
d'ailleurs agir contre la république de Vénife , le
roi de Naples 8c l'Italie en général 3 il auroit ,
s 'il le vouloir, ou plutôt fi la nature de Ton gouvernement
8c le caractère de fes peuples le per-
mettoient , ‘ une forte d'influence dans les affaires
de l'Europe. La France fait d’ailleurs un commerce
confidérable en Turquie, à Smirne & dans
toutes les échelles du Levant. Voye£ l'article
O t t om a n ( empire)1.
Je ne parle point des algériens , des tunifiens ,
des marocains & des autres peuples de la côte
de Barbarie. Nous leur faifons trop d'honneur
en calculant nos intérêts politiques à leur égard ;
la France eft en état de les châtier , lorfqu'ils ne
refpeétent pas fon pavillon ; & ,. comme nous
l'avons dit à l'article Ba r b a r e sq u e s , il eft honteux
que les nations de l'Europe fouffrent leurs
brigandages.
Fr a n c e ( I f le d e ) dans la mer de l'Inde ,
appartenant à la France.
L'ifle de France a , fuivant les obfervations de
l’abbé de la C a ille , trente-un mille huit cents
quatre-vingt-dix toiles dans fon plus grand diamètre;
vingt-deux mille cent vingt-quatre dans
fa plus grande largeur, & quatre cents trente-
deux mille fix cents quatre-vingt arpens de fu-
perficie. On y voit un grand nombre de montagnes
3 mais dont aucune n'a plus de quatre cens
vingt-quatre toifes d'élévation. Les. campagnes
font arrofées par une foixantaine de ruifleaux ,
la plupart trop encaiffés 3 8c dont plufieurs n'ont
de l'eau que dans la faifon des pluies. Quoique
le fol foit par-tout couvert de pierres plus ou
moins groffes 5 qu'il fe refufe au foc , & qu'il
faille le travailler avec la houe 3 il ne laiffe pas
d’ être propre à beaucoup de chofes. Moins profond
& moins fertile que celui, de Bourbon , il
eft plus généralement fufceptible de culture.
Cette ilîe occupa long-temps l'imagination de
fes poffefleurs beaucoup plus que leur induftrie. i
Ils s'épuifèrent en conjectures fur l'ufage qu'on
en pourroit faire.
Les uns vouloient que ce fût un entrepôt où
viendroient aboutir toutes les marchandifes qu'on
tireroit de l'Afie. Elles dévoient y être portées
fur des bâtimens du pays, & verfées enfuite dans
des vaiffeaux françois. On trouvoit dans cet arrangement
une économie manifelte , puifque la /
folde & la nourriture des navigateurs indiens ne
coûtent que peu 3 on y trouvoit la confervation
des équipages européens 3 quelquefois détruits
par la feule longueur des voyages, plus fouvent
par l'intempérie du climat , fur-tout dans l'Arabie
& dans le Bengale. C e fyilême n'eut aucune
fuite. On craignit que la compagnie ne tombât
dans le mépris, fi elle ne montroit , dans ces,
parages éloignés, des forces navales propres à
lui attirer de la confédération,.
Une nouvelle combinaifon occupa les efprits.
On conjectura qu'il pourroit être utile d’ouvrir
1 aux habîtans de Y Ifle de France le commerce déi?
Indes, qui leur a voit été d’abord interdit. Lest
défenfeurs de cette opinion fontenoient qu’une
pareille liberté feroit une fôurce féconde de ri-
cheffes pour la colonie , & p2r conféquent pour
la métropole. Mais l'ifle manquoit alors de vaif-
feaux & de numéraire ; elle n'avoit ni objets
d'exportations, ni moyens de eonfommat-ion. Par
toutes ces raifons , l’expérience fut malheureufe ,
& la colonie fut fixée à J'état d'un établiffement
purement agricole.
C e nouvel ordre de chofès occafîonna de nouvelles
fautes. On fit paffer de la métropole dans
la colonie , des hommes qui n’avoient ni- le goût
ni l'habitude du travail. Les terrains furent dif-
; tribués au hafard, & fans diftinguer ce qu'iî
falloit défricher de ce qui ne devoit pas l'être»
Des avances furent faites au cultivateur, non en
proportion de fon induftrie , mais de la proteç-
j tion qu'il avoit fù fe ménager dans, l'adminiftra-
tion. La compagnie, qui gagnoit cent pour cent
fur les marchandifes qu'elle envoyoit d'Europe >
& cinquante pour cent fur celles qui lui venoient
de l'Inde, exigea que les productions du pays
fufîent livrées à vil prix dans fes magafins. Pouf
comble de malheur, le corps qui avoit concentré
dans fes mains tous les pouvoirs , manqua aux
engagemens qu'il avoit pris avec fes fujets*
Sous un tel i^giine , toute efpèce de bien étoit
impoffible. Le découragement jettoit la plupart'
i des colons dans l'inaCtion. Ceux auxquels il & S
toit quelque activité, ou n'avoient pas les moyens
qui conduifent à la profpérité , ou n'étoient
pas foutenus par cette force de l’ame,. qui fait
furmonter les difficultés inféparables des nouveaux
établiffemens. Les obfervàteurs qui voyoient l'agriculture
de Y Ifle de France ,. ne la trouvoienç
guère différente de celle qu'ils, avoient apperçua
parmi les fauvages.
En 1764 , le gouvernement prit îa colonie
i fous fa dominatidn immédiate. Depuis cette époque
jufqu'en 17 76 , il s'y eft fucceffivement forme
. une population de fix mille trois cents quatre-
vingt-fix blancs, en y comprenant deux mille
neuf cents cinquante-cinq foldatsj de onze cents
quatre^vingt-dix-neuf noirs libres 3 de vingt-cinq;
mille cent einquanterquatre efclaves , & de vingt-
cinq mille trois cents foixante-fept têtes de bétail.
Le cafier a occupé un grand nombre de bras t
mais des ouragans , qui fe font fuccédés avec une
extrême rapidité, n'ont pas permis de tirer le
moindre avantage de ces plantations. L é fol
même, généralement ferrugineux & peu profond^
paroît s'y refufer. Auffi peut-on raisonnablement
douter fi cette culture réufîiroit 3 quand même
le gouvernement n'auroit pas cherché à L’arrêter
par les impofitions qu'il a mifes fur le café , %
la fortie de l'ifle , à foa entrée en F rame*
-T ro is fucrerîes ont été établies, 8c elles fuffi-
fent aux befoins d e là colonie.
On ne recueille encore qué quarante milliers,
de coton. Cette production eft de bonne qua-,
lité , 8c tout annonce quelle fe multipliera. $
Le camphrier, l'aloqs , le cocotier.> le bois
d'aigle, le fagou > le cardamome, le cannelier,
plufieurs autres végétaux propres à l'Afie ,.^qui
ont été naturalifés dans l’ifle, relieront vraifem-
hkblement toujours des objets de curiofite.
Des mines de fer avoient ete ouvertes allez
anciennement* 11 a fallu les abandonner , parce
qu'elles ne pouvoient pas foutenir la concurrence 4e celles d’Europe. , . ,
Perfonne n'ignore que les hollandois s enrir
ebiffent depuis deuxfiècles, par . la vente du girofle
8c de la mufeade. Pour s'en approprier, le
commerce exclufif, ils ont détruit bu. mis aux
fers le peuple qui poffédoit des épiceries. Dans
la crainte d'en voir diminuer le prix dans leurs<
propres mains , ils ont extirpe la plupart des arbres
, 8c fouvent brûlé le fruit de ceux qu ils
av.otent confervés. - . .
Cette avidité barbare , dont les nations te font
fi fouvent indignées, révoltoit fingufiérement M i
P o ivre , qui avoit parcouru l*Afie en naturalifte
& en philofophe. Il profita de l'autorité qui lui
étoit confiée à Yljle de France , pour faire chercher
dans les ifles les moins, fréquentées des Mo-
luques ce que l'avarice avoit fi long-temps dérobé
à l'aCtivité. Le fuccès couronna les travaux
des navigateurs hardis 8c intelligens qui avoient
obtenu fa confiance. j
L e 27 juin 17 70 , il arriva a 1 Ifle de France.
quatre cents cinquante | plants de mufcadiers &
foixante-dix pieds de giroflier, dix milles mufea-
des ou germées, .ou prêtes a germer , 8c une
caiffe de baies de girofle, dont plufieurs étoient
hors de terre. Deux ans apres , il fut fait une
nouvelle importation beaucoup plus confîderable
que la première.
Ces objets de. première néceffite furent;4<?ng-
uemps,p.eu. dé eiiofe, quoiqu'il fy i fort.atfe^ de
1 former des pâturages,' quoique le loi rendit, vingt
pour un. On a. imaginé, il • n’y -a. que peu dan-
nées, dé l i r é acheter à un bpji prix , par lé gom
j: yernement, tous ks. grain^ que les cultivateurs
autoient à vendre 5 & À cette époque , les fubr
fiftances. fe foijt accrues. Si ce fyllême eft fuivi
; fans interruption, la colonie fournira bientôt de*
; viyres à ,fes habitons, aqk navigateurs qm frér
1 quçnterqni; fes, aux grinees^; aux fl.ptte$
i que les circonftances y amèneront un peu plutôt , S un.peu plus tard. AJqrs l’ifig fera ce quelle doit
i être , lé boulevard de tous les etabliffemens que
! la France poffède , ou. peut un jour obtenir
Indes 5 le centre des opérations de guerre offen-
.five ou défenfiye , quq fes interets lui feront en-
' tjreprendre ou foutenir dans ces régions loin-
tainés. A
I Elle eft fituée dans les mers d Afrique , mais
à l'entrée, de-f Océan indien. Quoiqu a la hauteur
de côtés arides 8c brûlantes, elle eft tempérée
& faine. Un peu écartée de la route ordinaire ,
elle en eft plus sûre du fecret de fes arméniens.
Ceux qui la defireroient plus rapprochée de notre
continent, lie voient pas. qu'alors il feroit.impof-
fible de fe porter avec célérité , de fes rades aux
golfes de ces contrées les plus éloignées : avantage
Quelques-unes de ces précieufes plantes lurent
envoyées aux ifles de Seychelles, de.Bourbon &
de Cayenne. Le plus grand nombre refta à Ylfle
de France. Celles qu'on y diftribua aux particuliers
qa’ îl. t(!J* at}gipenter ÿ Iaj récoltt du riz
qu'il cQnyiendroit d'y sçCÇ041re.- par une meilleur^
diêribution des, eaux : ç ç fqnt lès troupeaux dont
! ij eft important d y uaultipliey le nombre, d y per*
fedionper refpèçé. ; ,
, périrent. Les foins des plus habiles bota- -
ni fl e s , fes attentions les plus fuivies ^ les dépen-
fes les plus confidérables ne purent même fauver,
dans le jardin du ro i, que cinquante-huit mufcadiers
& trente-huit girofliers. Au mois d'odobre
1771 , deux de ces derniers arbres portèrent des
fleurs , qui fe convertirent en fruits 1 annee fui-
vante. Ceux que nous avons v u s , font pe-r
tits , fecs 8c maigres. Si une longue naturalifa-?
tion ne les améliore pas , les hollandois n auront
eu qu'une ‘fauflfe alarme, & ils relieront incom-
mutabletnent les maîtres du commerce des épiceries.'
La faine politique a preferit une autre deltina-
tion à Ylfle de France, C e il la quantité de bled
ineftimablê pour une nation qui n a aucun
port dans l'Inde. .
La Grande-Bretagne voit d'un oeil chagrin, fous
la loi de fes rivaux , une ifle où l'on peut inquiéter
fes propriétés d'Afie. A
On croit que Ylfle de France coûte annuellement
à l'état 8,ooo,coa Iiv. Cette dépenfe , qu'il
n'eft guère pofiible de réduire, mécontente beaucoup
de citoyens. Ils voudroient qu'on fe détachât de
cet établiffement, ainfi que de B a r b o n , qui eu
eft une onéreufe dépendance. j
C e .feroit, en effet, le parti qu'û çonviendrois:
de prendre, à n'envifager que le commerce lan-
guiffant que les françois font actuellement dans
l'Indéj mais la politique, étend plus loin fes fpé-
culations. Elle prévoit q u e , fi l'on s’arrêtoit a
cette réfolution, les angloischafferoient des mers
d’Afie toutes les nations étrangères 3 qu'ils s'em-
I pareroient d e . toutes les richeffes de ces vaftes
: contrées , & que de fi puiffans moyens réunis
dans leurs mains , leur donneroient en Europe
une influence dangereufe. Ces coufiderations doivent
convaincre de plus en plus la cour de V e r -
failles de la néceffite de fortifier, fans délai *
Ylfle de France 3 mais en prenant des mefures efficace^
pour n'être pas trompée par les agens q u e il*
aura chçifis^