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.eft pas avantageufe, ne peut-on pas craindre quils
ne veuillent plus refter réunis ? & le public , dès-
lors , n’eft plus qu’ un effain difperfe. Lorsqu’on
prête au public * c’ eft que Ton compte fur fa
permanence. Le forcer à payer , devient prefque
impoifible j car s’ il demeure, public, c’ eft-à-dire,
fociété, il eft plus fort que tout membre quelconque
y & s’il ceffe d’être public, on n’a.plqs de
partie contre laquelle on puiflè répéter fa créance.
Dire que les emprunts fe font au nom du public,
qu’ils fe font fous fa fauve-garde , fous fa caution,
c ’eft ne rien dire j car il faut être deux pour un
emprunt, un prêteur & un emprunteur. .
Autrefois, les princes avides taxoient les fortunes
odieufes & choquantes. En divers pays, on
taxe encore le pauvre pour l’impôt , à défaut de
tarif régulier & raifonnable j' mais tout cela eft
oppreffion , & l’oppreffion n’a ni force réelle , ni
durée,
C ’ eft prefque toujours en abjurant I’oppreffionen
apparence & en prenant l’air & la contenance de
la bonne-foi, qu’on s’eft oûvert la reffource des
emprunts > dangereux, s’ils font faciles, parce que
tout ce qui donne à l’ homme.trop de facilités, le
livre à la difliparion ; ruineux, quand ils deviennent
difficiles, en ce que, dès-lors, la foi publique fù-
bit le joug de l’ ufure.
Quoique les vertus feules doivent unir les hommes
, c’eft d’ordinaire l’intérêt qui les lie. L’ ufure
fait: plus de marchés que la bonne-foi.
• Cependant, fi l’ufurier femblé donner la lo i, la
fraude lui tend auflLdés pièges qu’il n’évite pas
toujours.
A confîdérer, par l’ extérieur feulement^ la conduite
des hommes, ôn voit,que chacun jouit avec
confiance d’une apparente fécurité. Heureux aïi
fond, ceux qui n’ont pas lieu de s’appercevoir que
c ’eft une erreur de leur part ! & ce n’eft pas le
grand nombre. La réflexion qui ne manque guères
à l’intérêt, fait voir qu’on marche fur une mine
couverte > mais on efpère avoir paffé‘ avant l’ex-
pldfîon.
Il ne faut jamais croire qu’un emprunt qnè fait
un état foit facile î cette opinion feroit Contre la
nature des chofes. Cela ne fe peut de la forte que
par confiance pafïagère & momentanée > mais, au
fond , chacun fait qu’il contracte avec un être idéal,
qu’ on rifque de voir un jour frefufer la charge, fi
devenue trop lourde, elle l’oblige de;prendre un
autre mafque pour , à fa faveur ,. capter de nouveaux
moyens. On ne tranfporte. dont point d’une
manière sure fa confiance fur l’emprunteur 5 mais
on efpère en foi - même , en fa propre adrefte y on ,
compte fur fon attention-
Le gouvernement qui emprunte , fait,bien qtiele
crédit préfent néçeflkera le crédit futur j il emploie
tous les moyens de perfuafion pour infpirer la confiance.
Les capitaliftes réels , ni même le peuple des
imitateurs, que les moeurs générales entraînent ,^
ne s’y trompent pas' > niais 2 eft fi- doux d’avoir
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des revenus conftans, & qui ne donnent ni procè
s , ni la peine de faire un nouveau capital, en
attendant le moment de le groffir par urt,revirement
de parties d’agiotage , tandis que les charges
défordonnées & les moeurs courantes difereditent
toute autre forte de bien, qu’on fe livre au. pré-
fqnt, foi, fes aérions & ïès poffeffions fans retenue.
Une fois bien embarqué, le qourant vous emporte,
& dès-lors , on ne peut plus'vivre qu’ autour du
gouffre dans lequel on a mis tout fon avoir.
Les gens difficiles vous difent après cela que les
emprunts occafionnés par .les dettes publiques &
les effets malheureux qui en font la fuite, entraînent
nécejffairemçnt le relâchement' & la diffolution
de tous les liens fociaux & domeftiques 5 que tout
le monde cherche à de venir ^rentier, .& que la plupart
des prêteurs fe font rentiers viagers^ que
chacun ne vit plus què pour foi & pour le temps
préfent, fans s’embarrafler de fa poltérité, défis
parerîs,.de fa patrie, dont les. intérêts ne le touchentplus
, ne. ,l’émeuvent .plus, & lui font en
quelque forte tout-à-fait étrangers. Çette affertion
eft peut-être, trop générale, quoique l’on ne puifle
difçonvenir que Tégoïfm.e’ &, la dépravation des
moeurs ne fe foiéht prodigfiufement accrus j f depuis
que ' fépidémie dès emprunts à gagné tous
les' gouverneméns, & qué la claffè des reritiers
s’eft fi fort groffie.
Les rentier? fçnt confîdérés, par la plupart des
écrivains politiques^ d’un oeil très - défavorable.
Ils font, régàrdes "comme dès ‘hommes incapables
de dévouement généreux, fe t:enant toujours près
: du centre des affaires pour.en profiter, abhorrant
le déplacement, Crainte dé malheurs publics 5 car
mortes les rentes'i ‘morts lès rentiers.
Mais il faut convenir en même temps , que fi
l’éxiftence & la multiplication des-rentier s font un
rpalheu-r pour un état , ce malheur eft néceffite
par' celui des emprunts ,. aûtorifé.en quelque forte
par l’exemple dès voifins.-, &Vque, les rentiers ,
comme tou,t.créancier de la çhofé publique,ayant
prêté leürs capitaux, & . c o n t r é e de bonne-foi,
.doivent être garantis & maintenus, dans la- jôuif-
fanee de leurs rentes , par l’égide de la foi publique!
C ’ eft ce qu’avoue Montëfquieu, qui d’ ailleurs
traite les rentiers de gens ©ififs , & qui méritent*
peu de ménagement de la part de l’etàt, r|
«■ Il y a , dît-il, quatre foiftes; détgens qui paient
les dettes., \publiques \ lès'propriétaires .des fonds
de terre-,. ceux qui exèreent leur induftrie par le
négoce, les laboureurs- & artifinsenfin, les
» rentiers dè l’état ou des particuliers.
* De ces quatre cîafles, fa dèrnière , dans'un cas
» de néceffité , • femhlerok■ devoir être- fa moins*
« ménagée , parce que c’eft une claffè entièrement
y> pa'flive de l’état, tandis que ce, même état ëll
s* foutenu par la force des trois autres. Mais com"
ffie ©n ne peut fa- charger plus , fins', détruire
33 la' confiance publique , dont l’ état en . général
» & lès trois clâffes en particulier ont un fôuve-
D E T,
„ rain befoin .5 comme la foi publique ne peut
» manquer à un certain nombre de citoyens, fans
„ paroître-manquer à tous > comme la claffè dés
» créanciers eft toujours la plus expbfée' aux pro-
t jets des miniftres, & qu’elle eft toujours fous
■ „ fis yeux & fous la main, il faut que l’état lui
L accorde Une fingulière protection , & que la
L partie débitrice n’ait jamais le moindre avantage
Lm fur celle qui eft c r é a n c i è r e « , ■
| . Il ne. faut rien moins que ces confidérations pour
[faire tolérer les emprunts & les rentiers j car d ail- '
[leurs ils favorifent, ils augmentent le defordre ,
['non-feulement en étendant l’oifivete & les mau-
[vaifes moeurs, mais en attirant toute la fubftance
de l’état dans la capitale., où elle fermente & fe
1 corrompt, tandis que , les campagnes defféchées
[périffent de langueur. L ’ état alors fe dépeuple,
Idépérit, chancelle , & le premier ébranlement
ipeut quelquefois en acheyer la ruine.. .
¥■ Toutes ces chofes n’arrivent ou ne frappent
{qu’au dernier période fans doute , & l’on eft éton-
|i}é que dans l’niftoire, les révolutions les plus capi-
I taies ne paroiffent avoir, pour ainfi dire, commencé
I que de la veille 5 mais cette époque fut préparée de
I longue-main par des jours de fpleudeur apparente: on
f e battoità Rome , & les émeutes populaires s’éle- 1 voient pour la préférence entre deux comédiens,
§ bien long-temps .avant le jour où Alàric vint brifer
le feeptre de cette reine du monde & l’humilier
à fes pieds. Les mêmes féditions commencèrent
■ un mois après à Carthage, alors capitale del’Afri-
■ que, & floriflante encore, parce que les beaux arts
■ fugitifs s’y étoient tranfplantés, eux & leurs fup-
■ pots. Les jeunes filles. & lés jeunes, garçons fardés
■ infeftèreht auffi-tôt les rues, en attendant la venue
i de Genféric Sç de la Barbarie. Q villes corrompues
■ ,& déprédatrices ! tout ce qui fert à vos fuper-
ifluités & à votre luxe, eft le pur fang & l’aliment
■ de la poftérité , cruellement déshéritée.
K Nous laiffons à réfléchir là-defliis & à décider,
i fi ce que nous venons de dire ne peut convenir
I aux rentes multipliées chez les nations modernes,
I à un excès prodigieux , quoique néceflaire & in-
I difpenfable.
B En tout, il n’y a d’emprunt & de prêt licite,
I félon la nature des chofes, que celui qui aflocie
I le prêteur aux profits d’ une entreprife lucrative,
I J’achette une terre j mon prêteur acquiert une
■ part fur le’ fonds, dont je me réferve la direction
■ & la reprife , au moyen du rembourfement 5 c’eft
■ affaire de convention, entre nous $ ainfi ^ d’une en-
■ treprife de commerce quelconque. Les emprunts
■ faits par l’état, femblent manquer de la condition
■ principale : fi l’état peut affeéler fes revenus, il
■ ne peut démembrer ni aliéner fes propriétés i quand
Hles capitaux & les intérêts des emprunts excèdent
B ces revenus , il ne peut plus emprunter qu’en abu-
| ^ant de l’avidité des prêteurs, auxquels on fait un
■ fort avantageux en compenfation du rifq.ue qu’ils
■ peuvent craindrgi
D É V £1
D*après ces principes & ces induirions, tout
grand prince régénérateur, tout gouvernement f i g
é 'q u i, fur les pas de la nature, voudroit tendre
à la Habilité' & à là durée, ne devroit-il pas commencer
par établir & promulguer en loi fondamentale
, la loi fifcale qui fixeroit & determineroit le
patrimoine du fouverain, , fans prétendre lui
donner un effet rétroairif, décréteroit que toute
dette dû prince, ne pouvant affeiter que fes revenus
, devroit s’éteindre avec lui.
Un pareil fyftême, bien contraire à celui fuivi
aujourd’hui pàr la plupart des nations y peut exciter
de grandes contràdiilions ; njais ces idées ne
font pas nouvelles, & des adminiftrateurs éclairés
. ont penfé ainfi. Au furplus ,les vérités les plus conf-
tantes ne s’établiffent jamais mieux que par la dif-
euffion.
( Cet article eft de M. Gr iv el. )
Foyeç 3 dans le Diirionnaife des finances , un
article fur les dettes publiques 3 où l’on a traité cette
i queftion fous d’autres rapports.
DEVOIRS. ; Voye^ l ’article D r o it s & Da-
v o ir S.
D E V O U EM E N T , ou facrifice de fa vie pour
: le falut de là patrie,,
L ’amour de la patrie, qui diftinguoit le caractère
des anciens romains , n’a. jamais triomphé
avec plus d’éclat que dans le facrifice volontaire
de ceux qui fe font dévoués pour elle à une mort
certaine. Indiquons-en l’origine , les motifs, les
effets & les cérémonies, d’après les meilleurs auteurs
qui ont traité cette matière. Je mets à leur
: tête Struvius , dans fes Antiquités romaines, &
M. Simon, . dans les Mémoires de l’Académie des
Belles-Lettres de Paris.
Les annales du monde fourniflent plufieurs
exemples de cet enthoufiafme pour le bien public.
Je vois d’abord parmi les grecs, plufieurs fiècles
avant la fondation de Rome, deux rois qui répandent
leur fang pour l’avantage de leurs fujets.
Le premier eft Menécée, fils de Créon , roi de
Thèb es , de la "race de Cadmus, qui vient s’immoler
aux mânes de Dracon, tué par ce prince.
Le fécond eft C od rus , dernier roi d’Athènes ,
lequel ayant fu que Toraclë promettoit la victoire
au-peuple , dont le chef périroit dans la guerre
que les athéniens foutenoient contre les doriens ,
fe déguife en payfan , & va fe faire tuer dans le
camp des*-ennemis. Mais les exemples de dévoue-
mens que nous fournit l’Hiftoire romaine, méritent
tout autrement notre attention j car le noble
mépris que les romains faifoient de la m ort, pa-
roît avoir été tout enfemble un aéle de l’ ancienne
religion de leur pays, & l’effet d’un zèle ardent
pour la patrie.
^ Quand les gaulois gagnèrent la bataille d’A llia ,
l’an 363 de Rome, les plus confidérables du fé-
nat, par leur â g e , leurs dignités & leurs fervices,
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