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38. S à i n t - P h i i i p p k .
Le marquis de Saint - Philippe , connu par fes
ambaffades, a compofé en efpagnol un livre qui
a été traduit en françois & imprimé fous ce titre :
la Monarchie des hébreux ouvrage plein dè maximes
diétées par une politique adroite , mais expo-
fée avec trop d'abondance & de prolixité.
39. S A N f A - C R u z .
Le marquis de Sarttâ-Crux , qui fe diftingua à
T urin} à Cambrai 3 à Soiflons,' dans plufieurs am-
balîades , eft auteur d'un Recueil de réflexion?militaires
ù politiques , en efpagnol 3 eftimé des maîtres
de l'art 3 comme pouvant être d'un grand
ufage pour les négociateurs & pour les militaires.
40, W 1 c Q u £ F o R T.
Wicquefort 3 que j'aurois dû placer plus haut
pour fuivre l'ordre chronologique , fut trente-
deux ans réfident de l'éleéleur de Brandebourg à
Paris. 11 a fait plufieurs ouvrages eftimés , dont
Je plus connu eft celui qui a pour titre : YAm-
baffadeur 0* fes f oublions.
• 41. C a l l i e r e s.
François de Callières , employé dans plufieurs
négociations 3 remplit avec honneur l'emploi d'am-
baffadeur extraordinaire & plénipotentiaire de France
à Rifwick. Il a fait un Traité de la. manière de
négocier avec les fouverains , de l'utilité des négociations
, du choix des ambafladeurs & des envoyés
5 & des qualités néceflaires pour réuflir
dans ces emplois. On en a publié une nouvelle
édition en 17 50, & on y a ajouté une fécondé
partie qui montre bien l'avantage qu'ont les
hommes d'état pour traiter les matières d'adminif-
tration , fur ceux qui n'ont point été employés
dans le miniftère.
On a tiré ce catalogue de l'examen des principaux
ouvrages d'économie politique ou de diplomatique
j inféré dans le tome VIII de la Science du
gouvernement. Tant d'habiles politiques nont écrit
que parce qu'ils fentoient l'importance & l'utilité
des difcujfions fur ces objets.
D IS E T T E f. f. Dans le fens où l'on prend
communément ce mot , la difette femble provenir
du fait de la nature q u i, par des déra'ngemens
contraires à notre expérience, a trompé l'efpoir
du cultivateur , a fruftré fes avances & refufé le
produit fur lequel on avoit dû compter j enforte
que la table ronde de l'année, fi l'on veut me
paffer cette expreftion, eft renverfée , fi l’ écono^
mie & la prévoyance humaine ne trouvent, dans
les réferves qu'elles ont faites , de quoi vivre au
cou ran tfa ire de nouvelles avances - & redoubler,
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les travaux ; car les cas fortuits n'enlèvent pas
feulement les revenus, mais fouvent altèrent le
fonds qu'il eft indifpenfable de réparer.
Telle eft l'inévitable guerre contre laquelle les
fociétés doivent s'armer en corps ? & fe tenir
toujours prêtes ; & , quoique les forces de 1 attaque
paroiflent infiniment fupérieures à celles de la
défenfe, Dieu a mis , dans les organes & dans
les facultés de l'homme , une étendue prodigieufe
dont il ne trouvera jamais les^ bornes, & dont il
ne découvre les reflources qu'en raifon de l’oppo-
fition. ' ,
En effet, fous les climats doux & favorables,
fur les terres d'une fertilité prefque fpontanée,
l'homme languit dans la molleffe , dans 1 incurie
de l'ignorance, dans I'oifiveté ; au lieu que, fous
les climats âpres & rigoureux, dans les contrées
ardues & ingrates, il force tous les obftacles &
triomphe de la ftérilité. C'eft-là fur-tout que les
efforts de fon induftrie étonnent par leur grandeur,
& charment par leurs fuccès. Les difficultés ai-
guifent l'efprit de l'homme , & lès inconvénients
lui apprennent enfin les moyens de les prévenir
ou de les réparer. La prévoyance eft fille de la
dure épreuve.
Mais il faut fe fouvenir en toutes chofes, que
tout ce qui eft de l'homme ne fauroit fe faire que
par l'aide & le concours de fes.femblables 3 & ne
peut s'opérer qu'en fociété. Sans la fociété, la
difette eft par-tout fous les pas dej'homme. Elle
eft urgente, prompte & defefpérée dans l'ifole-
ment ÿ elle eft impérieufe dans la fociété errante >
elle eft menaçante, fortuite & mortelle dans la
fociété fédentaire , foible & opprimée^ périodique,
attendue & fufcitée dans la fociete défor-
donnée par l’erreur & par le monopole réglementaire.
Elle eft par-tout plus ou moins deftru&ive j
mais elle ne fauroit ébranler ni même atteindre
I une fociété complette, régie & préfervée par des
i loix conformes à, celles de l'ordre naturel.
En effet, les cas fortuits les plus redoutables,
r les ébranlemens de la nature , contre lefquels
; l'homme n'a d'abord de reffource que celle de
! céder , de fuir & de réparer enfuite les ravages,
1 ne font que locaux, paffagers & rares : les vi-
mères ordinaires ou plus Communes, qui opèrent
les difettes dans les pays où le défordre, en interceptant
les communications naturelles, ifole
chaque cantom & porte par-tout également la mi-
fère, foit par la privation , foit par la non-valeur j
ces cas fortuits , difons-nous, n attaquent gueres
qu'une forte de denrée. Aux lieux où.les grains
manquent ou germent fur place par 1 humidité,
les fourrages abondent ; la féchereflç cjui brûle les
menus grains, perfectionne la qualité des grands
bleds. . r ,
En l’année 1705) , prefque generalement calami-
teufe par la perte de tous les grains femés en automne
, les bleds de mars trouvant la terre imprégnée
du nître que l'extrême gelée y avoit depofe>
D I S
fructifièrent avec une abondance qui confola le
cultivateur, & foutint la vie du peuple. Les pafla-
g e s , qu'une guerre longue & acharnée avoit fermés
de toutes parts, s'ouvrirent à la néceflité ;
le prix des grains, q u i, famé de débouchés ,
étoit tombé d'une manière déplorable, & qui
avoit ruiné les puiflances agricoles, fe releva, fe
foutint j les forces nationales femblèrent repoufler
avec lu i , & ce renouvellement de vigueur prépara
les trêves & la paix, dont les prémices fe
montrèrent deux ans après. On peut v o ir , par cet
exemple, qu’il n'eft aucun mal qui ne foit accompagne
de quelque bien. Cette année 1709 > qui
n'a guère eu de femblable, ne laifla de traces rui-
rieufes que fur les arbres à fruits, dont les efpè-
ces les plus délicates, furent obligées de renaître
de leur fouche j objets locaux qui ne font point
de véritables fléaux.
Dans le cours ordinaire des chofes, ou même
dans les cas extraordinaires, f i , de longue main,
le commerce eft libre, & dès-long-temps protégé
j c'eft-à-dire, fi fa liberté eft défendue contre
le fifc national & étranger, fi le commerce rural
fur-tout eft préfervé de toute atteinte de monopole
municipal & réglémentaire , appuyé fur
le prétexte de la néceflité des approvifionnemens
publics, & fécondé par les clameurs du peuple
fufcitées & fomentées, le commerce en gros &
en détail fera par-tout attentif à courir fus à la
. difette.
Pour le vrai commerce falutaire & naturel ,
vendre beaucoup à petit gain, c'eft le chemin de
la fortune , c'eft le feul voeu de l’induftrie trafiquante.
Il n'y a que le monopole qui cherche à
faire ce qu'on appelle des coups, & ce n'eft que
la jurifdidion oppreffive qui lui en procure le
moyen. A cela près, vendre beaucoup à petit j
gain, je le répète, c'eft le trafic. Or nulle part
cet avantage n'eft plus afluré que dans le commerce
des denrées de premier befoin. Là chacun
devient pratique au jour la journée ; le pain eft le
correfpondant journalier de chaque individu.
Si la fociété avoit donc pris d'avance les habitudes
& les précautions qui feules peuvent la maintenir
i fi l'aéfion des échanges & la circulation du
commerce entre tous fes membres étoient libres
par la facilité des rapports entre les travaux & des
communications territoriales , l’appel & le fignal
de la difette feroient affluer l'abondance, par la
raifon qui a fait dire cherté foifonne. Nous avons
déjà fait voir que cherté n'eft pas difette (voye%
C h e r t é ) qu'elle en eft au contraire le remède.
Or elle la détruit & la remplace par-tout.
Mais le trafic, dit on à bon droit, ne va qu’ aux
lieux où fe trouve le moyen de payer j car il ne
donne pas, il veut vendre 5 il nè peut même faire
autrement. Or quand les moyens de payer nous
manquent, par la perte de ce que nous avions
d’ordinaire à offrir en échange, nous n'avons pas
de quoi acheter, & nous mourrions de faim au
d i s m
milieu des tas de b led, s’ils vouloient venir à nous ;
mais ils s’en garderont bien, de peur de tentation
& de violence j & , dans les deux cas également,
nous éprouverons toujours la difette.
Cette objection , de la vérité de laquelle nous
convenons, loin de détruire ce que nous avons
d it, que la difette ne peut rien contre une fociété
bien ordonnée , ne fait que le confirmer. Il fuit ,
en effet, de cette aflertion que ce n'eft point du
cours & de la préfence de la denrée que le gouvernement
propice doit s’occuper, & que ce cours
ira, tout feul & de lui-même, droit au befoin.
La difette ne porte donc plus fur les moyens de
payer.
Mais le moyen primitif , le moyen général de
payer n'eft que le travail. Chacun, en général,
ne vit que du falaire de fon travail. Le commerce
vivifie un pays, non-feulement parce qu’il donne
la valeur vénale aux produits locaux j mais encore
parce qu'il falarie des travaux pour fes voitures,
pour fes magafins, pour fon débit. Les lieux habités
où la populace abonde ne font pas ceux où
l'on vit des travaux productifs des fubfiftances &
revenus > mais des travaux d’une induftrie qui prépare
& façonne les objets de luxe, de décoration, de
commodités , de fuperfluités j & les cas fortuits
locaux n'ont pas porté directement fur ceux -ci,
qui vont toujours fur le courant, ou fur des anticipations
néceflitées par leurs diflipations. La
non-valeur annuelle des travaux ne menace donc
bien eflentiellement que la campagne , & momentanément
encore i car il faut que les travaux y
recommencent, ou tout feroit perdu.
Je demande f i , dans un gouvernement propice
& par conféquent puiflant & fage, qui mettroit
au-deflus de tout le bon & le meilleur entretien
des campagnes, la vigueur des cultures, l'immunité
& la force des avances, ce feroit jamais un
effort ruineux pour l'adminiftration que de venir
à l’appui des forts propriétaires, au fècours des
cantons fortuitement affligés par les malheureux
effets de l'intempérie des faifons, de manière que
le peuple y trouvât le falaire de fon travail préparatoire
, jufqu'au temps où les travaux annuels
recommenceroient. Quant à ces derniers, les fermiers
ou forts entrepreneurs de culture s'en chargent
& en font les frais fur les avances qu'ils
avoient réfervées j car ces fortes d'accidens font
entrées dans leurs calculs de prévoyance j & ces
riches entrepreneurs, vrais foutiens de la fociété
& colonnes de l'é ta t, ne manqueront nulle part
fous le bon régime de l'ordre, de la profpefité
duquel nous n’avons pas d’ idée. Tous ces falai-
res , tant d'une part que d’autre , s'employèrent
en achats de fubfiftances ; ils fe changeront eri
pain, & le grain ne manquera jamais aux lieux
où l’on veut payer le pain.
C ’eft ainfî que la fage politique doit dépouiller
ce fantôme de difette, dont on fe fert pour faire
I peur au peuple, comme on jette de la terre fur
P z