
Un peu de liberté, quelques fonds, line meilleure
adminiftration, une augmentation de territoire ,
d'autres caufes encore ont amélioré fon fort. Mais
jamais fa deftinée , jamais la deftinée du corps qui
lui donne des loix , ne feront brillantes.
La pofition locale du Danemarck, le génie de
fes peuples, fon degré de puilfancerelative, tout
l'éloigne d'un grand commerce aux Indes. Ses provinces
font-elles affez riches pour fournir les fom-
mes nécelfaires aux grandes fpéculations, ou les
etrangers livreront - ils leurs capitaux à une affo-
ciation foumife à un gouvernement abfolu ?
Le projet formé en 1728 de transférer de C o penhague
à- Altena le liège du commerce avec
l 'A ile , pouvoit bien procurer quelques avantages
j mais il ne levoit aucun des obftacles qu'on
vient d'expofer. Ainli nous ne craindrons pas de
dire que l'Angleterre 8c la Hollande firent un aCte
de tyrannie inutile , en s'oppofant à cet arrangement
domeftique d'une puilfance libre 8c indépendante.
-
L e roi de Danemarck poffède fur la côte de Guinee.
Chriftiansbourg, petite forterelfe fituée dans le royaume
d'Aquamboë & de Friedrichsberg , autre
petite ville fortifiée dans le pays de Sabde. Il s'y
tait quelque commerce, 8c les danois y trouvent
beaucoup de commodité pour relâcher 8c pour
faire de l'eau dans leurs voyages.
Les danois poffèdent en Amérique l'ifle Sainte-
Croix , l'ifle Saint-Jean 8c Tille Saint-Thomas.
Nous avons déjà parlé de l'ifle Sainte - Croix.
Foyei l’article ( C r o ix s a in t e . ) Voye^ aulfi
l ’article C r a b e s .^ v _
A u premier janvier 1773 » on comptoit à Saint-
Jean foixante-neuf plantations, dont 27 étoient
confacrées à la culture du fucre,, 8c 42 Éjjd autres
productions moins importantes. Saint-Thomas
en avôit exactement le même nombre 8c avec la
même deftination , mais beaucoup plus confidé-
rables. Sur trois cens quarante - cinq qu'offroit
Sainte - C ro ix , cent cinquante étoient couvertes
de cannes. Dans les deux premières ifles, les propriétés
acquièrent l'étendue que le colon elt en
état de leur donner. C e n'elt que dans la dernière
que chaque habitation elt bornée à jooo pieds
danois de longueur fur deux mille de largeur.
Saint-Jean elt habité par cent dix blancs & deux
mille trois cens vingt-quatre efclaves. Saint-Thomas
, par trois cens trénte-lîx blancs 8c quatre
ont été interdits à ceux qui avoient contrarié de9
dettes. On a craint que les débiteurs ne fuffent
tentés d'être généreux aux dépens de leurs créanciers.
mille deux cens quatre-vingt-feize efclaves. Sainte-
C ro ix , par deux mille cent trente-fix blancs 8c
vingt-deux mille deux cens quarante-quatre efclaves.
Il n'y a point d'affranchis à Saint-Jean} 8c
il n'y en a que cinquante-deux à Saint-Thomas,
que cent cinquante-cinq à Sainte-Croix. Cependant
les formalités néceffairee pour accorder fa liberté
fe réduiront à un fimple enrégiftrement -dans
Cette loiparoît fage : en la mitigeant, elle auroit
peut-être fon utilité , même dans nos contrées. Il
feroit peut-être à defirer que tout citoyen , revêtu,
de fonctions honorifiques à la cou r, dans les armées,
une cour de juftice. Si une lï grande facilité n'a
p^s multiplié ces aftes de bienfaifance, cJelV qu'ils
dans 1'églife, dans la magiftrature , en fût •
fufpendu au moment où il feroit légitimement pour-
fuivi par un créancier, 8c qu'il en fût irrémifli-
blement dépouillé au moment où les tribunaux
l'auroient déclaré infolvable. On prêteroit avec
plus de confiance, & on emprunteroit avec plus
de circonfpe&ion. Un autre avantage d'un pareil
réglement, c'eft que bientôt les conditions fubal-
ternes , imitatrices des ufages 8c des préjugés des
hautes clalfes des citoyens, craindroient la même
j flétriffure, 8c que la fidélité dans les engagemens
deviendroit un des caractères des moeurs nationales.
Les productions annuelles des ifles danoifes fe
réduifent à un peu de café , à beaucoup de coton
, à dix - fept ou dix - huit millions pefant de
fucre brut, & à une quantité proportionnée de
rum. Une partie de ces denrées elt livrée aux an-
glois, propriétaires des meilleures plantations, Sc
en poffeflîon de fournir les efclaves. Des états
très-authentiques prouvenrque, depuis 17^6 juf-
qu'en 17 73 , cette nation a vendu, dans les éta-
bliffemens danois du nouvel hémifphère,- pour
2,307,686 liv. 11 f. & enlevé pour 3*, 197,047 1.
y f. 6 den. L'Amérique feptentrionale reçoit aufli
quelques-unes de ces productions, en échange de
fes beltiaux, de fes bois 8c de fes farines. Le refte
elt porté dans la métropole fur une quarantaine
de bâtimens, du port de cent vingt jufqu'à quatre
cents tonneaux. La plus grande partie s'y con-
fomme , 8c il n'en elt guères vendu en Allemagne
ou dans la Baltique que pour un 'million
de livres.
Les terres fufceptibles de culture ne font pas
toutes en valeur dans les ifles danoifes, 8c celles
qu'on y exploite pourroient être améliorées. De
l'aveu des hommes les -mieux inftruits, le produit
de ces polfeflions feroit aifément augmenté du tiers
& peut-être de la moitié.
Un grand obltacle à cette multiplication de ri-
chelfes, c’eft la lituation extrêmement gênée des
colons.' Ils doivent 4,500,000 liv. au gouvernement
j ils doivent 1,200,000 liv. au commerce de
la métropole j ils doivent 26,630,170 livres aux
hollandois, que l'immenlîté de leurs capitaux &
l'impoflîbilité de les faire valoir par eux-mêmes ,
rendent forcément créanciers de toutes les nations.
Les droits du fife mettent de nouvelles entraves
à l'induftrie. Les denrées 8c les m|gfhandifes
qui ne font pas propres au DanemarW, ou qui
n'y ont pas été portées fur des vaiffeaux danois,
doivent
doivent quatre pour cent à leur départ d Europe.
Les nationales & les étrangères payent egalement
fix pour cënt à leurs entrées aux ifles. On y exige
18 liv. pour chaque nègre qui arrive, 8c une
capitation de 4 1. 10 fols, des droits affez forts fur
le papier timbré, un impôt de liv. par mille
pieds quarrés , de terre , le dixième du prix des
habitations vendues. Les productions font toutes
affujetties à cinq pour cent à leur fortie des co- <
lonies, & à trois pour cent dans tous les ports de
la métropole, fans compter ce que le rum donne
dans les détails de la confommation. Ces tributs
réunis forment à la couronne un revenu de huit a
neuf cens mille liv. 1
Il eft temps que la cour de Copenhague fe de-
tache de ces impôts fi multipliés 8c fi accablans.
Un intérêt bien raifonné devroit fans doute inf-
pirer cette conduite à toutes les puiffances qui ont
des poffeflions dans le nouveau-Monde : mais le
Danemarck eft plus particuliérement obligé à cette
généralité. Ses culfivatèurs font grévés de fi énormes
dettes, qu'ils n'eïï pourront jamais rembourser
les capitaux $ qu'ils n'en paieront pas même
les arrérages, fans un défintéreffement entier de la
part du fife. \
Mais le Danemarck ne pourra confommer cet
oeuvre de fageffe, tant que les dépenfes publiques
excéderont les revenus publics ; tant que les évé-
nemens fâcheux qui, dans l'ordre ou plutôt le
défordre aCtuel des chofes, fe renouvellent continuellement
, forceront l'adminiftration à doubler,
à tripler le fardeau des malheureux fujets déjà fur-
chargés; tant que fes confeils travailleront fans
vues ftables. . I ' ‘
Au refte, les ifles de; Saint-Thomas, de> Saint-
Jean , de Sainte-Croix pourroient acquérir une
affez grande profpérité, 8c leurs productions pourvoient
fuppléer jufqu'à un certain point, au peu
de valeur qu'ont celles de la métropole même.
Un écrivain a calculé que les productions des
colonies danoifes ne s'élèvent pas au-deffus de fept
millions, que foixante-dix navires 8c quinze cens
matelots .font employés à leur extraction > que ces
établiffemens reçoivent en efclaves ou en marchan-
difes pour quinze cens mille francs ; qu'on peut
réduire à neuf cens mille 1. les frais d'exportation
ou d'importation, & à dix pour cent les droits 8c
les affurances > 8c que, toutes dépenfes prélevées,
les ifles danoifes doivent jouir d'un produit d'environ
trois millions 8c demi. En donnant ces détails
, nous n'en garantiffons pas TexàCtîtude, 8c ;
le leCteur doit fentir qu'en pareille matière les
diiférens auteurs offrent des réfultats très-dif-
férens.
Le Danemarck a le plus grand intérêt à jouir 8c
à trafiquer feul de toutes les productions de fes
ifles de l'Amérique. Plus les poffeflions de cette
puiffance font bornées dans le nouveau-Monde ;
plus elle doit être attentive à ne laiffer échapper
aucun des avantages qu'elle en peut tirer : les ma-
(Econ, polit. & diplomatique. Tom. I I ,
ladies des empires ne font pas du nombre de celles»
qui fe guérinent d'elles-memes > elles s'aggravent
en vieilliflant, 8c il eft rare que des circonftances
heureufes en facilitent la cure j il eft prefque toujours
dangereux de renvoyer à des temps plus
éloignés, 8c le bien qu'on peut fe promettre d o-
pérer, & le mal qu'on a quelque efpoir de déraciner
dans le moment > pour un exemple de fucces
obtenu en temporifant, l'hiftoireen offre mille ou
l'on manque l'ôccafion favorable , pour 1 avoir
trop attendue ; la lutte d'un fouverain eft toujours
celle d'un feul contre tous, à moins que plufieurs
d'entr'eux n'aient un intérêt commun. On fait juf-
qu’ à quel point il faut compter fur les afliances ;
la puiffance d'une nation foible ne s'accroît jamais
que par des degrés imperceptibles, 8c que par
des efforts toujours croifés par la jaloufie des autres
nations , à moins qu'elle ne forte tout-à-coup
de fa médiocrité, par l ’audace d'un génie impatient
& redoutable : ce génie peut fe faire attendre
long-temps, 8c alors il rifque le tout pour le
tout, fa tentative pouvant amener également 8c.
l ’agrandiffement 8c la ruine totale. En attendant
que ce génie paroiffe, le plus fur eft de fentir fit
pofition 8c le plus fage de fe convaincre que, ft
les puiffances du premier ordre commettent rarement
des fautes impunies , la moindre négligence
de la part des fouverainetés fubalternes , à qui de
i vaftes 8c riches territoires n'offrent aucune reffour-
ce prompte, ne peut avoir que des fuites funeftes.
S E: C T I O N V I e.
Détails fur les impôts, les revenus , lés dépenfes I
les dettes & les loix fomptuaires.
Le Ditîiorinaire des Finances offre à l'article
D a n em a r k .cic des détails affez étendus fur les
impôts qui fe perçoivent dans ce royaume , 8c nous
aurons foin de ne pas répéter ici ce qui s'y
trouve. 4 # a
En Danemarck 3 on exige des impôts fixes1 pour
les terres, d'arbitraires, en forme de capitation,
& de journaliers fur les confommations. Le gouvernement
jouit d'ailleurs d'un domaine très-confi-
dérable , & il a une reffource affurée dans, le détroit
du Siind. Six mille neuf cens trente navires
q u i, fi l'on en juge par les comptes de 1768 >
doivent entrer annuellement dans la mer Baltique
ou en fortir , payent, dans ce- fameux paffage ,
environ un pour cent de. toutes les marchandifes
dont ils font.chargés. Cette efpèce de tribut qui,
quoique difficile à lever, rend à l’état deux millions
cinq cens mille livres, eft perçu dans la rade d'El-
feneur , protégée par la fortereffe de Cronen-
bourg. Il y a long-temps que cette pofition 8c celle
de Copenhague invitent inutilement le Danemarck
à y former un entrepôt, où tous les peuples com-
merçans , foit du nord, foit du midi, viendroient
• échanger leurs productions 8c leur induftrie.