
la conduite de leurs modèles. Iis ont chargé le
revenu public, d'une dépenfe fort confidérable (i)>
mais ils n'ont nullement augmenté la valeur réelle
.de leur màrchandife, & en faifant baiffer de quel-
qüe chofe la valeur réelle de l'argent, ils ont
découragé jufqu'à un certain degré l'indùftrie générale
du pays, & au lieu d'avancer ils ont retardé
plus ou moins l'amélioration de leurs terres
, qui dépend néceflairement de cette induf-
trie.
On pourroit imaginer qu'on encourageroit mieux
la production d'une denrée ou d'une marchandife,
en mettant une gratification plutôt fur la production
même que fur l'exportation. Cependant on
en a mis plus rarement Les préjugés établis par
le commerce mercantille, nous ont appris à croire
que la richeffe nationale vient plus immédiatement
de l'exportation que de la production. En
çonféquence , la première a été plus favorifée,
comme étant un moyen plus direCt d'attirer de
l'argent dans le pays. On a dit auffi que l'expérience
avoir montré que les gratifications fur la
production étoient plus fujettes à des fraudes,
que celles fur l'exportation. J'ignore à quel point
cela peut être vrai j mais on fait très-bien >es abus
qui 'ont été faits de celles fur l'exportation &
les fraudes qu'on s'eft permifes. Mais il n'eft pas de
l ’intérêt des marchands & des manufacturiers,
que le marché intérieur foit furchargé de leurs
marchapdifes, événement qui pourroit arriver, fi
la gratification étoit attachée à la production. En
l'attachant à l'exportation, on prévient efficacement
ce qu'ils regardent comme un malheur pour
eu x , parce qu'on les met dans le cas d'envoyer
le furplus hors du pays, & de vendre cher ce
qui y refte, Auffi, de tous les expédiens du
fyftême mercantille, imaginés par ces grands inventeurs
, il n'en eft point qui leur tienne plus
au coeur que celui - là, On a VU des entrepreneurs
de différentes fortes d'ouvrages, qui con-
venoient entr'eux d'accorder une gratification de
leur poche fur l'exportation d'une certaine proportion
des mafchandifes dont ils faifoient leur
Commerce > & cette manoeuvre eut un tel fuccès,
qu’elles fe vendirent plus du double dans le pays,
quoiqu'il y eût une augmentation confidérable dans
le produit. L'opération de la gratification fur les
grains auroit été miraculeufe, fi elle eût fait
baiffer au contraire le prix des grains en argent.
L Jon a cependant accordé , dans certaines o<$
calions, quelque chofe de femblable à une gratification
fur la production. L'encouragement-donné
à la pêche des harengs & de la baleine, peut être
regardé comme quelque chofe d'approchant. 11
tend directement à rendre ces marchandifes meilleur
marché dans le pays, qu'elles ne l'auroiènc
été dans l'état aCtuel de production. A d'autre9
égards, fes effets font les mêmes que ceux des
gratifications fur l'exportation : car une partie du
capital du pays eft employée à faire venir au
marché, des marchandifes dont le prix ne fait pas
rentrer la dépenfe avec les profits ordinaires des
fonds. Mais quoique les gratifications accordées à
ces pêcheries ne contribuent pas à enrichir la nation
, peut-être qu'on peut Jes juftifier par la rai-
fon qu'elles contribuent à fa défenfe en augmentant
le nombre de fes matelots & de fes vaiffeaux.
C'eft ce qu'on peut faire fouvent, par le moyen
des gratifications 3 à moins de frais qu'il n'en coû-
teroit pour entretenir une grande marine fur pied
en temps de paix, comme on entretient de grandes
armées de terre.
Le même principe peut fervîr à l'apologie de?
quelques autres gratifications. Il eft important que
l'Angleterre foit le moins poffible dans la dépendance
de fes voifins, pour les manufactures né-
ceffaires à fa défenfe ; & , fi elle ne peut les con-
ferver autrement, ilreft raifonnable de taxer toutes
les autres branches de l'indùftrie, pour fou-
tenir celles-là. Les gratifications fur l’importation
des munitions navales qui viennent de l'Amérique,
fur la toile à voiles & fur' la poudre à canon ,
qui fe fabriquent en Angleterre , peuvent être
juftifiées par ce principe., La première eft une
gratification fur la production de l'Amérique, pour
l'ufage delà Grande-Bretagne > les deux autres font
des gratifications fur l'exportation.
£ C e qu'on appelle gratification n'eft quelquefois
rien de plus qu'une reftitution de droit, & alors
elle n'eft point fujçtte aux mêmes objections que
ce qu'on appelle proprement une gratification. P ar
exemple ? là gratification fur le fucre raffiné qu'on
exporte , peut être cppfidérée comme une reftitution
des droits fur les lucres bruns mof-
couades, dont on le fait ; la gratification fur la foie
travaillée qu’on exporte, comme une reftitution
fur U foie écrue & tordue qui eft importée ;
(i) I l paroîr, parles livres de la douane d’Angleterre, que la quantité de toutes les fortes^ de grains, exportée
entre 174,1 & 1750., c’eft-àrdire en dix ans, n’alloit pasàmoins de huit millions vingt-neuf mille cent cinquante*
fix mefures de huit boifleaux. La gratification payée pour cette quantité, fe montoît à un million cinq pents
quatorze mille neuf cents foixante-deux liv. dix-fppt fols quatre deniers fterling. En conféquence , M, Pelham
, premier miniftte en 1749 > obferva cette même année à la chambre des communes, que les trois années
précédentes il avoit été payé une fomme exorbitante en gratifications pour l’exportation du bled. II
avoit bien raifon de faire cette obfervation, & l’année fuivante il en auroit eu encore davantage, puifque
les gratifications pour cette feule année montèrent à trois cents vingt-quatre mille ceqt foixante-fëize liv,
dix fols fix den. fieri. Chacun vpit combien cette exportation forcée dut faire hayftèr lé prix du blçd 4aKS
les marchés apglois f au-delà de ce qu’il auroit coûté naturellement,
Ü K Â
«elle fur la poudre à canon, cofnme une refth
tution des droits fur le foufre & le falpetre importés.
Dans-le langage des douanes, on n appelle
refiitution de droits que ce qu'on ^alloue fur
les marchandifes exportées dans la meme forme
quelles font importées. Si cette forme vient a
changer, par le moyen d'une manufacture, on les
appelle gratifications.
- Les primes accordées par le public aux artiites
& aux manufacturiers qui excellent dans leurs
ouvrages particuliers , ne prêtent pas aux memes
objections que les gratifications. En encourageant
Je génie & l'habilete , elles fervent
à nourrir l'émulation des ouvriers actuellement
employés dans les mêmes occupations , & elles
ne font pas affez confidérabies pour tourner vers
aucune d'elles une portion du capital du pays,
plus forte que celle qui s y tourne roit d elle-
même. Elles ne tendent point à renverfer.la ba-
lance naturelle des divers emplois de 1 induf-
trie, mais à rendre l’ouvrage qui fe fait dans chacun
d 'eux , auffi complet & aùffi pàrfait qu il
peut l’être. D ’ailleurs, la dépenfe des primes eft
une bagatelle, au lieu que celle des gratifications
eft confidérable. La gratification fur le grain feul
a quelquefois coûté plus de trois cents jnille liv.
fterl. par an à l’Angleterre , ainfi qu on 1 a vu plus
haut. . , .
Il ne faut pas pouffer troj> loin les principes
généraux, que nous venons d établir fur leS gratifications
: un écrivain qui veut foumettre les cir-
conftances particulières à fes règles, excite avec
taifon le fourire d'un homme d état : apres avoir
établi une théorie jufte & vraie dans prefque tous
les c a s , un bon efprit voit bien qu'il faut ad*
mettre enfuite les exceptions & les cas particuliers.
Ainfi, dans la queftion qui nous occupe, il eft.
clair qu'un miniftre qui veut établir dans fon pays
une nouvelle branche de commerce utile , à la- j
quelle les négocians ne font point difpofes, aura j
raifon de les y exciter par une gratification 5 mais
il doit calculer à quelle époque elle doit finir.
Dans un autre pays , où l'indùftrie & le commerce
ont fait peu de progrès S il eft clair qu'il fera
bon quelquefois d'exciter par des gratifications une
branche de commerce , que le cours naturel des
chofes auroit établi beaucoup plus tard. Nous
pourrions indiquer plufieurs autres exceptions :
c'eft à l'adminiftrateur & i l'homme d'état à les
faifir, fans s'embarraffer des criailleries des hommes
fyftématiques : il doit feulement fe défier de
tous ceux qui demandent de pareilles gratifications
, lorfque le pays qu'il gouverne eft riche &
peuplé, lorfque le commerce y^ eft très-aCtif :
• car fi les négocians négligent véritablement une
-branche de commerce utile, ils emploient- leurs
capitaux à d’autres objets utiles ; & pour les faire
. revenir de leurs préventions , il en coûteroit fou-
vent par les primes une fomme qui abforberoit le
-bénéfice. Voye^ l'article Im po r t a t io n ,
G R E 587
G R E CE A N C IE N N E f E T G R E CE M O DERNE.
Nous avons parié, dans des articles particuliers
j de la conftirution, des aneiennes république
de la Grèce. Voye* A thènes , Sp a r t e &
L a c éd ém o n e , T hébes , - A cheus , A m ph ic -
t r i o n s , &c. Mais nous croyons devoir faire
ici .quelques remarques générales fur le gouvernement
& la légiflation des anciens grecs.
La Grèce proprement dite ne renfermoit que
l'Etolie , la Doride, la Béotie , l’Attique Se la
Phocide. Dans la fuite, on donna ce nom à l’Epire,
au Peloponefe, à la Theffalie , & même à 'la
Macédoine, qui compofent aujourd’hui la partie
méridionale de l’Empire ottoman en Europe.
On diftingne quatre âges dans l’hiftoire de la.
Grèce :■ le premier s’étend jufqu’ au liège de Troie,
8e appartient plutôt à la, fable qu’ à l’hiftoire -,
alors commence le fécond âge qui va jufqu’au
règne d’Hidafpe ; le troifième , qui eft le bel âge
de la Grèce , fe termine à la mort d’Alexandre ;
le quatrième enfin eft la vieilleffe de ce peuple
fameux , qui paffa fous la domination des romains,
-'’ ..i ; . .■ .■ >
Que pouvoit-on attendre des premières fociéa
tés grecques qui n’ étoient que des aflociations de
brigands, dont la politique brutale rappclloit l’état
fauvage dont elles venoient de fortir. Toujours
inquiètes Si turbulentes, elles s’abandonnoient
aux impulfions fubites de leur crainte ou de leur
cupidité. Plus elles étoient voifines, plus elles
mettoient d’ acharnement à fe détruire. La plus
foible, chaffée de fes domaines , cherchoit de
nouveaux établiffemens ; & , après avoir été forcée
d'abandonner lâchement fes poffeffions, elle
avoit affez de courage pour envahir celles des autres.
C e fut ainfi que les béotiens, opprimés par.
leurs voifins, s’établirent dans la Cadmée , 8e les
héraclides dans le Peloponefe : c’étoient des flots
pondes par d’autres flots. Ils donnoient le nom
de féditiops à toutes ces guerres cruelles, parce
qu’étant tous de la même famille , ils les regar-.
doient comme des querelles domeftiques enfantées
' par des haines paffagères , & non par le defir des
conquêtes.
. Les grecs fentirent enfin la néceffité de refpec-
ter leurs alliances, qu.i feules pouvoient donner
d e là Habilité à leurs affociations, & après avoir
été foldats ils devinrent citoyens. Les engagemens
devinrent plus facrés ; & pour affermir l’union
des divers états, on.la confirma par des fermens.
La révolution qui commença d’abord par quelques
villes', eut une influence générale; un noble
enthoufiafme réveilla le fentiment de la liberté :
les peuples indépendans offrirent leur fecours à
ceux' qui voulurent s’affranchir de la tyrannie. Le
fanatifme républicain fut une paflion nationale ,
& tous fe feroient cru déshonorés, fi quelqu’un
d’entr’eux fe fût proftemé devant le feeptre des
rois. Toutes les villes entrèrent dans cette cou