
S e c t i o n V I I I e.
Détails fur les loix Cr les tribunaux.
On dit que le code civil des loix danoifes eft
peut-être le meilleur de l'Europe » qu'il eft précis
& clair. Molefworth , détracteur des établiffemens
du Danemarck , rend juftice aux loix de ce royaume.
La police y eft très-bien adminiftrée dans toutes
Tes parties ; mais on s'y plaint beaucoup des juges.
Un avantage particulier à cet état eft l’unifor-
mité des poids & mefures > on la doit prefqu'en
entier aux foins du comte de Bernftorf.
Les danois ne reconrtoiffent l'autorité des loix
romaines que dans le duché de ‘Holface ou de
Holftein , qui eft un fief de l'Empire. Les peuples
de ce duché fuivent le droit de Lubeck , tiré
de celui de Saxe. Des tribunaux du Holftein , on
appelle à la chambre impériale.
Toutes les autres provinces de Danemarck ' ne
reconnoiffent que leurs loix & leurs coutumes.
Les danois en ont qui font conformes au droit
romain. Ils en ont d'autres qui y font contraires ;
mais le droit romain , comme droit romain 3 n'y
a aucune autorité.
Waldemar fit compiler les ftatuts de fes pré-
décefifeurs > il y joignit les anciennes coutumes du
Danemarck 3 & il y ajouta beaucoup d'autres ré-
glemens, de l'aveu des états. I l en compofa-un
corps entier de droit, qu'on appella le droit danois.
C e code de droit fut réformé fur la fin du
dernier fiècle par Frédéric IV , qui changea toute
,1a jurifprudence, & qui voulut bannir la chicane
de fes états , en banniffant des tribunaux toutes
-les formalités inutiles. Il n'y a depuis ce temps-là
qu'un feul volume in-40 pour toute la nation da-
noife, & un autre pareil pour les peuples de
N o rw èg e , qui ne diffère de celui-là que dans les
cas où les befoins particuliers de la Norwège
ont demandé d'autres réglemens que ceux de Danemarck.
Les loix du Danemarck 8c de la Norwège font
écrites en langue danoife; elles offrent tant de
limplicité , que l'homme du monde le pfus ignorant
peut les entendre & les citer dans fa propre
caufe , fans avoir befoin de confeil ni d'avocat.
Aufii y a-t-il peu d'avocats en Danemarck 3 leurs
droits font modiques, 8c les procès y font rares
te promptement expédiés» Le juge qui ne pronon^
ce pas félon les loix , eft menacé de dédommagement
envers la partie condamnée, & celui qui mal*
verfe dans fes fonctions eft menacé d'un châtiment 3
mais il paroît que la corruption s'eft glifféedans les
tribunaux. Quoique les danois aient trois degrés de
jurifdiCtion, l'affaire la plus épineufe peut être
terminée en moins d'un an , à très-peu de frais.
Il y a à Copenhague- fept collèges . ou confeiis
principaux, dont le roi fe fert pour gouverner fes
états : le confeil d'état, le confeil de guerre, le
cdnfell fupérieur de juftice, le confeil des finan-1
ces, le confeil de la chancellerie, le confeil de
la marine 8c le confeil de commerce. Le roi pré-
fide à tous ces confeiis.
Les évêques formoient autrefois la troifieme
claffe des états, & ils jouiffoient d'un grand crédit
dans cette affemblée de la nation 3 mais aujourd'hui
leurs fondions fe réduifent à-peu-près à
celles qu'exercent les furintendans en Allemagne,
8c c'eft-là aufli le titre que les loix leur donnent.
Le roi les nomme, enfuite l'évêque de Sélande
les confacre dans l'églife de Notre Dame de C o penhague.
On n'en compte que fix en Danemarck ,
quatre en Norwège , 8c deux en lflande.
La religion luthérienne domine dans tout le
Danemarck , & dans les provinces qui en font
partie. Le roi Frédéric I l'embraffa, & fon fils
Chrétien II l'introduifit dans fes états l'an 1536.
Quoique lçs évêques aient pèu d'autorité dans
leur diocèfe , le clergé n’a pas été fans crédit durant
plufieurs règnes , 8c les eccléfiaftiques ont
eu une grande influence à la cour, par l'efprit
de dévotion qui s'étoit emparé des fouverains. On
a été trop luthérien en Danemarck, s'il rri'eft permis
de m'exprimer ainfi. Les cabales des prêtres
ont percé jufques dans1 la diftribution des principaux
emplois de l'éta t, 8c les princes font tombés
dans l'indolence , l'inaCtion , 8c les petites
pratiques qui nuifent à la fplendeur des royaumes.
Cependant on a toujours toléré, & l'on tolère
encore en Danemarck toutes les autres con>
munions chrétiennes.
S e c t i o n I Xe.
Obfervations fur les rapports & les intérêts politique&
du Danemarck.
Le premier objet de la politique du cabinet de C o penhague
eft la confervation des duchés de Slefwick
8c de Holftein, l'un, des plus beaux fleurons de cette
couronne. Des princes de la maifon de Holftein occupent
ou vont occuper bientôt, lçstrônes de Ruf-
qe 8c de Suède, & c'eft cette maifon que le Danemarck
a dépouillée de fon héritage. Quoique les
cours de Stochkolm & de Pétersbourg n'aient
pas vécu jufqu'ici en trop bonne intelligence, &
qu'il y ait entr'elles de la rivalité 8c des prétentions
fur plufieurs domaines ., les chofespeuvent
changer de face 3 l'amitié qui naît des liens du
fang, peut l'emporter un jour fur les .cabales politiques
des miniftres, &, ces deux puiffances fe
réunir en faveur des intérêts primitifs de' leurs
maifons. S'il faut parler ici le langage effrayant
de la politique, & oublier la.paix de l'Europe &
les intérêts des autres puiffances, lorsqu'on rédige
l'article de l'une d]entr'elles, le cabipet de C o penhague
doit veiller fans çeffe fur ce grand: obr
jet ; troubler , autant qu'il le peut, la bonne intelligence
entre la Ruflie & la Suède 3 fe faire de
puiffans amis & des alliés dans toute 1 Europe s
& entretenir fi bien fes forces de terre 8c de mer,
que la nation foit à l'abri de toute Crainte , &
toujours prête à une vigoureufe defenfe. Ln général
, le maintien de l'équilibre dans le JNorcl
eft d'une grande importance pour cette cour. Cet
équilibre eft formé par quatre puiffances, le Danemarck
3 la Suède, la Ru Aie & la Pr ufle. Depuis
le règne de Pierre I , la Ruflie a fait des progrès
fi confidérables, que les deux autres royaumes
du No rd , même réunis , courroient de grands
rifques, fi toutes les forces ruffes venoienta fondre
fur eux. Heureufement -la puiffance de la maifon
de Brandebourg eft telle, qu une armee pruf-
fienne, affemblée dans le voifinage des provinces
que la Ruflie a eonquifes fur la mer Baltique ,
pourroit faire diverfion , arrêter les deffeinsdela
cour de Pétersbourg, 8c maintenir les chofes dans
l ’état où elles font. „ i
Les rois de Danemarck forment des prétentions
fur la ville de Hambourg , 8c ils ont fait diverfes
tentatives pour s'en emparer à main armee. Les
titres qu'ils citent, à l'appui de ces prétentions,
paroiffent très-foibles 3 celui de la bienfeance elt
< le plus fort. La jaloufie feule maintient cette petite
république ; car les autres puiffances voifines
auroient de la peine à confentir qu elle tombât au
pouvoir du Danemarck. Le cercle de la baffe Saxe
8c même l'Empire perdroit beaucoup, fi Hambourg
appartenoit à un prince abfolu. C e A e Port
commun de l'Allemagne, & il ne fauroit etre af-
fez libre.
Le cabinet de Copenhague a conçu de nos jours
un vafte deffein } c'etoit de faire deejarer le prince
royal de Danemark* fucceffeur aii trône deSuedej
de réunir , après la mort du roi Frédéric, les
royaumes de Suède, de Danemarck 8c de Nor-
Wege , & de leur rendre la fplendeur 8c la puiffance
qu'ils àvoient du temps de 1 union de Calmar.
Nous n'examinerons pas fi l'execution de ce projet
étoit poflible, mais nous dirons que les moyens
dont on a voulu fe fervir étoient mal imagines.
On a employé la v o ie . de la négociation auprès de
tous ceux qui étoient intéreffés à le faire echouer;
c'eft-à-dire, auprès des grands : de fecrettes brigues
parmi le peuple , 8c quelques régimens danois
pour foutenirà propos les dalécarîiens révolté
s , auroient pu faire réuflir toute l'entreprife. Au
refte , on ne retrouvera peut-être plus une occa-
fion aufli favorable i & , excepté les danois, personne
en Europe ne doit peut-être le defirer.
Le Danemarck a peu de liaifons avec le Portugal
& l'Efpagrie. Ces puiffances font trop éloignées.
Lorfque l'Europe entière eft en guerre , le
Danemarck pourroit tirer quelques fubfides de
l'Efpagne. Il a préféré jufqu'ici l'argent de la
France ou de ^Angleterre. Son commerce avec ces
deux nations du midi n'eft pas non plus fort important.
Le Danemarck ne fournit àl 'Efpagne que
quelques bois & quelques poiffons fecs , vers le
temps du carême, & prend en échange des vins,
des huiles & des fruits 3 encore tire-t-il ces denrées
prefque toutes de la Hollande & de Hambourg.
Le comte de Dehn fut envoyé, il y a
quelques années , à Madrid, en qualité d’envoyé
de Danemarck 3 mais on n'a pas vu jufqu’ à pre-
fent que fa négociation ait été fort heureufe.
La France a de bien plus grands rapports avec
le Danemarck. L'une & l'autre de ces puiffances
s'intéreffent aux affaires de l'Allemagne, de la
Pologne 8c du N o rd , 8c elles, font dans un état
de négociation prefque continuelle. Il y a ordinairement
deux partis à la cour de Danemarck 5
l'un pour la France, 8c l’autre pour l'Angleterre.
Selon l'afeendant que prend l'un de ces partis ,
ou félon les circonftances dans lefquelles fe trouvent
les pays du No rd , le Danemarck eft dévoué
aux françois ou aux anglois. Au refte , la balance
penche plus ou moins du côté de l'Angleterre ,
fur-tout depuis que des mariages ont allié ces
deux maifons. Il faut, ou que les raifons politiques
prévalent manifeftement en faveur de la Franc
e , ou que fes fubfides foient infiniment plus confidérables
, ou que la négociation foit conduite
avec une fagacité merveilleufe, pour mettre le
Danemarck dans le parti françois.
Le commerce avec la France s'accroiffant tous
les jours, c'eft une raifon de plus pour engager le
Danemarck à fe ménager la bonne amitié de la
cour de Verfailles, qui peut d'ailleurs lui être
d ’une utilité infinie , contre les anglois & les hol-
Iandois qui lui contefteront tôt ou tard la liberté
du commerce dans( les Indes.
D ’après ce que nous venons de dire , on peut
juger des difpontions du Danemarck à l’égard de
l'Angleterre. La bonne intelligence entre ces deyx
cours , cimentée depuis bien des fiècles, les liens
du fang , l'appui de l'Angleterre pour maintenir
l'équilibre dans le N o rd , 8c celui de la^maifon
de Hanovre pour protéger les provinces d'Oldenbourg
8c de Delmenhorft, qui font ifolées, le
commerce réciproque qui fe fait entre les deux
nations excitent puiffamment la cour de Danemarck
à cultiver l'amitié de celle de Londres. D'ailleurs
les deux nations n'ont prefque point de prétentions
l'une à la charge de l'autre. Si quelque chôfe peut
les brouiller, ce- fera peut-être le commerce des
Indes , 8c les progrès de la navigation danoife 5-
le but des anglois étant de diminuer ou d'anéantir
le commerce maritime des autres peuples , ils
emploient toutes fortes de moyens pour cela 3 ils
ne rougiffent pas de favorifer jufqu'aux brigandages
des corfaires de Barbarie.
La Hollande a eu de temps en temps des démêlés
avec le Danemarck, pour le paffage du Sund,
pour la pêche de la baleine au Groenland , pour
celle de la morue fur les côtes de N o rw èg e , ou
pour la contrebande que les navires marchands des
Provinces-Unies faifoient fur ces mêmes côtes ,
à-peu-près comme les anglois la faifoient en Amé