
Les'génois offrirent à 1' empereur Frédéric quatre
mille marcs d'argent, pour ériger en royaume
Lille de Sardaigne , & donner le titre de roi à
Barifon qui étoit gouverneur de cette ifle > mais
Barifon , après avoit obtenu cette qualité , n'ayant
pu rendre aux génois cette fomme qu'ils lui avoient
prêtée , fut par eux ramené à Genes 3 où il demeura
prifonnier, jufqu'a ce qu'il eût trouvé le
moyen d'appaifer ces fâcheux créanciers.
Maximilien II érigea le duché de Florence en
grand-duché 3 après avoir annullé une élection, antérieure
faite par le pape Pie V.
Dans l'étendue de l'empire d'Allemagne, l’empereur
peut créer des titres,, cela n'eft pas douteux
, pourvu qu'il le faffe, félon les loix du corps
germanique, avec le concours de la diète générale,
ainfî qu'on l'a déjà dit > mais les titres éminens
que l'empereur defère en Allemagne même, ne
font reconnus par les princes étrangers, que de la
même manière & par les mêmes voies qu'ils re- 1
connoiffent ceux qui font conférés par d'autres
potentats dans les terres de leur domination.
Charles le Chauve, roi de France & empereur,
voulant montrer fa puiffance & le droit qu'il pré-
tendoit avoir de faire des rois, donna en pur don
3 Bofon , frère d'Hennengarde fa femme, des
états qu'il érigea en royaume de Bourgogne. C e
fut dans la fuite le royaume d'Arles.
Le roi de France eft le plus ancien & le plus
puiffant fouverain de l'Europe, & il ne réclame
pas le droit de créer des rois. Je vais indiquer
les feuls moyens légitimes qu’on connoiffe de
créer de nouveaux titres de fouveraineté.
Selon le droit naturel, il appartient à ceux qui
confèrent la chofe même, de conférer le nom
dont il faut l'appeller, & les titres qui doivent y
être attachés. Un peuple forme une fociété civile,
ou change la forme de fon gouvernement 5 il fe
donne un maître, il peut fans doute l’appeller du
nom qu'il juge à propos , marquis, duc , prince,
roi ou empereur. Après avoir reconnu ce fouverain
fous un certain titre , il peut lui en déférer
un autre plus relevé. Dans les anciens temps, &
même dans le moyen â g e , les chefs des petits
peuples font indiftindlement appellés chefs ou rois j
& c'eft encore ainfi que parlent4 les hiftoriens
des nations modernes qui ne font pas bien connues.
Un fouverain , indépendant de tout autre fouverain,
pofTelTeur de plufîeurs provinces , peut
suffi 3 félon le droit naturel, en démembrer une,
& donner à la partie démembrée le titre qu'il juge
à propos, foit en la gouvernant féparément, foit
en la donnant, cédant ou vendant, pourvu que
ce foit un état patrimonial, fans quoi la ceffion
ne peut avoir lieu qu'avec le confentement & du
peuple dont on démembre l'état, & de la province
qu'on démembre. Mais ce ne feroit rien aujourd'hui
de prendre des titres qui lie feroient pas re-
cpnnus par les autres puiffances > & fi tous les
fouverains étoient les maîtres de prendre celui
qu'ils défirent, ils prendroient tous celui de rois.
Les fouverains de l'Europe moderne, qui ne
font pas refis, ne peuvent le devenir que de l'aveu
des puiffances qui forment des royaumes ou
des empires : mais fi tel eft l'ufage, il feroit dif- •
ficile d'établir des règles bien fixes fur ce point.
Il paroît que fi deux ou trois princes prépondé-
rans recopnoiffoient pour roi l'éledtèur de Saxe ,
par exemple, ce prince ne tarderoit pas à être
reconnu par les autres, & qu'ainfi la Saxe devien-
droit un royaume.
Les écrivains de droit public difent qu'un fou-»
verain peut fe couronner de fes propres mains}
qu’Antigone , Antipater, Eumène , Lyfimaque ,
Ptolomée Séléucus , officiers d'Alexandre, prirent
ainfi le titre de roi après la mort de ce prince ,
& qu'Agathoclès , tyran de Sicile, fe l’attribua à
l'exemple des autres j que les titres de rois & ceux
de princes 3 de ducs 3 de comies & de marquis 3
dêfîgnant des fouveraineté^, furent ainfi ufurpés
en France, en Italie, en Allemagne, fous les règnes
foibles des defeendans de notre Charlemagne
j qu'Alphoftfe, roi de Léon, fe fit ainfi couronner
& proclamer empereur, fit couronner &
proclamer impératrice fa femme Dona Berengere *
& couronner fes deux fils , don Sanche & don Ferdinand
, l'un roi de Léon, & l’autre roi de Caf-
tille, quoiqu'il continuât de gouverner ces deux
états j que le duché de Pruffe eft devenu ainfi un
royaume reconnu par toutes les puiffêmces de l'Europe
5 que les princes ruffes, aprè&. avoir pris le
titre de grand-duc 3 comme plus illuftre que celui
de c%ar, fe font enfin décorés de celui d’empereur :
accroiffement d'honneur bien confidérabïe pour
eux en Europe ; mais bien plus important encore
en Afie , dont les fouverains mettent une grande
différence entre le titre d'empereur & celui de roi.
Mais il n'eft pas befoin de montrer combien il faut
modifier toutes ces affertions. On fait que la Pruffe
n'a été reconnue pour un royaume que lorfque les
traités l'ont élevee à' ce rang ; que les exemples ,
tirés des peuples anciens & des temps de trouble
& de barbarie, ne prouvent rien ; & q u e le fouverain
de Ruffie n'a pas la qualification üempereur
, parce qu'il l'a prife, mais parce que les autres
puiffances l'ont reconnue.
Un fouverain fe fait rendre par fes fujets les
honneurs qu'il v eut, lorfque la loi fondamentale
de l'état ne s'y oppofe point. Ces honneurs, où
déférés , ou reconnus par les fujets , font légitimes
> mais ils demeurent renfermés dans l’ enceinte
de fon.pays, tant que les puiffances étrangères ne
les ont pas reconnus.
ERNFELS. Voy ez E h r e n f e l s .
E S C L A V A G E , t f f. eft l’jétat humiliant de fer-
vitude perforinelle, ou de. dépendance forcée
oppreffive , dans lequel on tient un homme.
Examinons Yefçlavage dans fes différentes ac-
’ ceptioss.
SJ
Des circonftances particulières nous obligent a
renvoyer à l’article S e r v i t u d e & G u i n é e cette
difcuflîon fur Yefçlavage.
E S C L A V O N IE , royaume èYEfclavonie, l'une
des provinces de la maifon d'Autriche.
XjEfclavonie ( Slavonia ) T ô t Orfsag, SloWenf-
ka Seme, eft fituée entre la Drève & la Save }
elle eft bornée au levant par le Danube, & au
couchant par la Carniole j elle a environ 40 milles
rfle longueur & de 6 à 13 milles de largeur, & elle
faifoit autrefois partie de la Pannonie. Dans le
moyen âge elle prit le nom d’ Efclavonie 3 des 11a-
ves ou efelavons, peuples voifins > elle fut d a-
hord divifée en haute & baffe, & enfuite en ban-
nat & en généralat d’Efclavonie. La haute fait
aujourd'hui partie de la Croatie : la baffe-Efcla-
-vonie s'étend depuis le Danube à l’orient du pays
jufqu'a la Croatie : elle a été de nouveau réunie
en 1746 au royaume de Hongrie, par l'impératrice
reine Marie-Therefe. Les habitans font des
ferviens ou rafeiens , des croates & des Walaques,
& quelques colonies d'allemands & de.hongrois.
On trouvera fur ce pays , des détails affez étendus
à l'article lllyrie kongroife. Voyez I l l y r i e
HONGROISE.
ESL IN G EN . Voyez Esslingen. -
E S P A G N E , royaume d’Europe,- dont la
pofition eft affez connue. Le di&ionnaire de Géographie
en parle avec beaucoup d'étendue , & ce
morceau a excité des plaintes. Nous envifagerons
ici YEfpagne fous d'autres rapports 5 mais , avant
d’ entrer en matière , nous ferons quelques obfer-
vations préliminaires.
Depuis un fiècle les écrivains donnent des con-
feils, & font des reproches amers à la nation
efpagnole : dans l'ardeur de leur zèle, ils ont pris
fouvent l'expreffion du farcafme & du mépris : ils
voyoient des abus , & ils les relevoient fans
aucune mefure : il fembloit, d'après ces abus, que
YEfpagne étoit à deux fiècles des lumières du refte
de l'Europe : l’ état cependant faifoit quelques réformes
utiles > mais Ces réformes étoient très-difficiles
: on ne daignoit pas les fuivre , & on n'en
tenoit point de compte au miniilre ou au prince
qui les entreprenoit. Nous ne chercherons
pas à diminuer les torts des écrivains qui ont ainfi
manqué de juftice & d'exactitude. Le zèle en
a égaré quelques - uns ; la légéreté en a entraîné
plufîeurs , & il en eft , dont la fottife &
l’ aigreur ne méritent que du dédain. Mais YEfpagne
a réglé des objets importans, peut-être d’après
ces réclamations défintéreffées : elle a profité
des idées faines , propofées par des hommes injuf-
tes fur quelques points : & leurs critiques portées
trop loin ne méritent - elles pas de l'indulgence ?
En effet, quel fpeétacle offroit YEfpagne à l'époque
où Charles III eft monté fur le trône ! le
pays étoit dépeuplé 5 fes habitans laiffoient en friche
la plus grande partie de leurs terrains > les
(E con. polit. diplomatique. Tom. IJ.
manufactures étoient languiffantes : l’état qui s'é-
toit permis plufîeurs fois des banqueroutes totales ,
ce qu'on n’avoit encore vu nulle part, n'avoit point
de crédit : le peuple offroit par-tout l'inertie &
la misère : le régime des diverfes parties de l'ad-
miniftràtion étoit contraire aux principes les plus
limples de l’économie politique : l'Europe étoit
vivement frappée de tant d'abus , parce que la
fertilité & la pofition de YEfpagne offrent des
avantages de toute efpèce, parce que cette contrée
avoit eu autrefois beaucoup d'éclat , & parce
qu enfin l'induftrie , les lumières & l'adlivité fe
montraient plus ou moins chez toutes les autres
nations. Mais les auteurs fe font perdus dans des
généralités vagues 5 ils ont confondu toutes les
époques 3 ils ontmalfaifi les principes qui guidoient
YEfpagne dans fes opérations, & leurs ouvrages font
devenus trop fouvent de vaines déclamations. Pour
n'en citer que deux exemples, on a crié mille fois
contre l'expulfion des maures, & on n'a jamais
examiné s'il convenoit de laiffer une peuplade ma-
hométane auffi nombreufe parmi des nations chrétiennes,
& fi des raifons politiques ne demandoient
pas ce grand facrifice : dans cette multitude infinie
de diatribes contre l'inquifition, perfonne n'a dit
que YEfpagne regarde ce tribunal comme une institution
de police } qu'elle fe vante de lui devoir
fa tranquillité & de n'avoir eu jamais de guerre
de religion ; qu'elle convient de l'iniquité & de la
violence des anciens décrets de ce tribunal , &
qu’elle ne les trouve pas trop févères aujourd'hui.
Les prétentions de YEfpagne fur ce point ne font
pas démontrées ; mais enfin ne pas les difeuter,
c'eft manquer aux premières règles de l'art & au
premier devoir de l'écrivain qui veut être utile.
Nous tâcherons d'être plus modérés, plus miles
& plus exads : nous ne manquerons pas de distinguer
les tems. La maifon d’Autriche laiffa YEfpagne
dans un état de misère & d'inértie inconcevables
: les deux premiers rois de la maifon de
Bourbon, Philippe.V & Ferdinand commencèrent
la régénération du pays, & les- fuccès du roi
a&uel donnent de belles efpérances. Nous dirons
ou nous répéterons toiit ce qu’on a fait d'utile
pour rendre à la nation une partie de fon ancienne
profpérité : nous nous permettrons des remarques
5 mais elles feront énoncées avec décence:
& , fi nous nous trompons, le zèle qui nous
anime pour la gloire & le bonheur de YEfpagne 3
exeufera nos erreurs.
’ Cet article contiendra i° . un précis de î'hiftoire
politique de YEfpagne 5 20. des détail^ & des
obfervations fur le gouvernement de YEfpagne -
30. nous parlerons de fes colonies, & nous donnerons
des détails & des remarques fur leur gouvernement
& fur leur produit 5 40. nous ferons
plufîeurs obfervations fur l'agriculture , les manu-
fadiures, le commerce, les revenus , la population
& les progrès de YEfpagne ; y0, nous dirons
quelque chofe de fes troupes, de fa marine & de