
Colcmnel dans lès foires. Quoique Je cours natu-
rfil du commerce fulfife. pour établir.des marchés,,
il ell arrivé par la fuite-de.ce malheureux principe
q u i, dans prefque tous les gouvernemens,
a 11 long-tems infecté l'adminiftration du commerce
y je veux d ire, la;manie de tout , conduire,
de tout regler, & de ne jamais, s.-en rapporter;
aux hommes fur leur propre intérêt} il ell arri-:
y e , dis j e , que pour, établir des marchés: o n j ;
fait intervenir la police > qu'on £rt a borné le nom-,
b r c , fous prétexte d'empêcher qu'ils ne.fe nui-;
fent les uns aux autres}. qu'on .a défendu de ven-
dre certaines marchandifes ailleurs que dans cer-,
tains lieux defignes, foit pour la commodité des
commis charges de recevoir les droits dont elles
font chargées, foit parce qu'on a voulu, Jes affu-
jettir a des formalites de vilite & de marque ,•
& qu'on ne peut pas mettre par-tout des bureaux-
On ne peut trop faifîr toutes les, occafions de
combattre ce fyîlême fatal à l'induftrie 5 il s'en
trouvera plus d'uqe dans Y Encyclopédie.
Les foires le s . plus célèbres font en France,
celles de Lyon , de Bordeaux, de Guibray, de
Beaucaire, & c . En Allemagne, celles de Léip-
lîp , dç Francfort, & c . Mon objet- n'eft point
d’en faire ici l ’énume'ration , ni d'éxpofer en dé- 1
tail les privilèges accordés par différens fouve- ,
rains , foit aux foires en général, foit à quelques
foires en particulier. Je me borne à quelques ré- .
flexions Contre l'illufîon allez commune , qui fait
citer à quelques perfonnes la grandeur & l’étendue
du commerce de certaines foires , comme
une preuve de la grandeur du commerce d'un
état. .
Sans doute une foiré doit enrichir le lieu où
elle fe tient ,* 8c faire la grandeur d'une ville par-,
ticulière : & lorfque toute l'Europe] gémiffoit
dans les entraves multipliées du .gouvernement
féodal } lorfque chaque village , pour ainfidire,
forrrioit une fouveraineté indépendante} lorfque
les feigneurs, renfermés dans leur château, ne
voyoient dans le commerce qu'une occafion d'augmenter
leurs revenus , en foumettant à des contributions
& à des péages exorbitans , tous ceux
que Ja néceffité forçoit à paffer fur leurs terres}
il n'eft pas douteux que ceux qui les premiers
furent affez éclairés , pour fentir qu'en fe relâchant
un peu de la rigueur de leurs droits, ijs
feroient plus que dédommages par l'ahgmenta-
tion du commerce & des confomm.ations, virent
bientôt les lieux de leur réfidence enrichis, ag-
grandis 8c embellis. II n'eft pas douteux que lorfque
les rois & les empereurs eurent allez augmenté
leur autorité, pour fouftraire aux taxes
levées par jeurs vaffaux, les marchandifes def-
tjnées pour les foires 4e certaines' villes qu'ils
vouîoient favorifer, ces villes de vibrent neéef-
fairement le centre d un très-grand commerce >
& virent accroître ■ leur puiffance avec leurs ri-
cheffes : mais, depuis que toutes ces petites fou-:
verainetes fe font réunies pour ne former qu'un
grand état; fous un feul prince , fi la négîîg'eri-
ce j la force de l ’habitude-,' la -difficulté de ré-'
10.rm.er les abus , lors meme qu'on le v e u t, &
la difficulté de le^ vouloir ont engagé à' laifïèr
fubfifter & les mêmes l gênes 8c les mêmes droits
locaux, & les memes privilèges qui avoient e'té:
^orf(lue.f^ a<îlie province 8c chaque ville
obeiffoienr à différens fouverains, n'eft-il pas fin-'
gulier que cet effet du hazard ait été non-feu-;
iement loue , mais imité comme l'ouvrage d'une
faine politique ? n'eft-il pas fingulier qu'avec de
très bonnes intentions , & tians la vue de rendre
le.commerce floriffant, on ait encore établi de'
nouvelles ƒ<»>« , qu’on ait augmenté encore les
privilèges les exemptions de certaines villes,
qu on ait meme empêché certaines branches de
commerce de s'établir dans des provinces pau-;
vres, dans la crainte de nuire à quelques autres
villes * enrichies depuis long-temps par ces mê-!
mes branches de commerce ? Eh qu'importe que.
ce foit Pierfe ou Jacques -, le Maine ou la Bretagne
qui fabriquent telle ou telle match an dife
pourvu que l'état s'enrichiffe 8c que des françois- '
vivent ! Qu importe qu'une étoffe foit vendue à
Beaucaire ou dans le lieu de fa fabrication ,
pourvu que l'ouvrier reçoive le prix de fon travail
! Une maffe énorme de commerce, raffem-
blee dans un lieu & amoncelée fous un feul
cou p-d 'oeil, frappera d'une manière plus fenfiJ '
ble lés yeux des politiques fuperficiels- Les eaux
raflemblées artificiellement dans des baffins &
des canaux, amufent les voyageurs par l'étalage
d un luxe frivole « mais les eaux que les pluies
répandent uniformément fur la furface des campagnes
, que la feule pente des terrains dirige
& diftnbue [dans tous les vallons pour y former
des fontaines} portent par-tout la richeffe & la
fécondité. Qu'importe qu'il fe faffe un grand’
commerce dans une certaine ville &. dans un certain
moment, fi ce commerce momentané n'eft.
grand que par les caufes mêmes qui gênent. le
commerce * 8c qui tendent à le diminuer dans
tout autre temps 8c dans toute l'étendue de l'é-;
tat î « Faut-il, dit le magiftrât citoyen, auquel
» nous devons la traduction de Child, fau t- il
w jeûner toute l'année pour faire, bonne chère à
» certains jours ? En Hollande il n’y a point de
95 fo ir e } mais toute l'étendue de l'état & toute
99 l'année ne forment, pour ainfi dire, qu'une
99 foire continuelle f parce que le commerce y elÊ
” toujours 8c par-tout également floriffant . .
celles des beftiaux , fe tiennent fouvent hors des habitations } qu’on n’y veud que pçu ou point de denrées*
AF 9^® içlations de commue? y font plqs étendues,
- On d it: « l'étât ne peut fe paffer de revertus ;
« il eft indifpenfable; pour furvenir à fes befoins *
fe de charger les marchandifes de différentes taxes :
» cependant il n’eft pas moins néceffaire de fa-
» ciliter le débit de nos -productions , fur tout
99 chez l'étranger ; ce qui ne peut- fe faire fans
M en baiffer le prix* autant qu'il eft poffible. Or
99 on concilie ces deux objets, en indiquant des
99 lieux 8c des temps de franchife, où le bas
99 -prix des marchandifes invite l'étranger * & pro-
9? duit une confommation extraordinaire, tandis
99 que la confommation habituelle & néceffaire
99 fournit fuffifamment aux revenus publics. L'en-
9?' vie même de profiter de ces momens de gra-
» c e , donne aux vendeurs-& aux acheteurs un
aà empreffement que lai folemnité de ces grandes
99 foires augmente encore -par un efprit de : fé-
M duCtion, d'où réfulte une augmentation dans
» la maffe totale du commerce” . Tels font les
prétextes qu’on allègue pour foutenir l'utilité des
grandes foires ; mais il n'eft pas difficile de fe
convaincre qù'on peut, par des arrangement généraux
, & en favorifant également tous les membres
de. l’état > concilier avec plus d'avantage les
deux objets que lé. gouvernement-peut fe pro-
pofer. En effet * puifque le prince confent à perdre
une partie de fes droits, & les- Sacrifier
aux intérêts du commercé, rien n'empêche qu'en
rendant tous les droits uniformes, il ne diminue
fur la totalité la même fournie qu'il confent à
perdre. L'objet de décharger des droits la vente
à l'étranger* en lés laiffanc fubfifter fur lescon-
fommations intérieures^ fëra même bien plus aifé
d remplir* en exemptant de .droits toutes les
marchandifes qui fortent.: car enfin on ne peut
nier que nos foires ne fourniffent à une grande
partie dé notre confommation intérieure. Dans
:cet arrangement * la confommation extraordinaire
,qu.i .fe fait dans le temps des foires, diminueroit
beaucoup;} mais il eft évident que la modération
des droit? , dans les temps ordinaires , rendront
Ja confommation générale bien plus abondante,
avec- cette différence que,' dans.le cas du droit
uniforme!, mais modéré, de commerce gagne
tout ce, que le prince veut lui facrifier : au lieu
que , dans le cas du droit général plus fort avec
des exemptions locales & momentanées, le J roi
peut facrifier beaucoup, & le commerce ne gagner
prefqüe rien} o u c e .q u i eft la même chofe,
Jes denrées baiffer de prix beaucoup moins que
jes droits ne diminuent} & cela parce qu’il faut
Touftraire de l'avantage que donne cette diminution
, les frais du tranfport des denrées nécef-
faires pour en profiter , le changement de fe*
jour , les loyers des places de foire , enchéris
encore^par le monopole des propriétaires} enfin
le, rifque de ne pas vendre dans un efpace de
temps affez court, & d'avoir fait' un long voyage
en pute perte : or il faut toujours que la
marchandife paye tous ces frais 8c ces rifques.
Il s*en faut donc beaucoup que le facrifi*
;ce des droits du prince foit atifli utile au com-
mérée par: les' exemptions momentanées 8c locales
, qu’il lé Ter oit par une modération légère
fur la totalité des droits j -il s’en faut beaucoup
que la confommation extraordinaire augmente autant
par l'exemption particulière , que la confommation
journalière diminue par la furcharge
habituelle. Ajoutons qu'il n'y a point d'exemption
particulière qui ne donne lieu à des fraudes
pour- en profiter, à des gênes nouvelles, à des
multiplications de commis 8c d'infpeéteurs pour
^empêcher ces fraudes , à des’ peines pour les
punir } nouvelle perte d'argent & d'hommes poux
l'état.
^Concluons que les grandes foires ne font jamais
auffi utiles que la gène qu'elles fuppofent
eft nuifiblé ; & que , bien loin d'être la preuve
de l'état floriffant du commerce, elles ne peuvent
éxifter au contraire que dans des: états où le
commerce eft gêné, furchargé de droits, & par
conféquent médiocre.
I C e t article tiré de l'ancienne Encyclopédie, &
qui n'eft point fouferit- du nom de Ton auteur,
ni défigné par aucune lettre qui ferve à l'indiquer,
eft d'un magiftrat auffi célébré que ref-
peétable par fes connoiffances, par fes moeurs,
par fa probité, ( M. Türgot) qui porta dans le
miniftère ces grands principes qui font le fondement
d'une adminiftration fage 8c heureufe-
Nous ne nous permettrons que deux remarques
fur cet article : i 9. Faute,ur a confondu les
foires qui ont dès exemptions 8c des privilèges , 8c celles qui n'en ont pas > d'où il réfulte que
fa théorie eft trop générale' | 2°. en admettant
ces principes, on ne devroit peut-être pas fe preffer
d’abolir lés "grandes foires qui attirent des étrangers
dans un é ta t, parce cju'il en réfulte plus
de commerce & plus de bénéfice pour la nation
chez laquelle fe tient la foire j il eft clair, en
effets que lès étrangers ffy viëndroient pas fans
ces exemptioïisj de droit , & que Léipfick &
Beaucaire, par'eXemple , y perdroient beaucoup
fi la Saxe 8c la France vouîoient abolir les privilèges
de ces deux grandes foires : nous obfer-
verons d’ailleurs que fi ces deux grandes foires
ne font pas avantageufes par le commerce national
qu'elles femblent produire ; fi ce commerce
national arriveit dans un nouvel ordre de cho-
fes , au même point de profpérité, il n'en feroit
pas de même du commerce étranger, & que le
defir de conferver la partie du commerce étran-
| ger qui s 'y fa it , feroit peut-être encore un motif
fuffifant de ne pas les abolir. Nous ajouterons
enfin, que fur ce point * comme fur la plupart
des'a titres recommandés par les économises , le
peuple qui voudroit lui feul fupprimer les gênes
mifes au commerce , ou les privilèges qu'on lui
a accordé , en feroit la vi&ime jufquaa mo