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ment où les autres puiffances l'imrteroîents qu’ on
parle en vain du progrès des lumières & des
bons principes ; qu’il faut avoir une foi bien ro-
b u ile , pour imaginer qu’ un jour on verra cet
heuceux accord d,es gouvernemens fur la liberté
abfolue du commerce , & qu’une fi belle théorie
péchera toujours par l'impoflibilité de fes fup-
pofitions»
F O R C E , M A ISO N DE FO R C E ..Voyj f;l’article
D épôt de mendicité.
FO R C ES D ’U N É T A T : nous entendons ici
par forces d un état le degré d’énergie & de
vigueur, & les moyens de puiflance qu’il peut
développer. Nous parlerons des forces morales,
des forces phyfiques & des forces particulières
qui réfultent de. la capacité des hommes employés
dans le miniftère public.
D e s forces morales d’un état. La puiflance eil
nécefîaire à la félicité, ainfi qu’à la grandeur des
corps politiques i & celle de chaque état .d o it.
etre confidérée non-feulement en f o i , mais relativement
à celle des états voifîns ; car la grandeur
d’un prince diminue celle de fesvoifins;
fa force fait leur foiblefîe la puiflance réelle
ou relative ne peut être appuyée que fur l’un
de ces trois fondemens, l’amour , la crainte,
la réputation.
L ’amour qu’ on a pour le fouverain , porte des
peuples à l'obéiffance ; ( nous l'avons dit en parlant
de l ’amour de la patrie & de l'amour, du bien
public , bec. ) C ’eft une forte barrière contre
l'ennemi ; & pour être aimé, il faut-régner aÿec
juflice & avec indulgence. :
La majefté delRtuée de forces, n’eft pas ref-
peQée. ^ Si l’on bannit du monde la crainte ,
” dit llorateur romain , on ôtera en même-tems
?= tout attachement à obfer-ver les devoirs d e là
” vie. Ceux qui craignent les lq ix , les magif-
" trats, la pauvreté L l’ignominie, la mort & la
" douleur, font par-là trèsrportés à s’acquitter
de ces devoirs.
Un prince ne peut néanmoins.regarder fon gouvernement
comme-ftable , fi fa puiflance n’eft
fondée que fur la crainte ; car toutes, .les fois
que la crainte n'agira.point, , ou qu’on pourra la
furmonter, fi l’on n'aime le prince, fi l ’on n’ei-
time fa vertu , on cherchera a ébranler une puif-
fance qui , au lieu d’infpirer par les loix une
crainte raifonnable, e x c ite j’averfion publique.
Il faut donc que l’amour . Sc la crainte concourent
à- établir la puiflance; & , quoique ces
deux fentimens paroiffent incompatibles , il n’eft
pas plus difficile à' un prince d’en remplir l’ame
de fes fujets,1 qu’à un père de les infpirer à fes
enfans, à un maître de les faire agir fur fes dif-
ciples.
La bafe la plus ferme de la puiflance eft la
réputation de celui qui gouverne avec juftice,
au gré de fes fujets & à celui des étrangers. Ti-
Jferp difoit que les particuliers dévoient fonger
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à leurs intérêts , &: les princes à leur renommée j
fi nous citons le mot d'un tyran , c'eft parce
qu'il eil profond 3. du moins en ce qui regarde
les princes. La réputation leur eil en effet d'autant
plus nécefîaire, que celui dont on a bonne
opinion , fait plus avec fon nom , que d'autres
avec des armées. .
Dans tous les fiècles & dans tous les états
les princes de grande réputation ont été plus
heureux que ceux qui les ont furpaflés en for*
ces 3 «n richeffes 3 & en toute autre efpèce de
puiflance.
Si les fouverains qui donnent atteinte à leur
honneur| pour fe procurer un avantage momentané
3 croient gagner quelque ch o fe , ils fe trompent.
Ils doivent plutôt hafarder leur fortune ÿ
que de nuire à leur .réputation. . L'état qui néglige
la fienne 3 quelque profpérité paffagère qu'il
fe procure 3 fe creufe un précipice & court à
fa décadence ; femblable à ces terrains qui vpa-
roiffént fermes & immobiles , mais dont un travail
fecret mine peu à peu les fondemens. T ou t
ell uni, rien ne paroît affoibli, rien ne s'ébranle
j . mais peu à peu les foutiens fe détruifent,
& alors le terrain s'abaifle & ouvre un abîme.
Les difficultés s'applaniflent devant un prince
d'une grande renommée, mais le premier affoi-
bliflement qu'éprouve la réputation d'uri fouverain
, quelque léger que foie cet affoibliffement,
a des fuites très-fâcheufes.
Sans doute , on n'ell'point févere fur la morale
des princes j on eft; indulgent par-tout fur
leurs fautes, & la politique & l’ufage -tolèrent
dé grandes vexations & de grands abus ^ nous
ne, parlons-donc, ici que de ces attentats contre
la. foi publique- & la-liberté’civile , ou de ces
excès d'immotalité politique , qui foulèVent des
hommes les plus indulgens , - & qui remplrffent
d'indignation les peuples étrangers. Il n'ell pas
aifé de dire, en quoi confillent- précifément de
pareils attentats. : les circonflances le$-*rendent
plus ou moins graves ; & tel prince a perdu fa
glqire, 8c s'elLôté la force d'une bonne réputation
, tandis que. d'autres plus coupables','mais
plus adroits, n'ont rien perdu de leur réputation ,
ni de leur confiftanee.
Voyez ce qui fe paffa lorfque les Pays-Bas fe
révoltèrent contre Philippe I I , & que ce prince
perdit fept de fes provinces ; la conjoncture de
la nouvelle re lig io n l'e fp r it indocile des peuples
, la fermeté outrée -au duc d’Albe furent,
fi l'on v e u t , la caufe de la révolte , & le roi
d’Efpagne n'y eut-point dé part. Il paroît qu'on
ifut pu diffiper la révolte par la force des armes;
mais il falloit pour cela payer les troupes, & le
roi n'avoit point d'argent ; ,il falloit emprunter ,
& l'on ne trouva point de prêteurs. Pourquoi ?
parce que Philippe II avoit manqué de payer fes
créanciers; fon crédit étoit perdu. La chofe parut
alors peu- importante; mais le défaut de
çrédit
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crédit cairfa dans la fuite la perte des'armées & J
des provinces. d'Efpagne. C et Empire, avec tout i
l'orgueil de fa puiflance, étoit réellement foi- [
b le , & ces miférables révoltés, dont on parlait - j
avec tant de mépris > avoient.des forces ; l'Efpa- 1
gne devoit fuccomber , & elle fuccomba en
effet. , . 1
Dans le commerce , il vaut mieux n avoir que «
cent mille livres de capitaux , & être ellimé ri- «
che d'un million , que d’avoir un million &*man- i
quetde crédit. C e que le crédit'ell au négo- 1
ciant, la réputation l'ell au fouverain. Les bour-
fes des fujets font un tréfor limité qui n'offre
bientôt plus de reflburces : nous l'avons vu en
France, dans le cours de la guerre qui termina
le traité d'Utrecht : une réflexion très - fimple
montrera toute l'utilité des forces morales d'un
état : le fouverain même , dfîis les démocraties,
manqueroit de puiflance pour dominer les individus
, fi fon autorité n’-avoit pour bafe l'opinion
; c'eft l'opinion ; c'-ell cette confiance or-
dinairement aveugle, fouvent mal éclairée &
toujours vague & -indéfinie , qui contient avec fi
peu de chofe les moyens fi puiflans des individus
; elle produit des effets bien plus extraordinaires
dans l'arillocratie & la monarchie ; là quelques
nobles & un feul prince tiennent fous le
joug des millions de citoyens : ils font dénués
de forces phyfiques ; Bc fi l'opinion qui fait la
force -morale, vient à changer , ils fe 'trouvent
dans le dénuement & l'abandon, où les a mis
la nature.
Des forces phyfiques de l'état, o* des rapports
0u intérêts politiques qui en réfultent.
Il y a des forces purement défenfives & des
forces aôlives ; il faut s'occuper des unes & des
autres avec une égale attention, parce qu'on
n'attaque pas toujours > & que le moindre événement
malheureux p eu t, comme nous l'apprend
le commentaire du chevalier Follard fur Polybe,
convertir la guerre offenfive en guerre défen-
five, : t ^ ^ t i
Les revenus ordinaires font en rapport de l'étendue
, de l'abondance naturelle, & de l'ai-
fance de chaque état ; & c'eft cette même ai-
fance plus ou moins grande, qui eft la mefure
des reffources extraordinaires.
Le calcul exaél des revenus ordinaires ne
fuffit pas pour établir la proportion jufte , & la
balance entre les engagemens & les forces réelles;
car il faut être en état de pourvoir aux cas extraordinaires
; & , s'il n'y a pas un fonds aifé &
abondant de reffources extraordinaires, les moyens
forcés de fe les procurer nuifent fouvent à
la perception des revenus courans. Si les fubfi-
des extraordinaires fe prennent dans les mêmes
bourfes qui donnent les revenus ordinaires, les
uns ou les autres -deviennent d'une perception
difficile. Comme c'eft le peuple qui fournit la
plus forte portion des revenus ordinaires , il fe-
(Eicon, polit, & diplomatique. Tome IJ.
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toit à fouhaiter, pour ne caufer aucun embarras
, que les reflburces extraordinaires puflent être
prifes fur les gens aifés , fans quoi l'on pourroit
fe trouver tout d'un coup au-deffous de la balance
fur laquelle on avoit compté.
Voilà pourquoi les longues guerres, même
heureufes, font toujours à charge , & qu'elles
deviennent ruineufes, parce qu’alors on eft rér
duit à faire aufli tomber les charges extraordinaires
fur ce même peuple déjà fatigué. Quelle
étendue de pays n’a pas ruiné & épuifé la fa-
meufe guerre de trente ans , terminée par la paix
de Weftphalie 1 Les princes qui y gagnèrent le
plus, s'ils avoient bien compté avec eux -mê- •
mes , n'auroient pas trouvé de proportion entre
les bénéfices & les pertes.
Ces reflburces ménagées d'avance font d'autant
plus néceffaires, qu'il eft utile de porter
hors de chez foi le théâtre de la guerre, &
que la vingtième partie des fommes qu'on y
dépenfe, ne revient pas dans le pays ; car il
eft peu de contrées qui s'enrichifîent à être le
théâtre de la guerre : il n'y a que celles dont le
fol eft extrêmement fertile, & où il ne manque
; que de l'argent. ' a~
II eft nécefîaire de bien connoître fes forces
phyfiques , afin de voir jufqu'où l'on peut s'engager.
11 ell confiant qu'à fuccès pareils , la balance
fera pour l'état qui en aura le plus, parce
qu'il eft plus long - tems en état de tenter les
coups de fortune , & que, comme le phénix,
il femble renaître de fes propres cendres ; mais
quoique les états, ainfi que les hommes, aient
des tempéramens plus robuftes les uns que les
autres, il faut craindre d'abufer des meilleurs.
C 'e ll pour cela que les guerres générales font
fort à redouter. C 'e ft fur l'état des revenus &
l'abondance de la population, qu'on doit calculer
le nombre de troupes que l'on peut entretenir
ordinairement, ou qu'on fe met dans le cas de
lever. C e dernier article eft bien le plus eflen-
tiel ; car fi l'on excède les proportions , foit des
revenus , foit de la population , on tombe bientôt
dans l'épuifement.
S'il eft néceflairede dépeupler les campagnes pour
former des armées, les terres deviendront incultes,
les produits du fol diminueront, & parconféquent
les revenus, du prince ou de l'é ta t , car c'eft une
feule & même chofe. Dans les machines, donc
tous les refforts ordinaires font fort multipliés,
il eft impoflible que quelqu'un foit forcé , fans
que tous les autres en fouffrent. On n'ell pas
fort avec des hommes fans argent, ou avec de
l'argent - fans hommes.
La population eft donc à compter pour beaucoup
, quand il s'agit de prendre des engagemens
qui peuvent occafionner une grande perte d'hommes
; ou bien il faut avoir recours à des troupes
étrangères, qui font toujours plus couteufes &
I mê«ie plus embarraflbntes. D'ailleurs il ell peu
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