
l’on puiffe les indiquer ici : nous dirons feulement
en général que, communs à tous les états de l'Empire
, ils s’ étendent au fpitituel & au temporel ;
au temporel, avec les reftriétions d'hommage à
l’empereur, & de foumiffion à l’Empire ; & au
fpirituel, fans rellriétion pour les proteftsns, 8e
avec reftriftion pour .les catholiques, dont la religion
ne peut être exempte, comme on fa it, de
la fuprematie du pape. Les fujets des membres
de la diète ne peuvent les troubler dans la jouif-
fance de leurs droits de fouveraineté : toutes leurs
tentatives feroient traitées par ceux-ci de révolte
& de rébellion ; & telle efl: la liaifon établie entre
les divers états du corps germanique, que, dans
ce cas, ils doivent fe prêter réciproquement main-
forte ; l’empereur lui-même, s il en eft requis,
ne peut refufer l’ interpofition de fon autorité.
Dans toute aétion perfonnelle ou réelle, les
itats de, l'Empire difcutentleursdroits devant l’empereur
&• le confeil aulique, devant la diète ou la
chambre impériale : ce font autant de tribunaux
fuprêmes, qu’aucun de ces états n’ eft en droit de
xécufer. La jurifprudence de ces tribunaux fe tire ,
félon les matières , des loix provinciales de l’A llemagne,
de fes. loix fondamentales, de la Sainte-
Ecriture , du droit naturel,, du droit des gens ,
du droit romain, du droit canonique 8e du droit
féodal des lombards. Mais ce n’eft pas en première
inftance que d’ affaire de ces états fe porte
devant ces grands tribunaux : les principaux, d'en-
tr’eux, 8e nommément les éleéfeurs 8e les princes,
ont la prérogative de plaider d’abord pafdevant
les auftregues ; 8e ce n’eft qu’après le jugement de
ceux-ci qu’ils confentent qu’on les appelle à l’empereur,
8ec. Les prélats 8e les comtes ont la
même prérogative, quand ils ont des difcuffirins
avec leurs fupérieurs en dignité; 8e les villes en
jouiffent précairement, per modum privilégié Ce.-
farts. | .
Les états de l'Empire réclament d'autres droits
que conteftent, il eft vrai, plufieurs jurifconfultes
allemands : ils comptent parmi c eu x -là la défo-
béiffance 8e même la réfiftance qu’ ils peuvent marquer
à l’empereur , quand fes ordres 8e fes en-
treprifes fe trouvent contraires à la conftitutiori
germanique : le privilège d’entrer en guerre fé-
parée avec les puiffances étrangères, 8c de faire
la paix avec elles, fuivant les conjonftures, pourvu
que , dans#l’ un où dans 1 autre des cas, la
fureté de l’Empire foit ménagée : le droit de
former entr’eux 8e avec les étrangers, les alliances
, affociations ou unions qu’ ils veulent, pourvu
que , par ces engagemens particuliers, ils ne préjudicient
en rien aux engagemens généraux qu’ ils
ont contraftés avec l’Empire. Voye^ les articles
A llemagne 8e D iète de l’Em p ir e .
Nous croyons avoir indiqué, dans les articles
A llemagne1, D iè te , 8e dans cet article Et a t s
pE l ’E mpire , tout ce qu’ il importe de favoir fur
Je corps germanique 8e fes différentes fouverainetés,
envifagées dans leurs rapports avec le goi>
vernement général & l’efpèce de confédération
qu'elles forment entr'elles. Les articles particuliers
de chacune de ces fouverainetés offrent d'autres
détails , qui achèveront d'en donner une idée affez-
jufte : nous terminerons ce morceau par quelques
obfervations fur cette multitude d'états qui affif-
tent à la diète , ou aux affemblées des cercles de
l'Empire.
i° . Il n’y a rien dans l'antiquité qu'on puiffe
comparer aux états de J ’Empire & au corps^ germanique
* & l'hiftoire des gouvernemens n’offre
peut-être pas de phénomène plus fingulier. D a-
bord on n’a jamais vu trois cents fouyerainetes
dans un efpace auffi peu étendu , & le régime
& les combinaifons , adoptés pour cette efpece
de ligue 3 n'oht point eu de modèles 3 & n auront
point d'imitateurs.
2°. Il eût été impoffible de prévoir l’effet de
cette combinaifon politique : fi on eut dit aux
anciens politiques qui connoiffoient le mieux les
-gouvernemens : on verra un jour dans les forets
de la Germanie , une affociation de 3OQ états ,
dont quelques-uns ne feront que des villes. , ou
des domaines de deux lieues d’étendue, tandis
que d'autres princes, leurs égaux à bien des égards,
formeront des puiffances formidables : on y verra
de fimples abbes , des abbeffes , des moines, des
gentilhommes, des comtes 8e des rois : ces divers
princes fuivront des religions plus ou moins
intolérantes : les plus forts ne fubjugueront pas
les plus foibles, & la ligue fubfiftera-durant plu-
fieurs fiècles : ils n’auroient vu qu'une abfurde chimère
dans cette belle précli&ion.
30. De petites caufes fecrettes ont maintenu &
maintiennent le corps germanique ^ dans fon état
attuel 5 il feroit intéreffant, mais difficile, _de bien
développer ces caufes 3 & on decouvriroit fans
doute que la principale eft la jaloufie refpeétive
de ceux des états qui ont une forte de prépondérance.
40. Indépendamment de la loi générale qui condamne
tous les gouvernemeifs à^ des révolutions
perpétuelles, une caufe particulière de deftruélion
menace le corps germanique : cette deftrudhon
eft-elle prochaine ? On ne peut le calculer ; mais
il eft aife de voir qu'il eft arrivé à plus de la moitié
de fon exiftence, & que dans un fieclel Empire
d’Allemagne ne fera plus, ou qu ij^ offrira des
changemens de toute efpece.
r°. En réfultera-t-il des avantages pour les peuples
qui le compofent ? c'eft ce qu'on ignore. Si
les petits gouvernemens font pour l'ordinaire mieux
adminiftres , c'eft lorfque les princes ont d^ la
fimplicité , lorfqu’ils fe trouvent éloignés des potentats
faftueux 3 lorfque ce qui fe pàffe chez leurs
voifins, ne les excité pas à la dépenfe _, & lorf-
\ qu'enfin il n'y a pas dans les nations tontes ces
E T A Ë T A $ 0
Inftitutions féodales, qui livrent les fujets & leurs
propriétés à la merci du maître. Dans l'état actuel,
plufieurs princes d'Allemagne gouvernent
leurs fujets avec douceur ; ils en exigent peu d'impôts
5 la furveillance du chef réforme les abus ,
& fait des établiffemens utiles 3 mais d'autres, il
en faut convenir, accablent leurs fujets d'impôts 5
ils régiffent leurs principautés comme de jeunes
libertins régiffent leur patrimoine 5 ils cherchent
toys les moyens poffibles de fournir aux dépenfes
trop fortes de leurs petites cours, & l'Europe les
a vu- avec douleur vendre des foldats qu'ils en-
voyoient à la mort dans les champs de bataille.
6°. Y auroit-il des moyens d’éloigner la révolution
que doit fubir un jour le corps germanique ?
eft-il de l'intérêt des puiffances de l'Europe de les
chercher & de les mettre en ufa^e ? En fe fou-
mettant à l'impérieufe loi de la néceffité & de la
force , quel feroit à-peu-près le nombre d’ états
qu'il conviendroit de former en Allemagne, lorfque
Imes fottifes 3 de toujours donner des principes fur
la révolution aura lieu.
70. Quel fera, relativement à l'Europe, l'effet de
ce bouleverfement ? & l'humanité en général s'en
trouvera-t-elle mieux ?
8°. Il paroît impoffible que deux ou trois grandes
puiffances envahiffent tout-à-coup cette multitude
de principautés 3 mais ce n'eft pas ainfi que
s'opérera la révolution : ëlle fe fera peu-à-peu,
& ce travail fera fort long. Il eft douloureux de
fonger aux déprédations & aux guerres cruelles
qui en feront la fuite , & les amis des hommes
& de la paix defireront toujours qu'une fi terrible
révolution n'arrive jamais.
90. Nous avons indiqué , dans l'article particulier
des divers états de L’Empire , de quelle manière
fe font établies toutes ces fouverainetés} mais on
aimeroit à voir le tableau général de l'éreétion de
tant de principautés, & nous ne connoiffons point
d'auteur allemand qui l'ait entrepris.
io°. L ’hiftoire fecrette de la diète ne feroit pas
moins intéreffante. On defîreroit connoître par
quelle intrigue on eft toujours venu à bout de déterminer
les petits fouverains à prendre les réfo-
lutions qui convenoient aux grandes puiffances,
lorfqu'èlles délibêroient fur des affaires qui importaient
au repos & à l’équilibre du corps germanique.
i i ° . Il doit y avoir dans cette confédération
bifarreplufieurs points, fur lefquels les petits princes
font opprimés par les grands 5 mais il faûdroit.
être bien verfé dans les moindres détails du corps
germanique pour en parler d'une manière exaéte.
Nous exhorterons ici les auteurs allemands à
choifir des fujets plus utiles. Au lieu de traiter
éternellement des queftions rebattues , de répéter-
ce qu'on a dit mille fois fur les loix d'Allemagne 3.
de copier fans ceffe les mêmes erreurs & les mê-
le droit naturel, le droit politique & le droit des
gens, fans jamais remonter aux véritables principes
de la fociété & des gouvernemens 5 de toujours
dire, en un m o t, ce qui fe fait fans examiner,
fi ce qu'on fait eft bien, ne vaudroit-il pas
mieux renoncer à des théories abftraites & à de vaines
difcuffions, & éclairer chacun des fouverains
du corps germanique fur fes véritables intérêts &
fur ceux des fujets. On eft d’autant plus étonné
de cette négligence, que la plupart des fouverains
ont le droit d'imprimer ce qu'ils veulent
chez eux 3 & qu'enfin le droit naturel & les maximes
de juftice adoptées prefque par tout, autorif
. fent quiconque eft léfé à faire valoir avec décence
,& avec modération fes privilèges & fes titres.
Nous n'attendrons pas de ces difcuffions un
effet qu'elles lie peuvent avoir. Les réclamations de
quelques citoyens inftruits, de bons mémoires jettes
à propos dans le public, n'arrêteront point de grands
princes qui font armés d'une force redoutable ,
& qui avec- des troupes fans nombre finiffent par
impofer filence, & par envahir tout ce qui leur
convient. Mais on recule quelquefois l'époque de
ces ufurpations ; elles fe font d'une manière moins
brufque’ : fi on s'approprie des domaines ou deç.
états 3 il en réfulte des ftipulations plus avanta-
geufes pour les fujets : on avertit les nations étrangères
qui fe mêlent de la querelle 3 & , s’il faut
capituler, on obtient du moins quelques avantages
, & l'ufurpateur ne fe rend pas le maître 'de-
tout , félon fes caprices.
Nous ne chercherons point à examiner i c i , fi
l’échange de la Bavière feroit utile aux peuples
de cette principauté 3 fi la maifon d'Autriche ne
s'eft pas ôté le- moyen de le confommer 3 fi en
„acquérant un état voifin de fes poffeffions, & cédant
les Pays-Bas qui font éloignés, elle acqué-
reroit une. force, dangereûfe 5 mais- enfin les mémoires
fans nombre que le cabinet de Berlin & .
celui de Vienne ont publié depuis deux ou trois
ans , éclairent l'Europe & l'Allemagne : ces deux
puiffances employeront d'autres moyens, lorfque
le moment de crife fera venu 5 mais fi l'effet de ces
difcuffions polémiques fe trouve à la fin peu con-
fidérable , on reconnoîtra du moins qu'il n'a pas
été nul 3 & quand il ne produiroit d'autre bien
que de laiffer à des nations épuifées par une
guerre , le temps de fe remettre un peu en état
de combattre, ce feroit toujours quelque chofe.
Que les fouverains ne permettent pas aux écrivains
, des difcuffions trop libres fur les "avantages
& les abus des divers gouvernemens , fur la préférence
que peut mériter un régime plus ou moins
démocratique, on le conçoit : mais on ne démontrera
jamais qu’ils ont de juftes motifs de décourager
les difcuffions qui ont rapport à leur intérêt
perfonnel, & qui , fans toucher à la conftîtutiorï
I du pays , examinent ce qu'il y a de plus, utile pour