
Les francs & les gaulois fe mêlèrent tellement
dans l’établiffement de la monarchie , qu’ils ne
firent plus qu’un , peuple » ils fe communiquèrent
leurs ufages & leurs cérémonies. Les francs, dont
les princes étoient héréditaires & abfolus, donnèrent
aux gaulois des maîtres héréditaires &
abfolus, & ils prirent des gaulois les cérémonies
que ceux-ci obfervoient dans l’inauguration
de leurs chefs, & les égards pour leurs femmes
: c’eft par une fuite de ces égards qu’elles
font arrivées à la régence, quoiqu’elles foient exclues
du trône.
Des autres loix qu'on appelle fondamentales dans
le royaume de France.
Malgré ce que nous ayons dit de la loi falique,
on peut l’appeller une loi fondamentale du royaume
j car les loix fondamentales d’une monarchie
n’ont pas befoin de toute la fanétion & de toute
la folemnîté des loix fondamentales d’une démocratie
ou d’une ariftocratie, ou plutôt, dans les
monarchies-, on ne donne pas une acception fi
précife & fi rigoureufe, à l’expreflion de loi fondamentale.
Outre cette loi, on compte parmi les loix fondamentales
du royaume, celles de l’inaliénabilité
& de l’indivifibilité delà monarchie, &c. car on
croit qu’il feroit impoflîble d’y déroger, fans le
çonfentèment unanime de tous lés ordres de l’état.
Le leéteur trouvera à l’article A l ién a t io n ,
des détails , d’où il pourra conclure s’il feroit
utile aujourd’hui de changer la loi de l’in.aliéna-
bilité : on n’attribue pas la même prérogative à
J’ordonnance de Charles V , donnée en 1574 fur
la majorité de l’héritier de la couronne ; à celle
de Charles V I , datée de 1*404 fur le couron- j
peinent, , &c j on ne les fuit qu’autant que
le roi, dont l’autorité ne connaît prefque plus
de limites, le trouve à propos. L’hérédité de la
couronne paffe auffi pour une loi fondamentale j
fle-là la maxime que le roi ne meurt point, parce
que le moment qui ferme les yeux du prince '
régnant, met fon fuccelfeur fur le trône : le mort
faifit le vif dans cette fucceffion , difent les pu-
bliciftes, & le confentement des fujets, le facre
pc le couronnement ne font pas néceffaires.
A proprement parler, la loi fondamentale d’un
état a" eu befoin du confentement exprès de la nation
5 mais il eft des formes de gouvernement ou
les loix, publiées fans autre aveu que celui du
fouverain , paffent pour fondamentales. Ainfi
l’ordonnance du roi, du mois de juillet 1717 ,
qui déclare les princes légitimés inhabiles a la
fuccefllon, & qui confirme aux états la liberté
de fe choifîr un maître à leur gré, après l’entière
extinction de la racve mâle des Bourbons ,
n’eft pas une loi fondamentale j mais on la regarde
pomme telle, parce qu’elle règle une chofequi eft
efTentielle à une monarchie.
En cas de minorité , un régent nommé par le
défync, & f à fon défaut ^ par Je parlement}
prend foin du gouvernement, au nom du rot
mineur, jufqu’à ce que le jeune prince ait atteint
l’âge de treize ans & un jour, terme fixé pour
fa majorité.
\ Mais cet ufage n’eft peut-être pas allez ancien :
on ne l’a pas fuivi allez invariablement , pour
etre admis au rang des loix fondamentales^.
.. Il ne paroîtpas non plus qu’on doive mettre au
nombre des loix fondamentales les remontrances des
paiîemens contre lès loix nouvelles, & les oppofitions
des particuliers à l’enrégiftrement des édits & déclarations
5 malgré tout ce qu’on a écrit fur ces
deux objets , il eft aifé de voir que les remontrances
& les oppositions, dans la conftitution actuelle
de la monarchie , produifent plus ou moins
d’effet, félon le caraâère des princes & des mi-
niftres j qu’il fuffit d’une lettre de juffion pour
les arrêter 5 & que fi elles font en ufage aujourr
d’hui, c’eft depuis 1715 , époque où le régent
crut, par des motifs particuliers, devoir rendre
au parlement le droit de vérifier les édits avant
de les enregifttrer, & redonner aux particuliers
le droit de former oppofition aux édits Ôç déclarations.
Louis XIV qui fe fouvenoit des troubles de fa
minorité , & de l’abus qu’il avoit cru voirréfulter
de ce droit de remontrances des parlemens, le leur
interdit par la déclaration du 14 février 167 3 : il déclara
que les ordonnances 9 édits ^déclarations & lettres-
patentes expédiées pour affaire publique, foit de jufiice
ou de finances , émanées de Vautorité & propre mou-
vement du roi, fans parties, fèroient enrégifirés purement
& Simplement j & il ajoute enfuite : défendons
a nos cours de recevoir aucunes oppofitions a
l'enrégifirement de nofdit es lettres-patentes.'
Ainfi le parlement & ies citoyens ne font des
remontrances & ne forment des oppofitions , que
lorfque le légifiateur le permet, & il fera facile
aux lecteurs de juger fi ce droit des remontrances-
& des oppofitions, eft une partie immuable de notre
droit public. Ils penferont peut-erre qu’il feroit à
defirer de voir le droit aflis fur des fonde.mens
plus inébranlables 5 mais que les loix les plus favorables
aux fujets, dépendent trop fouvçnt d’un
prince qui peut les révoquer. Des apanages accordés aux enfans de France, de
la nature & des privilèges des domaines de Vétat.-
On a vu, dans des temps de trouble & de détordre
, le domaine facre de, la couronne paffer
à des familles étrangères ; & , contre la maxime
fondamentale de l’état, & contre l’efprit des
anciens ufages , les filles de France porter, dans
les maitons de leurs maris, 4es provinces entières
, & les fils de France s’approprier leurs apa*
nages.
On ouvrjt les yeux fur ces abus; Charles V
ordonna que les filles de France n’auroient qu’une
fournie d’argent en dot j & depuis cette fage dif-
pofition , elles ont été réduites à la jouiffance ou
l’yfufruif de quelques domaines, lorfqu’elles ç>n.t
vécu dans le célibat j & à une dot en deniers ,
lorfqu’elles fe'font mariées.
C ’eft une maxime en France, que tout ce qui
eft ajouté au royaume, fait partie du royaume,
& fe trouve fournis aux mêmes loix. ' i
Dès qu’un prince monte fur le trône , tous les
domaines qu’il poffédoit font réunis à la couronne ;
ils participent de fa nature, & ils fuivent la même
loi de fucceffion. Nous n’examinerons pas fi ces
domaines tiennent lieu de dot à la couronne avec
laquelle le prince contra&e une efpèce de mariage
politique, comme le difent quelques écrivains,
dont la fubtilité n’eft plus de notre fiècle. On
a remarqué que les domaines particuliers n’etant
que des acceffoires de la perfonne , ne pouvoient
demeurer dans une condition privée, dès que le
poffeffeur monte fur le trône. Les empereurs romains
adoptoîent le même principe. L’un des An-
tonins le reconnut, lorfqu’après fon éleétiqn il
dit ces mots remarquables à fa femme , qui lui
reprochoit de n’être pas affez libéral: nous na-
vons plus rien 9 c’eft-à-dire, que l’intérêt public
& l’intérêt particulier fe trouvant confondus dans
ce prince, il ne poffédoit plus rien en particulier ,
& que fes biens , réunis à ceux de l’état, a voient
changé de nature, & étoient devenus, félon le
langage des jurifconfultes , un propre de' 1 Empire
, attaché non plus, à la perfonne du prince,
mais à fa couronne.
L’hiftoire de ce qui s’eft paffé à l’égard de la
province de Bretagne, en eft une bonneipreuve.
Charles VIII époufa Anne, ducheffe de Bretagne
, qu’il avoit prevue entièrement dépouillée
dé fes états. Le contrat de mariage rappelle les
prétentions de chacune des parties fur la Bretagne
} la ducheffey donne au roi & à fes fuccef-
feurs , rois de France , le duché de Bretagne,
au cas qu’elle meure avant le roi, fans aucuns
hoirs procrées d’eux légitimement j le roi, de fon
côté , donne à la ducheffe tous fes droits de propriété
& de poffeffion, noms, raifons & actions
fur ce duché , au cas que le roi meure, avant la
ducheffe, aufli fans hoirs mâles procréés d’eux
légitimement ÿ pour éviter les incqnvéhiens de là
guerre, entre le royaume & le duché, il eft fti-
pulé que la ducheffe ne paffera pas à de fécondés
noces , fors avec le roi futur, s'il lui plaît & faire
fe peut 3 ou a autre prochain préfomptif futur ,
fucceffeur de la couronne ; qu’en ce cas , ce prochain
hoir fera tenu de faire à la couronne de
France les reconnoiffances, 8c de lui payer les
redevances dont étoient tenus envers elle les pré-
déceffeurs de la ducheffe >. qu’ils ne pourront
aliéner le duché en d’autres mains qu’en celles du
roi de France ; & que s’il y a des ênfans procréés
de Charles & d’Anne, & fi Anne furvit au roi,
elle jouira du duché de Bretagne & le poffédera
entièrement-., comme à elle appartenant. Il ne ré-
fulta point d’enfans de çe mariage , .& Anne de
Bretagne furvécut à Charles VIII. Devenue yeuv
e , elle époufa en fécondés noces Lotus XII ,
qui fuccéda à la couronne de fon premier mari.
Le nouveau monarque n’eut point non plus d’enfans
mâles d’Anne de Bretagne ; mais il en eut
deux filles , Claude & Renée de France ; & ,
entraîné par l’affeâion qu’il avoit pour ces deux
princeffes, il donna des lettres - patentes pour
empêcher la réunion de fon domaine particulier
à la couronne, & pour le tranfmettre à fes filles.
Les lettres - patentes furent vérifiées au parlement
de Paris. Cette difpofition étoit conforme
aux voeux naturels des pères pour leurs en-
fans j mais on réclama les loix 8c les privilèges
de l’état, 8c la loi du royaume l’emporta fur la
volonté de Louis XII ; & , quoiqu’il eût été l’amour
8c les délices de fon peuple, on n’obéit
point à fes volontés après fa mort. François 1“ ,
fon fucceffeur, recueillit le domaine de la maifon
d’Orléans, comme roi 8c non comme mari de
la reine Claude. Henri I I , fils de François ! “ ,
ayant fuccédé au duché de Bretagne, après la
mort de François, dauphin , fon frère ainé , 8c
dix ans après à la couronne, cette province devint
une partie inféparable de la couronne : lorsqu'on
fit la. célèbre ordonnance du domaine, on
ne révoqua pas ces lettres-patentes que la loi de
l'état avoit abolies de plein droit. Après avoit
marqué, dans plufieurs articles, quelle eft la nature
du domaine de la couronne, on ajouta que
les loix 8c. les privilèges du domaine auroient
lieu , tant pour l’ancien domaine uni à la couronne,
qu’autres terres depuis accrues ou avenues,
comme Blois j Coucy, Montfort, 8c autres
femblâbles. Ces terres, accrues ou avenues
à la couronne , compofoient le patrimoine particulier
du roi Louis XII. L’ordonnance ne les
réunit pas ; elle les fuppofe réunies par l’incor-
poration de plein droit, qu’aucune loi n’avoit pu
empêcher. Voilà un premier exemple, 8c en voici
un ’fécond. ' ' ■
Henri IV , devenu roi de France , déclara ,
par. des lettres-patentes , qu’il vouloir tenir fon
patrimoine féparé de celui de la couronne. Sa teri-
dreffe extrême pour la princeffe Catherine , fa
foeur unique," qti’il vouloir favùrifer, s’il n’avoit
11 point d’enfans, le déterminèrent en cette occa-
I fum : les lettres-patentes furent vérifiées au parlement
de Bordeaux ; mais le parlement de Paris
, féant à Tours , refufa de les vérifier , mal-
; gré les lettres de juffion que le roi lui envoya à
plufieurs reprifes. Le procureur général obferva
t c qu’en France il n’y a point de diftinétion de
== domaines,dans le roi; qu’il n’y a en lui qu’un
sj domaine public , lequel abforbe le particulier
„ que lë rqi avoit avant fon avènement à la cou-
s» ronne , 8c celui qui lui eft échu depuis par
=j fucceffion , libéralité, cafuel 8c conquête
Une nouvelle déclaration ftatua cependant que le
domaine particulier 8c patrimonial du roi feroit
disjoint 8c défuni de la couronne, 8c cette dé