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& il feroit à defirér cjù’on prît des précautions
pour arrêter leur ?vidkë, & éclàirer les filles*
mères fiir les iricoiwénieiis dii fe'jour de Thôpkal
des enf.ins-t’ éuvcs.
On appelle enfans légitimés céùX qui font dé*
poféS dvec des extraits de baptême, qui cônfta-
tent leur origine de pères & de mères domiciliés
& mariés. Il feroit très-dangereux que l’adminif-
trariori profitât des connoiftânces que lui donnent
cés aéleS baptiftairés, pour inquiéter les familles
de tes enfans. La crainte , fi peu fondée d’ailleurs
d’il ne pareille détermination , a contribué fa ni
•doute à faire fupprimer l’état civil de plufieurS
de ceux qu’ori y apporte, nouvelle efpèée dé Crime
plus répréhënfîbl'e que i’ expofirion , excufablé
peut-être par l’indifférence' que porte le peuple
fur fon état Tocial. La perfectidii dé l’établilfe-
ment confifterèit à tellement afiurer la corrfiance
fur cet article', que l’ on rie f i t point difficulté d'e
fevêtir' ces enfans de' tbiiS les caractères qui pourraient
un jour leur faire cbrinokre ceux auxquels
ils doivent la vie.
Les moyens propofés pour arrêter ce déluge tfer.-
fdns-trbuvés , fe rédiiifent à trois : confervér la loi
de l’expofîtion , confifquër les enfahs , Sc rendre
contre {es pères & mères dénaturés les loix les
plus févères. .
L ’objet de l’ étàblifiement a été là confervation
des enfaris. O r rien ne lui éll plus oppofé que de
remettre èn üfage la voie dé Texpofitiori. Je conviens
qu’à ne s’en tenir qu’ à la force des mots ,
ob ne doit recevoir que des enfans-trouvés. Mais
fi cette formalité 'eft rétablie avèc rigueur, il ne
faut pas douter que le plus grand nombre dès
pèrés n’y çôhfèfite ; qüé péritl’jéVitér, ou la pa-
pulâtion ri’ëfi fbuffre, où/qde Y infant rie foit quel-
quèrbis fâcrifiê y que l’êxpôfition , en devenant
plus apparenté, ne devienne un reproche'trop hu-
iniîiant pour nos moe urs. Ne doit-on pas même regarder
l’ ufagè aCtuél comlue une expédition réelle ? Il
n’y manqué' que les doiïîéurs & les dangers qu’ef-
fuyoit autrefois Yènfaht. N e rendra-t-ort pas auffi,
par ce moyen, là'fupfîr'effiôri d’étàt beaucoup plus
o rd in a ireQ u e l eft èn effet le père qui j fâchant
îes peines prononcées Contre céuX qui éxpofent,'
ofera dépofér fur fon ' enfant la preuve dë fon crime,
& héfitera à faire le facrifice de l’ état de cet
enfant quand autrement il s’expoferoit au déshonneur
& à des punitions févères.
La confifcation des enfans'^ c’eft-à-dire, l’àc-
quifition d’eux par l’état, de maniéré qriè l'eürs;
pères nè puiffent jamais les réclamer, après -avoir
coûté quelques larmes aux mères , retombera de
tout fon poids fur leurs enfans quLfont innoéens.
Pourquoi leur interdire la faculté de connoître
leurs pères , & de leur prouver, par leurs moeurs,
combien ils ont eu .tort de les repoufter d’abord
de la maifon maternelle ? Pourquoi en voudrait-;
on faire une troupe honfeüfe d’hommes fans pères-
& mères ? pourquoi, fi la fortune rit à ceux-ci Sc ieur-
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dévient pliis propice, ne pourront-ils pas dédommager
leurs enfans de 1 in.j-.ufti g e barbare avec laquelle
ils lés ont traités què veut dit-e ce terme de ton*
Jifcatiôn ? feront - ils comme des éfelaves appaite*
nans à 1 état ? Qriél avantagé retirera-t-il de léut
fervice? Cette fitüation n’éft-elle pas contraire à
notre cbnftitution ? Eft-elle digne du prince qui
nous gouverne ? n’eft-ëlle pas propre plutôt à prolonger
les charges dont l’hôpital' eft grevé ? C e
mót eft doné ou vuidé dé féns, ©U eft le fignaî
dù renveffement dé nos principes, dehos moeurs,
dé notre religion,. de l’humanité'-, & pat confé-
queht du boh fens1. Ces deux môyehs ont le tort
de frapper également le pauvre, & les pères allez
aifes pour entretenir leurs enfans»
Quelque mitigées que foient les loix qu’ on voudra
mettre en aétidn contre les pères & mères ,
elles pourront entràîftér les Cohfequences lès plus
terribîés. Toute légiflatioh auftèré eft incompatible
avec l’idée d’un hôpital d’ enfans-trouvés. Il eft
fiéceffairement deftihé aux enfans que la honte ,
la misère, ou même les motifs les plus criminels
persécutent. On rifqueroit de les écarter, en cherchant
avec trop de .févérité à éloigner ceux qui
ne devraient pas y être admis. Les plus. malh eu-"
reux & les plus dignes dé la compaflion du gou-
vërnement font précifément ceux qui ont les plus
mauvais pères. Le moindre effet dé la riguéur fera
l’expofition qu’ il faut prévenir par humanité &
par refpeét pour les moeurs générales. Si les pa-
rerts ont à craindre d’être poürfuivis par l’hôpital
pour lé paiement des nourritures de leurs enfans $
s’ils ont à redoute* la vigilance du miniftère public
Fur le fait de: l’expofition, confulterönt-ils la
tehdrefie en faveur de ces mêmes enfans , tendrefle
lé fèül moyen qu’ on doive chercher à réveiller ou
à exalter pour dépeupler l’hôpital ? Une réflexion
qui me paraît devoir amortir toute févérité , c’êft
que ce n’eft pas une rndifférénee criminelle q ui,
par degrés , a peuplé ces afyles inftitués pour prévenir
le crime, auquel la crainte de la honte
pouvoir induire une mère égarée 5: c’ eft là misère,
la feule toisèré fi digne de la pitié du gouvernement;
Il me paraît donc que tous les réglemens fur cet
ôbjèt doivent être remplis de douceur & de bonté.
L ’une des /auvegardes lés plus fortes qu’ait l’hôpital
, c’eft la honte dont le peuple couvre ceux
qui ont la lâcheté d’eXpofèr leurs enfans. Elle eft
telle, que continuellement ils font en but à l’op-
prObie public , aux reproches îes plus humilians ,
foiït fouvent 'Obligés d’abàndofmer leur quartier Sc
même leur profèffion. On a vu dé ces malheureux
pèrès venir redemander leurs enfans , avouer & le
tourment intérieur & la diffamation;qu’ils avoient
encourus en les expofant, & fe défoler de ce que
la mort de ces mêmes enfans les méttoit dans l’im-
poflibilité de donner à leurs cOhcitoyens une preuve
du retour de la tèndreffe paterrrêlîe. Voilà de ces
heureux moyens que la politique rie' doit pas né—
gfiger, & que lés miniftres delà religion doivent
fans celle appuyer dans leurs inftruétions.
J’ai cru encore quel’adminiftration pouvoit avec
quelque utilité fondre enfemble l’idée bien adoucie
de la confifcation des e n fa n s avec un ufage
qui a depuis long-temps lieu dans l’hôpital, &
par lequel il oblige de donner 11 liv. I o f. pour
la moindre recherche d’un enfant, & cent livres
par année de l’éducation qu’il lui a procurée ,
îorfque fes parens fe préfentent pour le retirer.
Cette corabinaifon écarterait peut-être, maigre fa
fîmplicité , une partie àes enfans parafites qui epui-
fent l’hôpital, ou du moins quelquefois le dédom-
magerok des frais qu’ils lui coûtent.
Il faut partir d’un principe, c’eft qu’il eft très-1
peu de mères qui confentent à abandonner leurs
enfans, fans éprouver les déchiremens les plus
violens, punition anticipée du crime qu’elles vont î
c om m e ttre o u tourment nouveau de la misère ,
dont la coupe les abreuve. J ’ai quelquefois été té- j
moin de ce terrible combat de la nature, & j’ ai i
gémi fur le préjugé ou fur la pauvreté de cette :
tendre mère qui eft fur le point de faire un outrage !
à la religion & à l’humanité, & baigne d’un fleuve |
de larmes le fujet de tant de cruautés Les filles , j
qui n’ont pas le. droit d’être mères, le difputent j
ici en fenfibilité à celles qui ont acquis cet heureux
privilège. S’il en eft q u i, fans verfer une !
larme , fe fépare de fon enfant, prends cet enfant}
ô refpe&able adminiftration qui remplis lesaug.uftés ;
fonéiions de la maternité ! Qet enfant n’ a pas de 1
mère : quelle eft donc celle qui corrfent à mettre !
fon enfant à l’hôpital, fans former le voeu dé le ]
revoir un jour, où le changement d’état, de fortune
, de fitüation lui permettra de contribuer à j
fon bonheur !
C ’eft dans ce moment-là que j’imagine que la !
rien à gagner en le plaçant aux enfans-trouvés $ fi
elles favent qu’elles feront obligées de payer tout-
à-la-fois les frais fu.ccefllfs de fon éducation , ou
qu’autrement elles perdent pour jamais leur enfant
•loi doit fe préfenter à elle ; c’ eft fous ce dernier |
rapport qu’elle doit la eonfidérer & lui dire : ta !
■ fortune ne te permet pas de nourrir ton enfant-5 j
mais tu ne le verras, tu ne le pofiéderas, tu rie i
•le connoîtras même que Iorfque tu pourras rendre J
à l’état tous les frais qu’il va, lui coûter. Dis-lui
un éternel adieu, fi tu crois ne pouvoir jamais ac- |
quitter cette dette aulîi jufte que ton titre de mère ;
eft inconteftable. Celle qui eft véritablement mère, !
ne l’eft quê par les foins qu’elle donne à fes en- •
fans. Songe que l’éducation de celui que tu abarir j
donnes feroit un léger poids, aétuellement que tu :
es dans la force de l’âge. ;
Cette crainte de ne plus revoir leurs enfans , i
arrêtera indubitablement beaucoup de mères, en
qui l’ indigence ou le libertinage n’ont pas éteint
tout fentiment. Elles ont a£tuellement l’ idée que f
leur enfant fera au moins auffi-bien traité à l’hôpital
que dans'leur obfcur réduit ) elles ont la
certitude de pouvoir les ^retirer quand elles vou- i
drontj elles ont l’ efpérancé de le faire , quand leur
fortune ne changerait p a s , & à une époque où
il ceffera de leur être coûteux. Mais fi elles n’ ont
, elles feront de mûres réflexions avant de s’ÿ
déterminer.'
A-inn je crois qu’il ne -faudrait ouvrir le régiftre
fatal à là curiofité des mères qu’en payant un
droit beaiicoup plus fort, que celui qui exifte à
préfent, & qui forme en totalité une recette de
10,000 liv. au plus par année. Je crois qu’ il faudrait
faire payer une femme confidérable, à quel*
q-u’époquè qu’on voudrait les retirer 5 je crois qu’oij
ne devroit même jamais en donner connoiflance
dans les dix premières années. Et cette fariétion
exécutée avec’ fermeté , publiée aux prônes des
paroifîes plufîeurs fois dans Tannée, jettée même
dans les livres qui font le" plus à l’ ufage du peuple
, affichée dans -toutes les chambres des fages-
femmes & accoucheurs, feroit le frein le plus
doux &• peut-être le plus utile contre la grande
affluence -d’ enfans-trowvês.
Mais Tabus le plus criant qui doit exciter -toute
la vigilance du gouvernement, -& armer toute la
févérité des lo ix , c’eft le tranfport des enfans-
trouvés A& la province à Paris. Il en vient des provinces
les plus éloignées, des pays même qui ne
. font pas fous la domination du roi de France. Ain-
f i , dans les di-X premiers mois de Tannée 17 72 ,
il en étoit arrive de Rouen 1 y6 , de Dijon 167,
d’Artois & Cambrefis 1 7 8 , de Flandre & Hai-
nault i o y , de M e t z , Toul & Verdun 344* de
Liege, 6 y , & c . On ne p eut, fans frémir, pen-
fer aux dangers qu’ ils courent dans leurs voyages.
Ces enfans, que les foins maternels poürroient à
peine défendre contre les périls d’un âge fi tendre,
font remis fans précautions , & dans toutes les
faifons, à des voituriers-publics diftraits par d’autres
intérêts, & obligés d’ être long-temps en route ;
ils 1 fönt ces voyages fans nourrices, ni perfonne
qui foit chargé de lés nourrir. Le prix pour ces
voituriers eft é g a l, foit que Y enfant parvienne au
dépôt, foit qu’ il meure en chemin. On n’ a pas
encore oublié les horribles forfaits de quelques
femmes qui fe ehargeoient de ces enfans à tranf-
porter. Auffi un grand nombre meurt-il en chemin;
Prefque tous les enfans, par exemple , qu’on transporte
de Lorraine par Vitry-le-François, expirent
dans cette ville. Ceux qui échappent à ces dan*
gers , viennent mourir de fatigue & d’inanition à
la porte de l’hôpital de Paris. Ceux enfin qui font
allez heureux pour furvivre , font encore obligés
de faire, peu de jours après , une route auffi longue
pour aller trouver leurs nourrices > de manière
que ces malheureufes victimes de l’infenfibilité de
leurs pareils fouffrent tellement de ces tranfports,
que près des neuf dixièmes périflfent avant l’âge
de trois mois.
J’ai déjà dit que T adminiftration de l’hôpital,
plus effrayée encore du déluge de maux qui pieu-
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