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la règle qu’ils ont fui vie ; ifs ont examiné les motifs
qui avoient excité des troubles dans la république
, 8c ils ont donné une forte de fatisfacfcion
aux citoyens, aux bourgeois & aux natifs fur plu-
iîeurs points qui ont bouleverfé l’état depuis le
commencement du lîècle.
Les citoyens & les bourgeois réclamoient le
droit dé faire pour le bien public toutes les re-
préfentations qu’ils eftimeroiemt convenables , 8c
de dénoncer la violation des loix ou des régle-
mens ; ils fe plaignoient de la prépondérance des
deux cents : on a établi que toutes les années on
tireroit au fort trente-lîx citoyens ou bourgeois
infcrits, qui feront adjoints au confeil des deux
cents & qui y auront voix délibérative , & le
parti des repréfentans a ainfî gagné quelque
chofe.
Les repréfentans fe plaignoient de la prépondérance
de quelques familles dans le gouvernement
; & , pour qu’une famille n’y acquière pas de
la prépondérance, il ne peut y avoir plus de fix
perfonnes du même nom dans le confeil des deux
.cents , 8c il n’y a que deux.familles qui fournif-
fent ce nombre. Ce confeil, actuellement de 240
.yotans, eli compofé de 13 y noms différents. Il
faut qu’il y ait feize places vacantes pour commencer
une nouvelle élection. Deux perfonnes de
-même nom ne peuvent être dans le même fyn-
dicat, & il ne peut y en avoir plus de deux au
.petit confeil : un père & un fils, un beau-père
& un gendre, un oncle & un neveu du même
jiom , quand il ne feroit que d’alliance , ne peuvent
y affifter à la fois.
Afin que les places du petit confeil ne deviennent
pas héréditaires , un membre du ' petit confeil
ne peut être remplacé immédiatement, ni par
fon fils, ni par fon gendre, ni par aucune personne
de fon nom.
Les prétentions des natifs ayoient donné lieu à
la prife d’armes du 6 février 1770, & la médiation
a cru devoir leur accorder une partie des
privilèges qu’ils réçlamoient alors.
Entr’autres motifs de la prife d’armes du 8 avril
1782 , les repréfentans fe plaignoient des confeils,
qui fe refufoient à la publication du code des
Joix delà république; & , ainfî qu’on l’a vu plus
haut, l’édit de pacification a ordonné de faim ,
dans Cefpace de quatre mois au plus tard, un code
des édits politiques non abrogés , & auxquels i l na
pas été dérogé par des loix poftérieures ; & après, le
code politique, de faire aujji, dans Vefpace de quatre
jnois y une collection des édits civils.
On a fenti que les nouveaux pouvoirs , dont
on revêtoit la puiffance exécutive & la puiffance
militaire, nuitoient peut-être à la fûrete des citoyens
: pour prévenir les abus de la puiffance
mi litaire, on l’a affuj'ettie à diverfes reftri&ions,
& il eft enjoint aux fyndics qui uferont de leur
autorité provifîonnelle , d’en faire le rapport à la
première fé^nçe dp petit confeil. Le nouvfl édit
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accorde des dédommagemens à l’innocent acctl-
f e , & il ordonne de le prendre fur les deniers
publics : on fera peut - être curieux de
■ favoir la fomme fixée pour ce dédommagément
L edit déclaré qu’elle n’excédera pas cinquante
florins, & qu’elle ne fera pas au - deffous de
fept pour chaque jour que l’accufé aura été
détenu dans les„ priions. Le même é d i t , pour
ne rien oublier _ de ce qui peut affurer les droits
civils des citoyens , des bourgeois 8c des. habitants,
a aboli la. queftion définitive & la queftio»
préparatoire qu’on ne donnoit plus, mais qui n’é>.
toit abolie par aucune loi.
L ’état de Geneve contient trente mille âmes -î
le nombre des citoyens & bourgeois, qui ont le
droit d’entrer au confeil général eft d’enviroa
feize cents ; 8c fî l’on en déduit les deux cents
cinquante qui compofent le petit 8c, grand confeil
, 8c qui font prefque toujours en but au
confeil général, il réfulte que les repréfentans
vouloient revêtir de l’autorité abfolue 1350 per-
fonnes fur 30,000. La plus grande partie de ces
13 jo citoyens ou ^bourgeois étbient dévoués à
quelques hommes plus inftruits' ou plus actifs *
' qui fe trouvoient de fait les maîtres de la république
: c a r , en faifant porter toutes les délibérations
au confeil général où ils dominoient, ils
-alloient forcer les réfolutions des confeils ‘ admi-
niftrateurs : Geneve auroit préfenté tous les in-
convéniens d’une démocratie abfolue, 8c ceux
qui , par leur fortune, avoient le plus d’intérêt
au bonheur publie, n’y auroient eu aucune influence.
11 étoit néceffaire de fixer les rapports du
nombre des repréfentans 8c de celui des autres
habitans de la république; car les écrivains qui
ont parlé des querelles de Geneve , fe ftmt fervi
fréquemment du terme de peuple , pour défîgner
le parti oppofé aux magiftrats : mais ce parti n’é-
toit .qu’un vingt-feptième de la totalité des fujets
de la république; ^ , à calculer rigoureufement,
ce n’étoit pas même un centième ; car trente démocrates
entraînoient le refte des repréfentans.
Lorfque la république fe forma, plufieurs familles
le trouvoient, par leur ancienneté 8c par
leur fortune,-à la tête de leurs concitoyens, 8c
elles occupoient de père en fils les places du confeil
de la ville. Après l’expulfîonfte l’évêque, elles
confervèrent 170 ans une forte de droit de
patronage, fondé fur des titres de bienfaifance &
fur les égards qu’avoient pour elles des hommes
d’une extra&ion plus récente, ou d’ une fortune
moins aifée. Les offices de la magiftrature étoienç
peu lucratifs , & ils n’excitoient point l ’envie : oh
les regardoit comme deftinées par leur.éducation
à les remplir. A l’époque où la bourgeoifîe fut
plus nombreufé & plus riche , il y eut plus de
citoyens en état de lés occuper ; il en réfulta des
rivalités 8c des haines. Quelques-uns de ceux qui
n’ avoient pas réuni les fuffrages dans les éleétiofis,
crièrent à l’oligarchie 5 pour captiver des y q ix >
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fis montrèrent le defir de faire rendre au confeil
général toute l’autorité, dont ils difoient qu’on
F’avoit dépouillé. Ils fe firent écouter, 8c ils devinrent
des perfonnages importans. C e font ces
efpèces de magiftrats occultes, connus fous différées
noms, qui ont perpétué les troubles, &
q u i, en armant la bourgeoifîe pour forcer les confeils,
ont amené la dernière révolution : nous
demanderons f î , dans cet ordre de chofes, les
plénipotentiaires pouvoient confacrer des préten-
-tionsqui foumettoient Geneve à une forme d’ad-
miniftration différente de celle qui avoir établi fa
profpérité, & favorifer, aux dépens de la tranquillité
générale, les vues ambitieufes de quelques
individus.
Il paroît que les citoyens qui étoiënt du parti
des repréfentans, après avoir examiné de fang-
froid le mouvel édit, ne l’ont pas trouvé fî défa-
vantageux. Cette émigration qui devoit fe faire
en Irlande, qui fe trouvoit encouragée par les
largeffes du parlement irlandois, qu’eft-elle devenue
? Aucun genevois n’en a profité, 8c la défer-
tion prefque totale dont on menaçoit la ville, s’ eft
bornee au départ de quelques familles (i)> Dans
les premiers momens de chagrin ou d’humeur que
donne toujours une caufe perdue , ceux du parti
qui fe croyoit vaincu ou opprimé, partaient de fuir
l’efclavage : ils ont fait leurs réflexions ; ils ont
fenti qu’ils feroient encore plus heureux à Geneve
que par-tout ailleurs ; que fi on a diminué leurs
droits politiques, on n’a point attenté à leur Ii- 1
berté civile; que chez les peuples modernes, &
dans une ville livrée toute entière à l’induftrie 8c
au commerce, la liberté civile eft peut-être préférable
à la liberté politique ; qu’ il y auroit de la
tyrannie 8c de l’averfîon pour la liberté, à changer
la conftitution populaire dès petits cantons de
la Su'.ffe , qui fait le bonheur de leurs habitans ;
mais qu’ à Geneve on a p u , fans tyrannie & fans
averfîon pour la liberté| étendre le pouvoir du
magiftrat.
'11 devient néceffaire de changer toutes les conf-
titutions après un certain intervalle : le temps de
changer celle de Geneve étoit arrivé ; les droits
réclamés par les repréfentans étoient-ils compatibles
avec leur caractère? n’ auroient-ils pas porté bientôt
un coup fatal à leur induftrie i Que veulent-
ils 8c que leur faut-il ? cultiver le commerce, fe
liyrer à l’induftrie & acquérir des richeffes ; 8c
eft.- il rien de plus propre à l’exécution de ces
vues qu’une paix qui, fans les mettre dans l’efcla-
vage, leur ôte feulement des privilèges - qui ne
produifent que des divifîons 8c des émeutes.
Nous ne craindrons pas de le dire ; cet édit de
pacification eft un grand bonheur pour Geneve.
Qui fait fî les puiffances médiatrices, fatiguées
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de tant de troubles, auroient toujours refpeéte
fon indépendance ? 8c qui oferoit dire que, dans
les marchés de la politique , des conjonctures fa-
cheufes pour cette ville n’auroient pas détermine
fa réunion à l’un des états voifins ?
Il ne faut pas examiner , d’après des principes
bien rigoureux, fî la puiffance exécutive eft affez
diftindte de la puiffance judiciaire ; fi elle eft affez
fubordonnée à la puiffance législative 5 fi cette
puiffance législative eft affez indépendante ; fî fon
autorité ne manque pas d’énergie ; fî les trente-
fix adjoints aux deux cents fuffiront pour arrêter
les vues ambitieufes & les ufurpations de ce corps.
Dans un fî petit gouvernement, il faut calculer
fur-tout les circonftances locales, & il eft peu
de principes généraux qui foient applicables ici.
Les médiateurs ont réglé, d’après ces circonftances
, ce qu’ ils ont jugé de mieux. Nous ajouterons
qu’après l’édit de 1782, le confeil général
ne doit plus guères exercer fa puiffance législative
: lorfqu’ il fera néceffaire de la mettre en activité
, c’eft de l’autorité' des puiffances garantes
qu’ il tirera le pouvoir dont il aura befoin.
On fera peut-être tenté de regretter l’ufage des
confeils généraux périodiques , qui fe tenoient
d’abord tous les cinq ans & enfuite tous les trois
ans, 8c où l’on examinoit les atteintes portées à
ia conftitution & aux loix , ufage qui fe perdit au
feizième fîèclé (2) : on defirera peut-être qu’en
iaiffant les chofes au point où elles font, & en
prévenant avec un réglement particulier les écarts
du parti populaire , on les rétabliffe pour y examiner
uniquement, 8c fous la direction des puiffances
garantes, les repréfentations des citoyens
& les transgreffions des loix dans les divers corps
de la république : mais ce rétabliffement feroit
dangereux ; il ranimeroit les haines 8c les partis ,
& d’ ailleurs les puiffances garantes veillent au
maintien de l’édit de pacification.
Enfin on peut dire de l’édit de pacification ce
qu’a dit Rouffeau de l’aéte de la médiation » 8c
les leéteurs éclairés trouveront l’apologie exaéte
dans tous les points. « Loin d’imputer aux mé-
m diateurs d’avoir voulu vous réduire en fervi-
» fude , je prouverois aifément au contraire qu’ ils
» ont rendu votre fituation meilleure, à plufieurs
» égards, qu’elle n’étoit avant les troubles qui
» v6us forcèrent d’accepter leurs bons offices. Ils
» ont trouvé une ville en armes ; tout étoit , à
» leur arrivée, dans un état de crife 8c de con-
» fufion , qui ne leur permettoit pas de tirer de
» cet état la règle de leur ouvrage ; ils ont re-
» monté aux temps pacifiques, ils ont étudié la
» conftitution primitive de votre gouvernement
« dans les progrès qu’il avoit déjà faits ; pour le
l » remonter, il eût fallu le refondre : l'a raifon ,
(1) ïl paroît même que la population de Genève n’a jamais été auffi ,confidéi..b!e qu’elle l’eft à préfent»
(1) On les rétablit en 1707 ; mais l’édit de 1711 les anéantit de nouveau.
S&çQn, p ç l it . O diplgmathue, Tome I I» , Z z z