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fon gouvernement, 8c nous ferons des remarques
fur ce gouvernement.
S e c t i o n p r e m i è r e .
De la pojition, de l'étendue , des productionsdu
commerce Ô des rickeffes, &c. de la Frife.
Le nom de cette province , déjà connu des romains
, dérive , fuivant l'opinion la plus vraifem-
blable , de l'ancien mot allemand frijfen , qui
lignifie creufer ; il paroît venir des folles & des
digues , dans l'enceinte defquelles demeuraient
les frifons ; c a r , relativement à la mer, les lieux
compris dans cette enceinte étant comptés parmi
les plus bas que le continent de-l'Europe eût au
nord-oueft, les habitans fe voyoient obligés fans
celle de fe défendre contre les eaux par des digues
8e autres ouvrages de cette nature. Cette
enceinte'étoit beaucoup plus vafte autrefois qu'elle
ne l'ell aujourd'hui. Le nom de Frife fe donnoit,
dit-on, à tout le terrein qui fe trouve entre l'Ef-
caut , l'embouchure du Wefer 8e la mer d'Allemagne:
l'on appelloit frifons occidentaux, les peuples
qui habitoient entre l'Efcaut & la Flie s 8c
frifons orientaux, ceux qui éteie-nt établis depuis
la Flie jufqu'au Wefer. Les uns & les autrfi
étoient mis au nombre des germains, & eux-
mêmes fe donnoient pour tels, ainfi que le prouvent
les annales de Tacite, liv. 13. §. 54.
Actuellement la Weft-Frife ou Frife occidentale
eft la Nord-Hollande ; & on appelle Oft-Frife ou
Frife orinntale, une principauté d'Allemagne , fi-
tirée dans le cercle de W'eftphalie, & dont
Embden eft la capitale , & le roi de Prufte le
fcuverain. La Frife dont il s’agit i c i , eft bornée
au feptentrion, par la mer d’Allemagne 5 a 1 occident
, par la Flie ; au midi, par le Zuiderzée
8e TOver-Yffel ; 8e à ljorient , par TOver-Xflel,
le pays de Drenthe 8e la province de Groningue.
Elle peut avoir douze lieues du fud au nord, 8e
onze du couchant au levant. L ’air y eft humide..
Dans les diftriâsvde l’ occident 8e du nord, qui
font au-deffous du niveau de la mer, la province
abonde en pâturages, 8e on y nourrit une multitude
de boeufs , de vaches, de brebis, 8e fur-
tout des chevaux remarquables par leur grande
taille, 8e fort recherchés pouf le trait. Dans les
quartiers de l'orient 8e même du midi, où le
terrein eft moins abaiffé, on cultive avec fuccès,
du froment, des pois 8e d’autres légumes. Il y
a , vers TOver-Yuel 8e le pays de Drenthe, de
belles forêts : on y trouve beaucoup de tourbe ;
mais elle n'égaie pas en bonté celle de la province
de Hollande : 8e le terrein d’où on la tire, n e,
tarde pas à devenir un lac. C'eft ce qui a donné,
lieu aux lacs de Tjeu k e, de Sloter, deFljueffen,
de H eeger, de Sueeker, de Bergum 8e à plufieurs
pu très.
f r i f e fe jjiyife en tfo is quartiers , d°Pt le
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premier s’appelle Oejlergo , le fécond Wejlergo 3
& le troifîème Zeven-wolde ou les fept forêts. L'on
y compte onze villes, dont Leuwarden eft la
principale, 536 bourgs & villages , & environ
136 mille habitans. Quoique la noblefle du pays
fait afiez nombreufe & poflede même, de très-
ancienne date , plufieurs châteaux répandus dans
la contrée, cependant aucun de ces bourgs & Villages
n'y porte l'e titre dtfeignéurie j allez commun
dans Je relie des domaines de l'union des Pays-Bas.
L'antique amour de laJiberté & l'attachement aux
anciens ufages femblent avoir jetté dans la Frife des
racines plus profondes que dans aucune autre des
Provinces-Unies : le peuple s'y habille encore à
la vieille mode, & la langue qu'il1 parleeft tellement
celle de fes propres ancêtres , que Fes1
confédérés ne la comprennent pas.
La religion réformée eft la religion dominante
en Frife : elle a 207 pafteurs, qui forment les
claflfes de Leuwarden, de Dokkum, de Frane-
k e r , de Sneck, de Bolwerd & Workum j & de
Zevenwolden. Deux membres de chacune de ces
fix clafles, avec deux anciens , tiennent un fynode
annuel, huit jours après la Pentecôte. Les re-
•montrans, les luthériens, les catholiques & les
mennonites font d'ailleurs en grand nombre dans
la Frife’y les derniers fur-tout y-font fort thulti-
pliés, à raifon du lieu d'origine de Menno - Si-,
mon leur ch e f, lequel étoit du village de W it-
marfum , préfeéhire de Wonferadeel dans TOC*
tergo. Ils ne forment pas moins de j8paroilTes,
fous 1 j 2 docteurs : lés catholiques en ont 2 4 ,
fous 31 prêtres j les luthériens deux , & les re*
montrans un.
Si l'on veut avoir une idée générale des productions
& de l'importance dé la Frife , nous
dirons qu'elle contribue à-peu-près d'un neuvième
aux charges de la république 3 fa quote-part des
impôts eft de n florins 10 f. 11 den. pour chaque
centaine de florins que les Etats-Généraux or-*
donnent de lever : cette contribution eft forte ,
& . fuppofe bien des richeffes dans une province
qui, n'ayant pas 140 lieues en quarré, eft mem-r
bre d'un état, dont les dépenfes annuelles font
d'ailleurs très-confidérables.
S e c t i o n s e c o n d e . .
Précis de rhiftoire •politique de la Frife, de fon,'
gouvernement, & remarques fur çé gouvernement.
Il feroit inutile de parler de toutes les révolutions
qu'avoit éprouvé la Frife avant le traité d 'U-
trecht : nous dirons feulemènt que Philippe II ,
roi d'Efpagne , la tenoit, à titre de feigneurie ,
de fon père Charles-Quint : celui-ci l’avoit achetée
l'an i j 15 du duc Albert de Saxe, qu'elle
•n'avoit, à la v érité, jamais voulu reconnoître
pour maître, mais auquel cependant l’empereur
Maximilien en avqit conféré le gouvernement:
héréditaire
héréditaire Pan 1498. MaximilÉn l’avoit acquis,
par fon mariage avec l'héritière de Bourgogne,
& la maifon de Bourgogne la poffédoit , ; ou en
toutouen partie , dès l'an 1436. Jufqu'alorscette
province, toujours libre & toujours cenfée com-
prife dans l’Empire germanique, avoit des po-
deftats élus par le peuple^ & ces podeftats avoient
pris , fous une forme républicaine, la place que
fous une forme pareille, des ducs, des princes,
& même des rois particuliers avoient eu précédemment
dans le pays.
La Frife fait partie de l'union d'Utrecht depuis
1579 $ mais elle y entra par divifions : les
députés de fes nobles fe laiffèrent devancer par
ceux des villes & des, villages. ^ |
Le gouvernement de la Frife diffère beaucoup
de celui des autres provinces de l'union. Le peuple
y eft beaucoup plus libre, & il s'eft oppofe
avec fuccès à l'établiffement dél'ariftocratie. L hif-
toire diftingue avantageuCernent les frifons t des
peuples 'de ces con tré e sq u i ne furent d'abord
que leurs voifins , & qui devinrent leurs co-fujets
après l'invafion de Charlemagne : & depuis que
les fept provinces ont établi leur indépendance,
leur conduite ferme & tranquille & leur amour
de là liberté les diftinguent plus avantageufement
encore des autres membres de l'union.
Leur conftitution particulière femble veiller fur
le temple de la liberté nationale. Les amateurs
des conftitutions populaires la trouveront fa g e ,
Ample & naturelle. Les états de Frife font
çompofés de quatre membres intégrans qui exercent
par indivis la fouveraineté. Il y a dans la
province trois grands quartiers du plat pays , &
un quatrième compofé de toutes les villes „ayant
voix délibéràtive aux états. Ces quatre fùffrages
concourent aux décifions & aux réfolutions fou-
veraines. Quoique le brave peuple frifon compte
plufieurs familles nobles, qui ont mérité la no-
bleffe à plus d'un titre, les nobles ne font pas
yn corps féparé. Ôn ne peut prétendre à une
àiftinàion marquée fur fes concitoyens , que par
les vertus politiques & par un patriotifme epure :
ainfi point d’ordre équeftre en Frife.
Les trois quartiers font divifés en plufifeurs petits
diftri&s, qu'on appelle Griettines. Chaque
Griettine tient fon aflemblée particulière dans le
village qui lui fert de chef-lieu j ces petites affem-
blées font compofées de tous les chefs de famille
& franc-tenanciers du diftriâ:. Un petit champ
orné d'une maifonnette , ayant une ^cheminee,
donne droit au pofifeffeur d'entrer a l affemblee,
& d'y voter avec la même force & la même liberté
, qu'un citoyen le plus opulent du canton.
Ces petites affemblées font prefidees par un citoyen
élu à la pluralité des voix de ceqx qui affilient
à la Griettirie. On l’appelle griet -man ,
l'homme de la Griettine , ou , pour mieux dire ,
l’homme du peuple , dans toute la rigueur du
terme ; car non-feulement il repréfente le peuple
<J£con. polit. 6? diplomatique. Tome II.
de fon d ift r iâ , mais il eft créé te! par ce peuple.
Le griet-man eft ordinairement un des plus
riches tenanciers de la Griettine, ou un noble
frifon recommandable par fes vertus fociales. Lorf-
que les Griettines ont pris, une réfolution le
griet-man la porte , en qualité de députe, a .la f-
Temblée générale du quartier dont fa Griettine
reflort. Dans Taffemblée de ce quartier , les rc-
folutions s'y prennent a la pluralité des voix des
G r ie t t in e s repréfentées par leurs griets-mans ; &
les réfolutions du quartier font portées aux Etats
provinciaux, par des députés qui n'y forment
qu'une voix. Cette voix eft une des quatre qui
ont force décifîve à l'qflemblée des états. C eft
amfi que le peuple frifon participe à l'autorité
fouveraine, au moyen d’une démocratie afiez
bien entendue; & ç‘eft ce ftu’on aPPe!ler
un peuple libre... ' . .
Les villes de Frife, colleüiyement prifes, ont
; auffi une voix aux états. Chacune de ces villes
a une régence compoiée d'uu certain nombre de
magiftrats, fous le titre de bourgue-meftres, & c .
Ces magiftrats, qui ne font élus ni nommes par
les habitans des villes, repréfentent cependant les
citoyens. Les citoyens des villes de Frife n'ont
donc pas le même privilège que les habitans des
campagnes, 8c iis font moins libres.que çeux-ci.
Oui", Tariftocratie fe fait fentir vivement dans
les villes de Frife ; mais nous verrons tout-à-
l'heure que les habitans du plat pays veillent a
la liberté nationale , 8e même a la liberté, particulière
des habitans des villes. Les réfolutions le
prennent dans chaque ville ', a la pluralité des
voix dès magiftrats. La réfolution du quartier
particulier des villes fe prend dans une aflemblée
particulière , à la pluralité des voix des villes re-
préfentées par leurs députés. Cette aflemblée nommé
les magiftrats qui deivent U repréfenter aux
' états, 8c ces magiftrats députés n'y ont qu’une
feule voix délibérative, qui eft la voix proprement
dite du quartier des villes. Les députés des
quatre quartiers, aftembles a 1 hôtel des états ,
y traitent des affaires générales 8c particulières
de la province, 8c de toutes celles, qui ont rapport
à la confédération. Ces députés ne peuvent
s’écarter des inftruâions qu'ils reçoivent de leurs
hauts commettans. Comme le sombre des voix
eft pair , c'eft - à - dire , que ces voix font au
nombre de quatre , il pourrait y avoir partage.
Mais, pour remédier à cet inconvénient, les
frifons ont trouvé un moyen tres-favorable a leur
liberté. Le peuple du plat pays étant beaucoup
plus nombreux que celui des villes., payant une
quantité plus confidérable d'impôts, 8c ayant
beaucoup plus à perdre., puifqq'il poflede des
biens-fonds, s’eft réfervé la prépondérance dans
les délibérations publiques. Dejix quartiers du
plat pays, votant contre le troifîème quartier du
plat pays réuni, forment la réfolution fouveraine
: ces deux voix l’emportent fur les deux au-
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