
» la région que' vous habitez ne fut couverte
d’ïauffi fombres nuages. On vous appelle rebelles,
» parce que vous ne voulez être taxés que par
» vos repréfentans. Juftifiez cette prétention par
w votre courage , ou fcellez-en la perte de tout
». votre fang.
» Il n’eft plus temps de délibérer. Lorfque la
» main de l oppreffeur travaille fans relâche à vous
» forger des chaînes, le filence feroit un a im e ,
•» & l’inaéfcion une infamie. La cçnfervation des
» droits de la république : voilà, la loi fuprême.
w Celui-là feroit le dernier des efclaves , q u i,
» dans le péril où fe trouve la liberté de l’Amé-
» rique, ne feroit pas tous fes efforts pour la
» conferver».
«e Cette difpofition étoit commune î mais l’objet
important, la chofe difficile, au milieu d’un (
tumulte général 3'étoit d’amener un calme, à la ,
faveur duquel il fe formât un concert de volontés j
qui donnât aux réfolutions de la dignité , de la ;
force & de la confiftance. C ’eft ce concert q u i,
d’une multitude de parties éparfes & toutes faciles
à brifer , compofe un tout dont on ne vient
point à b ou t, fi l’ on ne réuffit à le divifer, ou
par la force , ou par la politique. La néceffité de
ce grand enfemble fut faifie par les provinces. de
New-Hampshire , de Maffachufet, de Rhode-
Ifland, de Conneéfcicut, de N e w -Y o r c k , de i
New-Jerfey, des trois comtés de la Delaware , ’
de Penfylvanie, de Maryland, de Virginie & des :
deux Carolines. Ces douze colonies, auxquelles
le joignit depuis la Géorgie, envoyèrent, dans
le mois de feptembre; 1774 à Philadelphie, des
députés charg.-s de défendre leurs droits &. leurs-
intérêts ». ■
« Les démêlés delà métropole avec fes colonies
prennent à cette époque une importance qu’ils
n’avoient pas eue. C e ne font plus quelques particuliers
qui oppofent une réfiftanceopiniâtre à des
maîtres impérieux j c’eft la lutte d un corps contre
un autre corps, du'congrès dë T Amérique
contre le parlement d’Angleterre, d’une nation
contre une autre nation.'. Les réfolutions prifes dé
part & d’autre échauffent de plus en plus lès ef-
prits. L ’animofité augmente. Tout eipoir de conciliation
s’évanouit. Des deux côtés , on aiguife
le glaive. La Grande-Bretagne envoie des troupes
dans le nouveau - Monde. C e t autre hémifphère
s’occupe de fa défenfe. Les citoyens y deviennent
foldats. Les matériaux de l’incendie s’amaffent ,
& bientôt va fe’ former l’embrafement ».
cc Gage r commandant des troupes royales j fait
partir de Bofton, dans la nuit du 18 avril'177 y,
un détachement chargé de détruire un magafin
d’armes & de munitions , a-ffemblé par les américains
à Concord. C e corps rencontre à Lexington
quelques milices qu’il diffipe fans beaucoup
d’efforts , continue rapidement fii marche f & exécute
les ordres dont il étoit porteur. Mais à peine
a-t-il repris le chemin de la capitale , qu’il fe voit |
affailli dans un efpace de quinze milles, par une
multitude furieufe , à laquelle il donne , de laquelle
il reçoit la mort. Le fang anglois, tant de
fois verfé en Europe par des mains angloifes ,
arrofe à fôn tour l’Amérique , & la guerre civile
ell engagée ».
« Sur le même champ de bataille font livrés, les
mois fuivans, des combats plus réguliers. Warren
devient une des viétimes de ces aétions meurtrières
& dénaturées. Le congrès honore fa cendre
1
« Les troubles qui agftoient Maffachufet, fe
répétoient dans les autres provinces. Les fcèneS
• n’y étoierit pas, à là vérité i fanglantes, parce
qu’ il n’y avoit point de troupes britanniques : mais
par-tout les américains s’emparoient des forts ,
des armes, des munitions j par-tout ils expulfoient
;leurs chefs & les autres agens du gouvernement f
: par-tout ils maltraitoient ceux des habitafts qui
paroiffoient favorables à la caufe de la métropole.
Quelques hommes entreprenans portent l’audace
jufqu’ à s’emparer des ouvrages anciennement élevés
par les françois fur le lac Champlain, entre
! la Nouvelle-Angleterre & le Canada, jufqu’ à faire
une irruption dans cette vafte région».
V Tandis que de fimples particuliers ou des dif-
: tri&s ifolés fervent fi utilement la caufe comrqu-
n e, le congrès s’occupe du foin d’affembler line
armée. Le commandement en eft donné à George
Washington , né en Virginie, & connu par quelques
aérions heureufes dans la guerre précédente.
Le nouveau général entre tout de fuite en campagne,,
pouffe de pofte en polie les troupes royales, &
les force à fe renfermer dans Bofton. Six mille de
ces vieux foldats , échappés au glaive, à-la maladie
§ à toutes les mifères , & preffés par la faim
: ou pari’ennemi, s’embarquent le 24 mars 4776
avec une précipitation qui tient de la fuite. Ils
vont chercher un afyle dans la Nouvelle-Rcoffe ,
reftée, ainfi que là Floride, fidèle à fes anciens
|.maîtres »;
• “ C e fuccès fut le premier pas de l’Amérique
angîoife vers la révolution. On commenta à la
defirer hautement. On répandit'de tous cotés, les
; principes qui ]a juftifioient ».
« Au milieu de cette agitation fi dangereufe &
fi terrible , les^fophifmes d’un rhéteur véhément,
appuyés par l’ influence du trône & par l’orgueil
national, étouffent, dans la plupart des repréfentans
du peuple anglois , le defir d’un arrangement
pacifique. Les réfolutions nouvelles reffemblent aux
rëfolutions primitives. Tout y porte même d’une
manière plus décidée l’empreinte de la férocité &
du defpotifme. On lève-des armées , on équipe
des flottes, on achète des mercénaires allemands.
Les généraux, les amiraux font voile vers le
nouveau Monde, avec des ordres, avec des projets
fanguinaires. Il n’y a qu’une foumiffion fans
réferve, qui puiffe prévenir ou arrêter les rava-
{ ges ordonnés contre les colonies. L ’ orgueil du
miniftère, du parlement & de la nation ^hgloife
ne voient dans les américains que des miierables ,
dont on viendra à bout avec quelques regimensj
& par un aveuglément qu’ il eft difficile d expliquer,
la Grande-Bretagne a conferve ces illufions
jufqu-aux derniers momens de la guerre.
« Les américains s’étoient bornes^à une relif-
tance que les loix angloifes elles-mêmes auton-
foient. On ne leur avoit vu d’autre ambition que
celle d’être maintenus dans les droits très-limites
dont ils avoient toujours joui. Les chefs meme,
auxquels on pourroit fuppofer des idées plus étendues,
n’avoient encore ofé parler à la multitude
que d’un arrangement avantageux. En allant plus
loin, ils auroient craint de perdre la confiance
des peuples attachés par habitude a un empire,
fous les ailes duquel ils avoient profpere. Le bruit
des grands préparatifs qui fe faifoient dàns 1 ancien
hémifphère, pour mettre dans les fers ou
pour incendier le nouveau, étouffa ce qui pou-
- voit relier d’affeétion pour le gouvernement primitif.
Les mercénaires allemands , achetés par
l’Angleterre, produifirent l’indignation & la colère
dans le coeur de tous les américains. Il ne s’agif-
foit plus que de donner de l’énergie aux efprits.
C e rut l’effet que produifit un ouvrage, intitule
1 Q-Sefis commun ».
C e t ouvrage qui doit être à jamais célèbre, &
qui mérite des éloges par-deflus toutes^ les oeuvres
du génie ou du patriotifme, puifqu’il a contribué
d’ une manière direéte à la plus grande révo-
lution qui foit connue dans les annales, du monde :
cet ouvrage, dis-je , affermit dans leurs principes
les efprits hardis , qui depuis long-temps deman-
doient qu’on fe détachât de la métropole. Les citoyens
timides , qui jufqu’ alors avoient-chancelé,
fe décidèrent enfin pour ce grand déchirement.
Le voeu pour l’independance eut affez de parti-
jfans , pour que le 4 juillet 1776 le congrès général
fe déterminât à là prononcer. On trouvera cet a&e
plus bas, 8e on y verra les grièfs fans nombre
que. reprochoient les colonies angloifes à la nation
britannique. Si quelques-uns de ces griefs y font
exagérés > fi on leur donne l’explication la plus
défavorable, il faut fe fouvenir qu’en pareille oc-
cafion , on parle moins au monde entier qu’ à fes
compatriotes , & que c’ eft une rufe bien per-
mife, lorfqu’il s’agit de porter une immenfe étendue
de pays & des peuples nombreux à une en-
treprife auffi audacieufe & auffi terrible.
« Les américains n’avoient pas encore créé leur
fyfteme de gouvernement lorfque, dans le mois
de mars, Hopkins enlevoit de l’ifle angîoife de
la Providence une très nombreufe artillerie & d’ abondantes
méridionale. De plus grandes fcènes fuivirent la
déclaration de l’indépendance ».
ce Howe avoit remplacé le foible Gage. C ’étoit
même le nouveau général qui avoit évacué Bofton.
Reçu le 2 avril à Hallifax , il en étoit parti le 10
juin pour fe porter fur la petite ifle des Etats. Les
forces de terre & de mer qu’il attendoit l’y joignirent
munitions de guerre ; lorfqu’au commencement
de mai, Carleton chaffoit du Canada
les provinciaux occupés à réduire Quebec , pour
achever la conquête de cette grande poffeffion ;
lorfqu’en juin Clinton & Parker étoient fi vigou-
reufement repouffés fur lés côtes de l ’Amérique
fucceflîvement > & le 28 août il débarqua
fans oppofition à l’ifle Longue , fous la protection
d’une flotte commandée par l’ amiral fon frère. Les
américains ne montrèrent guères plus de vigueur
dans l’interieur des terres que fur le rivage. Après
une médiocre réfiftance & d’affez grandes pertes ,
ils fe réfugièrent dans le continent avec une facilité
qu’un vainqueur qui auroit fu profiter de fes
avantages , ne leur auroit pas donnée ».
Les détails de la guerre ne peuvent entrer dans
cet article. Les anglois triomphoient toujours en
bataille rangée > les américains mal difeiplinés ,
mal vêtus manquèrent fouvent de cette intrépidité
qui n’abandonne jamais le combat ; mais lejjénie
de leur général, la confiance & la fermete déS
réfolutions politiques du congrès & de la nation
ont fupplée à tout ; & tandis que l’Europe trercw
bloit pour le fuccès de la caufe de la liberté, les
Etats-Unis toujours ligués, malgré leurs malheurs
& leurs défaites, rendoient fatales à l’Angleterre
les vidoires de fes guerriers.Tls n’ont porté que
deux grands coups ; mais ces deux coups ont ter-
rafle la puiffance britannique : ils ont humilié cette
nation orgueilleufe dans la partie'la plus fenfible
d’elle-même : ces miférables rebelles, dont elle
contoit fi fièrement les défaites , ont fait mettre
bas les armes à deux de fes armées. Le général
Burgoyne à Saratoga, & le général Corn Wallis à
York-Town, ont livré aux américains leurs per-
fonnes , leurs foldats & leurs drapeaux 5 un allié
puiffant & généreux a contribué fans doute à ce
dernier fuccès j mais il eft affez glorieux pour
honorer les françois & les américains.
On auroit mauvaife grâce de demander comment
l’ Amérique ne repouffa pas de fes rivages ces européens
qui lui portoient la mort ou des fers.
C e nouveau-Monde étoit défendu par des troupes
réglées, qu’on n’avoit d’abord enrôlées que
pour trois ou pour fix mois , & qui le furent dans
la fuite pour trois ans, ou même pour tout le
temps que dureroient les hoftilités. Il étoit défendu
par des citoyens qui ne fe mettoient en campagne
que lorfque leur province particulière étoit enva •
hie ou menacée. N i l’armée toujours fur pied, ni
les milices paffagérement affemblées n’aVoient l’el
prit militaire. C ’étoient des cultivateurs, des marchands,
des jurifconfultes uniquement exercés aux
arts d elà paix, & conduits au péril par des guides
auffi peu verfés que leurs fubalternes dans la
fcience très - compliquée des combats. Ils crai-
gnoient de fe meuirer contre des hommes vieillis
dans la difeipline, formés aux évolutions , inf-
truits dans la ta étique, & abondamment pourvus