
fant. C e crime fut caché à l’ empereur ; il auroit
verfé un torrent de Lang. L ’atrocité des loix en
empêche donc l’exécution. Lorfque la peine eft
fans me fur e , on eft fouvent obligé de lui préférer
l’impunité.
Enfin le peuple japonois a un cara&ère fî atroce
, que fes légiflateurs & fes raagtftrats n’ont^pu
avoir aucune confiance en lui. Ils ne lui ont mis
devant les yeux que des juges, des menaces &
des châtimens : ils l’ont fournis , pour chaque démarche
3 à l’inquifition de la police. Ces loix qui,
fur cinq chefs de famille, en établiffent un comme
magiftrat fur les quatre autres > ces loix qui 3
pour un feul crime, puniffent toute une famille
ou tout un quartier ; ces loix qui ne trouvent
point d’innocens là où il peut y avoir un coupable
3 font faites pour que tous les hommes fe méfient
les uns des autres 3 pour que chacun recherche
la conduite de chacun , & qu’il en foit l’inf-
p efteur, le témoin & le juge.
JARDIN S 3 JA R D IN A G E : avantages &in-
convéniens de ce genre de culture. Voye-^ l’article
Gr a in s .
J A V A , ifle d’Afîe 3 qui eft le centre de la
puiffance hollandoife dans l’Inde.
Java , qui peut avoir deux cents lieues de long
fur une largeur de trente à quarante , paroît
avoir été conquife par les malais à une époque
allez reculée. En 1609 , lorfque la compagnie hol-
landoife fongea à s’établir dans cette ifle* un
mahometifme fort fupeiftitieux en étoit le culte
dominant. Il y avoit encore, dans l’intérieur du
pays 3 quelques idolâtres ; 8c c’étoient les feuls
hommes de Java qui ne fulfent point parvenus au
dernier degré de la dépravation. L’ ifle , autrefois
foumife à un feul monarque, fe trouvoit alors
partagée entre plufîeurs fouverains qui étoient continuellement
en guerre les ^uns avec les autres.
Ces diffénfions éternelles avoient entretenu-, chez
ces peuples , l’oubli des moeurs & l’efprit militaire.
Ennemis de l’ étranger, fans confiance entr’eux ,
on ne voyoit point de nation qui parut mieux fen-
tir la haine. Il fembloit que l’envie de fe nuire,
& non fe befoin de s’entr’aider, fes eut raflem-
blés en fociété. Le javanois n’abordoit point Ton
frère, fans avoir le poignard à la main 5 toujours
en garde contre un attentat, ou toujours prêt à
le commettre. Les grands avoient beaucoup d’êf-
claves qu’ ils achetaient, qu’ils faifoient à la gue^
r e , ou qui s’engageoient pour dettes. Ilsles trai-
toient avec inhumanité. C ’étoient les efclaves qui
cultivoient la terre, 8c qui faifoient tous les travaux
pénibles. Le javanois mâchoit du bétel ,
fumoit de l’ opium, vi-voit avec fes concubines,
combattoit ou dormoit. On trouvoit dans ce-
peuple beaucoup d’efprit-.; mais il y reftoît peu
de traces de principes moraux. Il fembloit moins
un peuple avancé., qu’ une nation dégénérée. C ’étoient
des hommes q u i, d’un gouvernement rég
lé , étoient pallés à une efpèce d’ anarchie, &
qui fe livroient fans frein aux mouvemens impétueux
que la nature donne dans ces climats.
Un caractère fi corrompu ne changea rien aux
vues de la compagnie fur Java. Elle pouvoit être
traverfée par les anglois, alors en poffeffion d’une
partie du commerce de cette ifle. Cet obftacle
lut bientôt levé. La foibleffe de Jacques I & la
corruption de fon confeil rendirent ces .fiers bretons
fi timidès, qu’ils fe biffèrent fupplanter ,
fans faire des efforts dignes- deTeur courage. Les
naturels du pays, privés de cet appui, furent af-
fervis. C e fut l’ouvrage du temps, de Tadreffe ,
de la politique.
Une des maximes fondamentales des portugais
avoit été d’engager les princes qu’ils vouloient
mettre ou tenir fous l’oppreffion , à envoyer leurs
enfans à GoaJ pour y être élevés aux dépens de
la cour de Lisbonne, 8c s’y naturalifer, en quelque
manière , avec fes moeurs 8c fes principes.
Mais cette idé e, bonne en elle-même, les con-
quérans l’avoient gâtée , en admettant ces jeunes
gens à leurs plaifirs les plus criminels, à leurs
plus honteufos débauches. Ilarrivoit delà que ces
indiens, mûris par l’âge, ne pouvoient s'empêcher
de haïr, de mépriler du moins des inftitu-
teurs fi corrompus. En adoptant cette pratique
les hollandois la perfectionnèrent. Ils cherchèrent
à bien convaincre leurs élèves de la foibleffe ,,
delà légéreté, de la perfidie de leurs fujets, &
plus encore de la puiffance ,. de la fagëffe, de iæ
fidélité de la compagnie. Avec cette méthode ,
ils affermirent leurs ufurpations : mais , i f faut
le dire , la perfidie, la cruauté furent aufli les
moyens qu’employèrent les hollandois.
Le gouvernement de l’ifle, qui avoit pour unique
bafe les loix féodales, fembloit appeller la
difcorde. On arma le père contre le fils , le fils
contre le père. Les prétentions du foible contre
le for t, du fort contre le foible , furent appuyées
fuivant les circonftances. Tantôt on prenoit le
parti du monarque, & tantôt celui des vaffaux..
Si quelqu’ un montroit fur le trône des talens redoutables
, on lui fufcitoit des concurrens. Ceux
que l’or ou les promeffes ne féduifoient pas
étoient fübjuguéspar ta crainte. Chaque jour ame-
noit quelque révolution , toujours préparée par
les tyrans, & toujours à leur avantage. Ils retrouvèrent
enfin les maîtres des poftes impor-
tans de l’intérieur, 8c des forts bâtis fur les-
côtes.
L ’exécution de ce plan d’ ufurpation n’étoit encore
qu’ébauchée , lorfqu’on établit à. Java un
gouverneur qui eut un palais, des gardes, un extérieur
impofant, La compagnie crut devoir s’ écarter
des principes d’économie qu’ellè avoit fui-
vis jufqu’alors. Elle étoit perfuadëe que .les portugais
avoient tiré un grand avantage de la cour
brillante que tenoient les vice-rois de Goa 5 qu’on
devoir éblouir les peuples de l’orient.pour mieux
les fubjüguer , 8c qu’il falloit frapper l ’imagination
te les'yeux des indiens ,:plüs aifés à ’conduire par]
les fens que les habitans de nos climats. .
Les hollandois avoient une autre raifon pour
fe donner un air de grandeur. Gn les avoit peints
à l’Afie comme des pirates,. fans patrie., tans
loix & fans maître. Pour faire tomber ces calomnies,
ils propofèrent à plufreurs états voifins de
Java , d’envoyer des ambaffadeurs au prince Maurice
d’Orange. L ’exécution de ce projet leur.-pr.0-
cura le double avantage d’en impofer aux orientaux
, & de flatter l’ambition du ftatho.udçr, dont
la protection leur étoit néceffaire pour les raifons
que nous allons dire.
Lorfqu’on .avoit accordé à la compagnie fon
privilège exclufif, on y avoit alfez mal-à-propos
compris le détroit de Magellan, qui ne devoit
avoir rien de commun avec les Indes orientales.
Ifaac Lemaire, un de ces négocians riches 8c
entreprenans qu’on devroit regarder par-tout comme
les biènfaiteurs de leur patrie , forma le projet
de pénétrer dans la mer du fud par les terres Auf-
trales ,. puifque la feule-voie connue alors pour y
arriver étoit interdite. Deux vaiffeaux qu’il expédia
en 1615 3 paffèrent par un détroit qui depuis
a porté fon nom > fitué entré le cap de Horn &
l’ifle des Etats, 8c furent conduits par les évé-
nemens à Java. Ils y furent confifqués, 8c ceux
qui les montoient envoyés prifonniers en Europe.
Cet de tyrannie révolta les efprits déjà
prévenus contre tous les commerces exclufifs. Il
parut abfurde qu’au lieu des encouragemens que
méritent ceux qui tentent- des découvertes, un
état purement commerçant. mît des^ entraves à
leur induftrie. Le monopole, que l’avarice des
particuliers fouffroit impatiemment, devint plus
odieux, quand la compagnie donna aux concef-
fions qui lui avoient été faites, plus d’étendue
quelles n’en dévoient avoir. On fentoit que fon
orgueil '8c fon crédit augmentant avec fa puiffan-
ee , les intérêts de la nation feraient facrifiés dans
la fuite aux intérêts , aux fantaifies même de ce
corps devenu trop redoutable. Il y a de l’apparence
qu’il auroit fuceombé fous la haine , publique,
& qu’on ne lui auroit pas renouvelle fon:
privilège qui alloit expirer, s’ il n’avoir été fou-
tenu par le prince Maurice, favorite par les Etats-
Généraux , 8c encouragé à faire tête à l’orage
par la conïiftance que lui donnoit fon établi Sèment
à Java.
Quoique divers mouvemens, plufieurs guerres,
quelques confpirations aient troublé la. tranquillité
de cette ifle , elle ne biffe pas d’être affujettie .aux
hqlbndois de b manière dont il leur convient
quelle le foit.
Bantam- en occupe b partie occidentale. Un
de fes defpçtes qui avoit remis b couronne à fon
fils , fut rappelle au trône en 1680, par fon inquiétude
naturelle, par b-rrjàuvaife conduite -de
fon fucceffeur,. 8c par - une faCtion puiffante. Son
parti alloit prévaloir * lorfque le jeune monarque
alfiégé'Vpar ,une armée de trente mille hommes
dans fa capitale , ou il n’avoit pour appui que
les -.compagnons de fes débauches,,■■ implora b
proteâion des hollandois. Ils volèrent à fon fe-
goues , battirent fes .ennemis , le délivrèrent d’un
rival, 8c rétablirent fon autorité. Quoique l'expédition
eût été vive, courte, rapide , &c par
conféquent .peu difpendieufe , on ne biffa pas
de faire monter les dépenfes de b guerre à des
fommes-prodigieufes. La fituation des chofes ne
permettait pas de .difeuter le prix d’un fi >gtand
fervice , 8c l’épuiferaent des finances ôtoit b pof-
fibilité de l’acquitter. Dans cette extrémité , le
foible roi fe détermina-à fe mettre dans les fers ,
à y mettre fes defeendans, en accordant à fes
défenfeurs l.e commerce exclufif de fePetats.
La.compagnie maintient ce grand privilège avec
trois cents foixante-huit hommes diftrib.ués dans
deux mauvais forts, dont l’ un fert d’habitation à
fon gouverneur , 8c l ’autre de pabis ..au roi. C e t
établiffement ne lui coûte que 110,000 1. qu’ elle
retrouve fur les marchandifes qu’elle y débite.
Elle a , en pur bénéfice , ce qu’elle peut gagner
fur. trois millions pefant de poivre qu’on
s’eft obligé de lui livrer à 28 livres .3. fois le
cent.
O ’.eft peu de chofe en .compîtraifon de ce .que
là compagnie tire de Cheriben , qu’elle a .réduit
fans efforts,. .fans intrigue & fans dépenfes. A
peine les hollandois s’ étoient établis à Java, que
le fultan de cet état reffen-é, mais très-fertile, fe
mit fous leur protection, pour éviter le joug
d’un voifin plus puiffant que lui. Il leur livre annuellement
trois millions trois cents mille livres
pefant de riz , à 2 y liv. 12 f. le millier; un million
de fu c re , dont lé plus beau eft payé 1 y liv.
6 .fols 8 deniers; un million deux cents mille
livres de café , à 4 f. 4 den. b livre ; cent quintaux
de poivre, à 5 f. 2 den. b livre ; trenre
mille livres de coton, dont le plus beau n’elt
payé que 1 liv. r i f. 4 den. la livre ; fix cents
mille livres d’ arèque , à 13 liv. 4 fols le cent.
Quoique-des prix fi bas foient un abus manifolle
de b foibleffe des habit-ans, cette injuflice n’a
jamais mis les armes à la main; du peuple de Che-
1 ribon, le plus doux , le plus civilifé de l’ifle. C en t
européens fuffifent pour le tenir d'ans les fers. La
dépenfe'de 6et établiffement ne monte pas au-
deffus de 45,100 livres , qu’on gagne fur les toiles’
qu’on iy porte.
L ’empire de Mataran , qui s’étendoit autrefois
fur l ’ifle entière , dont il embraSè encore 1a plus*
grande partie , ,a été fubjugué plus tard. Souvent
vaincu, quelquefois vainqueur, il combattoit encore
pour fon indépendance,, lorfque Te fils 8c
le frère d’un fouverain mort en 1704,. fe,difptâtèrent
fa -dépouille. La nation fe partagea entre
les deux concurrens. Celui que l’ordre de la fuc-
c-e filon appel! oit au. trône, prerroit fi vifiblement
le .deffus, qu’il ne devoit pas tarder à fe voir