
Depuis qu*Humbert I I , dauphin du Viennois, j
difpofe do Tes états en faveur de la maifon de j
■ France , le fils aîné du roi , 'ou l'héritier préfomp- !
t if de la couronne porte le titre dz dauphin. Voye[
l'article D a u ph in .
Le 'fils aîné du dauphin eft appellé duc de \
Bourgogne j mais ce titre, ne fe remplace pas.
Lorfque le roi aCtuel étoit dauphin, fon frère ;
puîné , ( aujourd'hui M on sieu r , ) étroit qualifié
de comte de Provence 3 & fon frère cadet !
de comte d'Artois. Les fils ou les filles du roi
ont le furnom de France 3 & les fils ont en outre
des titres particuliers 3 comme ceux de ducs |
xl'Orléans 3 d'Anjou, de Berry 3 d'Aquitaine ,
’8cc. & les princeffes font appellées 'Simplement
jMefdames de France.
Le roi de France eft le feul roi de l'Europe i
traité de majefté par l'empereur d'Allemagne & i
par les diètes de l'Empire. Les diètes & le chef ;
du corps germanique ne donnent aux autres rois j
que la qualification de férénité , de dileciion, ou
de dignité royale^
S e c t i o n I V e.
Observations fur la culture & les avantages de la
pojition de la France 3 & fur la marine,
On a publié des milliers de volumes fur la
culture de la France, 8c les moyens d'augmenter
fes productions : tout ce qui regarde -cette matière
, a été bien difcuté, & fe trouve aujourd'hui
bien éclaircie : nous nous bornerons ici à
une feule remarque.
Le marquis de Turbilly a prouvé 3 dans fon
mémoire fur les défrichemens ( en 1760 ) F que la
moitié des terres du royaume eft inculte , & que !
fi les autres étaient mieux cultivées , le produit i
des récoltes doubleroit 5 il en conclud que les revenus
du roi fe tripleroient, fi l'on défrichoit lés
premières , & monteroient au quadruple, fi l'on
amélioroit les autres j & que la population deyien-
droit plus nombreufe , à mefure que l'aifance deviendrait
plus générale.
Les belles chauffées conftruites dans toute l'étendue
du royaume, le grand nombre de rivières l
navigables qu'on y trouve, & les fuperbes ça- J
naux où aboutiffent plufieurs de ces rivières , tels
oue celui de Bourgogne , de Briare , d'Orléans,
de Picardie, le fameux canal royal de Languedoc
, &c. fourniffent ou fourniront de grands fe-
cours au commerce intérieur, & le rendront d'une
facilité peu commune.
Le commerce extérieur n'a pas moins d'avantages
par terre $ il pénètre en Suiffe 8c en Italie
par Lyon î en Allemagne, par Metz 8c Straf-
bourg 5 en Hollande par Lille ; 8c en Efpagne ,
où le produit de la contrebande égale celui du
commerce public, par Bayonne 8c Perpignan ,
8cc. La France fait trois fortes de commerce
maritime.
L'un a lieu d'un port à l'autre 8c on le nomme
cabotage ou commerce des côtes. Il entretient
une correfpondance entre toutes les provinces maritimes
du royaume ; il tire dê l’une ce qui manque
à l'autre, 8c il excite Finduftae^ Le fécond
embraffe l'Europe , 8e il confifte dans l'échange
des denrées ou marchandifes que les états divers
s'envoient mutuellement. Il eft aifé de voir que
la France étant fi riche par fes productions 8c par
fon induftrie, les navires étrangers doivent y
aborder en-foule. Auffi les ports de France font-
ils fréquentés par toutes les nations européennes.
Les navires françois vont à leur tour vifiter le's
ports de leurs voifins, 8e l'on peut juger des
avantages de leur commerce par les 70 millions
que la balance de fon commerce lui apporte.tou-
tes les années. Jufqu’ici ils ont peu fréquenté les
mers du nord j 8c comme ils ont befoin des marchandifes
qu'on en tire , 8c que les recevant dé
la fécondé 8c de la troifième main , ils doivent
les payer plus cher , le cabinet de Verfail-
les s'occupe aujourd'hui des moyens d’étendre
fon commerce dans le nord , 8c fur-tout en Ruf-
fie j 8c il verra bientôt fes fujets entrer pour ce
commerce dans une concurrence avantageufe’ avec
les hollandois 8c les anglois.
La troifième forte de commerce embraffe l'A -
fie , l'Afrique 8c l'Amérique ; 8c comme elle
expofe à des rifques, elle donne auffi des bénéfices
plus confidérables. Celui de la Guinée
n'eft pas le moins important 5 les françois en tirent
de l’o r , de l'ivoire,' 8c fur-tout des nègres
qu'ils tranfportent en Amérique. Leur colonies
dans le nouv^au-Monde exigeant des détails parr-
ticuliers, nous renvoyons ces détails à la fec-
tion fuivante. Le commerce des Indes orientales
fe fait par le port de i'Grient.j il n'eft plus ce
qu'il étoït autrefois , 8c il féroit aifé de prouver
qu'on ne doit pas s'affliger de cette diminution.
La France a pour la marine des avantages confidérables.
Sa fituation eft une des plus commodes
8c des meilleures pour troubler le commerce
des autres nations , 8c faire profpérer le lien.
Elle eft placée comme au milieu de l'Europe.,
rien ne la gêne, rien ne lui porte obftacle.
C 'eft des anglois 8c des hollandois que la France
tient l'art de conftruire les vaiffeaux. Henri IV
eft le premier de nos rois qui ait fongé férieu-
fement à établir une marine. Le cardinal de Richelieu
la perfectionna fous Louis X I I I , 8c la
France eut une efeadre affez forte. Louis X IV
rendit fa marine redoutable, 8c elle contribua
beaucoup à la gloire 8c au fuccès de ce prince.
Mais elle ne fe foutint pas : on la vit tomber
dans les dernières années de fon règne.
Elle s'eft relevée avec beaucoup d'éclat fous
Louis X V , 8c des circonftances particulières
l ’ont rendue quelques momens- égale ou fupérieure
a celle des anglois, durant la guerre qui vient
de fe terminer. On en fent aujourd'hui l'importance,
8c il y a lieu de croire qu'on l'entretiendra
toujours avec beaucoup de fojn. La cour de
Verfaillçs fait conftruire un port à Cherbourg,
ç'eftj- à - dire , dans la Manche , tout donne
fieu d'efpérer que . cette belle entreptife aura du
fuccès j 8c nous ne craignons pas d'affurer qu'à
la première guerre , la Grande-Bretagne trouvera
la marine françoife plus redoutable. En traitant,
dans la fixième fe&ion , des rapports de la France
avec l'Angleterre, nous ferons quelques observations
affez utiles fur le port de Dunkerque.
L'état des troupes de terre qu'entretient Ja
France;, fe trouve par-tout, 8c nous ne le donnerons
pas ici.
S E C T I O N V e.
Précis de Vhifioirepolitique de no s colonies d’Amérique,
remarques fur l'adminifiration , les impôts, les re-
: venus , les dettes 6* les milices de ces colonies ,
fur les réformes dont elles font fufceptibles , &
- fur l'édit du 24 août 17 8 4 , qui a tempéré a
. quelques égards le régime prohibitif
Les détails dans Iefquels nous allons entrer,
font fout étendus , 8c les obfervationS importantes
qu'ils renferment, ne nous appartiennent pas :
quoiqu’ elles fe trouvent dans un livre qui eft
très-connu, il y a lieu de croire que le leCleur
les trouvera fort bien placées ici.
Nous^y avons ajouté feulement plufieurs remarques
fur l'arrêt du confeil du mois d'août ,
qui tempère à quelques égards le régime prohibitif
établi jufqn'alors dans nos Ifles d’Amérique.
: Précis de- Vhifoire politique de nos colonies d'Amérique.
Depuis la fin tragique du meilleur de fes
monarques, la France avoit été fans celle bou-
leverfée par les Caprices d'une reine intrigante,
par les vexations d'un étranger avide, par les
projets d'un favori fans talent. Richelieu com-
mençoit à la gouverner d'une manière abfolue ,
lorfque quelques - uns de fes navigateurs, auffi
puiffamment excités par la paffion de l’indépendance
, que par l'appas des richeffes , tournèrent
leurs voiles vers les Antilles, avec l'efpérance de
fe rendre maîtres des vaiffeaux efpagnols qui fré-
quentoient ces mers. La fortune , apres avoir
plufieurs fois fécondé leur courage, les réduifit
à chercher un afyle pour fe radouber : ils le
trouvèrent à Saint-Chriftophe en 1625. Cette ifle
leur parut propre au fuccès de leurs armemens,
8c ils fouhaitèrent être autorifés à y former un
établiffement. Denambuc, leur chef, obtint nonfeulement
ce,tte liberté , mais encore celle de s'étendre
, autant qu’on le voudroit ou qu'on le pour-
roit, dans le grand Archipel de l'Amérique. Le
gouvernement exigea pour cette permiffion, qui
n'étoit accompagnée çfaufuh fecours , d'aucun
appui, le dixième des, denrées qui arriveroient
de toutes les colonies qu'on parviendroit à fon»-
der. _
Une compagnie fe préfenta , en 16 16 , pour
exercer ce privilège. C'étoit l'ufage. d'un temps
où la navigation 8c le commerce n'avoient pas
encore affez de. vigueur, pour être livrés à
la liberté des particuliers : elle obtint les plus
grands droits. L'état lui abandonnoit pour vingt
ans toutes les ifles qu'elle mettroit en valeur, 8c
l'autorifoit à fe taire payer cent livres de tabac ,
ou cinquante livres de coton par chaque habitant
, depuis feize jufqu'à foixante ans. Elle de-
voit y jouir encore de l'avantage d'acheter 8c de
vendre exclufivement. Un fonds qui ne fut d’abord
que de 45,000 livres, 8c qu'on ne porta
jamais au triple de cc-tte fomme, lui valut tous
ces encouragemens.
Il ne paroiffoit pas, poffible de rien faire d'utile
avec des moyens u foibles. On vit cependant for-
tir de Saint-Chriftophe des effains d'hommes hardis
8c entreprenans., qui arborèrent le pavillon
françois dans les 'ifles voifines. Si la compagnie
qui excitoit l'efprit d'invafion par quelques privilèges
, eut e u , à tous égards, une conduite bien
raifonnée, l'état né pouvoit tarder à tirer quelques
fruits de cette inquiétude. Màlheureufement
elle fit ce qu’a toujours fait , ce que fera toujours
le monopole : l'ambition d'un gain exceffif la rendit
injufte 8c cruelle.
Les hollandois, avertis de cette tyrannie , fe
préfentèrent avec des vivres 8c des marchandifes,
qu’ils offroient à des conditions infiniment plus
modérées. On accepta leurs propofitions. Il fe
forma dès-lors , entre ces républicains 8c les colons,
une liaifon dont il ne fut pas poffible de
rompre le cours. Cette concurrence ne fut pas
feulement fatale à la compagnie dans le nouveau-
Monde , où elle l'empêchoit de débiter fes car-
gaifons ; elle la pourfuivit encore dans tous les
marchés de l'Europe, où les interlopes donnoient
toutes les productions des ifles françoifes à plus
bas prix. Découragés par ces rêvers mérités, les
affociés tombèrent dans une inaétion entière, qui
les privoit de la plus grande partie de leurs bénéfices
, fans diminuer aucune de leurs charges..
Dans leur défefpoir, ils abandonnèrent, en 1.631,
leur oétroi à une nouvelle compagnie, qui elle-
même le céda à une autre en 1642. Inutilement
le miniftère facrifia à la dernière les droits^ qu'il
s'étoit réfervés. Cette faveur ne pouvoit pas changer
le mauvais efprit , qui jufqu’alors avoit été
un principe confiant de calamités. Une nouvelle
révolution devint bientôt néceffaire. Pour éviter
fa ruine totale, pour ne pas fuccomber fous le
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