
Avec ces fonds , toujours en a&ivitë, les aiïo-
ciés expédièrent, durant les quarante années de
leur oétroi, cent huit bâtimens, La charge de ces '
navires monta en argent à .-87*333,637 liv. & en
marchandifes à 10,580,094 livres, ce qui faifoit
en tout 97,913,731 Üv. Leurs retours furent vendus
188,939-,673 liv. Le Danemarck n'en confom-
ma que pour 35,450,262 livres. Il en fut donc
exporté pour 153,489,411 liv. ~Qu*on fafle une
nouvelle divifion , & il fe trouvera que les ventes
annuelles fe font élevées à la fommede 4,723,4911.
que le pays n'en a confommé tous ies ans que
pour 886,250 livres ^ & que les étrangers en ont
enlevé pour 3,837,235 liv.
Les répartitions furent très-irrégulières, tout le
temps que dura le privilège. Elles àuroient été '
plus confidérables , fi une partie des bénéfices
n'eût été mife régulièrement en augmentation de
commerce. Par cette conduite fage 8c réfléchie ,
les heureux affociés réuflirent à tripler leurs capitaux.
Ces fonds àuroient encore grofli de deux
millions, fi le miniftère n'eût engagé , en 1754 ,
la direction à ériger une ftatue au roi Frédéric
V .
Lôrfque le privilège de la compagnie expira le
12 avril 1772, il lui fut accorde un nouvel octroi,
mais pour vingt ans feulement. On mit même
quelques reftriétibns aux faveurs dont elle avoit
joui.
A l'exception du commerce de la Chine, qui
refte toujou* exclufif, les mers des Indes font
ouvertes à tous les citoyens, & à l'étranger qui
voudra s'intérefifer dans leurs entreprifes. Mais ,
pour jouir de cette liberté , il faut n'employer
que des navires conftruits dans quelqu'un des ports
du royaume > embarquer dans chaque vailfeau pour
13,500 liv. au moins de marchandifes de manufactures
nationales; payer à la compagnie 67 liv.
10 fols par la ft, ou deux pour cent de la valeur
de la cargaifon au départ, 8c huit pour cent au
retour. Les particuliers peuvent également négocier
d'Inde en Inde, moyennant un droit d'entrée
de quatre pour cent pour les productions d 'A fie ,
éc de deux pour cent pour celles d'Europe, dans
tous les établiffemens danois. Si , comme on n'en
fauroit douter , la cour de Copenhague n'a fait
ces arrangemens que pour donner hri vie à fes
comptoirs, l'expérience a dû convaincre qu'elle a
été trompée.
La compagnie étoit autrefois exempte des droits
établis fur ce qui fert à la conftruCtion, à l'appro-
vifionnement des vaifîeaux. On l'a privée d'une
franchife qui entraînoit trop d'inconvéniens. Elle
reçoit, en dédommagement, 67 liv. 10 fols par
la ft, & 13 liv. 10 f. pour chacune des perfonnes
qui forment l'équipage de fes bâtimens. On l'oblige
, d'un autre côté , à exporter fur chacun
de'fes navires, expédiés pour l'Inde, 13:,50.0 liv.
de marchandifes fabriquées dans le royaume, 8c
18,000 liv. fur chacun des navires deftinés pour
la Chine.
Les droits , anciennement différens pour les
productions de l'Afiê' qui fe confommoient en Dcinéma,
ck , ou qui paflaient à l'étranger, font actuellement
les memes. Tou tes , fans égard pour
leur deftination, doivent deux pour cent. Le gouvernement
a voulu aufli refter l'arbitre des frais
de douane que les foieries & les cafés, deftinés
pour l'état, feroient obligés de fupporter. Cette
réferve a pour but l'intérêt des ifles de l'Amérique
& des manufactures nationales.
Le roi a renoncé à l'ufage où il étoit de placer
tous les ans, dans le commerce delà compagnie*
la fomme d'environ cent mille liv- dont il lui re-
venoit communément un profit de vingt pour cent.
Pour le dédommager de ce facrifice, il feraverfé
dans fa caifife particulière 22,500 liv. lorfque ce
corps n'expédiera qu'un vailfeau ; 36,000 livres
lorsqu'il en fera partir deux, & 45,000 livres
lorfqu’il y en aura trois , ou un plus grand
nombre.
Sous l'ancien régime, il fuffifoit d'être propriétaire
d'une aCtion, pour avoir droit de fufrrage
dans les affemblées générales. Pour trois aérions,
on avoit deux voix ; trois pour cinq, & ainfi dans
la même proportion jufqu'à douze voix, nombre
qu'on ne pouvoit jamais palfer , quel que fût l'intérêt
qu'on eût dans les fonds de la compagnie :
mais il étoit perfiiis de voter pour les abfens ou
les étrangers, pourvu qu’on portât leur procuration.
Il arriva de-là qu'un petit nombre d e n é -
gocians^, domiciliés à Copenhague, fe rendoient
les maîtres de toutes les délibérations. On a remédié
à ce défordre, en réduifant à trois le nombre
des voix qu'on pourroit avoir , foit pour foi-
même , foit par commilïion.
Telles font les vues nouvelles qui diftinguentle
nouvel oCtroi de ceux qui l'avoient précédé.
L'exemple du miniftère a influé fur la conduite
des intereifés, qui ont fait aufli quelques chan-
gemens remarquables dans leur adminiftration.
La diftinéripn du fonds confiant 8c du fonds
roulant réduifoit la compagnie à un état précaire*
puifqu'on étoit libre de retirer, après chaque voyage
, le dernier qui fervoit de bafe aux opérations.
Pour donner au corps une meilleure conftitution *
ces deux intérêts ont été confondus. Déformais
les actionnaires ne pourront, jufqu'à la fin de
l'oCtroi, revendiquer aucune portion de leur capital.
Ceux d'entr'eux q u i, pour quelque raifon
que ce puifle être , voudront diminuer leurs rif-
ques, feront réduits à vendre leurs aérions *
comme cela fe pratique par-tout ailleurs.
A l'expiration du dernier o é t r o i la compagnie
avoit un fonds de 11,906,059 livres, partagé en
feize cens aérions d'environ 7,425 liv. chacune.
Le prix de l'aétion étoit évidemment trop fort;
dans une région où l«s fortunes font fi bornées.
On a remédié à cet inconvénient* en diyifant
une aCtion en trois ; de forte qu-'il y en a maintenant
quatre mille huit cens, dont le prix , pour
plus de fûreté, n'a été porté fur les livres^ qu a
2,250 liv. C e changement en doit rendre l'achat
& la vente plus faciles * en augmenter la circulation
& la valeur. ■ : - . '
Le projet d'élever les établiffemens danois dans
l ’Inde, à plus de profpérité qu'ils n'en^ avoient
e u , a occupé enfuite les efprits. Pour réuflir, il
a été réglé qu'on y laifferoit copltamment deux
millions 250,00© livres, en y comprenant leur
valeur eftimée 900,000 liv. Les bénéfices qu'on
pourra faire avec ces fonds, pendant dix ans ,
relieront en augmentation de capital, fans qu on
puiffe en faire des répartitions.
Jufqu'à ces derniers temps, les navires expédiés
d'Europe pouç la Chine, portaient toujours
les fadeurs chargés de former leur cargaifon. On
a judicieufement penfé que des agens,' établis
chez cette nation célèbre, en faifiroient mieux
l'efprit , 8c feroient les ventes & les achats
avec plus de facilité & defuccès. Dans cette vue,
quatre fadeurs ont été fixés jj à Canton , pour y
conduire les intérêts du corps qui les a choifis.
Les danois avoient autrefois formé un petit éta-
bliffement aux ifles de Nicobar. Il ne coûtoit pas
beaucoup, mais il ne rendoit rien. Son inutilité
l'a fait fagement proferire.
La compagnie avoit contradé l'habitude d'accorder
, fur hypothèque, aux acheteurs un crédit
de plusieurs années. Cette facilité l'obligeoit elle-
même d'emprunter fouvent des fommes^ confidé-
rables à Amfterdam ou à Copenhague. On s'eH
vivement élevé contre une pratique inconnue aux
nations rivales. Il eût été peut-être dangereux d'y
renoncer entièrement ; mais on l'a renfermée dans
des bornes affez étroites pour prévenir toute défiance.
A ces principes de commerce, fort fupérieurs
à ceux qui étoient fuivis , la compagnie a ajouté
les avantages d'une direction mieux ordonnée ,
plus éclairée & mieux furveillée.
Auffi une confiance univerfelle a-t-elle été le
fruit de ces fages combinaifons. Quoique le dividende
n'ait été que de 8 pour cent en 1773 , &
de dix pour cent en 1774 & en 1775 , on a vu les
adions s'élever à vingt-cinq & trente pour cent
de bénéfice. Leur prix auroit vraifemblablement
augmenté encore , fi la paix intérieure de la fo-
eiété n'avoit é té , depuis peu , fi fcandaleufement
troublée.
L'ancienne compagnie bornoit prefque fes opérations
au commerce de la Chine. De tous ceux
dont elle avoit le choix , c'étoit celui où il y avoit
le moins de rifques. à courir, & plus de oénéfi-
ces à efpérer. Sans abandonner cette fourcé de
richefîes, oneft entré dans quelques-autres, longtemps
négligées.
Le MdMbar, il eft vrai, a peu fixé l'attention.
Autrefois om ne. tir oit annuellement des lpges
de Colefchey 8c de Calicut qu'une foixàntaine
de milliers de poivre. Ces achats n'ont guères
augmenté mais on a eu raifon d:'efpérer que les
affaires prendi-oient plus de confiftance dans le
: Bengale.
A peine les danois avoient paru aux Indes ,
qu'ils s'étoient placés à Cbiuchurat, fur les bords
du Gange. Leurs malheurs les écartèrent de cette
opulente région pendant près d'un fiècle. Ils s'y
montrèrent de nouveau en 1755 , & voulurent
occuper Bankibazar , qui avoit appartenu à la
compagnie d'Ollende. La jaloufie du commerce >,
qui eft devenue la paflion dominante de notre fièc
le , renverfa leurs vues, 8c ils fe virent réduits
à fonder Frédéric - Nagor dans le voifinage. C e
comptoir coûta tous les ans 22,500 liv. plus que
fon territoire 8c fes douanes ne rendirent. Cette,
dépenfe, quoique foible , étoit plus confidérable
que les opérations ne le comportoient. L'attention
qu'on eu t, après le renouvellement du privilège ,
d'envoyer de l'argent à cet établiflement trop
néglige, lui donna un commencement de vie 5
mais il rentra bientôt dans le néant. Son malheur
eft venu d'avoir été mis dans une dépendance ab-
folue de Tranquebar.
On a dit , en 178 4 , que les danois venoient
de former un nouvel établiflement fur la rive orientale
du Molveira, l'une des branches du Gange *
qu'ils ont obtenu pour cet effet une permiffion
’ du grand-mogol, auquel le roi de Danemarck avoit
envoyé un ambaffadeur j que le nouveau fort bâti
par eux s'appelle Frédéricksbourg $ qu'il eft peuplé
par des colons envoyés d'Elfeneur 8c du Holf-
tein ; qu'on a formé la garnifon de quelques troupes
tirées de Tranquebar fur la cote de Coromandel
; que ce nouvel établiflement eft à 200
rfiilles «de Calcutta.
Tranquebar poffède un excellent territoire qui *
quoique de deux lieues de circonférence feulement
, avoit autrefois une population de trente
mille âmes. Dix mille habitoient la ville même.
On en voyoit un peu plus dans une grande aidée,
remplie de manuraétures grofîières. Le refte tra-
vailfoit utilement dans quelques autres lieux moins
confidérables. Trois cens ouvriers , faéleurs, marchands
ou foldats, c'étoit tout ce qu'il y avoit
d'européens dans l'établifîement. Son revenu étoit
d'environ icojooo livres, & ce revenu fuffifoit à
toutes fes dépenfes.
Avec le temps, le détordre fe mit dans la colonie
: elle rendit moins , & coûta le double. Les
entrepreneurs s'éloignèrent, les fabriques languirent
, les achats diminuèrent , & l'on ^n'obtint
qu'un bénéfice très-borné fur ceux qu'on ordon-
noit dé loin; en loin. Dans l'impuiflance où l'on
étoit de faire des avances aux atteliers , il fallut
payer les marchandifes vingt-cinq & trente pour
cent plus cher, que fi l'on fe fût conformé aux
ufages reçus dans ces contrées.
Depuis 17 7 2 , Tranquebar a changé de face*