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tjue ces deux extrémités fe touchent ; une expérience
de peu de jours ne peut donner qu une
inftru&ion médiocre. L ’étude, par un chemin plus
facile & plus abrégé, procuré des connoiffances
étendues ; on n’eft jamais à portée de tout v oir ,
mais la leélure peut tout enfeigner. Un miniftre,
quelque longue que foit fon adminiftration, n a
prefque jamais à traiter deux grandes affaires qui
fe reffemblent parfaitement : c’eft par la connoif-
fance des événemens qui ont précédé, qu’on doit
fë précautionner contre ceux qui peuvent fuivre.
Si l’on n’eft inftruit des principes, on fait de
fauffes démarches qu’on n’a pas toujours le temps
de réparer. N ’ eft-il pas plus fage 8c plus utile de
s’ inftruire en étudiant les fautes des autres, que
de fe former par celles qu’on ferait foi-meme dans
la pratique ?
Les dépofitaires de l’autorité 8c des fondions
des princes ne commettent tant de fautes , que
parce qu’il n’y a ni règle pofitive, ni principes
écrits qui fervent à redreffer leurs vues, ou a leur
donner celles qu’ ils doivent avoir. De-là vient qu’on
irrive fî tard bu, b u t , & que très-fouvent on le
manque^! Une fociété ne peut fubfifter long-temps
qu’avec le fecours d’une* règle d’inftitut, toujours
préfente à ceux qui la conduifent. Comment l’état
qui renferme toutes les communautés , auffi-
bien que tous les particuliers, pourrait - il s’en
pafler ? comment ceux qui fuccèdent aux places
& aux emplois, feront-ils au fait de ce que les
conjonctures changent aux principes fuivis par
leurs prédéceffeurs ? Faute_ de cette règle perma-
n'ente , une bonne idée qui n a pu^ s executer périt
avec l'inventeur ; & une infinité de mauvaifes,
adoptées par vivacité, par ignorance , Te perpétuent.
Chaque emploi demande une étude particulière;
tous les arts s'apprennent, & les plus faciles &
les moins eftimes ont.leurs principes, leur méthode
, leur temps d'apprentiflage. Celui de con-'
duire le genre humain n'auroit-il pas fes règles ?
gouvérne-t-on le monde à l'aventure ? Il eft pref-
qu'impoflible qu'un gouvernement , mène fans
principe de théorie, foit long-temps heureux.
Cicéron obferve que la perfection d'un art de
jneure toujours inconnue a ceux qui fe conduifent
par routine, & qu'une longue expérience
qui n'eft pas foirtenue pat un fond' réel de con-
noiflances, n'eft fouvent qu'une longue habitude
d’erreurs. Il faut joindre les exemples des fiè-
çles paffés à l'expérience, & la fpeculation à la
pratique.
C t n’eft qu’ en exerçant fans celle fon intelligence
, qu’on lui donne de l’ étendue. C e qu’on
apprend par l’étude ne fuffit pas, il eft vrai ,
pour former un grand homme d état ; mais on acquiert
des connoiffances abfolument néceffaires,
des principes fondamentaux , unephéorie qui ou-
içjg f'efprit, qui fait naître des idées, & qui çon-
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tribue à affurer les opérations miniftérielles. Les
connoiffances fpéculatives & les connoiffances pra- I
tiques s’entr’aident j l’exercice perfectionne ce I
qu’ infpire la méditation, 8c achève l’homme d’état I
que l’étude a commencé.
Si l’on a vu des hommes gouverner avec lue« I
cès fans le fecours de l’étude , c ’étoient des I
efprits fupérieurs , 8c il n’eft - donné qu’à des I
genies du premier ordre de tirer tout de leur I
propre fonds. Peu de gens peuvent fe flatter d'ê* I
tre nés avec cette pénétration & cette étendue I
d’ efprit qui fuppléent à l’étude, 8c quelquefois I
même à l’expérience. D ’ailleurs ces hommes I
extraordinaires ont été bien rares, 8c ils feraient!
allés plus loin, fi une bonne éducation eût aug* i
mente les avantagés qu’ils avoient reçus de la !
nature.
Tout concourt à prouver l’extrême utilité des I
difcujfions politiques, 8c des ouvrages qui traitent I
du gouvernement 8c des différentes branches de I
l’adminiftration.
Pourquoi donc chercher à décourager les
écrivains laborieux qui rendent des fervices aux
adminiftrateurs ? Ils doivent fans doute parler!
avec circonfpeélion j ils doivent éviter tout ce I
qui pourrait former des féditieux j mais on cal-1
cule bien mal fes intérêts, lorfqu’on leur inter* I
dit l’examen des abus généraux : c ’eft parles abus!
que les nations s’affoibMent, 'que l’état perd fal
cpnfiftance 8c fa gloire ; 8c il y a telle nation qui,!
dans la détreffe d’une crife défaftreufe, fe repen- [
tira un jour d’avoir étouffé les réclamations mo-|
dérées de quelques citoyens honnêtes qui voyoient I
les maux de l’eta t, 8c qui en indiquoient les re-l
mèdes.
Ces miniftres qui affeélent de déprifer les I
hommes qui écrivent fur la politique 8c l’admi*
niftration, favent-;ils que la lifte des miniftres
qui ont laiffé des ouvrages fur les mêmes ma-
tières, eft bien nombreufe ? nous allons en cm
ter pîufieurs 8c venger du moins, par de nobles
exemples, le diferédit qu’on voudrait jetter fur
les travaux les plus utiles de l’efprit humain.
I . P O L Y B E.
Polybe gouverna la république des achéens,
qui lui érigèrent une ftatue avec cette infeription :
a la mémoire de Polybe dont les confeils auroient
fauve l'Acha'ie 3 s'ils avoient été fuivis , & qui lu
confola dans fes malheurs. C e qui nous refte de
fon hiftoire, renferme d’excellentes maximes fut
l’ art de gouverner.
i f C i c é r o n .
Cicéron raffembla au fouverain degré les talens
qui diftinguent l’homme d’état, le philofophe &
j l’homme de lettres. Il eut des gouvernemens de
proyinces j des coromandemens d'armées, des coa*
D I S D I S i n
Eiilats : a apprit à la philofophie à parler la langue
(romaine : il porta l’ eloquence a fa perfection. C e
génie, auffi grand que la république qu il gouverna,
compofa trais ouvrages fur l adminiftration
• & la politique. I. Ses livres de la République,
dont il ne nous refte que des fragmens. Loin de
vouloir changer la conftitution de 1 ancienne république
romaine, il n’avoit d’autre but que de
ifréformer les abus de la nouvelle qui etoit alors
icorrompue, 8c il fe propofa feulement de .perfectionner
l’ancienne. 2. Le Traité des lo ix , dont
hous n’ avons que les trois premiers livres , qui
înême font imparfaits. Dans le premier , Cicéron
traite de l’origine de la loi, 8c développe ra fource
de tout ce qu’on appelle devoir. Il la tire de la
nature univerfelle des chofes i ou , comme il
l’explique enfuite, de la raifon confommee 8c de
Pàutorité fuprême dé Dieu. Dans les deux livres
fùivans, il donne un corps de loix, qui s accorde
avec le plan d’une ville bien ordonnée, qu il avoit
Expliqué dans fon Traité de la république. Il met
au premier rang celles qui appartiennent à la religion
8c au'culte des dieux. Les autres regardent
l’autorité 8c les devoirs des magiftrats. Il tire trafique
toujours fes principes de la conftitution 8c des
ufages de l’ancienne Rome L il expofe quelques
®ues par lefquelles il croyoit pouvoir remédier au
défordre qui s’étoit gliffé dans le gouvernement
de fa patrie’, 8c donner à fa république uffe pente
plus fenfible vers l’ariftocratie. Dans les livres qui
fe font perdus, il trairait des droits 8c des privilèges
particuliers du peuple romain. 3. Les Offices
.§H>ù Cicéron traite des devoirs de l’homme , 8c
donne des leçons d**une morale fi complette 8c fî
pure, qu’il n’y a que celle du chriftianifme qui
| lui foit fupérieure.
3- T a c i t e .
". Tacite parvint aux charges les plus confidéra-
bles , 8c îe mêla long-temps de l’adminiftration
de l’Empire romain, fous les règnes de Vefpa-
fien 3 de Titus , de Domitien 8c de Nerva , qui
l’honorèrent de leur eftime. Il fut préteur fous
^Domitien, 8c conful fous Nerva. Les ouvrages
«qui nous relient de lui, offrent les leçons les plus
Utiles aux rois 8c aux miniftres, 8c. fon nom réveille
tout-à-la-fois l’idée d’ un grand politique, 8c
Jcelle du plus grand des hiftoriens. '
4 - M A I S I E R E S.
i Philippe de Mailières fut chancelier des royau-
,<mes de Jérufalem 8c de Chypre pour le roi
Pierre I , atnbafladeur de Pierre II à la cour du
£pape Grégoire I I , miniûre d’état du rai de France
i, Charles V , 8c gouverneur du dauphin qüi fut depuis
Charles V I , roi de ^ France. On lui attribue
le Songe du Vergier, où l’on difeute le différend
■ des deux puiffances 8c des ufurpatiqns que. les
juges féculiers 8c les juges eccléfiaftiques fe reprochoient
réciproquement. Mais il eft plus fûrement
auteur d’un autre Songe, intitulé U Songe du vieil
pellerin 3 relié en manuferit dans la bibliothèque
des Céleftins de Paris , chez qui Mailières fe retira
8c mourut. Il compofa cet ouvrage pour l’inf-
truélion de Charles V I , 8c il eut pour but la
réforme de tous les ordres de l’état, l’abréviation
de la procédure , 8c la correction des abus de
ia difeipline militaire.
y. S E y s s E L.
Claude de SeyfTel, archevêque de T u r in , 8c
pîufieurs fois ambaffadeur du roi de France Louis
XIII à la cour de Rome , a fait la grande Monarchie
de France 8c la Loi falique des françois 3 deux
imprimés pîufieurs fois â Paris dans le fei-
zième ficelé.
6. M o R u s.
Thomas Morus fut fuccefiivement avocat, shé-
riff de Londres, maître des requêtes, chevalier-
tréforier de l’Echiquier, chancelier du duché de
Lancaftre, miniftre à Bruxelles , plénipotentiaire
à Cambrai , ambaffadeur en France 8c à la cour
de Vienne, enfin grand chancelier d’Angleterre ,
puis décapité à Londres fous Henri V I I I , parce
qu’ il, ne vouloit pas prêter le ferment de fupré-
matie. Le plus connu de fes ouvrages eft Y Utopie,
roman politique très-célèbre, dont nous parlerons
j ailleurs. Voye£ Utopie.
7. W a l s i n g h a m .
François Walfingham, que la reine Elifabeth fit-
deux fois fon ambaffadeur en France, a publié
fes Mémoires, 8c il n’y parle guères que de fes
| négociations.
8. G U I C H A R D I N.
François Guichardin, auffi grand homme d’ état
que célèbre hjftorien , a rempli fon Hifioire d’I talie
d’une multitude de règles 8c de maximes politiques
, qu’on a jugées fi bonnes 8c fi utiles ,
qu’ on les z extraites, raffemblées 8c imprimées
pîufieurs fois en Italie , en latin 8c ea françois.
9. C O N T A R I N I.
Gafpard Contarini, vénitien, cardinal, célèbre
par pîufieurs ambaffades 8c légations qui lui firent
un grand nom, a compofé deux livres intitulés :
l’un , de Potejlate papa j l’autre , de Republica ve-
netorum libri quinque. Synopfs reipublics, Venetie.3 &
alii de eâdem difeurfus politici. Il ne faut pas croire
que Contarini développe, dans ce dernier ouvrage
, les myftères du gouvernement de la répu ■
] blique de Venife. Il en étoit bien capable 5 mais