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fe feroit par mer , & elle fut confiée à Grofefl-
lers & à Kadiffon, dont on avoit ramené l'in-
conftance 5 foit que tout homme revienne aifément
à fa patrie, ou qu'un françois n'ait befoin que de
quitter la fienne pour l'aimer.
Ces deux hommes inquiets & audacieux partirent,
en 16 8 1 , de Quebec fur deux bâtimens
mal équipés. A leur arrivée, ne fe trouvant pas
aflez puiflans pour attaquer l'ennemi, ils fe contentèrent
d'élever un fort au voifinage de celui
qu'ils s'étoient flattés d'emporter. Alors on yit
naître entre deux compagnies , l’une établie en
Canada, l'autre en Angleterre, pour le commerce
exclulif de la baie, une rivalité qui devoit toujours
croître dans les combats de cette funefte
jaloufie. Leurs comptoirs réciproques furent pris
& repris. Ces miférables hoftilités n'auroient pas
difcontinué fans doute , fi les droits jufqu'alors
partagés n'avoient pas été réunis en faveur de la
Grande-Bretagne , par la paix d’Utrecht.
Les établifTemens formés à la baie de Hudfon,
ont appartenu depuis cette époque à l'Angleterre 5
mais ils ont été attaqués & dévaftés durant la
guerre qui vient de fe terminer : M . de la Pey-
roufe qui commandoit la petite efcadre, & qui
fait à préfent un voyage autour du monde , déploya
, durant cette expédition , des talens, un
courage & des fentimens d'humanité , qu'il eft ,
bon de rappeller ici. Il caufa de très grands dommages
à l'Angleterre, dans cette partie de fes
domaines que le cabinet de Saint-James croyoit
aflez défendus par les glaces y mais depuis le retour
d e là paix, en 1783 , les anglois ont réparé
cette perte, & nous allons entrer dans quelques
détails fur leur commerce à la baie de Hudfon..
La baie de Hudfon n'eft, à proprement parler,
qu'un entrepôt de commerce. La rigueur du climat
y a fait périr tous les grains femés à plufieurs
reprifes, y a interdit aux européens toute efpèce
de culture, & par conféquent de population. On
ne trouve fur ces immenfes côtes qu'environ deux
cents foldats ou faéteurs, enfermés dans quatre
mauvais forts, dont celui d'Yorck eft le principal.
Leur occupation eft de recevoir. les pelleteries
que les fauvages voifins viennent échanger contre
quelques marchandifes, dont on leur à fait con-
noître & chérir l'ufage.
Quoique ces fourrures foient fort fupérieures
à cédés qui fortent des contrées moins fepten-
trionales, on les obtient à meilleur marché. Les
fauvages donnent dix caftors pour undhfil 5 deux
pour une livre de poudre ; un caftor pour quatre
livres de plomb ; un pour une hache ; un pour
fix couteaux ; deux caftors pour une livre de grains
de verre ; fix pour un furtout de drap ; cinq pour
une jupe ; un caftor pour une livre de tabac. Les
miroirs, les peignes, les chaudières, l'eau-de-vie
ne valent pas moins de caftors à proportion. Comme
le caftor eft la mefure commune des échanges
, un fécond tarif, aufli frauduleux que le pre-
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mîer, exige deux peaux de loutre ou trois peaux
de martre, à la place d’une peau de caftor. A
cette tyrannie autorifée , fe joint une tyrannie au
moins tolérée. On trompe habituellement les fauvages
fur la mefure , fur le poids | fur la qualité
de ce qu'on leur livre , & la léfion eft à-peu-près
d'un tiers.
C e brigandage méthodique doit faire deviner
que le commerce de la baie de Hudfon eft fournis
au monopole. La compagnie qui l’exerce, n'avoit
originairement qu'un fonds de 241,500 l i v . , qui
a été porté fucceflivement à 2,380,500 liv. C e
capital lui vaut un retour annuel en pelleteries ,
fur lequel elle fait un bénéfice exorbitant, qui
excite l'envie & les murmures de la nation. Les
deux tiers de ces belles fourrures font confom-
mées en nature dans les trois royaumes , ou employées
dans les manufa&ures nationales. Le refte
paffe en Allemagne, où le climat lui ouvre un
débouché fort avantageux.
L'auteur du livre intitulé le Voyageur américain ,
qui parcourut, vers l'année 1766, les établifle-
mens de la baie de Hudfon [g par ordre du minif-
tère' anglois, donne Pétât fuivant des marchandifes
exportées de l'Angleterre po’ur la baie de Hudfon.
Draps de laine communs, cotons, toiles d'Angleterre,
armes de chaife, fufils de chàfie, pierres
à fufil, poudre à tirer, balles de plomb, coutelas,
cuirs apprêtés, fe l, farine de froment ,
d'avoine j d'orge, pois, fèves, drêche, lard &
boeu f falé & fumé, beurre , fromage, bifcuit,
mélafîe , acier travaillé, fe r , bronze, cuivre ,
étain , pipes, tabac , bonneterie, chapeaux, chandelle,
agrès & provifions de navire, merceries ,
épiceries, huiles, eaux-de-vie & vins. Tous ces
articles, au prix moyen de trois années , ont
coûté i6,ôoô livres fterling.
Il donne aufli l’état fuivant des marchandifes
importées de la baie de Hudfon en Angleterre.
34 mille peaux de caftor, 16,000 martes, 2000
loutres, 1100 fouines, 3000 renards, ‘5600 loups,
7000 lièvres ,6 5 0 ours noirs ,4 0 ours blancs,
500 pêcheurs, 250-orignaux; 3000 gazelles,"30
,à 50 quintaux plumes de l i t , 20 à 30 quintàufc
côtés de baleine, quelques tonnes huile de baleine
, 150,000 plumes d’o ie , 2000 livres poil
de caftor, 1000 peaux d’élan, 2000 peaux de
bêtes fauves, 250 livres caftoreum. Ces articles ,
évalués fur le prix de la première main à Que-
bec , coûtent , au prix moyen de trois ans ,
29,340 liv fterling.
Ç e t auteur ajoute : « la compagnie de la baie
de Hudfon emploie quatre navires & 130 matelots.
Elle a quatre forts où elle tient 186 hommes. Les
exportations étant de 16,000 liv. fterl. par année,
& les importations de 29,340 liv ., elle gagne en
tout 14,000 1. fterl.«. Elle doit gagner davantage.
« Si ce commerce étoit libre , la pêche feute
dès baies de Hudfon 3 de Baffin & du détroit de
Davis, ( dans ce dernier, les hollandois fontaine
pêche
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pëce auflî abondante qu’au Japon, où ils ne
tuent les baleines que pour en avoir les fanons ) ,
occuperait 800 navires de toute efpèce & feize
mille hommes «.
« C e commerce exigerait 8c feroit fubfifter
douze colonies , chacune de ^3000 habitans
des . deux fexes. Au bout de fept années au
plus, les exportations monteroient à 320,000 1.
fterlings, les retours à 586,000 > ce qui produis
i t un revenu de 74,600 liv. ft > c'eft-à-dire ,
vingt fois plus que le montant de chaque annee ,
encore avec l'efpoir certain d'une augmentation
plus grande «.
» La compagnie de la baie de Hudfon conduit
toutes fes affaires avec un fecret fi impénétrable ,
qu'il eft impoflîble de connoître précifément à
quel prix elle échange fes marchandifes contre
celles des naturels. Elle eft dans l'ufage de ne
donner des brevets à fes agens qu'après leur avoir
fait prêter le ferment de garder le fecret fur fes
opérations ; & elle ufe d’une telle dureté envers
Ceux dont elle ne peut l’ exiger/, qu'elle leur ôte
bientôt l'envie de s'en mêler en aucune manière «.
« Cependant, comme elle ne peut cacher la
grande quantité de fes exportations, ilell facile d'avoir
connoiffance, jufqu’ à un certain degré, de ce
myftère : je dis jufqu'à un certain degré ; car il
n'eft pas poflible de favoir au jufte quelle quantité
de ces exportations confument les agens de
la compagnie «.
« C e que je fais par ma propre expérience ,
c*eft qu'elle n'a point de prix fixe pour aucune
des marchandifes de l’échangeur, & qu’elle les
met au taux qu'il lui plaît ; je dois dire aufli
que je l'ai vue, dans plus d'une occafion, donner
des exemples d’une équité rare, & pouffer la dé-
licatefle de confcience jufqu'au point de fe contenter
déraillé pour cent de profit «.
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» La compagnie change arbitrairement, prefque
en tout temps, le tarif de fes marchandifes & de
celles des naturels du pays, non fous prétexte
qu'elles valent plus ou moins que les années précédentes
, mais feulement félon la quantité plus
ou moins grande des dernières, parce que c'eft
là-deflus qu'elle règle la valeur des fiennes, la
quantité des effets exportés étant à-peu-près toujours
la même. Une pareille vexation etoit trop
frappante pour n’être pas apperçue même par ces
fauvages : ils ne pouvoient en témoigner leur ref-
fentiment qu'en difcontinuant le commerce, comme
auroit fait tout autre peuple dans une pofition
différente; cependant ils ne tardèrent pas à imaginer
des moyens pour n'en être plus dupes : ils
n'apportèrent plus de leurs fourrures qu'autant que
leur peu d'expérience leur avoit appris qu'il en
falloit pour avoir en échange toutes les marchandifes
de la compagnie, dont la quantité leur étoit
aufli connue par expérience. Au refte, comme
dans leurs chafles.» ils tuoientpour leur nourriture
beaucoup plus d’animaux qu'ils n'apportoient de
fourrures au marché, ou ils confumoient eux-
mêmes le furplus de celles-ci, dont ils auroient
j pu fe difpenfer & fe procurer un retour avantageux
, ou ils les jettoient par refTentiment, fuivant
en cela la politique des hollandois qui, pour
conferver le prix de leurs épiceries, en jettent le
fuperflu dans la mer «.
Le Voyageur américain, très - inftruit fur cette
matière, croit qü'on pourroit établir de nouvelles
branches de commerce à la baie de Hudfon : on
vient de voir qu'il propofe d’y employer, ainfî
que dans celle de Baffin , un grand nombre de
vaifleaux à la pêche de la baleine & du veau marin
; il remarque enfuite qu'on y trouve des mines
de cuivre, qui pourraient être d'un gt^nd rapport.
dtcon. polit. Çr diplomatique, Tom. I I , Y y y y