
Les comtes KErbach ont vendu, en 17 14 , le
bailliage de Danneberg - Séeheim à la maifon dé
Heffe-Darmftadt j ils avoient auiïi part au château
de .Habizheim & à.fes dépendantes > mais l’aliénation
en a ete faite en 1530 & 1664. La plus grande
partie de ce domaine appartient aujourd’hui à la
maifon de Loewenftein-Werteiin.
E R E C T IO N . On entend par ce terme de droit
public & civil, l’aéle par lequel on attribue à un
pays un titre de fouveraineté, ou à une terre celui
de fief, de comté, de duché, & c . Le Dictionnaire
de Jurifprudence^arle de Y érection d’une terre
en duché , marquifat, coftité, baronie , &c.
nous allons parler ici de Yérection des royaumes &
des autres titres de fouveraineté, qu’on crée pour
la première fois.
Les romains, maîtres d’une grande partie de la
terre,, creoient des rois, & donnoient aux,princes
le titre de rois & d3amis du peuple romain. Ils fe
plaifoient même à avoir des domeftiques, auxquels
ils donnoient la dénomination de rois. Les
papes & les empereurs d’Allemagne ont voulu
s attribuer le même droit j & les vieilles chroniques
fourniffent quelques exemples de princes qui,
fe trouvant en état de monter fur le trône & de
s’y maintenir , voulurent bien s’en faire mettre en
pofTeffion par l’ une ou par l’autre de ces puiffan-
ces , & quelquefois par toutes les deux.
Dans ces fiècles où l’autorité eccléfiaftique forma
des entreprifes fi téméraires & fi fingulières fur
la puifTance - temporelle, les papes prétendirent
qu’en qualité de pafteurs des nations, il leur ap-
çartenoit de décerner des honneurs extraordinaires
a ceux que leur zèle pour le faint-fiège en rendoit
dignes. Ils voulurent même s’arroger le pouvoir de
faire des rois j & , ce qu’il y a d’étonnant, cette
prétention a eu quelquefois du fuccès.
Le pape Sylveftre II érigea la Hongrie en royaume
, en faveur du prince Etienne , fils de
G rifa, ^ qui embraffa le chriftianifme. On cite une
autre érection de ce même royaume, faite par le
çhef du corps germanique, dont je parlerai plus
bas en indiquant les érections qu’on doit aux empereurs.
Alphonfe V I I , roi d’Arragon , prit le titre à*empereur,
que fes fuccefTeurs ont négligé j il fe fit
çouroqner comme tel à T olèd e, après avoir été
couronné comme roi de Léon. Mariana a la bonne-
foi d avouer qu’il regarde comme une chimère le
contentement qu’ innocent II y donna.
Innocent III fit Caloïcan roi des bulgares, &
il lui permit de frapper de la monnoiç à fon coin.
Le titre dp rqi de Portugal, qui avoir été déféré
à Alphonfe I par fon armée, lui fut confirmé
par le pape Eugène, & enfuite par le pape
Alexandre I I I , long - temps après' que les états
de Lamego eurent reconnu Alphonfe I pour leur
roi.
Les rois d’Angleterre, devenus maîtres de l’Ir-
• Ijlhde 3 ne prirent que le titre de feigneurs de cette
Ifle : ma?s fous le règne de Henri V I I I , qui s’éJ %
toit fouftrait à l’obéiffance du faint-fiège, & vers
le- milieu I^C ^ c le x, k parlement de Dublin
déclara par un aéfce, « que déformais Henri 8c
M fes fuccefTeurs feroient appellés rois d’Irlande ,
n parce que lui & fes prédéceffeurs avoient tou-
» jours eu la jurifdiétion royale, en étoient vé-
” ritablement rois, & qu’ils dévoient en porter
« le nom ». Henri donna force de loi à ce ftatut,
en le confirmant. Il fe* qualifia depuis de roi d'Irlande
j & marie fa fille, très-attachée à la religion
catholique , prit le même titre. Le pape qui vou-
lift ménager cette princeffe, fans fe départir du
droit qu’i l prétendoit avoir d’ériger lui feul de
nouveaux royaumes, fit une érection fecrette de 1 Irlande en royaume, imitant en quelque forte le
, fenat romafh qui, pour fe conferver une ombré
de 1 autorité qu’il réclamoit exclufivement au peuple
, ratifioit d’avance tout ce qui feroît refolu
dans, les comices.
Clement V II érigea l ’état de Florence. en duché
, & Pie V en grand-duché. L’empereur Maximilien
II annulla cette dernière érection, & l'accorda
de .Ton chef & du confentement de l’Empire.
Les Deux-Siciles font un témoignage fubfîftant
encore du droit que les papes furent prendre, de
creer &: de donner des royaumes. Le comte Ro- ‘
bert obtint d’Honorius II le titre de duc de Sicile.
Peu content du titre de duc, il voulut avoir celui
de roi 5 & ce fut l’anti-pape Anaclet qui lui accorda
la qualité de roi de Sicile. Le pape Innocent
I I , qui fit la guerre au nouveau roi en lignant
,1a paix ayec lu i, Jui donna l’inveftiture , fans parler
de la’conceffion de l ’ anti-pape. « Nous vous
» confirmons , dit la bulle, le royaume de Sicile,
39 avec le duché de la Pouille & la principauté
» de Capoue, & a vos fuccefTeurs, qui nous
feront hommage-lige & nous paieront un cens
» annuel ».
Voilà des faits que l’Hiftoire nous a tranfmis.
Examinons le droit.
L ’acquifition des terres , des domaines , des
poffeffions, des droits & des titres qui y font attaches^
eft de droit humain. Le pape, en qualité
de pape, n a pas le droit de conférer des titres
aux fouverains , ni ^ d enger des. royaumes. Saint
Pierre nefongeoit fûrement pas à ériger des royaumes
j fi les papes jouiffent de cette autorité ,
ce n’efhaffurément pas en qualité de fes fuceef-
feuts. Jefus-Chrift interrogé s’il étoit roi, répondit
qu i l étoit roi , a la vérité, mais que ce royaume
n étoit pas de ce monde, Il ne refte donc qu’à exa?
miner les droits du pape comme prince temporel-^
& il ne peut avoir que ceux qui appartiennent
aux autres princes temporels dans les leurs.
Quelques auteurs allemands prétendent que le
chef du corps germanique peut feul faire des rois ,
& qu un r o i , quelque puifTant & quelque indépendant
q qil {bit} p<t pas cette prérogative. S?
fcette fécondé affertion eft vraie, à l’égard des
rois puiffans & indépendans , elle l’eft encore plus
à l’egard des empereurs d’Allemagne , qui à proprement
parler ne font point fouverains. Il faut
avouer que , dans les fiècles où les papes s’ef-
forçoient de montrer le monde chrétien comme
une feule république, dont ils étoient les chefs
fpirituels , & dont ils difoient que les empereurs
étoient les chefs temporels , des princes
qui afpiroient au titre de roi s’adreffoient aux empereurs
d’Allemagne poqr l’obtenir, & qu’alors
quelques autres puiffances chrétiennes étoient plus
difpofées à y foufcrire. Mais de ce que des princes
foibles auront cru, dans des fiècles ténébreux,
avoir befoin de l’approbation des empereurs d’A llemagne
pour prendre le titre de rois, s’enfuit-il
qu’en effet le chef du corps germanique, qui ne
conferve que le titre de fes prédéceffeurs , & qui
eft dénué de leur puiffance , ait aujourd’hui la
prérogative de créer des rois ? Il feroit bien étrange
que l’empereur pût déférer des titres de fouveraineté
hors de l’Allemagne , lui qui en Allemagne
même ne peut, de fon autorité privée, déférer
le titre dz prince, ni même celui de comte,
& qui ne fauroit donner à perfonne le droit de
fuffrage à la diète ^générale de l’Empire. Les diplômes
de princes & de comtés qu’il accorde, ne
procurent que de vains titres , dont on ne jouit
même en pays étranger que de l’aveu du fouve-
rain. Les temps d’ignorance & d’illufion font paf-
fés. Depuis plufîeurs fiècles une indépendance ab-
folue & , à certains égards, une égalité parfaite
font établies entre les princes : un écrivain qui
étoit attaché à l ’empereur Charles V I I , & qui
l ’a été enfuite à l’éleéteur de Bavière fon fils, a
fait cependant imprimer en Allemagne un ouvrage,
où il a ofé placer, parmi les droits réfervés
de l’empereur, celui de créer des rois , des ducs,
des archiducs, des princes, des comtes, des barons,
des nobles , des notaires , des tabellions, & c $
mais on voit que cet auteur fentoit combien ce
droit qu’il attribue aux empereurs eft chimérique,
Sf combien il y a de ridicule dans une énumération
qui commence par des rois , & qui finit par
des notaires & des tabellions > car il ajoute que
«« ce droit eft fu'fceptible de différentes reftric-
» tions & limitations , furtout en ge qui con-
» cerne l’article de la création des rois, lequel,
» avant que d’être mis en ufagë, demande beau-
» coup de ménagement & d’accord avec les puif»
» Tances étrangères ».
Henri II érigea en royaume le duché de Hongrie
en faveur de fon beau - frère Etienne. Il y
avoit déjà eu une autre érection faite par le pape,
ainfi que nous l’avons dit.
Boleflas I , qui fut le douzième duc de Pologne ,
profita d’un pèlerinage que l’empereur Othon III
fit à Gnefne, où repofoient les reliques de faint' 1
Adalbert. Il en reçut le titre de roi & les orne-
mens de la royauté j & depuis ce temps-là, les |
chefs de la république de Pologne ont pris le titre
de rois : peu après le pèlerinage d’üthon 111, Boleflas
I follicita & obtint encore du pape Sylveftre
II ce titre de roi. Boleflas I I , fon arrière petit-
fils , leJeur fit perdre en maffacrant, au pied des
autels, Staniflas, évêque de Cracovie. Grégoire V I I
l’excommunia & le priva de la dignité royale , &
les polonois le chaffèrent du trône & du pays.
Ses fuccefTeurs ne prirent que le titre de princes
de Pologne, foit parce que la puifTance des papes
étoit refpedtée, même dans les matières temporelles
, dans un temps où l’on n’avoit pas une jufte
idée des excommunications, foit parce qu’alors la
Pologne appartenoit à plufîeurs princes. Le titre
de royaume ne fut rendu à la Pologne, qu’au couronnement
d’Uladiflas Loklek. C e prince l’obtint
de Jean X X I I , à qui il envoya une ambaffadô
d’éclat : ce pontife étoit alors en France. Le prince
polonois aima mieux obtenir le titre de roi, du
pape que de Louis de Bavière qu’il haïffoit, &
dont il redoutoit les prétentions. Les rois de Pologne
avoient reçu d’Othon les ornemens de la
royauté 5 les empereurs d’Allemagne voulorent regarder
les princes polonois comme des efpèces de
feudataires de l’Empire j & pour lever l’interdiction
faite par un pape , il falloit que la puifTance
pontificale intervînt, fans quoi les polonois, félon
l’opinion qui étoit alors reçue, auroient cru la
royauté illégitime.
Le duché de Bohême fut décoré du titre de
royaume par l’empereur Henri IV. Uladiflasll du
nom & X X I Ie duc de Bohême, qui y donnoit
desloix alors , fut le premier roi. C e titre ceffâ à la
mort du prince qui l’avoit obtenu. Quelques-uns
des fuccefTeurs d’Uladiflas fe qualifièrent de rois 3
d’après une convention avec les empereurs d ’A llemagne,
qui lé leur permirent individuellement 5
mais Uladiflas I I , duc de Bohême, plus connu
fous le nom d’ Ottocare premier , obtînt de l’empereur
Frédéric I , furnommé Barberoujfe , la dignité
royale pour lui & pour fon duché, &-elleapaffé
à tous fes fuccefTeurs. Philippe de Suabe, ayant
réduit la Bohême en province, défendit à Pri-
miflas de prendre le titre de rai j mais, à la recommandation
d’Othon I V , compétiteur de Philippe
à l’Empire , Innocent III accorda la dignité*
royale à Primiflas.
Frédéric ^premier donna au «duc Pierre l’inveftiture
du Danemarck , & il Te couronna roi de
ce pays. Pierre fut fi ébloui delà beauté des ornemens
royaux , qu’il fe rendit par-là feudataire de
l’Empire 5 mais fes fucceffeurs/fecouèrent le joug.
Le duc d’Autriche reçut Us ornemens royaux
de Frédéric II , à la chargé de demeurer feudataire
de-l’Empire ; mais il en trahit les intérêts,
& douze ans après il fut dépouillé de la qualité
de roi.
Charles-Quint érigea le marquifat de Mantoue
en duché , en fayeur de Frédéric de Gonzague,