
qu'il lui en revienne, avec le temps , Quelque
utilité. Si tous les impôts étoient réduits à un
impôt unique , il y auroit moins de formalités,
moins d'embarras, moins de lenteurs , moins de
frais, 8c par conséquent la marchandise pourroit
être donnée à meilleur .marché.
Ce fyftême de modération , que tout Semble
prefcrire , s'établiroit fans peine. Toutes les productions
des ifles font affujetties, en entrant dans
le royaume , à un droit connu fous le nom de
domaine d'occident 3 & qui eft fixé à trois & demi
pour cent avec huit fols pour livre. Leur valeur,
qui fert de règle au paiement du droit, eft déterminée
dans les mois de janvier & de juillet.
On*la fixe à vingt-un ou vingt-cinq pour cent
au-deffous du cours réel. Le bureau d'occident
accorde d'ailleurs une tarre plus confidérable que
ne le fait le vendeur dans îe commerce. Qu'on,
ajoute à cet impôt celui du même rapport, à-
peu-près, que payent les denrées aux douanes des
colonies, ceux qui font payés dans l'intérieur de
ces ifles » & le gouvernement fe trouvera avoir
tout le revenu qu'il tire de fes établiflemens du
nouveau-Monde.
Remarques fur les milices. Les ifles frahçoifes ,
de même que celles des autres-nations.» n'eurent
dans l'origine aucune troupe réglée. Les aventuriers
, qui les avoient conquifes, regardôient comme
un privilège le droit de fe défendre eux-mêmes}
8c les defcendans de ces hommes intrépides fe
crurent affez forts pour garder leurs poffeflîons.
Ils étoient en état de faire le fervice qui fe bor-
noit à repouffer quelques bâtimens qui débarquoient
des matelots & des foldats aufli peu difciplinés
que les habitans qu'ils venoient infulter.
Tout devoir changer lorfqu'on prévît que ces
établiflemens , devenus confidérables par leurs ri-
cheffes, feroient attaqués tôt ou tard par des armées
européennes tranfportées fur de nombreufes
flottes ; on y fit paffer d'autres défendeurs. L'événement
a prouvé que quelques bataillons épars
étoient infuffifans contre les forces terreftres 8c
maritimes de l'Angleterre. Le colon lui-même a
jugé fes efforts incapables de retarder la révolution.
Il a'craint que l'ennemi victorieux ne lui
fit payer un obftacle ffuperflu j & on l'a vu moins
difpofé.à combattre , qu'occupé des fuites de la
capitulation. Bientôt'calculateur politique, il a
fenti que les fonctions militaires ne convenoient
plus à fort état d'impuiffance : & il a donné de
l'argent pour être déchargé d’un foin qui, glorieux
dans fon principe , étoit dégénéré en une
fervitude onéreufe. Les milices furent fupprimées
pr\ 176$. ^
Cet aCte de eomplaifance mérita l'approbation
de ceux qui n?envii%g.eôienr l'inftitution des milices
que comme un moyen de préferver les colonies
de toute invafîon étrangère. ‘Ils penfèrent
judiçi^ufçmçnt qu'il nç falloit pas exiger que des
hortimes, qui ont vieilli fous un ciel ardent, pouf
élever l'édifice d’une grande fortune, s’expofaf-
fent aux mêmes dangers que ces malheureufes victimes
de notre ambition, qui jouent à chaque
moment leur vie pour une folde très-modique. Un
pareil facrifice leur parut contrarier trop la nature
, pour qu'il fût raifonnable de l’efpérer } 8c
ils applaudirent au miniftère, qui aVoit fenti qu'il
convenoit de renoncer à une défènfe fi vaine 8c
fi onéreufe.
Les obfervateurs , à qui les établiflemens du
nouveau monde font mieux connus , portèrent de
cette innovation un jugement tîioins favorable. Les
milices, difoient-ils, font néceffaires pour maintenir
la police intérieure des ifles 5 pour prévenir
la révolte des efclaves î pour arrêter les courfes des
nègres fugitifs j pour empêcher l’attroupement des
voleurs 3 pour protéger le cabotage > pour garantir
les côtes contre les corlaires. Si les colons ne
forment pas des corps , s'ils n'ont ni chefs ni
drapeaux , comment éloigner tant de dangers ?
comment dîfliper ces fléaux deftruéteurs , lorfqu’il
n'aura pas été poflible de les étouffer avant leur
naiffance ? d'où naîtront cette harmonie 8c cet accord
, fans lefquels rien ne fe fait convenablement?
Ces réflexions , qui, toutes frappantes , toutes
naturelles qu'elles font, avoient pourtant échappé,
ne tardèrent pas à changer les dilpofitions du
miniftre. Il fe pénétra de la néceflite de rétablir
les milices, mais fans vouloir renoncer aux taxes
confenties pour l'entretien des troupes régulières.
La difficulté étoit d'amener les peuples à cet arrangement.
On négocia, on menaça. La Guadeloupe
& la Martinique fe fournirent enfin aux
vplontés de la cour en 1767 : mais çet exemple
ne fit pas fur Saint-Domingue l'impreflion defi-
rée, efpérée peut-être. L'année fuivante il fallut
faire la guerre, à cette riche colonie ; & ce ne
fut qu'après avoir mis aux fers les magîftrats de
l'oueft 8c du fud de l'ille ; qu'après avoir répandu
du fang , qu'il fut poflible de réduire à.la fou-
miflion des cultivateurs aigris par les impôts qu'exi-
geoit le fife.
Depuis cette époque, tous les habitans des
poffeffions françoifes dans l'autre hémifphère font
de nouveau enrégimentés. Les obligations , que
cette efpèce d'enrôlement impofe , ont fouvent
varié , 8c ne font pas encore clairement énoncées.
Cette obfcurité , toujours dangereufe dans
les mains de chefs fans ceffe occupés du foin
d’étendre leur jurifdi&ion , tient le citoyen dans
dès alarmes continuelles pour fa liberté , dont on
eft plus jaloux en Amérique qu'en Europe i elle
l'expofe chaque jour à des vexations. De-là fuit
pour* ce genre de fervitude une averfîon- très-
marquée. On doit, s’il fe péut, effacer les im-
preflions du paffé , on doit diffiper les défiances
pour l'avenir. La légiflation y réuflira, en faifant
dans la forme des milicesfous les changernens qui
peuvent
peuvent fe concilier avec la police & la sûreté
qu’ elles doivent avoir pour objet.
Remarques fur le partage des héritages. On doit
mettre au rang des chofes qu'il faut reformer,
l'ufage établi dans les poffeffions françoifes du
nouveau monde, de partager également entre des
enfans l'héritage de leur pere } entre des coheritiers,
la fucceffion de leur parent,
Nous abhorrons, avec tous les hommes raifqn-
nables , que l’orgueil ou le préjugé n ont point
corrompus, nous abhorrons le droit de primoge-
niture, qui transféré le patrimoine entier d une
maifon à un aîné qu'il corrompt, 8c qui précipité
dans l'indigence fes freres 8c fes foeurs , punis
comme d'un crime, du hafard qui les a fait naître
quelques années trop tard.
Cependant la loi de l'égalité, qui femble dictée
par la nature même } qui fe préfente la première
au coeur de l'homme jufte 8c bon } qui
ne laiffe d'abord aucun doute à l'efprit fur fa
rectitude 8c fon utilité : cette loi peùt être quelquefois
contraire au maintien de nos fociétes.^On
en a l'exemple dans les ifles françoifes , qu elle
écarte de leur deftinarion , 8c dont elle préparé
de loin la ruine.
Le partage fut néceffaire dans la formation des
colonies. On avoit à défricher des contrées im-
menfes. Le pouvoit-on fans population ? Et comment
, fans propriété., fixer dans ces régions éloignées
8c défertes , des hommes qui, la plupart,
n'avoient quitté leur patrie que faute de propriété
? Si le gouvernement leur eût refufé^ des
terres, ces aventuriers en auroient cherche de
climat en climat , avec le défefpoir de commencer
dés établiflemens fans nombre, dont aucun
n'auroit pris cette confiftance , qui les rend utiles
à la métropole. - .
Mais, depuis que les héritages, d'abord trop
étendus , ont été réduits par une fuite de fuc-
cëflions 8c de partages foufdivifés à la jufte me-
fure que demandent les facilités de la culture}
depuis qu'ils font affez limités pour ne pas ref-
ter en friche , par le défaut d'une population équivalente
à leur étendue , une divifion ultérieure
de terreins les ferait rentrer dans leur premier
néant. En Europe , un citoyen obfcur, qui n'a
que quelques arpens de terre , tire fouvent un
meilleur parti de ce petit fonds , qu'un homme
opulent des domaines immenfes que le hafard de
la naiffance ou de la fortune a mis entre fes mains.
En Amérique , la nature des denrées qui font d'un
grand prix , l’incertitude. des récoltes peu variées
dans leur efpèce , la quantité d'efclaves,
de beftiaux, d’uftenfiles néceffaires pour une habitation
: tout cela fuppofe des richeffes confide-
rables , qu'on n’a pas dans quelques colonies, 8c
que bientôt on n'aura plus dans aucune, fi le
partage des fucceflions continue à morceler, à
divifer de plus en plus les terres.
Q u ’un pere en mourant laiffe une fucceflion
(Eicon, polit, 6* diplomatique. Torn. Il,
de trente mille livres de rente, fa fucceflion fe
partage également entre trois en fans Ils feront
ruinés fl l'on fait trois habitations} 1 un , parce
qu'on lui aura fait payer cher les bâtimens, &
qu'à proportion il aura moins de negres 8c de
terres 3 les deux autres , parce qu'ils ne pourront
exploiter leur héritage fans faire bâtir. Ils feront
encore ruinés, fi l'habitation entière refte a 1 un
des trois. Dans un pays où la condition du créancier
eft la plus mauvaife de toutes les conditions,
les biens fe font élevés à une valeur immodérée.
Celui qui reftera poffeffeur de tout, fera trop
heureux, s’il n'eft obligé de donner en interets
que le revenu net de l’habitation. O r , comme
la première loi eft celle de vivre , il commencera
par vivre , & il ne paiera pas. Ses dettes' s accumuleront
, bientôt il fera insolvable } 8c du dé-
fordre qui naîtra de cette fituation, on verra fortir
la ruine de tous lés cohéritiers. | .
L'abolition de l'égalité de partages eft le feul
remède à ce défordre. Il eft tems que la légiflation
, aujourd'hui plus éclairée, voie dans fes colonies
plutôt krles établiflemens de chofes, que'
de perfonnes. Sa fageffe lui infpirera des dédorri.
magemcns convenables pour ceux qu elle aura dépouillés
8c facrifiés' en quelque manière à la fortune
publique. Elle leur doit les moyens de fub-
fifter par le feul travail, poflible à cette efpèce
d’hommes , en les plaçant fur^de nouveaux ter-
reins } 8c elle fe doit à elle-même d'acquérir de
nouvelles richeffes par leur induftrie. |
Mais quel plan de réforme pourroit-on fuivre
fur cet objet ? Comment confervera-t-on le droit
naturel des cadets à l'héritage de leurs pères} 8c
quelle partie fera-t-il convenable dè^ leur laiffer ?
c'eft ce qu'il n'eft pas poflible de développer ici :
pour réfoudre une pareille question avec fageffe
8c avec une forte d'équité , il faudro t avoir des
connoiffances de détails fi multipliés 3 il faudroit
calculer ces élémens, & les combiner avec tant
de foin’, qu’un onvragede ce genre ne doit s'entreprendre
que fous les aufpices 8c avec les fer-
cours de l'adminiftration.
Remarques fur les dettes. Une partie des dettes,
qui furchargent les colonies des Antilles, tirent
leur origine des droits que la loi accorde sux dif-
férens cohéritiers. Cet état de détreffe a aug-
menté , à mefure que les colonies devenoient
plus riches. Parvenues au point d'avoir plus d’ha-
bitans que de plantations à faire, la population
furabondante eft reftée dans l’oifiveté , créancière
des terres qu'elle n'occupoit pas , & des-
lors inutile, onéreufe même a la culture.
Il eft d'autres créances qui proviennent de la 1
vente que les colons fe font faite mutuellement
de leurs habitations. Rarement va-t-on en Amérique,
fans le projet de revenir jouir en Europe
des richeffes qu'un travail opiniâtre ou des hasards
heureux donnent ordinairement. Ceux qui
1 ne s'écartent point de leurs vues, vivent a vos