
de fe tromper lorfqu’ on n’y apporte pas toute la '
force de méditation dont rhomme eft fufceptible.
Les princes ou les miniftres qui ont l’amour du
bien public, vivent dans le fiècle le plus favo-»:
fable. Tous les pays de l’Europe, où Ton cultive
les lettres avec fuccès, ont produit une multitude
d’ouvrages importans fur cette matière :
s’ils ne font pas tous d’ accord j fi l’efprit de fy.fi-
tème en a égaré plufieurs, on ne tarde pas à découvrir
la véiité au milieu de cette contrariété d’opinions
: fi nous nous trompions nous-mêmes dans quel-*'
ques obfervations ; nos remarques générales n’ en
feroient peut-être pas moins folides, & nos mé-
prifes feroient juftifiées par notre zèle.
Quant à la perception des tributs, chaque v ille,
chaque bourg, chaque village des états du pape forme
une communauté , où il y a un petit confeil chargé
de veiller aux intérêts de la ville ou de la
bourgade. Ces communautés levoient jadis, par
elles-mêmes, les impôts que le prince leur de-
mandoit, & les contributions néceftaires à leurs
dépenfes particulières > mais elles ne peuvent rien
faire aujourd’hui, fans l’aveu du bureau d’admi-
niftration établi à Rome, & leurs tributs font
levés par des fous-traitans. Plufieurs villes montrent
un extrême ’ mécontentement : Bologne fe
plaint fur-tout d’avoir perdu des droits qu’on avoit
alluré a'fon gouvernement municipal. L ’ancien ré-,
gime ne convenoit-il pas à une adminiftration paternelle,
telle que doit être celle du pape? La
perception des impôts par les communautés ne
prévient-elle pas, comme on l’ a d it , les violences
& les vols des officiers ou des fermiers du
fifc ? n’àllège-t-elle pas le fardeau des impôts ?
n’établit-elle pas, dans toutes les claffes des citoyens,
une fatisfa&ion dont tous les adminiftra-
teurs doivent s’occuper ? Le régime a&uel, qui
s’ eft introduit peu à peu, n’ a-t-il pas fait tomber
les villes & lés bourgs dans la langueur ? n’en
a-t-il pas infenfiblement diminué la population ?
Et fi les papes, effrayés jufqu’ à préfent du foin
de contenir tant de fujets qui voient en lui leur
dgal porté fur le trône par des circonftances heu-
reufes , ont toujours mis de l’intérêt à ôter au
peuple cette foible prérogative, n’ont-ifs pas montré
de la pufillanimité plutôt que dé la circonf-
pedlion ? & ont-ils bien calculé les effets de la
force puifTante qui maintient leur autorité en Italie ?
8°. En examinant les impôts que payent les ha-
bitans de l’état de Véglife, on voit que les papes
ont établi tous les genres de taxes imaginées dans
les contrées les plus dévouées au régime financier
î mais chacune de ces éfpèces de contributions
, étant mal dirigée, fe trouve d’ un foible
produit. Un homme intelligent pourroit propofer
au pape l’abolition de plus de dix impôts, & lui
promettre, dans ceux qu’il conferveroit, un revenu
double & triple. Nous ofons inviter la
chambre apoftolique à s’occuper de cet objet.
H y a des impôts fur les terres , fur la mou- ,
ture du bled, la viande, le vin & fur diverfei
marehandifes > la manière dont on les perçoit, ne
gêne-rt-elle pas le commerce & n’arrête-t-elle point
la circula-tidn ? Là quotité de l’impôt fur les terres
fe détermine d’a.près un ancien cadaftre , & chaque
communauté a fon cadaftre particulier. Mais
fi les cadaftres font utiles j s’il n’y a pas de meilleur
guide;* lorfqu’on veut repartir les impôts avec
quelque jufteffe, il faut refaire ou changer fou-
vent les cadaftres, & nous demanderons fi on a
obfervé cette règle dans l’état de Véglife ? à quelle
époque on a rédigé les cadaftres dont on fe fert ?
S’ils indiquent les augmentations ou les diminutions
d’impôts que doivent produire les nouveaux dé-
frichemens, ou les terres abandonnées depuis peu?
& fi le crédit des grandes maifons ne vient pas à
bout de favorifer leurs domaines pour furcharger
ceux despauvres ? Il y a lieu de croire que nos inquiétudes
font bien fondées ; car Iepapeaéhiel a ordonné
un nouveau cadaftre ,& en 1780 l’impôt fur
les terres avoit déjà été établi & fubftitué à d’ autres
impôts plus onéreux dans cinq ou fix provinces»
En général , la taxe fur les terres dans le territoire
de Rome, qui s’ étend à plus de quarante
milles de cette capitale, ^eft fort modique: on
s’en eft peu occupé , parce qu’elle ne fait
point partie des revenus qui doivent fe verfer
dans le tréfor du prince, & qu’elle eft deftinée
à l’entretien des ponts & chauffées, qui font fort
mal entretenus. Mais cet arrangement n’eft-il pas
fufceptible de plufieurs critiques ? Selon les règles
d’une bonne adminiftration , tous les revenus doivent
arriver au tréfor du prince , qui payeenfuite
les dépenfes diverfes, & qui ne doit pas afligner
les frais des ponts & chauffées fur telle branche
de commerce î de manière que l’impôt foit plus
ou moins fo r t, lorfqu’on met' de la négligence
ou du zèle à la réparation des ponts & chauffées.
Les terres- d e là campagne de Rome n’appartiennent
elles pas à de grands propriétaires qui ont
abufé de leur faveur fous quelques règnes , pour
affranchir ou foulager leurs domaines, & qui ont
trompé les papes , où fëduit le public, en paroi
fiant fé charger de pourvoir à l’entretien des
• routes? On eft d’autant plus difpofé à le croire,
qù’on a vu le pape , dans ces derniers temps >
augmenter l’impôt fur le territoire de Rome, pour
faire face aux dépenfes extraordinaires occafionnées
par la difette des grains : l’augmentation de taxe
rut fixée d’abord à une année ; mais on la prolongea
eniuite : nous ne favons pas fi elle fubfifte en>-
core j mais nous croyons pouvoir aflurer qu’ il n’y
auroit pas d’inconvénient à établir un impôt uniforme
fur toutes les terres des provinces de l’éw
Ê . .
Le fol des environs de Rome eft plein de fou-
fre ; & la culture eft abfolument néceffaire, pour
qu’il n’exhale pas une vapeur nuifible ’ : ainfî, par
un hafard finguîier, la médecine ordonneroit le mouvement
des terres & la culture dans les domaines
du pape > lors même que l’induftrie des fujets y
feroit occupée d’une manière beaucoup plus utile.
& cette remarque eft applicable apfii a la plupart
des provinces. C ’eft parce qu’il n’y a point d impôt
fur les terres, que Rome eft environnée de
déferts incultes & empeftés : en ordonnant des
plantations d’arbres , & en fuppleant à d autres
impôts par un impôt territorial, on rendroit a la
culture les environs de Rome , & cette bdile capitale
ne feroit plus déshonorée par des friches ,
qui biffent l’impreflion la plus facheufe contre le
gouvernement. Quoique quelques-unes de ces terres
foient à peine effleurées, une fois, tous les trois
ans, par des laboureurs fouvent etrangers qui-y
paffeat comme des nuées, le fol eft fi fertile qu elles
n’en -produifent pas moins d abondantes moif-
90. L ’impôt fur la mouture du.bled fe paye au
moulin>. & cet impôt n’ eft-il pas funefte, par la
gêne qu’ il met dans une operation qui doit etre
abfolument libre, par les trais trop confiderables
& les vexations qu"’ il occafionne, & par beaucoup
d’autres caufes ? Celui qui veut faire moudre, doit
fe procurer d’abord une permifiion & il trouve
enfuite au moulin un employé qui pefela farine,
& qui en fait payer les droits avant qu elle forte.
C e droit de mouture eft différeat, félon les lieux.
On a vu la rube de bled , qui rend 620 ou
640 livres de farine, payer 4 liv. tournois lorfqu il
appartenoit à des.particuliers, & 6 liv. 17 fous
lorfqu’ il appartenoit à des boulangers. Ces fortes
d’impôts font adoptés.par une adminiftration peu
aétive , qui craint de perdre fes droits, & qui 3
malgré les inconvéniens , les perçoit dans un lieu
fixe où les denrées arrivent toujours.^ .
io°. L’impôt fur les animaux deftinés a la boucherie
eft-il bien imaginé ? Et fi on je trouve rai-
taxe ; & pourquoi cette exception £ Le tariferont
les vins étrangers eft uniforme ; mais on croit que
les perfonnes favorifées obtiennent une. eftimation
inférieure à celle des autres : & c’eft un abus qui
annonce beaucoup de foiblefte. Sans doute l’admi-
niftration de Véglife offrira toujours des abus de
cette efpèce ; les familles papales, les parens &
| Les amis .des cardinaux ne manqueront guères d’obtenir
fonnable en lui-même, n’eft-il pas vicieux, parce
qu’ il eft lié au monopole du fuif? On affure que
la fixation du prix des viandes eft determinee ,
d’après le nombre des têtes de bétail qui fe trouve
dans chaque province 5 qu’on enregiftre ^celles
qui appartiennent à chaque particulier j qu il faut
prouver qu’ on les a préfentées au marché , ou
rapporter lés peaux de celles qui font mortes <i ac-
cidens ou de maladies : ces entraves rie nuifent-
élles pas infiniment au commerce ? n entraînent-
elles pas une multitude d’ infra&ions aux loix ? &
l’état de Véglife ne doit-il pas être celui de tous
les gouvernemens qui s’occupe le plus de la moralité
du peuple ?
Le prix des peaux eft aufli fixe a & le boucher
doit les vendre au tanneur qu’on lui defigne. On
le prive de fa liberté , afin de procurer au gouvernement
un bénéfice fur les peaux , ainfi que fur
les fuifs : mais ces monopoles rapportent-ils beaucoup
à l’état ? & leur produit a-t-il jamais balance
le tort qui en réfulte pour le commerce ?
11®. L e vin des environs de Rome pàr-oit exémpt
d’impôt, tandis que tous les autres payent une
des exceptions ; mais c.’eft un malheur pout
l’état & pour le peuple : & fi le détordre des finances
du Bolonois a déterminé à foumettre aux
nouveaux impôts tous les habitans, faosdiftinélion
ni exception , l ’état des finances de la, cour de
Rome n’exige-t-il pas le même réglement ?
En quelques endroits l’impôt que doit payer le
- vin, ne porte plus fur cet. article i les communautés
ayant repréfenté qu’un autre objet le fuppor-
teroit mieux , le bureau d’adminiftration a con-
fenti à cet arrangement, & l’impôt n’a pas changé
de dénomination : une pareille facilité dans les
adminiftrateuts n'a-t-elle produit aucun abus ?
i i ° . L ’impôt fur le fcl paroîc le mieux réglé de
tous les . impôts de Véglife , & nous n’en dirons
rien : 1a vente du tabac, long-temps affermée, eft
devenue libre; & , pour compenfer la perte du
fifc , on a augmenté l’impôt du fe l, 8c on a ajouté
quelques droits à la douane de Rome. Laifance
avec laquelle on a opéré cette converfion , & la
fatisfaiftion qu’elle a caufé, ne doivent - elles pas
exciter l’adminiftration à en effayer d’autres fem-
blables ?
i j° . Eft-il d’une faine politique de mettre des
impôt annuels fur les charges ? Les titulaires ne
font que trop difpofés à fouler le peuple , & à
faire valoir outre mefùve les droits qui leur font
accordés? Les feciètaires, les greffiers & les notaires
des chambres ou tribunaux de Rome, les
huiffiers payent toutes les années une fommèàla
chambre apoftolique pour leur office & leurs travaux
; & ne peut-on pas dire que cet impôt eft
vicieux ? Si le tréfor du pape en tire c>7,ooo écus
par an , comme on l'aflure , ne feroit-il pas rai-
fonnable d’abolir cette branche de revenu, & ,
après y avoir fuppléé de quelque manière , d’af-
fujettir à une police rigoureufe des hommes qu’on
voit par-tout difpofés au défordre & à la rapine?
Si- ce droit annuel eft établi ailleurs fous le nom
de centième deniery ou fous une autre dénomination
, il paroît moins confidérable, & par confé-
quent moins abufif ; il eft fondé fur des motifs
plus fages, & enfin le fifc des grandes nations,
accablé de dettes & furchargé de dépenfes, ne
doit pas fervir de modèle à celui du pape.
14°. Un état qu’on nous a communiqué, aflure
que la ferme des poftes ne rend au fifc^ que fix
mille écus par an ; mais on fe trompe fûrement,
& nous fommes d’autant plus portés à le croire »
que le compte rendu en 17 58 , pendant la vacance
du faint-fiège , évalue ce revenu à une fomme plus
confidérable ; au te lle , on poutroit tirer un nadir