres pour une contribution de
mille.
Le Nouveau-Jerfey a paflfé , en 1783, un aéle
qui ordonne de lever des impôts jufqu'à la concurrence
de 31,259 lrv. fterl. pendant vingt-cinq
ans, pour payer l’intérêt 8c le principal de la
dette des Etats-Unis. Voye^ l’ article général des
Et a t s -U nïs 8c les.articles particuliers des d ou ze.
autres provinces.
JE V E R , feigneurîe immédiate de l'Empire. La
feigneurie de Lever eft repréfentée avec aflfez de
netteté fur la carte de rOft-Frîfe : elle eft bornée
au couchant par le pays de Harrling 8c l'Oft-
Frife ; par l'Oft-Frife 8c le comté d’Qldenbourg
au midi.; par la .rivière de Jahde 8c la feigneurie
de Kniphaufen au levant, 8c la mer d'Allemagne
au nord.
çSa largeur 8c fa longueur n'excèdent pas trois
milles d'Allemagne; mais elle eft d’une grande
fertilité, 8c on y élèye une quantité çonfidérable
de chevaux 8c de bétail ; les irruptions de la mer
l'ont beaucoup diminué. Le château de Moellen
fut englouti en 1066 ; différentes paroiffès de
la cohriée de Ruftring lubirént le même fort e u '
1218 8c t 511 ; le 'banal dé Jahde qu’on y voyoit
autrefois, fut transformé en un golfe ouvert, &
la feigneurie de Jever fut féparée totalement du
comte d’Oldenbourg. Jean X V I , comte d’Ol-
denboürg, en rétablit la communicatio'n par le
moyen des digues, dont il environna le canton ,
appelé Ellenferdamm. C e pays éflTuya, en 1651 , de
nouvelles'inondations non moins terribles que les
précédentes ; le dommage qu’ elles caufèrênt a é té 1
depuis réparé en quelque façon par des digues.
Les habitatis de cette feigneurie furent gouverné^
par leurs juges , leurs capitaines 8c leurs avocats
jïifqù'éh 13 55, que les frifes de Ruftring
jélurent, d'une commune voix pour leur prince, '
le brave Edo Wimmeçken Papinga , que les of-
tringiëns 8c les Warangjens reconnurent également
ppur leur fouyeraïn en 1359 ; 8c ce fut de ce
.pri-ncè que defeendirént tous les feigneurs de Jever.
Anne 8c Marie, filles d’Edo de Wimmeçken
le jeune 8c de HeilWige , fille du comte Oerarct
jd'Oldén-bçurg , fa femme, eurent beaucoup à
| fouffrir du comte d'Oft-Frife. Ces traitemens “dé-
I iterMnerént Marie , après la mort de- fa foeiir âî-
neè à.offrir en ï 53 2 à l’empereur Cbârïès V ., -
commé comte de Hollande 8c.duc de Brabant,
Tes biens allodiaux ; en fief perpétuel fa
B b b b b ; '