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citoyen la liberté perfonnelle & réelle, on con- f
çoit que Tes effets doivent à-peu-près fe borner J
à ces premiers foins d'un état } & que , dans
des cas de troubles , de guerre , & de démêlés
avec les puiflances voifînes, la lenteur des délibérations
, la- divtfion de l'autorité publique , la
difette des finances, 8c la dépendance ou même
la nullité du pouvoir exécutif, doivent avoir les
plus grands inconvéniens. Quelques-uns des traits
Jes plus mémorables dans l'hiftoire des ligues-gri-
fes , fuffiront pour conftater la jufteffe de cette
remarque.
L'union des communes étoit à peine consolidée
y que la guerre éclata entre les fuiffes
& les grifons d'une part, & les provinces de la
Suabe & du Tirol de l'autre. Quelques prétentions
de la maifon d’Autriche, la haine 8c la
prévention de la noblefTe allemande contre des
peuples qu'on regarde comme ennemis de la
»obleffe , & plus encore une antipathie préparée
de longue date , occafîonnèrent cette rupture.
Dans l ’efpace de fix mois, huit combats fanglans,
à l'avantage des fuiffes 8c de leurs alliés , furent
livrés fur la frontière qui fe prolonge du Tyrol
à Bâle, Les grifons effuyèrent d'abord quelques
pertes} ils avoient été défaits dans le Munfter-
thal & perdu la ville de Mayenfeld} mais, par
leurs propres forces ou avec le fecours de leurs
alliés , ils furent plus heureux au pas de Sainte-
Lucie , à Freifen, à Fraltenz 8c dans le Munfter-
thal même. Sforze, duc de Milan, qui avoit be-
Foin des fuiffes 8c de l'Autriche, parvint à les
réconcilier, La réputation d'une valeur indomptable
fut le principal avantage qu'en retirèrent nos
républicains.
Cette époque établit- une liaifon entre les cantons
fuiffes & les ligues - grifes. Mais , par un
effet malheureux de leurs fuccès, le goût des armes
, réveillé fans ceffe par les promeffes des
puiflances qui fe difputoient le duché de Milan,
devint une méprifaple habitude. Les penfions,
l'avidité du butin corrompirent la difeipline des
grifons 3 ils prodiguèrent leur fang dans les plaines
de la Lombardie, 8c leur valeur mercénaire les
fit redouter 8c haïr. A l’exemple des fuiffes, ils
enlevèrent au duc de Milan, la Valteline, les
comtés de Çhiavenna 8c de Bormio, 8c ces conquêtes
furent long-temps un fujeç de trouble pour
eux.
Ils furent encouragés à cette faille par l ’évêque
de C o ir e , qui réçlamoit ces terres comme un ancien
domaine de fon églife : c’eft du moins à ce
titre qu'ils les retinrent en i j n . En 1530, l'évêque
céda fes droits temporels fur ces provinces
pour une rente perpétuelle de 573 florins par an.
Depuis 1525 jiifqu'çn 1732 , un gentilhomme mi-
lanoisnommé Mediçis & furnommé le châtelain
de Mujfo, ne ceffa de les troubler dans cette
poffeffion j il étoit frère du pape Pie IV , 8c il
*e faut pas confondre £1 famille av^c celle de
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Léon X élevée à la fouveraineté de Florence. E%
oppofant à la lenteur & à la crédulité des grifons
toutes les reffources du génie, de l'a&ivité &
de la perfidie, il les réduifit à implorer le fecours
des fuiffes.
Une révolte des fujets plongea les grifons dans
les horreurs d'une guerre civile y vers le commencement
du dix-feptième fiècle. Les efpagnols ,
alors poffeffeurs du Milanez, cherchoient à fe
procurer , par la-yalteline, une communication
libre avec les provinces autrichiennes. C e deffein
tenoit à de plus vaftes projets} ils l’exécutèrent
avec la cruauté dont leur avide politique avoit
fait ufage dans les Pays-Bas, en Italie 8c en Amé"
rique. La religion fervit encore ici de prétexte à
la perfidie. La plupart des communautés de la
ligue avoient adopté la réformation É qui avoir
fait moins de progrès dans les provinces fujettes.
Le nombre des partifans de la réforme s’étant
accru , ils demandoient une école publiqûe à Son-
d r io, chef-lieu de la Valteline. Le zèle des catholiques,
fomenté par les efpagnols, s'y oppofa.
Les fuites de cette querelle occafîonnèrent l'éta-
bliffement d'une commiflion extraordinaire criminelle
, dont la févérité fit dégénérer les murmures
en violences.
Ces fréquentes 8c malheureufes expéditions en
Lombardie avoient introduit le relâchement dans les
états de la Suiffe} les penfions avoient corrompu une
partie des magilïrats ; l'appas du butin & l'habitude
des enrôlemens momentanés avoient fait: naître
l'indocilité chez les peuplés. Ces effets furent
plus fenfibles 8c plus durables dans les gouverne-
mens populaires, où l'autorité publique étoit
moins affermie. L'excès du mal détermina les grifons
à recourir, à un remède extrême } ils établirent
des commifliôns pénales extraordinaires ,
Straf-gerichte. Un moyen fi violent livroit le parti
le plus foible à l'oppreflîon du plus fort, & pro*
voquoit les vengeances. Ces fecouffes devenoient
d'autant plus fréquentes 8c plus; fortes, que la
nation fe trouvoit partagée en faélions} des citoyens
puiffans s'étoient vendus aux intérêts des
j efpagnols, des vénitiens , des françois. Les familles
de Salis 8c de Planta étoient à la tête des
partis oppofés.
Le marquis de Fuentes, gouverneur du Milanez,
avoit conftruit un fort fur le bord du lac de
Côme 8e fur la frontière de la Valteline. Il en
réfulta une très-grande fermentation dans le pays.
Un citoyen de la famille Planta, menacé par le
parti contraire 9 introduifît des troupes autrichiennes
dans le territoire de la ligue des Dix-Droitures.
Par cette hoftilité, il irrita fes propres
partifans} fon château fut p illé, & une commiflion
extraordinaire févit contre lui. Une femblable
commiflion pourfuivoit, dans la Valteline, ceux
qui s'étoient oppofés à l'établiffenjent d’une école
réformée. L'occafion fut faifie par le fanatifme.
L e 20 juillet. 1620, les catholiques zélés firent,
dans
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dans la Valteline 8e dans le comté de Bormio ,
un maffacre général des réformés 8c de leurs
fauteurs. Tandis que les grifons des deux cultes
fe réuniffoient pour venger cette perfidie, les efpagnols
fournifioient des , fecours aux provinces
révoltées.
Loin de parvenir à punir une révolte aufli atroce
, ou feulement à faire rentrer les rebelles dans
leur devoir , les ligues fe trouvèrent environ
quinze ans dans la plus grande confufion, 8e
près de voir leur confédération diffoute. La politique
efpagnole mêloit toujours , dans cette querelle
injuffe, l’intérêt de la religion. C e prétexte
.maintenoit entre les cantons la défiance} il tenoit
en fufpens leur zèle pour l ’intérêt de la liberté
& leur fidélité, envers des alliés dans l'oppreflîon}
ils n'agiffoient que mollement; ils, fe laiffoient
amufer par des négociations inutiles, dans une
occafion où leurs ancêtres euffent montré de la
valeur. Les troupes autrichiennes s'emparèrent du
pays des Dix-Droitures 8c de la ville de Coire.
Si les grifons eurent quelques fuccès , ils ne furent
que paffâgers , & les revers étoient toujours
accompagnés de nouvelles violences. Enfin, après
plufieurs projets de traités, ou fîmulés ou fans
exécution , l'embarras des grandes puiflances décida
du fort de la Valteline 8c des grifons. La
maifon d'Autriche, preffée par les fuédois, fut
obligée de rappeller la plus grande partie de fes
troupes ; le duc de Rohan, avec quelques régi-
mens françois 8e fuiffes, diflïpa le refte en 163 y,
& parvint à chaffer les efpagnols de Bormio,vde
ChiaYeïina & de la Valteline. Il ne remit cette
dernière province aux ligues qu'en 1637 , 8e les
affaires des grifons furent rétablies fur le même
pied qu’en 1617.
En 1649 les communes des Dix-Droitures, fur
lefquelles l’Autriche avoit confervé divers droits ,
s’en rachetèrent pour 7f,OQO florins- Leur indépendance
fut confolidée. Une diffenfîon entre
les trois ligues, au fujet des prérogatives de la
ligue-Caddée dans la | direction intérieure de la
confédération générale, fut terminée en 1728
par la médiation des cantons de Zuric & de
Berne.
La Rhétie moderne , ou le pays des grifons ,
éft en général fort élevé & montueux* Il renferme
divers vallons féparés par des gorges 8e des
hauteurs} quelques uns de ces paffages font fermés
par les neiges une grande partie de l’année.
Plus 011 s'avance au midi, & plus ces vallons
s'enfoncent dans .les hautes Alpes, qui aboutif-
fent enfin à des glaciers inacceffibles, ou à des
rochers fi, élevés que la végétation y ceffe ab-
folument. Ces déferts occupent même une grande
furface. C'eft du feih de ces glaciers que fortent
le Rhin, l’Inn , l'AdcU, 8e les principales rivières
du pays* On cultive quelques grains dans
les vallons & fur,les coteaux les moins rapides}
-cependant, même avec le fecours des provinces
(Scan, polie. diplomatique. Tome II,
fujettes beaucoup plus fertiles que la Rhetie proprement
dite , les états de la republique loui-
niffent tout au plus des grains pour la fubfiffancc
de la moitié des habitans : oh tire le refte de la
Lombardie. Mais il faut obferver que les montagnards
en font une moindre confommation que
les peuples agricoles 3 chez quelques-uns meme ,
l'ufage du pain paffe plutôt pour une delicateffe
que pour un article de premier befoin. Le produit
des troupeaux} les beftiaux, le beurre 8e
le fromage fait toute leur reffource.
La Rhétie , comme tous les pays montueux ,
abonde en métaux } mais on n'y voit pas des
mines bien riches > 8c ce pays, comme la majeure
partie de la Suiffe , manque de fel qu'il reçoit
du Tyrol*
Il n'y a dans toute l’étendue de la ligue-grife
qu'un feul bourg entouré de murs ; c'eft ilanz
où fe tient l'aflemblée des trois ligues. Qn y
trouve Difentis, abbaye de bénédictins, autrefois;
riche, 6c fondée au feptième fiècle. L'abbe
jouit des honneurs de la mitre ; il eft prince de
l'Empire} il aflifte à la diète particulière de cette
ligue, 8e y donne le premier fuffrage.
Nous avons parlé à l’article C oire de la république
particulière que formé cette v i l l e c h e f -
lieu de la ligue-Caddée , ainfi que des prérogatives
de la petite principauté de l’évêque.
Des villages cantonnés dans diverfes. vallées ,
ou des hameaux, ou habitations difperfées dans
les montagnes , compofent les autres communautés
ou membres de la ligue-Caddée, ainfi que
quelques-unes de celles des deux autres ligues.
La ligue des Dix-Droitures eft celle qui a été
le plus fouvent 8c le plus long-temps en danger
de perdre fa liberté. Nous avons indiqué plus
haut les troubles 8c les oppreflions que ce pays
a effuyées dans le dernier fièle. La petite ville
de Meyenfeld eft la feule dans l’enceinte de
toute la ligue : elle porte le titre 8c elle ,eft de
fait, corégente 8c fujette. Les ligues achetèrent1
la feigneurie de Meyenfeld des comtes de Soulz
en 1509. } ils établiffoiènt unpodeftat dans la ville,.
8c la bourgeoifie,, félon fon tour après les autres
communautés, pourvoit à cette charge, ainfi qu’à
divers emplois publics.
Nous avons parlé des trois petites provinces ,
du comté de Bormio, de la Valteline 8c du comté
de Çhiavenna, que les grifons ont conquifes fur
les ducs de Milan. Le fol y eft plus fertile, 8c
le climat beaucoup plus doux que chez, les grifons :
cet avantage vient de ce que les hautes Alpes
les garantiffent au nord 8c déclinent vers le midi ;
les montagnes produifent d’excellens fourrages ,
8c les vallées de bons grains. La Valteline fur-tout
abonde en vins fort eftimés, 8e dont elle fait
un commerce lucratif. Ces provinces jouiffent de
divers privilèges, confirmés de nouveau lors de
la reftitution de 1639. Elles font gouvernées par
, des magitots que nomment les ligues, 8c qui
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