
anglois maîtres,.au milieu de Ton terrritoire, de
Gibraltar, place forte, de la plus grande importance
y 30. les négocians anglois trouvent tant d'avantages
dans le commerce de contrebande, qu'ils
font fur les côtes des poffèffions efpagnoles en
Amérique, qu'ils n'y renonceront jamais, & d'un
autre c ô té , le cabinet de Madrid en fouffre trop
pour le permettre. Il entreprit la guerre de 1756
pour maintenir fon droit naturel à cet égard,
la paix de 1763 luiavoit donné fatisfaétion y mais
l’appât du gain a rendu les anglois mfra&eurs du
traité j leurs vaiiTeaux reparoiffent à tout moment
dans ces parages, & cet objet de difcorde fubfii-
tera toujours.
Les Provinces-Unies furent un ennemi dangereux
pour YEfpagne , lorfqu'elles en eurent fëcbué
le joug , & ju fq u 'à la paix de Munfter 5 mais
aujourd'hui , les deux puiffances ont un intérêt
véritable à maintenir cette bçnne harmonie, dont
leur commerce réciproque lire de fi grands avantages,
fur-toUt quand YEfpagne eft en.guerreavec
l'Angleterre, ou avec là France y & , comme la
politique des hollandois a toujours rapport à l ’ac-
croiffement ou à la confervation de leur commerc
e , il eft probable qu'ils fe détermineront avec
peine à Une rupture avec la cour de Madrid.
D'ailleurs, la fituation locale de YEfpagne & ’de
la Hollandé eft’telle, qu'elles ne fauroient fonger à
conquérir- leurs domaines mutuels, fur-tout depuis
que la Flandre efpagnole appartient à la maifon
d ’Autriche.
Le cabinet, de Madrid cherche à ménager l'amitié
du corps helvétique , non-feulement à caufe
des-troupes fuiffes qu'il eo tire, mais pour l'engager
à obferver la neutralité , torique YEfpagne
prend part aux troubles qui naiffent fi fouvent en
Italie .. :
Depuis que YEfpagne n'a plus en Italie les provinces
confidérables qu'elle y poffédoit autrefois,
les feuls intérêts qui lui reftent à y ménager, ont
rapport à l'enchaînement des affaires générales de
l’Europe & au maintien de l'équilibre. Elle doit
tâcher néanmoins de s'y former , d'y entreteniy.-
un_parti & de cultiver l’amitié de tous les,princes
& de toutes les républiques qui pourroient s'op-
pofer aux progrès, ou de la maifon d'Autriche,
ou du roi de Sardaigne , s'ils vouloient trop s'ag-
grandir. A l'égard du pape, le roi catholique doit
obferver la même politique envers le faint-fiège',
que le roi de Portugal , c’ëft- à-dire, qu’il doit
ménager fon amitié , en cherchant néanmoins à
rafierrer peu a peu les bornes de fon pouvoir en
Efpagne. C ’eft le moyen de faire fervir à davantage
de l’état une partie des trop grandes richef-
fes du clergé efpagnol 5 & f i , dans des befoins
preffans, la cour de Madrid obtient de Rome
la permiffion de lever des dîmes fur les bien-s ec-
clcfiaftiques, où d’exiger des dons gratuits des
gens d’églife , elle peut envifager ces richeffes
comme des reffources en cas de néceffité.
Tant que YEfpagne n’aura point de vüeà particulières
. fur l’Italie, les relations avec. l’Empire
ou le corps germanique feront très-foib.les >
car elle fe trouve trop éloignée de l'Allemagne,
& elle n'a de commerce qu'avec les villes
anféatiques. Aucun des princes du corps germanique
n’entretient d’ailleurs des efeadres propres à
lui donner la moindre inquiétude. Mais l'Empire-
pouvant nuire d'une, manière indire&e au- fyfteme-
politique de la cour de Madrid § ou le favorifer
par la liaifon générale des affaires de l'Europe
elle envoie ordinairement un ambaffadeur:à la diète'
d'éleélion, lorfque le trône impérial eft vacant y.
elle cherche a. y faire- placer ..un candidat qui foit
à fa bienféance j & fi elle ferme quelque projet
fur l'Italie , la maifon d'Autriche, fe préfente fur
fon chemin, & s'oppofe à fes vues. On - ne parle
pas des Pays-Bas elpagnols-, poffédés aujourd'hut
par cette même maifon.. Il ne feroit ni de la juf-
tic e , ni de l'intérêt du roi d'Efpagne , de. chercher;
à revendiquer dés provinces qu'il a cédées fi fo-
lemnellement, qui font fi éloignées & fi difficiles
à reconquérir. -Si la Pruffe continue à faire des
progrès dans fes manufactures & fa navigation ,
YEfpagne peut former avec cette puiffance des liai-
fons avantageufes , & conclure un traité/de commerce
, qui a déjà été projette : elle fe procurera
alors plus aifément les toiles de Sîléfie, les
bois & plufieurs autres marchand]fes rtéceffaires à.
fa confammation & à celle de fes colonies.
L'éloignement de la Pologne lui interdit les .relations
avec YEfpagne f cette contrée n'a d'ailleurs
ni-port de mer , ni flotte, ni commerce maritime
; il n'eft pas vraifemblable qu'un prince
A’Efpagne fonge jamais à obtenir le'. trône de ce
pays- . , v
La navigation marchande de -la Rumë eft trés-
foible, & elle ne peut avoir beaucoup de liaifons
direétes avec YEfpagne. Mais le cabinet de Pé-
tersbourg fe mêle aujourd’hui de prefque toutes
1 es . affaires ,* & il faut j dans la politique , ménager
les puiffances qui ont; des fuccès bien ou mal
fondés.
; .Quant à la Suède & au Danemarcîc, ces deux
püiffances du nord n’ont pas des forces navales
allez confidérables pour attaquer les poffèffions ef-
p'âgnoles, ou nuire à. leur navigation. Elles fe nui-
roient à elles - mêmes., & il eft de leur intérêt
d'encourager le commerce que font les négocians
danois, fuédois & norwégiens avec Y Efpagne, x
en y envoyant les produétiops du -nord. , dont les
efpagnols ne fçauroient guère fe palier. Enfuite
YEfpagne peut faire conftruire en Norwège des
vaiffeaux- pour fa marine,, & dans un befoin^élle
pourroit trouver chez ces puiffances, des efeadres,
des flottes prêtes, & même quelques fiibfiàes* Il
.convient donc au rot catholique de ménager tot^
.tes'lés puiffances qui ont des ports fur la mer Baltique.:
La fituation des affaires de l’Europe.& de l’Afi«
eft telle aujourd'hui que YEfpagne ffa rien a craindre
de la Porte ottomane ; mais elle eft prefque
toujours en guerre avec les pirates de la cote de
Barbarie > avec le roi de Maro c , &c. Comme
elle pofïède fur cette côte le Penon de Velez, Otan,
A rz ille , C euta, &c. les villes de Tun is, d Alger
& autres feroient fans doute à fa bienféance^
mais la conquête en paroît impoffible dans, l'etat
aé|uel des chofes '. les autres puiffances européennes
s'y oppoferoient le cabinet, de Madrid
fe fouviëndra long - temps du dernier debar-
quement qu'il a entrepris fur la côte d Ataer. L EJ-
pagne doit donc borner fes vues a la derenfe des
préfides d'Afrique, & clic femble avoir peu de
chofe à craindre des maures. Les pirateries des
barbarefques font peu de mal a 1 Efpagne y car les
navires etrangers apportent dans les ports a E f pagne
les marchandises de ta cote d Afrique, bc
-ils chargent-celles de YEfpagne : la navigation aux
Indes eft protégée par des vaiffeaux de guerre, contre
lefquels les barbarefques ne fe font jamais mefures
avec fuccès : ce qu'elle y trouve déplus fâcheux, c eft
l'efclavage & la mifère d'un fi grand nombre de
fes fujets qui tombent entre les mains des maures.
'Les attentats des pirates pourroient être réprimés
aifément par la puiffance efpagnole, fi elle
vouloit employer les fecours de la France y mais
n o u s avons .dit à l’article B a r b a r e s q u e s -comment
il arrive qu’on fouffre les pirateries.
Voye£ les articles N a v a r r e , M e x i q u e ,
P é r o u , . C h i l i , P a r a g u a y , P h i l i p p i n e s ,
C u b a , D o m i n g u e (St*.) * & en général les articles
particuliers des diverfes poffèffions efpagnoles.
'
E SP ION : on donne ce nom à ceux qui font
trafic des fecrets d’un gouvernement, d’ un mi-
niftre , d’un général, & c . Cette claffe d’hommes
fi.dangerèufe & fi avilie a toujours été commune :
on en trouve foûvent auprès des princes , dans les
bureaux des miniftres, parmi les officiers, des armées
, dans les cabinets dés généraux , ^dans les
villes ennemies * dms le plat pays, & même dans
les couvens. . * . .
. Il y a plufieurs fortes d’efpions y les uns s’offrent
d'eux-mêmes ; les autres fe rendent aux follicita-
tions d’un miniftre, d'un général, ou de ceux
qui font chargés d’ affaires publiques ou particulières.
La cupidité eft ordinairement le motif qui
. les détermine à accepter une pareille commiftion 5
& .fi le patriotifme a décidé quelquefois des hom-
„ mes courageux à jouer le même rôle , ces cas font
^très-rares , & ce patriotifme étoit mêlé d’ambition,
les COmbinaifons d'adreffe ou d'aftuce qu il eft ne-
ceffaire d'employer. Les details dans lefquels nous
allons entrer, font plutôt deftines aux le&eurs
fimpfes qui ne connoiffent pas les petits myfteres
des gouvernemens,. qu'aux adminiftrateurs ou aux
hommes en place. . ^
En général, on tire des lumières des efpions ,
& jamais on ne s'ouvre entièrement à eux. Dans
la même affaire, on en emploie plufieurs qui ne
fe connoiffent pas : on ne communique avec eux
qu'en fecret. On les entretient fouvent de chofes >
fur lefquelles on ne fe foucie pa d ’être éclairé.
On les fait parler beaucoup : on leur dit peu de
chofe, afin de connoître leur c a r a c t è r e le u r intelligence.
On fait efpionner les efpions, afin de favoir s'ils
ne font point doubles : cette belle expreffion A* e f-
pion double fignifie un traitre accrédité auprès des
deux partis, ce qui arrive fouvent. Lorfquè, fur
le rapport féparé de. plufieurs, on croit etre. fur
qu'ils difent la vérité, on les fait garder féparement.
Chaque prince^, chaque miniftre & chaque,
. général, veut découvrir les de.ffeins de fon ennem
i, & ils cherchent tous à avoir de bons ef-
pions.
Nous ne chercherons pas à donner ici la théorie
de l'efpionagei l'habitude des affaires apprend tout
. ce qu'on doit favoir là-deffus 5 & la circonfpec-
tion, la yéferve & la diffunulation indiquent affez.
Si c'eft pour exécuter une entreprife., on
les'mène de différens c ô té s, on les queftionne
fouvent, & l'on voit s'ils fe rapportenr dans les
faits. * -
• H y a une troifièmé forte A1 efpions, ou au moins
de gens de qui on tire des connoiffahces certaines.
C e font les gens du p ays, que leurs affaires particulières
attirent dans le camp ou dans les villes,
& les prifonniers.
Jamais on ne queftionne lès premiers : on les
entretient, & on les fait entretenir par des gens
d'efprit qui , fans montrer de curiolité, les font
affez parler pour apprendre d'eux ce qu'on veut
favoir.
On queftionne les prifqpniers , plus ou moins
durement,, félon leurs caractères y mais on a tou-*
-jours foin alors de les fépar-er l'un de l'autre. On
fe conduit avec eux avec prudence. C e n'eft que
par de longs détours qu'on découvre.ce qu'ont
veut favoir , afin qu'ils ne faffent pas attention à
ce qu'ils ont d it, & que de retour dans leur camp>
ils ne puiffent avertir leur général des projets de
l'ennemi y car le général ne manqueroit pas de
' lâcher des efpions doubles, ou des transfuges ,
pour donner des notions différentes fur ce qu’on
a voulu . pénétrer , & faire ainfi prendre de fauffes
m efu ^ ï
L t ÿ 'efpions qu'on peut avoir dans les monaftè-
res de certains pays, font les meilleurs & les plus
fûrs. L e gouvernement des confciences eft-un empire
fecret qui n'eft pénétré-de perfonne, & qui
pénètre to u t, difent les écrivains qui (traitent ces
matièr^s.^|& parmi les maux & les crimes q u o c-
cafionne 11.- guerre , celui - ci n’eft pas le moins
feandafeu^. Au refte, l'emploi de^ces fortes A1 efpions
paroît infaillible dans une place occupée par
un prince d’une différente religion, ou dans un
état qui vient de changer de maître.
O n confie l'efpionnage à des femmes 5 on k *