
les bords de la mer verront-s'élever quatorze ou
quinze fucreries, fur les débris de la culture ancienne.
L'habitude & la facilité d'obtenir des ef-
claves par des liaifons interlopes, rendront la révolution
facile.
Tiburon, qui a douze lieues d'étendue fur les
bords de la mer, & deux, trois , quatre dans
l ’intérieur dès terres, termine la côte. La rade de
ce cap n'offre pas Un abri fuffifant contre les tempêtes
; mais des batteries bien placées en peuvent
faire un lieu de retraite Sc de proteélion pour les
bâtimens françois, pourfuivis en temps de guerre
dans ces parages. Cet établiffement a' quatre habitations
en coton , trente en indigo , & trehte-
fept en café.’ Depuis lappaix de 1763 , il s'y çft
formé quatre fucreries, dont le nombre peut s'élever
à feize.
Etablijfèniens formés dans l'oueft de Saint-Do-
ripingue. L ’oueil de la colonie ell bien différent du
fud. Le premier établiffement digne de quelque
attention qui s'y. préfente , c'eft Jérémie ou la
grande-Anfe. Il occupe vingt lieues de côte, depuis
Tiburon jufqu'au Petit-Trou , & quatre ou
cinq dans les terres. Comme c’eft un quartier
naiffant, il n’y a guère que les bords de la mer
qui foient habités, & encore le font-ils fort peu.
Cependant toutes les denrées, qui ènrichiffent le
relie de l'ille , v font cultivées. Une produétion
qui lui eft particulière, & dont il recueille annuellement
cent cinquante milliers, c'eft le cacao
qui ne réuffiroit pas dans des. cantons plus découverts.
Le point de réunion eft un bourg joliment
bâti H luné fur une hauteur où l’air eft très-
falubré. Le temps’ doit rendre ce marché confi-
dérable. Malheureufement fa rade eft mauvaife.
Audi- tôt que le vent du nord fouffle avec quelque
violence, les navires font obligés de fe réfugier
au Cap-Dame-Marie, où Ton n’a pris aucune
mefure pour leur affluer une proteélion ; ou
d’ aller chercher l’ille des Caymites, expofée aux
entreprifes des corfaires.
Le Petit-Goave eut autrefois un grand éclat, &
il en fut redevable à'un port où les vaiffeaux de
toute grandeur trouvoient un mouillage excellent,
des facilités pour s'abattre , un abri contre tous
les vents. C'etoit I'afyle le plus convenable pour
des aventuriers, qui ne fongeôient qu’à s’approprier
les dépouilles des navigateurs efpagnols.
Depuis que les cultures ont remplacé la piraterie ',
ce lieu a beaucoup perdu de fa célébrité. C e qui
lui relie de confédération, il le doit à fes riçheifes
territoriales, bornées à quinze plantations en fu-
c r e , vingt en café , & douze eh indigo ou en
po'ton ; il le doit encore davantage au produit de
vingt-quatre fucreries, de cinquante indigoteries ,
de foixante-fept cafeyères, de trente - quatre co-
tonneries que les paroilfes du P e t it -T ro u , de
l’Anfe-à-Veaux , de Saint-Michel & du Grand-
Goave verfent dans fon entrepôt. Il eft mal fain,
fe Je fera jpfqti'à ce qu'on ait rçqffi à donner de
la pente à la rivière Abaret, dont les eaux cfo.u-
piflantes forment des marais infe&s.
Les dépendances de Léogane ont de l'étendue.
On y compte vingt habitations livrées à l'indigo,
quarante au café , dix au coton , cinquante-deux
au fucre. Avant le tremblement de terre de 177©,
qui détruifit tout , la ville avoit quinze rues bien
alignées, & qUatre cents maifons de pierre qui
ne font plus qu'en bois. Sa pofition, dans une
plaine étroite , féconde & arrofée ne laifferoit pas
beaucoup à defîrer 3 fi un canal de navigation lui
ouvrait une communication facile avec fa rade ,
qui n’ eft éloignée que d’un mille.
S’il étoit raifonnable de faire une place de guerre
fur la côte de l’oueft, Léogane mériterait la préférence.
Elle eft affife fur un terrain uni $ rien -ne
la domine 3 & les vaiffeaux ne peuvent l'in-
fulter : mais du moins- auroit-il fallu la mettre' à
l'abri d’un coup de main 3 en l’enveloppant d’un
rempart de terre avec un foffé profond 3 qu’il
eût été facile de remplir d'eau fans les moindres
frais. Cés travaux auraient infiniment moins coûté
que ceux qui ont été entrepris au Port-au-Prince.
La première partie de Pille que les françois
cultivèrent, fut celle de l’oueft, comme la plus
éloignée des forces efpagnoTes qu’on avoit alors à
craindre. Située au milieu des côtes qu’ils occu-
poient, il y établirent le fiège du gouvernement.
On le plaça d’abord au Petit-Goave ; il fut depuis
tranféré à Léogane, 8c. c’eft en 1750 qu'on
l'a fixé au Port-au-Prince.
Le territoire de ce quartier contient quarante
fucreries, douze indigoteries, cinquante cafeyè-
res , quinze cotonneries. C e produit eft;groffi par
d’autres beaucoup plus confidérables, qui lui vien-
nent des riches plaines du Cul-de-Sac-, de l’Ar-
eahaye & des montagnes, du Mirbalais. Sous ce
point de vu e , le Port-au-Prince eft un entrepôt;
important, auquel il falioit ménager une protection
fuffifante polir prévenir une furprife, & pour
afliirer la retraite des citoyens. Mais conveiioit-il
d’y concentrer l’autorité civile & militaire , des
tribunaux, les troupes, les munitions , les vivres ,
l’ arfénal > tout ce qui fait le fo**ien d’une graride
Colonie ?
Une couverture d’environ quatorze .cens toifes,
prife en ligne dire&e ,. dominée de deux côtés ,
eft l'emplacement qu’o.n a choifi pour la nouvelle
capitale. Deux ports formés par des illets ont fervi
de prétexte à ce mauvais choix. Le port des marchands
, à moitié comblé, ne peut plus recevoir
fans danger des vaiifeaux de guerre 5 8c. le grand
port qui leur eft deftiné, auffi mal fain que l’autre
par les exhalaifons des illets , n’eft défendu par
rien, 8c ne le peut être contre un ennemi fu?
périeur.
Une foible efcadre fuffiroit même pour en blo*»
quer une plus forte, dans une pofition fi défayan?
tageufe. La Gonave , qui divife la baie en deux,
laifferoit à la petite efcadre une; çtoifière libre 8c
$ p e |
fdre j les vents de mer empêcheraient qu'on ne
vînt à elle > ceux de terre, en ouvrant la fortie du
port aux vaiffeaux qu’on lui oppoferoit, lui fâcirî
literoient le choix de la retraite, entre les deux
permis de Saint-Marc & de Léogane. A égalité
de manoeuvre, elle auroit toujours l'avantage de
mettre la Gouave entre elle & l'efcadre fran-
çoifei
: Que feroit-ce fi celle-ci fe trouvoît la moins
nombreule ? Défemparée & pourfuivie, elle ne
pourroit atteindre une relâche aufli avancée que
le Port-au-Prince , avant que le vainqueur eut
profité de fa déroute. Si les vaiffeaux battus y
arrivoient, aucun ouvrage n’empêcheroit l’ennemi
de les pourfuivre prefque en ligne, & d’entrer
jufques dans le port du roi ou ils fe retireraient.
La plus heureufe ftation, en fait de croifière ,
eft celle qui donne la facilité d'accepter ou de
refufer le combat, de n’avoir qu'un petit efpace
à garder, de découvrir tout d'un point central,
de trouver des mouillages fûrs au bout de chaque
bordée, de pouvoir fe cacher fans s’éloigner
, de faire du bois & de l’eau à volonté, de
naviguer dans de belles mers, où l’on n'a que
des grains à craindre. Tels font les avantages
qu’une efcadre ennemie aura toujours fur les'vaiffeaux
françois mouillés au Port-au-Prince. Une
fregate pourroit, fans rifque, venir les y braver.
Elle fuffiroit pour intercepter , à l’entrée, ou à la
fortie, tous les navires marchands qui navigue-
roient fans efcorte.
■ Cependant un port fi défavorable a décidé la
conftruétion de la ville. Elle occupe en longueur
fur le rivage, douze cents toifes , c’ eft-à-dire ,
prefque toute l'ouverture que la mer a creufée
au centre de la côte de l'oueft. Dans ce grand ef-
pace‘ qui s’enfonce à une profondeur d'environ
cinq cents cinquante toifes, font comme perdues
cinq cents cinquante-huit maifons ou cafés, dif-
perfées dans vingt - neuf rues. L'écoulement des
ravines qui tombent dés mornes , entretient dans
ce fejour une humidité continuelle & mal .faine.
Ajoutez à cette incommodité le peu de.fûreté
d’une place q u i, commandée du côté de la-terre,
eft par - tout abordable du côté de la mer. Les
illets même qui diftinguent les deux ports, loin
de garantir d’une defcence, ne ferviroient qu'à la
couvrir.
■ Te l eft l'emplacement que des intérêts particuliers
ont fait malheureufement choifir pour y
édifier la capitale de Saint - Doniingue. Un tremblement
de terre , arrivé en 1770 ■ , l'a détruite
de fond en corciblé. C'étoit le moment- du repentir.
. On "avoit d’autant plus de raifon de l’ efpérer ,
que tout porte à croire que la nouvelle cité eft
affife ftir la voûte du volcan. Vain efpoir! Les
maifons particulières , les édifices publics : tout a
été rétabli.
Saint-Marc, qui n'a que deux cents maifons,
npis agréablement bâties , fe préfente au fond
(S cqh, polit. & diplomatique. Tom, II.
d'une baie couronnée d'un croiffant de Collines
remplies de pierre de taille. Deux ruiffeaux tra-
verfent la ville , & l’air qu’on y refpire eft pur.
On ne compte fur fon territoire que dix fucreries
, trente - deux indigoteries, cent cafeyères
foixante-douze. cotonneries. Cependant fa rad e,
quoique mauvaife, attire un grand, nombre de navigateurs
> & .c ?eft aux richeffes de l'Artibonite
qu’elle doit cet avantage*
C'eft une excellente plaine de quinze lieues de
long, fur une largeur inégale de quatre à neuf
lieues. Elle eft çoüpée en deux parties par la rivière
qui lui a donné fon nom , & qui coule rapidement
fur fa crête, après avoir parcouru quelques
poffeffions éfpagnoles & le Mirbalais. L ’élévation
de ces eaux a fait , naître l’idée de les
fubdivifer. Des obfervations géométriques en ont
démontré la poffibilité : tant les nations favantes
ont d’empire fur la nature. Mais un projet , ap-[
puyé ,fuf la bafe des. connoiffances mathématiques
, exige des précautions extrêmes dans l'exécution.
Dans l'état aéluel des chofes , les plantations
formées fur la rive droite font expofées à de fréquentes
féchereffes, qui ruinent fouvent les efpé-
- rances les mieux fondées. Celles de la rive gauche,
fenfîblement plus baffes, font bien airofées,
& parvenues, par cet avantage, aü dernier période
de leur culture. Les propriétaires des premières
preflent la diftribution des eaux j les autres
la repouffent, dans la crainte de voir leurs
terres fubmergées.
S i, comme le bruit en eft généralement répand
u , on a des moyens fûrs, pour rendre une partie
fertile , fans , condamner l’autre à la ftérilité ,
pourquoi retarder une opération qui doit donner
une augmentation de dix ou douze millions pe-
fant de fucre ? C et accroiffement deviendrait encore
plus coçiidérable, s’il étoit poffible de def-
fécher 'entièrement cette partie de la côte qui eft
noyée , dans les eaux de l ’Artibonite. C ’eft ainli,
qu’ en changeant le cours des fleuves, l’homme
policé;Tourner la terre à fon ufage. La fertilité,
qu’ il y répand peut feule légitimer fes conquêtes ,
fi toutefois fart & le travail, les loix 8c les vertus
réparent avec le temps l’injuftice d’une in-
vafion.
Le territoire des Gonaïves eft plat, affez uni
& fort fec. Il a deux plantations en fucre , dix
en ca fé , fix en indigo , & trente en coton. Cette
dernière produétion pourroit être aifément multipliée
fur une grande étendue^ de fable qui ne paraît
actuellement propre qu’ à cette culture. Mais
fi les eaux de l’Artibonite font jamais diftribuées
avec intelligence, une partie confidérable de ce grand
quartier fe couvrira fûrement de cannes. Alors on
verra peut-être que c ’étoit dans fon port excellent
& facile à fortifier qu’ il eût fallu placer le fiège
du gouvernement. Un autre avantage doit rendre
cette coùtréë intéreffaute. Il s'y trouve des- eaux