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?» font vendus vingt-cinq ou trente pour cent de
» moins que les autres dans tous les marchés.
» Le fol de la Caroline méridionale & de la
« Géorgie eft parfaitement uni jufqu’ à jo milles
» de TOcéan. Les pluies exceffives qui y tom-
» Sent , ne trouvant point d’écoulement, forment
» de nombreux marais, où le riz eft cultivé au
« grand détriment des hommes libres & des ef-
» claves occupés de ce travail. Dans les inter-
» vàlles que laiffent ces amas d’eau fi multipliés,
» croît un indigo inférieur qu’il faut changer- de
»•» place chaque année. Lorfque le pays s’élève,
» ce ne font plus que des fables rebelles, ou
jj d’affreux rochers, coupés de loin en loin par
» des pâturages de la nature du jonc.
« Le gouvernement anglois, ne pouvant fe
« difïimuler que l’Amérique feptentrionale ne l’en-
« richiroit jamais par les productions qui lui
» étoient propres , imagina le puiffant reffort des
=s» gratifications, pour créer dans cette partie du
» nouveau-Monde le, lin , la vigne & la foie. La
=» pauvreté du fol répoufla la première de ces
=» vues > le vice du climat s’oppofa au fuccès de
q? la fécondé, & le défaut de bras ne permit pas
*> de fuivre la troifième. La fociété , établie à
*> Londres pour l’encouragement des àTts , ne fut
» pas plus heureufe que le miniftère 5 fes bienfaits
*>■■ ne firent éclore aucun des objets qu’elle avoit
» propofés à l’ aCtivité & à l’induftrie de ces con-
» trées.
. • p II fallut que la Grande-Bretagne fe contentât
=» de vendre chaque année aux contrées qui nous
*» occupent, pour environ cinquante millions de
»a marchandifes. Ceux qui les. confommoient, lui
»» livroient exclufivement leurs indigos, leurs fers,
» leurs tabacs & leurs pelleteries. Ils lui .livroien t
» ce que le refte du globe leur avoit donné d’ar-
» gent & de matières premières , en échange de
« leurs bois , de leurs grains , de leur poiffon, de
*» leur riz & de leurs falaifons. Cependant la balance
leur fut toujours fi défavorable , que Iorf-
»? que les troubles commencèrent , les colonies
» dévoient cent vingt ou cent trente millions à
» leur métropole, & qu’ elles n’avoient point de
?» métaux en circulation »».
Selon des hommes très-inftruits, la fertilité des.
terres des nouvelles républiques e ft, en. général,
fupérieure à la fertilité de la plupart des pays de
l ’Europe ; & plufieurs cantons, tels que les bords
de l ’Ohio & du Miffiffipi, fans avoir été perfectionnés
.par une lohg.ue, fuite de .travaux & d’én-
grais, égalent en richeffes les plus belles campagnes
de l’Angleterre. La fertilité des dîftriéts
voifins des côtes delà merparoît avoir diminué,
aînfî qu’ elle diminue toujours, après quelques années
de culture, Iorfqu’on ne- la répare .pas. On
ne croit plus à ces belles théories, qui faifoient
dégénérer les hommes1, les animaux & les pro-
duélions- fur J e-fo l du-nouveau-Monde. Si les terres
d’Europe femblent ne pas s’épuifer, c’ eft que
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d’une année à l’ autre on multiplie les engrais V
& qu’on y redouble de foins. La même chofe ar-
riverok fans doute en Amérique 5 mais les colons
pouvant toujours travailler de nouvelles terres,
lorfque la richeffe des anciennes diminue , ils négligent
celles-ci & ils ont raifon. C ’ eft par des
vues fages que le Maryland & la Virginie abandonnent
peu-à-peu la culture du tabac. Cette
culture amaigrit le fol j elle fatigue les hommes-
& les animaux > elle leur donne de raauvaifes fub-
fiftances & en petite quantité. Si les grains de la
Caroline feptentrionale ne font pas excellents ,,
pour en accufer le climat & le fol , il. faudroit
examiner fi le froment ne s’améliore point dans un
pays, par l’induftrie & la confiance du cultivateur
, & fi la terre peut produire de bon fromentj
lorfqu’elle eft défrichée depuis peu.
Vraifemblablement le fol des Etats-Unis ne fe-
trouve pas fufceptible de toutes les cultures 5.
mais c’eft une fuite de fa polîtion & non. de fa.
ftérilité. On ne doit point affiner encore qu’il re-
pouffe la culture du lin. La vigne & la foie ne-
peuvent croître que dans les provinces les plus
méridionales j & pour proîîoncei\qu’on n’en verra
jamais dans la Caroline du fud & la .Géorgie , i l
faut attendre les effets de là confiance infatigable
d’un peuple libre, qui voudra trouver chez lui
la plupart des productions utiles, & qui exploitera
les anciennes terres avec plus de zèle, lorfqu’il
n’en aura plus de nouvelles à défricher-. Si les
bienfaits du gouvernement britannique & de la.
fociété établie à Londres pour l’encouragement
des arts, n’ont point eu de fuccès ,. on doit en
conclure feulement que le fterile honneur & le
foiblé appas * d’une réeompenfe n’ont point dérangé
les vues dès côlons.
Sans doute, la balance du commerce a été défavorable
aux colonies jufqu’ a la révolution ; elle
doit l’être encore long - temps. Quoi donc, les
nations nouvelles peuvent-elles s’enrichir auffi facilement
que les particuliers ? On. oublie qu’il faut
des fiècles pour eonfolider rétabiiffeme.nt de tou.-,
tes les nations nouvelles 5 que l^s' colonies dont
on parle fe font formées dans le nouveau-Monde*
& qu’elles ont été réduites à tirér . de rEurope
leurs capitaux & meme leurs inllrumens de culture.
On fait d’ailleurs.avec quelle ardeur inté-
reffée le négociant anglois prodiguoît fes Recours
aux colons, & avec, quel foin le miniftere bri—.
tannique arrê.toit leur induftrîe. Un nouvel ordre
de chofès va commencer , & le progrès en- tout
genre des républiques de l’ union américaine ne
tardera pas à démentir toutes les fpecujatfohs.-
Qu’importe, après tou t, la fertilité plus, ou ‘
moins grande du fol des Etats-Unis.? & qijefait,
au bonheur de fes citoyens le degré'plus, ou moins'
confidérable de la qualité de lés ; produClioas ?/.
C ’ eft fur les'fols ingrats que fé maintiennent lés
conftitutions- républicaines : la molleffe & F abondance
énervent le. courage, & ,. dans les pays fa*
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vorifés de la nature, les homijies aiment bientit
le repos & le plaifir plus que la liberté. Nous ne
craindrons pas de le dire, nous voudrions que les
citoyens des Etats-Unis } obliges toujours a un
travail pénible •& condamnés fans ceffe aux privations
du luxe, trouvaffent dans la nature de leur
pays , l’énergie de cara&ère & la fobrieté de
moeurs dont ils auront befoin. ( i :
' Ils fe font occupés, immédiatement apres la
paix, du foin de réparer les ravages de l’armee
anglpife.Elle avoit prefque détruit un affez grand
nombre de villes > nous nous contenterons de nom-
mer iciCharles-Town, New-London, Norfolk,
Fair-Field, Efopus , maintenant Kingfton , fal-
moiith , Dambury, No rfolk , Portfmouth , our-
folk , &c. Ses déprédations^ dans les campagnes
avoient été bien plus confidérables, & pour calmer
l’humeur de ces hommes fi preffés , qui s e-
tonnent de voir les nouvelles républiques demander
des délais pour acquitter leurs dettes, il fuf-
firoit de leur montrer les relies des incendies &
des dévàflations qu’a produit la guerre.
Aujourd’hui que les américains font en pleine
pofteffion de leur liberté, on peut les féliciter fur
ces dévaftations & fur ces incendies. En fon-
geant .à ce qu’il leur en a coûte pour devenir
libres, ils fendront mieux, les ^avantages de leur
pofition : ils fe rappelleront qu’ un général anglois
écrivoit à fon miniftre :. j'ai La fatisfaction de vous
annoncer que je n ai pas laijfé pierre fur pierre dans
la ville d'Efopus : ils fe fouviendront , que dans
l’efpace de trois ans , onze mille de leurs pri-
fonniers font morts de befoin & de mauvatfe odeur
dans un feul vaiffeau ( le Jerfey ) (1) j que Tarle-
ton fit. hacher un détachement américain qui venoït
fle mettre bas ies armes 5 que 50 de ces malheureux
guérirent de leurs bleffurés, & qu’on les a
vus, durant plufieurs années , mutilés d’ une manière
effrayante j que ce mçme Tarleton donnoit
aux fabres de fes foldats le tranchant des rafoirs,
cruauté que les loix de la guerre n’ autorifent pas 5.
& qtié pour interrompre ce bel ufage, un général
américain fut obligé de lui envoyer un fabre
affilé de la même manière , en l’avertiffant qu’il
feroit impitoyable, comme on l’étoit envers lui :
ils fe foiiviendront que le parlement paffa, au
commencement de la guerre , un ad.e qui obli-
geôit les américains, faits prifonniers en mer , à
porter les armés contre les Etats-Unis ; & qu’on
les- déterminoit à fervir , en les affamant & en
leur donnant des coups de fquet j que ce fut pour
eux la plus infuppoitable des cruautés , parce que
les autres affeétoient le corps, & que celle-ci ré-
voltoit leur coeur-; que la frayeur ‘d’avoir tué leur
père ou leur frère les tourmenta toujours ; que pluÉ
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fieurs eurent affez de confiance pour perfifter dans
leur refus, quoiqu’on ne leur donnât qu une demi-
ration , & qu’on les accablât de coups ; mais que
ces braves gens furent envoyés en Angleterre &
de-là aux Indes orientales ; que les officiers generaux
, l’adminiftration & le parlement fe font rendus
coupables de forfaits plus grands encore : ils
fe fouviendront, qu’aptes la bataille de German-
Totvn, les prifonniers furent entafles dans la coût
du palais de la république à Philadelphie ; qu on
les y laiffa trois jouis fans nourriture ; que les
vivres arrivèrent, lorfqu un grand nombre de ces
infortunés étoient morts de faim j que dans leurs
derniers momens ,.ils avoient mange 1 herbe qui
fe trouvoir à leur portée ; ils fe fouviendront qu un
■ anglois prit dans la haute mer un de leurs navires
chargé de yoo nègres ; que les américains & les,
nègres furent jettes dans la calle j & que lorfqu on
l'ouvrit, la moitié avoit fuccombé à de fi horribles,
fouffrances ; ils rapprocheront cet infernal cachot
du trou de Calcutta qui a excité tant de fureur
en Angleterre, Sr ils jugeront que le .nabab du
Bengale, n'a pas été le plus cruel ƒ ils tranfmet-
tront à leurs enfans mille autres détails épouvantables
;& ils leur apprendront que l'une des grandes
nations les plus, éclairées , & peut-etre la plus
fage dans fon régime intérieur, furpalfe les peu-
: pies barbares, lorfqu’elleveut exercer fa domination.
Les Etats-Unis profitent avec zèle du loifir de
la paix ; &. fi en quelques points leur marche eft
plus Jente qu'on ne le defireroit en Europe, elle
elt plus rapide fur beaucoup d autres qu on ne
pouvoir l'efpé'cer , & , comme nous l’avons déjà
dit , leur, progrès “étonnera bientôt les nations
de l’ancien - Monde.' Ils perfectionnent la iiavi- .
gation de leurs fleuves , & les vaftes travaux
qu'ils ont commencé , feront d'une utilité biens
- étendue, : voici l'extrait d'urte lettre , du Ï7
oétobre 178 j , écrite d'Alexandrie , ville de la
Virginie , fituée fur la rivière de Potawmack.
« Lorfque le général Washington abdiqua J e
„ commandement,. il conçut l’ idée utile de per-
feffionnér la navigation des fleuves Potawmack
„ & James ', dont les branches pénètrent à des
P»' diftaheés très-éloignées. La première partie de
„ ce projet ne pouvoit être exécutée que par le
»■ fecours d’une loi mutuellement paffée par les
„ états de Virgnie & de Maryland qui fépare ce
» grand fleuve. On fut fi frappé des vues patrio-
„ tiques de M. Washington , qu’il ne fè trouvai.
„ pas une, feule voix dans les deux alïémblées
,, légjflatives qui s'y oppofaflënt. Les fonds né-
» celfaifes furent bientôt fournis ; yo,ooo livres
» fterlings pour le premier , & 40,000 lîv. fterl.
; >» pour le fécond.
..(1) Le vaiffeau le Jerfey aété, prefque durant toute la guerre,*dans la rade de la Nouvelle-York. On r
entaffoit les prifonniers américains,. fie on a calculé que ce bâtiment feui avoit jette à la mes onze nulle:
cadavres , en moins de trois ans