habitans toute Tannée, ceferoit une tyrannie que
de les obliger à perdre dans Tinaétion le temps
que la terre ne leur demàndoit pas i que le produit
de Tagriculture & de la chafle ne fournif-
fant pas à toute rétendue de leurs befoins, c’é-
toit les réduire à la misère que de les empêcher
d’y pourvoir par un nouveau genre d’induftrie j
enfin que la prohibition des manufactures ne teh-
doit qu’ à faire renchérir toutes -les denrées dans
un état naiffant, qu’ à en diminuer ou en arrêter
peut-être la vente, qu’ à en écarter tous ceux qui
pou voient fonger à^s’y aller fixer ».
« L ’évidence de ces principes étoit fans réplique.
On s’y rendit enfin après les plus grands débats.
Il fut permis aux américains de manufacturer
eux-mêmes leur habillement, mais avec des
reltriCtions qui laiffoient percer les regrets de l’ avidité
à travers les dehors de la jufticé. Toute
communication à cet égard fut févérement interdite
entre les provinces. On leur défendit, fous
les peines les plus graves, de verfer de«*Kune dans
l ’autre aucune efpèce de laine 5 foit en nature ,
foit fabriquée. Cependant quelques manufactures
de chapeaux ofèrent franchir ces barrières. Pour
arrêter ce qu’on appelloit un défordre affreux ,
le parlement eut recours à l’expédient, fi petit &
fi cruel, des réglemens. Un ouvrier ne put travailler
qu’après fept ans d’apprentifTage j un maître
ne put avoir plus de deux apprentifs à la
fois , ni employer aucun efclave dans fon’ atte-
lier ».
«« Les mines de fe r , qui femblent mettre fous
la main des hommes le fceau de leur indépendance
, furent foumifes à des reltriCtions plus révères
encore. Il ne fut permis que de le porter
en barres ou en gueufes dans la métropole. Sans
çreufets pour le tondre, fans machines pour le
tourner, fans marteaux & fans enclumes pour le
façonner, on eut encore moins la liberté de le
convertir en acier ».
« Les importations reçurent bien d’autres entraves.
Tout bâtiment étranger, à moins qu’ il ne
/ût dans un péril évident de naufrage, ou chargé
d ’or & d’argent, ne devoit pas entrer dans les
ports de l’Amérique feptentrionale. Les vaiffeaux
anglois eux-mêmes n’y étoient pas reçus, s’ils ne
venoient directement d’ un havre de la nation. Les
navires des colonies qui alloient en Europe, ne
pouvoient rapporter chez elles que des marchandifes
tirées de la métropole. On n’exceptoit de
cette profcription que les vins de Madere , des
Açores ou des Canaries, ou les Tels nécefTaires
pour les pêcheries ».
« Les exportations dévoient originairement aboutir
toutes, en Angleterre. Des confidérations puif-
fantes engagèrent le' gouvernement à fe relâcher
de cette extrême févérité. Il fut permis aux1 colons
de porter directement au lud du Cap-Finif-
tè re , des grains , des farinés, du r iz , des légu-
iHvS 9 des fruits, du- poiffo» falé f des planches
& du bois de charpente, Toutes les autres pro3
duCtions étoient réfervées pour la métropole. L ’Irlande
même, qui offroit un débouché avantageux
aux bleds', aux lins, aux douves des colonies leur
fut fermée par un aCte parlementaire ».
« Le fénat, qui repréfente la nation , vouloit
avoir le droit de diriger le commerce dans toute 1 etendue de la domination britannique, C ’eft par
cette autorité qu’il prétendoit régler les liaifons
de la métropole avec les colonies , entretenir une
communication, une réaCfcion utile tk réciproque
entre les partiés éparfes d’un, empire -imjnenfe».
« On obligea les colonies à verfer dans la métropole
toutes les productions, même celles qui
n!y dévoient pas1 être confommées î on les força
à tirer de la métropole toutes les marchandifes,
même celles qui lui venoient des; nations étrangères.
Cette impérieufe & ftérile contrainte, char-
.gçant les ventes & Içs achats des américains de
frais inutiles & perdus, arrêta néceflairement leur
activité, & diminua par conféquent leur aifance ?
& c’eft pour enrichir quelques marchands ou quelques
commiflionnaires de la métropole, qu’on fa-
crifia les droits & les intérêts dei colonies! elles
ne dévoient à l’Angleterre , pour la protection
qu’elles en retiroient, qu’une préférence de vente
& d’importation pour toutes leurs denrées qu’elle
pouvoit confommet , qu’une préférence d’achat
& d’exportation pour toutes les marchandifes qui
fortoient? de fes fabriques. Jufques-là toute fourfiif-
fion étoit reconnoiffance.j au-delà toute obligation
étoit violence ». ,
« Auffi la tyrannie enfanta-t-elle la contrebande.
La tranfgreflion efl le premier effet des loix in-
juftes. En vain on répéta cent fois aux colonies
que le commerce interlope étoit contraire au principe
fondamental de leur établiffement, à toute
raifon politique, aux vues expreffes de la loi. En
vain on établit dans les écrits publics, que le citoyen
qui payoit le droit, étoit opprimé par le
citoyen qui ne le payoit pas 5 & que le marchand
frauduleux A'oloit le marchand honnête, en le
fruftrant de fon gain légitime. En, vain on multiplia
les précautions pour prévenir ces fraudes, &
les châtimens pour les punir. Là voix de l’intérêt
, de la raifon 8e de l’équité prévalut fur les
cent bouches 8c les cent mains de l’hydre fifcal.
Les marchandifes de l’étranger, clandeftinemenr
introduites dans le nord de l’Amérique angloife,
montèrent au tiers ou plus de celles qui payoient
les droits ».
«c Une liberté indéfinie, ou feulement reftreinte .
à de juftes bprnes , auroit arrêté les liaifons prohibées
, dont on fe plaignoit fi fortement. Alors'
les colonies feroient arrivées à un état d’aifance
qui leur eût permis de fe libérèr d’une dette de
cent vingt à cent trente millions de livres qu’ elles
avoient contra&ée envers la métropole. Alors elles
en auroient tiré chaque année pour plus de qua^
rantç-cipq millions de marchandifes, fomme à la- ‘
quelle leurs demandes s’étoient élevées, aux époques
les plus profpères. Mais au lieu de voir adoucir
leur fo r t, comme elles ne ceuoient de le demander
, elles fe virent menacées d une împofi-
tion ». . .
c«. L ’Angleterre fortoit d’ une longue & fanglante
guérre ( e h 1764 ) , où fes flottes avoient arbore
le pavillon de la victoire fur toutes les mers , ^ou
une domination déjà trop vafte s’étoit accrue d un
territoire immenfe dans les deux Indes. C e t éclat
pouvoit en impofer au-déhors : mais au-dedans la.
nation étoit réduite à gémir de Tes acquittions &
de fes triomphes. Ecrafée’ fous le fardeau d^une
dette de 3,330,000,000 liv. (1 ) » qm lui coutoit
,un i intérêt de. n i , J77*49° hvlJes > elle pouvoit a
peine fuffire aux dépenfes les plus neceffaires avec
130,000,000 liv. qui lui reftoient de fon. revenu j
& ce revenu, loin de pouvoir s accroître, n a-
Voit pas une confiftance affuree y. ■ . A .
« Les terres reftoient chargées d’un impôt plus
fort qu’ il ne l’avoit jamais été dans un temps de
paix. Oh aYoit mis de nouvelles taxes fur les mai-
fons 8c fur les fenêtres. Le contrôle desaétes pe-
foit.fur tous les biens-fonds. Les vins, 1 argenterie,
-les cartes, les dés à jouer > tout ce qui etoit regarde
comme un objet de luxe.8c d amufçment, payoit
plus qu’on ne Tauroit cru poffible. Pour fe 'dédommager
du facrifice qu’il avoir fait à la con-
fervation des citoyens, en prohibant les liqueurs
fpiritueufes , le nfc s’étoit jette fur la drcche 3
fur. le cidre, fur la bière, fur toutes .les boiflons
à l’ ufage du peuple. Les ports n expedioient rien
pour lés pays étrangers , n’ en recevoient rien qui
ne fût accablé de droits à l’entrée 8c à la fortie.
Les matières premières 8c la main-d’oeuvre etoiènt
montées à un fi haut prix dans la Grande-Bretagne,
que fes négocians fé voyoient ^fupplantés
dans des contrées ou ils n’ avoient pas même éprouvé
jufqu’alors de concurrence. Les bénéfices de
fon commerce avec toutes les parties: du globe,
ne s’ élevoient pas annuellement au deflus de cinquante
dix millions ; 8c de cette balance il en falloir
tirer trente-cinq' pour les arrérages des tommes
placées par lés étrangers dans les fonds publics
». . : •>
ce Les reflorts de l’état étoient forcés. Les mufcles
du corps politique, éprouvant à la fois une ten-
fion violente, étoient en quelque manière fortis.
de leur place. C ’étoit un moment de crife. Il
falloit laiffer refpirer les peuples. On ne pouvoit
les foulager par la diminution des dépenfes. C e lles
que faifoit le gouvernement étoient nécefTaires,
foit pour mettre en valeur les conquêtes achetées
au prix de tant de fang, au prix de tant d’argent}
foit pour contenir la. maifon de Bourbon, aigrie
par les humiliations -de la dernière guerre, par
les facrîfices de la dernière paix. A u défaut ^autres
moyens pour fixer , & la fécurite du prêtent ,
& la profpérité de l’avenir , on imagina d açpel- 1er les colonies au fecours de la métropole. Cette
vue étoit fage & juite ' ; ■ . , . _
« Les membres d'une confédération doivent toMs
contribuer à fa défenîe & à fa fplendeur_, félon
l’étendue de leurs facultés, puif^uÇ ce n eii que
par la force publique que chaque clane peut c°n-
ferver l'entière- & paifible jouilfance de ce qu elle
potfède. L'indigent y a fans doute moins à_ intérêt
que le riche : mais il y a d'abord 1 interet de
fon repos, & epfuite celui de !a confervation de
la richelfe nationale, qu'il eft appelle à partager
par fon i n d u f t r i e , j . / ..
« Jamais le minifière britannique n avoit eu re-i
cours à fes colonies, fans.eg^obtenit les feçour*
qu’il follicitoit. Mais c’étoient.des dons Sç non des
taxes, puifque la conceflfion qtoit précédée de délibérations
libres Sc publiques dans les affemblees
de chaque établilfemeiit. La mere - patrie s^etoit
trouvée engagée dans des guerres difpendieufes &
cruelles. Des parlemens tumultueux & entrepre-
nans avdient trouble fa tranquillité. Elle avoit en
des adminiftïateurs audacieux & corrompus, maL-
heureufement dilpofés à élever l'autorité du trône •»
fur la ruine de tous les pouvoirs & de tous les
droits du peuple. Les révolutions s etoient fucèe-
dées 'j fans qu’on eût fongé à attaquer un ufage
affermi par. deux , fiècles d’uae heureufe expérience
. , . . .
« Les provinces du nouveau - Monde etoienc
accoutumées à regarder comme un droit cette ma-
nière de fournir leur contingent en hommes & en
arg'ent. Cette prétention eût-èlle.été douteufe ou
erronée , .la prudence n auroit pas permis de ^attaquer
trop ouvertement. L art de maintenir 1 autorité
eft un art délicat, ,qui demande plus de
circpnfpeélion qu’on ne penfe. Ceux qui gouvernent,
font trop accoutumés peut-être à méprifer
les hommes. Ils les regardent trop comme des ef-
claves courbés par la nature , tandis qu’ils ne le
font que par l'habitude ” , . ,
« Il n’ eft pas permis de contrarier fans neceffite
les opinions dominantes dans un pay s , & il n’y
en eut jamais pour.rejetter le fyfteme adopte par
L Amérique feptentrionale
- « En effet', foit que les diverfes contrées du
nouveau - Monde fuftent autorifecs 3 compte elles
le fouhaitoient-, à envoyer des repréfentans au parlement
d’Angleterre pour y délibérer avec leurs
concitoyens fur tous les befoins de 1 empire britannique
î foit qu’ elles continuaffent à examiner,
dans leur propre fein, ce qu’ il leur çonvenoit d’ accorder
de contribution, il n’ en pouvoit réfulter
aucun embarras pour le fife. Dans le premier cas,
(i) Elle a fort
milliards.
augmenté depuis ; car aujourd'hui, ( au commencement de »78« ) elle eft de près de cinq